Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Brice de Nice


France / 2005

06.04.05
 



BRICE CRISSE PISSE





"- Je te fascine, hein? Viens on va parler de moi!"

Adapté d'un personnage qui aurait pu faire le bonheur de la télévision en format sketches, et qui fut surtout diffusé sur le web, ce film-comédie-concept s'adresse à deux populations : les adolescents et les trentenaires. Mâles de préférence : le film est un brin "miso" ne s'attardant que sur des "filles physiquement intelligentes", avec leur joli cul en premier plan. Seul risque : qu'aucune des deux cibles ne soient pleinement satisfaites. Les premiers, parce que Jean Dujardin n'est pas Michael Youn. Il apporte un peu de subtilité, c'est à dire une candeur pathétique à son personnage, indéfendable. Là où Youn l'aurait dynamité en le ridiculisant. Dujardin se mue en Brice de Nice quand Iznogoud se transforme en Michael Youn. Les seconds, parce que la plupart des gags ne seront qu'une forme de remake invoquant Les Nuls, Peter Sellers (The Party), ou les Frères Farrelly et leur amour pour les "adulescents" névrosés, extrêmes, irréels. Sans oublier Les Inconnus. Ce "salut, ça farte?" nous rappelle, intonation comprise, le "salut, ça va?" dans la chanson Neuilly Auteuil Passy. Le Rap Tout n'est pas loin non plus avec ce Casse de Brice, remixé disco et parodique. La référence est claire. Nous sommes dans le registre du comique absurde et pastiche.
Après tout, Dujardin le valait bien. Héros de vignette télé pour beaufs, il est, à l'instar des Inconnus, des Nuls et autres Robins des Bois, un de ces comédiens qui a pu exister par le petit écran, tout en n'oubliant pas son moteur d'origine : le jeu. Il faut le distinguer des autres comiques TV qui font du cinéma parce que c'est cool et ça rend célèbre (généralement des stars de One Man Show à la base). L'acteur est le fil conducteur de tout le film. Il le porte sur ses épaules. Film bancal mais divertissant, le scénario, hélas, ne va pas jusqu'au bout du délire, et manque de relief.

Brice de Nice est en fait un assemblage de deux films : la présentation d'un personnage farfelu, ado oisif un peu ringard et souhaitant se faire aimer (en finançant des soirées, en devenant le champion de la vanne). Son état psychologique est fascinant. Monomaniaque, avec une seule tenue vestimentaire, se considérant presque comme une marque de consommation, ce Brice nous les briserait menues s'il n'y avait pas une forme de vérité dans toute cette méchanceté. Solitude inavouée, associal dans le sens non intégrable dans la société, il se fout des gens, les retraités de la côte comme les jeunes frimeurs méridionaux. Le langage anglicisé devient une forme de tic pitoyable. Et toutes ses fixations ne sont là que pour compenser un ennui réel. La société de loisirs a ses limites. Sans travail, Brice est condamné au vide existentiel. Monochrome qui plus est : du jaune partout, un Pikatchu limite analphabète, qui en est à dessiner l'Australie ou la Nouvelle Zélande la nuit, en pensant à une jolie Sirène (grosse vague métaphorique de circonstance). "Un con" dixit son père. Du coup, sa vie est "douce, calme, pas une ride", à l'image de sa mer, en l'absence d'une mère.
Tout l'enjeu aurait pu être dans la recherche de l'Autre. On s'imaginait une femme pour le sortir de son narcissisme. Mais voilà, son plan cul idéal c'est juste mater Point Break (le film) car "Tout est dans Point Break" (et réciproquement), "le mec quand il voit ça il devient bilingue en surf." Il en est encore à la branle plus qu'à la baise. Le grand amour ne peut donc être que son clone, s'il était homo, mais ce serait évidemment trop la honte, ou une fille à son image (la sirène ayant les traits d'Alexandra Lamy, on ne sort pas d'Un gars une fille, une seule possibilité). Cette phobie de l'autre, assez flippante, conduit à l'arrivée du meilleur pote, un mec forcément aussi ringard, aussi crétin, aussi touchant. C'est alors l'arrivée de Clovis Cornillac, hilarant. Le délire devient énorme. Pendant un bref moment. Car là commence toute l'ambition du film, celle de sortir de son portrait pour raconter une histoire. Et c'est aussi là qu'il échoue. Il y avait ici un tandem formidable : deux mecs exclus de la masse, complexés (physiquement ou socialement), fatalement blessés par leurs désillusions. Mais les querelles d'ados ont leurs limites et les apports (une cow girl sans blues incarnée par Elodie Bouchez, un méchant forcément brun interprété par Bruno Salomone) ne dessinent pas une troisième dimension à cette comédie qui se repose trop sur des personnages fantasques, mais trop linéaires.

