FILMOGRAPHIE

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BELLE DE JOUR
Et Bunuel créa le mythe...
 



Sortie France le 23 mai 1967
Festival de Venise 1967 - Lion d'or

Production : Titti Films.
Réalisation : Luis Bunuel
Scénario : Luis Bunuel, Jean-Claude Carrère
d'après le roman de Joseph Kessel
Photo : Sacha Vierny
Montage : Louisette Hautecoeur (101 minutes)

Casting:
Catherine Deneuve (Séverine Serizi)
Jean Sorel (Pierre Serizi)
Michel Piccoli (Henri Husson)
Geneviève Page (Madame Anaïs)
et aussi Françoise Fabian, Pierre Clémenti, Macha Méril...


HISTOIRE

Séverine est une femme très belle, mariée à Pierre, un médecin. Sa vie l'ennuie. Elle adore son mari mais ne parvient pas à satisfaire une vie sexuelle normale. En se prostituant dans une maison de bonne réputation, elle espère entraîner un déclic. Frigide chez elle, elle se plie aux désirs d'inconnus au bordel.
Jusqu'au moment où un jeune voyou tombe amoureux d'elle...


CRITIQUE

LA BOURGEOISE ET LA PUTAIN

Ce chef d'oeuvre absolu de Luis Bunuel jouit de sa qualité artistique indémodable, de son propos psychologique intemporel, et bien évidemment, de son actrice, éternelle. Si Demy l'a révélée, c'est Bunûel qui la sacrera à l'autel des mythes du septième art, avec ce film. Deneuve est Belle de Jour. De là, naîtra son aura internationale, mais aussi son amitié avec celui qui dessina les costumes, Yves Saint-Laurent. Le film a beau vieillir, son esthétisme ne prend aucune ride.
Bunuel fouille l'inconscient et le transcrit dans la réalité, illustre les fantasmes de la Belle, et raconte ceux des messieurs. Son héroïne est à la fois maître de son destin, et maîtresse soumise aux vices des autres. Il n'ya rien de manicchéen, car il ne fait que démontrer l'inexplicabilité de la sexualité. Avec un sens subtil du bon goût, le cinéaste espagnol parvient à nous exhiber des perversions qu'il ne juge jamais, mais qui accentuent le surréalisme du film.
Dans cette histoire où la bourgeoise frigide s'amourache d'un métier de bordel et d'un ganster à la petite semaine, rien ne se superpose ou se suit, tout se confond. Comme un songe torturé où le sexe se mêle à l'illusion, où la réalité se transfigure dans une double vie, où chaque miroir renvoie l'image du voyeurisme et de l'exhibitionnisme, où le personnage principal reflète l'anti-thèse de ce que défendait à l'époque De Beauvoir, mais l'exacte théorie de ce que vivait la compagne de Sartre.
La beauté divinatoire de cette oeuvre vénérée à travers les âges prend sa source dans un propos construit et concis, essentiellement visuel, scénarisé sans fioritures, une sorte de haute couture de précision. Les personnages, troubles, qui tournent autour de Deneuve - Piccoli, Page, Fabian... - reflètent chacune des interrogation existentielle et trace la frontière avec ses propres tabous et interdits. La morale n'a pas lieu d'être ici. Le film n'est pas corrompu par un discours poiltique, à peine social. Seuls les moeurs et l'expérience vécue comptent. Loin de la répulsion que cette pûte à temps partiel pourrait nous infliger, il y a une attirance vertigineuse, fatale, à suivre cette blonde mythologique, diaphane, hitchcockienne, dans sa spirale infernale vers ses propres désirs. A défaut de plaisir. Il y a un goût amer dans cette liberté, ce qui facilitera le retour vers un monde connu, de sentiments, d'argent, de réconfort, et de pardon. Car la fin est évidemment mystique, surnaturelle, et accroît l'aspect irréel de Belle de jour. Rien ne semble plausible, tout paraît crédible. On se noie dans des digressions où la domination nous violente. On se réfugie dans les amours qui lui font tourner la tête et nous remettent les pieds sur terre. La pudeur est extrême, le malaise imperceptible.
Bunuel réussit à composer un puzzle où puiseront nombre de cinéastes pour éclater leur narration et mieux fusionner le langage irrationnel du cinéma avec les logiques individuelles d'un personnage. Un portrait presqu'inégalable qui en dit bien plus sur rouages, les blocages et les engrenages de la psychologie d'une femme que de nombreux films bavards ou livres savants. Ou comment annoncer avec des années d'avance, et une véritable audace, la décadence de notre civilisation paresseuse et matérialiste, qui cherche sa voie en regardant par un oeil de boeuf, ou un trou de serrure.

(Vincy)



BUZZ
Non content d'obtenir le prestigieux Lion d'Or au Festival de Venise, Belle de Jour a récolté le prix du meilleur film de la critique française, et unenomination de la meilleure actrice pour Deneuve aux British Awards.
Le film fut surtout un énorme succès public. En 67, il attira 2 300 000 voyeurs dans les salles françaises. En 96, lors de sa re-sortie aux USA, le film récolta près de 6 millions de $, grâce au haut-patronnage de Scorsese.
Le chef d'oeuvre a scellé à jamais la fusion de plusieurs styles : Bunuel, qui ne fut jamais aussi "populaire", Deneuve, qui devint cette image glacée, blonde, distante, et Saint-Laurent, haut couturer génial, qui installa sa conception du chic dans tous les esprits. Lynch s'en inspira d'ailleurs dans certains de ses films.
Le film est masochiste, élégant, et prend ses racines dans la Nouvelle Vague française (notamment avec ses acteurs). Après avoir tourné avec Moreau, Bunuel impose Deneuve à ses producteurs. Eux voulaient la glamour-populaire Michèle Mercier. Il retournera avec Catherine D. dans Tristana. L'actrice revendiquera cette collaboration parmi les cinq qui ont marqué sa vie...
Le film a pour base le roman de l'académicien Joseph Kessel, qui écrivit aussi Les Captifs, La passante du Sans-souci, Les Amants du Tage...
Quant à YSL, l'autre grand créateur du film, il avait déjà créé des costumes (pour Sophia Loren dans Arabesques par exemple), mais Deneuve devînt sa meilleure amabssadrice, au point de symboliser son égérie au moment de sa retraite.

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