Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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War of the Worlds (La guerre des mondes)


USA / 2005

06.07.05
 








GUERRE & PAYE

« Des terroristes ?
- Non ça vient d’ailleurs.
- D’Europe ?... »


En mettant en chantier une nouvelle adaptation du célèbre roman de Wells, Steven Spielberg jugea que le contexte actuel rendait la relecture de l’oeuvre particulièrement pertinente. Il déclara même que le moment était venu de « donner un grand coup d’avertisseur ». Voila qui a de quoi surprendre quand on connaît le naturel foncièrement désengagé du Monsieur, qui estimait à l’époque de Minority Report ne pas souhaiter mêler ses convictions intimes à sa passion créatrice. L’actualité aurait elle rattrapé le doux rêveur, alors que l’impérialisme américain s’est embourbé dans le Golfe ? Du tout. Spielberg ne songe pas plus, au travers de War of the Worlds, à égratigner frontalement l’administration Bush sur le thème de l’ingérence forcenée, qu’il ne s’était aventuré récemment à brocarder le protectionnisme xénophobe latent dans lequel s’est repliée la société américaine post 11 septembre avec le pourtant providentiel The Terminal. Tout juste esquissera t-il avec cette fresque colossale une leçon pédagogique conforme au livre original, mettant en relief le caractère précieux de notre écosystème mais aussi l'importance d'y vivre en bonne harmonie avec les siens. Nous voilà donc rassurés bien que restant inévitablement sur notre faim.
Ce qui apparaît plus évident en revanche, c’est que War of the Worlds sera avant tout pour le cinéaste de tous les records un prétexte quelque peu désespéré pour rester dans une course à la démesure inflationniste typiquement hollywoodienne. Une réputation qu’il a vue ternie ces dernières années par les multiples initiatives d’une concurrence qu’il a lui-même inspirée, trop occupé à faire les yeux doux à l’Académie des Oscars. Aussi, aujourd’hui Spielberg n’aura pas d’autre choix que de déclencher une nouvelle apocalypse cinématographique pour justifier une débauche de moyens susceptible de lui permettre de faire encore bonne figure dans une compétition où il se doit d’être le leader incontesté, mais aussi où la surenchère frôle déjà ses limites. Tant pis pour le manque d’originalité du propos, le talent et la technologie feront le reste.

Sauf qu’au final, trop de motivations et d’intérêts cumulés ne sont pas idéals pour nourrir la cohésion d’un même dessein. A ce titre la dernière performance du wonderboy comportera tous les défauts symptomatiques de son cinéma des dernières années et s’apparentera plus à une compile généalogique du savoir faire du réalisateur qu’à un engagement totalement assumé et abouti. La première partie de War of the Worlds sera donc vouée à montrer que Spielberg reste probablement l’un des plus grands metteurs en scène en activité. Tour à tour suggestif et démonstratif, il déploiera un talent remarquable pour faire naître graduellement l’inquiétude au sein du quotidien de la petite bourgade où il a planté son décor, avant de provoquer une montée d’adrénaline sidérante tandis que les forces extraterrestres déchaînent leur campagne colonisatrice et destructrice. Le chef d’orchestre connaît la partition sur le bout de sa baguette, la méthode reste proche de celle de Jaws, voire de Jurassik Park. Les effets sont là, colossaux et font vaguement penser dans leur conception à quelques grosses productions récentes de l’industrie du jeu vidéo (Half Life 2 et ses tripodes urbains). L’exposition des jouets coûteux ayant fait son office, laissant le spectateur pantois, Spielberg relèguera toutefois assez rapidement le tout action en toile de fond pour emprunter un cheminement initiatique, désormais plus proche de ses obsessions que de celles du mangeur de pop corn basique jouisseur d’hystéries en vrac (1941, Raiders of the lost Ark).
Soucieux de donner un sens à ce chaos d’artificialité qu’il aura déclenché, le réalisateur brandira son Graal fétiche en mettant une fois de plus l’adversité au service de la famille, fil rouge officiel de cette empoignade interplanétaire. Une famille qu’il présente dés le début comme désunie. Un père démissionnaire et irresponsable (figure récurrente chez Spielberg), des enfants plutôt ingrats et une épouse déjà recasée. Bref il y a du boulot pour réconcilier le foyer éclaté. Mais l’extrême de la situation change les habitudes quand l’instinct de survie rapproche les êtres. Sur ce postulat, il semble raisonnablement évident d’aboutir à un succès probant ( plus qu’avec un séjour calculé à Disneyland en période de garde parentale) alors que débute une longue errance dans une Amérique ravagée. Le no man’s land n’est pas sans évoquer la campagne française de Saving Private Ryan post débarquement et ses pertes de repères ou le Japon post Hiroshima de Empire of the Sun. Le chemin de croix réserve nombre d’images traumatisantes dont la teneur renvoie à l’holocauste (train en flammes, fleuves charriant des corps…) à juste titre puisqu’on assiste bien ici à un génocide humain. Curieusement les événements glissent sur les protagonistes pourtant fortement éprouvés et rapidement il devient évident que la disparition de notre civilisation n’y changera rien : Les Ferrier demeureront imperméables à toute solidarité affective dans leur fuite éperdue au risque de priver l’intrigue d’une bonne part de son potentiel d’empathie. La fin se fait cependant pressante et Spielberg choisit de précipiter un peu les choses, quitte à sauter des étapes. L’action se confine alors au sein d’un huis clos, une cave où se réfugient les rescapés (Cruise et Fanning, le fiston étant parti vivre sa vie de son côté). Accalmie, la menace reste présente, encore que les extraterrestres nous gratifient d’une visite touristique bon esprit qui manque de se solder par un rodéo à deux roues sous la lune (une obsession gaguesque de E.T. ?). Rires dans la salle. Difficile alors d'expliquer, après autant d’aléas tragiques sans réels impacts comportementaux et alors que la tension chute, cet affrontement incohérent qui opposera en un dénouement fatal Cruise, la figure paternelle improvisée au personnage tardivement introduit de Robbins, le co-locataire d’infortune aux véléités résistantes. Trop maladroitement amenée pour être excusable ou simplement appréhendable, la gravité de l’acte à la morale douteuse, soigneusement filmé hors champ rendra définitivement antipathique le père réhabilité en héros mais le gratifiera d’un happy end particulièrement mielleux et honteusement expédié qui prêtera plus à sourire qu’à déverser des torrents de larmes compassionnelles. Une fin éminemment décevante qui ne justifie certainement pas les moyens engagés.

Il fut un temps utopique, que l’on regrettera, où les pères de famille prenaient la tangente en soucoupe volante, laissant leur progéniture se débrouiller. Spielberg avouera ne plus être capable de filmer ce type de comportement irresponsable. Sa maturité présumée de tuteur protecteur ne nous fait pourtant pas gagner au change, pas plus qu'elle ne remplace son absence frappante d'engagement politique ou philosophique. La fidélité au texte de Wells générant les meilleurs passages de cette nouvelle Guerres des Mondes, la déduction voudrait qu’une adaptation littérale de l’oeuvre eusse au moins permis au prodige californien de donner la libre mesure de son talent sans avoir à s’égarer sur des pistes confuses au conformisme rebutant.
 
PETSSSsss

 
 
 
 

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