Cette candeur permanente, qui fait à peine bouger d'un iota les comportements des uns et des autres, nous inciterait à penser qu'on ne change pas, malgré l'amitié, l'expérience, la confrontation au réel. Certes Cornillac trouvera chaussure à son pieds, et Dujardin son Alice de Nice. Calice! Cassez vous le nez à vos rêves, et... vous saignez. C'est tout. En fait, depuis qu'ils ont quitté Nice pour Biarritz, le film a perdu de son élan. Il a fallu une tonne d'absurde pour maintenir ce Brice à flots. Malgré tous ces Ogor d'Hossegor, Marius de Fréjus, Arnaud de Lacarnau, Babacar de Dakar, Loïc du Croisic, Mikos de Mykenos et autres Gladys, Cyndy, Kevin... le scénario manque de densité et d'intérêt, ne sachant pas glisser sur cette grosse vague niçoise et passant à côté de ce championnat de surf (même pas filmé). L'attitude ne suffit pas, et tout cela devient juste de l'argument marketing. On est assez proche de Podium finalement. La description d'un marginal mal dans sa peau, se glissant dans celle d'un autre, illusoire, quitte à ne plus être connecté à la réalité. Cela fait rire, cela enchante, mais on déchante vite une fois le verni écaillé. Mais le film d'Yann Moix possédait une sensibilité (grâce au personnage de Julie Depardieu) que celui de James Huth évite consciemment. Distraits, nous regardons le délire s'épuiser de lui-même.
Ce désenchantement intervient par à coups, après un numéro musical, la plupart du temps. James Huth, cinéaste du culte Serial Lover, amène sa culture anglo-saxonne , son amour pour les désaxés (qu'il ne juge jamais) et les situations déviantes. Il réussit une passe de trois avec un bel enchaînement cinématographique entre les cuisines d'un hôtel, transformée en mer de mousse, et un casse dans une banque, muée en boîte de nuit. Casse pour le spécialiste de la casse. Manuel de vannes inclus. La fantaisie est alors à son comble, un vrai plaisir. Mais il reste encore une petite heure à combler! Et on va ramer...
Certes, le mythe hollywoodien est assimilé plutôt que plagier. Nous ne sommes pas dans la comédie décalée trash fantasmant sur la série B made in USA (type Narco ou Atomik Circus). Brice de Nice aurait juste aimé être dans Point Break. Au point de se fermer sur le générique du film de Bigelow. L'océan Pacifique ou Atlantique est trop grand pour lui. Comme le cinéma l'est sans doute un peu. Le constat est lucide : "Je suis qu'une merde. Chacun sa mer." Mais c'est toujours mieux, bien mieux, qu'une BD comique métamorphosée en péplum tragique. Il suffit de comparer Brice et son Casse version danse (chorégraphie de groupe nickel) avec Izno et Pretty Woman version "raï" (gros plans sans ampleur) pour noter la qualité intime du projet de Dujardin : la générosité à l'égard de son anti-héros burlesque et non l'égoïsme d'un trublion grotesque à se croire star à la place du personnage. Du coup, le moment est plaisant. Du riz soufflé : ludique, croquant et rempli d'air.
 
vincy

 
 
 
 

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