Production: Sputnik Oy / Yle TV-1 / Eila Werning
Réalisation: Aki Kaurismäki
Scénario: Aki Kaurismäki
Montage: Timo Linnasalo
Photo: Timo Salminen
Décors: Markku Pätilä, Jukka Salmi

Son: Jouko Lumme, Tero Malmberg

Musique: Poutahaukat ...
Durée: 97 mn

Markku Peltola: M
Kati Outinen: Irma
Juhani Niemelä: Nieminen
Kaija Pakarinen: Kaisa Nieminen
Sakari Kuosmanen: Anttila
Mary Lynn Rajskub: Elisabeth
Festivalcannes.org

Site du distributeur
Site consacré à Aki Kaurismäki
 

 

L'homme sans passé

Finlande / 2002 / Sortie en France le 6 novembre 02
Compétition/ Présenté le : 22.05.02

Grand Prix du Jury, Prix d'interprétation féminine

Un ouvrier soudeur débarque dans la grande ville d’Helsinski dans l’espoir de décrocher un job. Ses plans de carrière se trouvent compromis quand au détour d’un square, il croise trois malfrats qui lui font sa fête, le laissant inconscient et dans un sale état. Miraculé, il se réveille sans aucun souvenir de son identité.

Prix spécial du jury en 96 avec Au loin s’en vont les nuages, le finlandais Aki Kaurismäki s’offre pour 2002 une double participation cannoise. Il a en effet réalisé un des segments de 10 minutes older - présenté dans la sélection Un certain regard ­ pour lequel il a engagé les deux mêmes acteurs principaux de L’homme sans passé, Markku Peltola et Kati Outinen. Car Kaurismäki est un homme fidèle ; jusqu’à ses personnages animaliers. La petite chienne Tähti, présente dans le film, est en effet issue d’une lignée canine qui participe à ses projets depuis trois générations.
Avec L’homme sans passé, Kaurismäki a souhaité revenir à un cinéma plus attractif, voire commercial, ses derniers films tendant vers l’épuration extrême (noir et blanc, absence de sonŠ). Le film n’a pas rencontré un succès considérable dans son pays d’origine, dont le circuit d’exploitation est de toute façon limité. En revanche il bénéficie d’un statut d’auteur culte à l’étranger qui lui permet d’espérer que sa nouvelle ¦uvre, plus accessible, trouvera à un accueil satisfaisant à l’export.

 

L'INNE ET L'AKI

"Ah, il parle !
- Oui je sais, je ne savais pas quoi dire avant"

En traitant de l’amnésie, c’est à notre propre mémoire sélective que Kaurismäki nous renvoie. Cette fâcheuse tendance que nous avons à faire abstraction de ceux qui ne brillent pas, les laissés pour compte, les oubliés de la réussite sociale. En perdant son identité, le rebaptisé M quitte essentiellement la place qui était la sienne dans le système. Car loin d’être réduit à l’état de légume désoeuvré mais en pleine possession de ses moyens, il se retrouve déshinibé, libéré du carcant des conventions de sa vie antérieure. Une existence qui l’empêchait de concrétiser certains rêves auxquels il aspirait sans même le savoir peut-être (comme s’improviser directeur artistique d’un groupe de rockŠ). Aussi, le drame passé, c’est très vite à une renaissance que nous assistons, loin de l’individualisme matérialiste, mais proche d’une chaleur humaine retrouvée dans la solidarité et la compréhension mutuelle de la nouvelle famille d’infortune qui l’entoure bientôt.
Le metteur en scène finlandais se garde bien de développer son histoire avec un trop grand soucis de réalisme et désamorce la charge dramatique que pourrait laisser sous entendre l’incident du départ. Fable avant tout, le film dégage une force comique certaine dans la satire. Pétris de bon sens et plutôt portés sur un humour pince rire, les problèmes de communication que rencontrent les protagonistes dés lors que leurs milieux respectifs les différencient ou que l’institution qu’ils incarnent présente des vices de fonctionnement débouche sur autant de situations cocasses susceptibles de déclencher l’hilarité. Et les failles sont nombreuses selon Kaurismäki. De la police ségrégationniste, aux banques en faillite, de la justice assommante à l’aide sociale inadaptée, le réalisateur se livre à un constat sombre mais non désespéré.

Humaniste convaincu, le réalisateur semble nourrir une foi dans la capacité de l’être humain à s’entraider, à trouver des solutions au-delà de l’environnement inadapté qu’il s’est créé. Oscillant entre amertume et dérision, Kaurismäki nous offre une ¦uvre dynamique et accessible, à la réalisation inventive. Une ode à la dignité humaine qui touche sa cible grâce à sa sincérité.

  (C)Ecran Noir 1996-2002