Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les 400 coups (Les quatre cents coups)


France / 1959

03.06.59
 



LEAUD THE FIRST





"- Ah quelle année, quelle classe! J'en ai connu des crétins, mais ils étaient discrets!"

Quelques décennies plus tard, le premier long métrage de François Truffaut conserve tout son charme et une certaine fraîcheur - malgré un son strident qui gâche un peu l'image magnifiquement restaurée. Indéniablement, il s'agit d'un film qui dépasse la simple chronique d'un gamin turbulent. Car Truffaut, subtilement, distille ce souffle qui bouleversera le cinéma qu'il critiquait vivement. Pas besoin de reconstituer l'époque, car notre nostalgie actuelle omet la souffrance des générations d'alors. Dans ce Paris "prolo" à la Doisneau, entre la Place Clichy et Montmartre, la rue des Martyrs et les grands boulevards, le cinéaste se livre, se libère et délivre un message. Car le petit Antoine a des excuses (son résumé psychologique en ferait un bon client de divan) et des rêves (le cinéma, les filles, la mer). A ce propos humaniste pardonnant toutes les bêtises (qui donnent une atmosphère légère à ce film dramatique), contraste le cadre sociétal, plutôt étouffant : famille, école, justice... Car si l'on constate la délinquance des actes, on observe que l'autorité, vaniteuse, n'est pas forcément la meilleure réponse.
En cela Les 400 coups trouve toujours un écho aujourd'hui. A ceux qui doutent encore des méfaits de la pure répression, voici un arsenal d'arguments. Le maître d'école, le père, la mère, le juge, tous abîment l'enfance et abusent de leur pouvoir. On ne regrette pas cette époque liberticide. Mais Truffaut, surtout, anticipe avec une prémonition rare, les événements de 68 ("Qu'est ce que sera cette France dans 10 ans?"). En un film, il casse un cinéma trop sage (celui des années 50) et annonce les aspirations d'une génération grandissante (celle des années 60). Le lien est évident et démontre l'envie de changement.
Au milieu de ces canailles, à travers tous ces larcins, Truffaut installe aussi son cinéma : deux garçons et une fille se promènent dans un parc et l'on pense à Jules et Jim. Il faut dire que ces 400 coups ne sont que le premier épisode des aventures d'Antoine Doinel, miroir intime de la vie du cinéaste. Doinel est son double. En le filmant enfant, il s'offre sa naissance, ses origines, ses racines de cinéma. Il va voler une machine à écrire (avant de voler des baisers), il va brûler le domicile conjugal, il va fuir l'amour de sa mère. Il trouve ainsi en Jean-Pierre Léaud son parfait alter-ego. Au delà de la ressemblance physique, l'air buté et farouche, souriant et charment, le jeune acteur transperce l'écran. Quand il annonce au proviseur le décès (mensonger) de sa mère, il rappelle la folie de Jean-Louis Barrault dans Drôle de drame avec un simple mais saisissant : "Elle est morte!" Son charisme nous pousse, naturellement, à voulor l'accompagner jusqu'au bout, sans le juger (et c'est là toute la réussite du film : nous rendre compatissant).
Truffaut se donne naissance et en un film, il touche ce qui fera son cinéma : un mélange détonnant de gravité et de sensibilité, des traits d'humour et une légère érotisation. Il n'y a rien de naïf. Les enfants sont même trop matures pour leur âge. Quand on les voit mater Guignol, il s'attarde sur leurs visages, stupéfaits, tremblants, éclatants entre rires et peurs. Dans ces séquences muettes, la vie dépasse la comédie, les expressions d'un gosse sont plus impressionnantes qu'un dialogue scénarisé. Il y passe un murmure dramatique. Mais surtout ils rient de l'autorité, de ce flic qui se fait tabasser par Guignol. La morale du plus fort n'est pas sauve, et les enfants ne s'y trompent pas.
Car ces 400 coups ce n'est rien d'autre qu'un immense hymne à la liberté, de libération en fugue, d'évasion en course, d'école buissonnière en promenades nocturnes. Loin d'être à bout de souffle justement, le petit Doinel étouffe ses soupires et respire à pleins poumons, en quête d'un nouvel horizon, plus grand que la réalité. Cela rend le message universel, atemporel. Un film en apparence simple, en profondeur beau, qui finit par nous emporter dans ce tourbillon de la vie. Celle de Truffaut aura commencé avec ces quatre jeudis pour se finir un dimanche, entre deux films en noir et blanc.
 
vincy

 
 
 
 

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