- Béatrice Dalle sur EN
 
 

(C) 96-01 Ecran Noir

Trouble every day
France
Sélection officielle (hors compétition)
Projection: 13 Mai 2001
Sortie en salle : 11 juillet 2001

Réalisation : Claire Denis
(Chocolat, S’en fout la mort, J’ai pas sommeil, Beau Travail)
Scénario : Claire Denis et Jean-Paul Fargeau
Production : Georges Benayoun, Jean-Michel Rey, Philippe Liégeois
Photo : Françoise Huguier
Son : Jean-Louis Ughetto
Montage : Nelly Quettier et Christophe Winding
Musique : Tindersticks
(100 minutes)
Vincent Gallo : Shane
Tricia Vessey : June
Béatrice Dalle : Coré
Alex Descas : Léo
Florence Loiret-Caille : Christelle
José Garcia : Choart
Aurore Clément : Jeanne
 
Coré et Shane sont des êtres à part. Leur vie est régie par une soif inassouvible de chair et de sexe qui les pousse à se transformer en de véritables ogres modernes. Les corps des victimes s'entassent pour l'un, le manque se fait plus cruellement sentir pour l'autre qui tente de se résoudre à l'abstinence. Le salut des deux semble en tout cas de plus en plus incertain…
 
 
Présenté à Cannes, dans la sélection officielle, hors compétition, Trouble Every Day était précédé sur la Croisette par un souffle sulfureux. Le film serait d’une grande violence, disait-on. C’est pourquoi le film a été projeté à minuit, et a provoqué un certain scandale.

Dans ce film, elle retrouve Béatrice Dalle, qui jouait dans "J’ai pas Sommeil ", Vincent Gallo, déjà présent dans "Nénette et Boni ", et Alex Descas, qui avait tourné avec elle dans "s’en fout la mort ".

Claire Denis a déjà été présente à Cannes, il y a treize ans, avec " Chocolat " et il y a sept ans avec " J’ai pas sommeil ".

Béatrice Dalle a déclaré à plusieurs reprises ne pas être sortie indemne du tournage.

Décidément fidèle, Claire Denis a fait appel aux Tindersticks pour composer et interpréter la bande originale de son nouveau film. Le groupe avait déjà écrit la musique de " Nénette et Boni ". La musique a été inspirée de Bernard Hermann et elle fait la part belle aux violons. Le groupe vient également de sortir son cinquième album, " Can our Love... ", et prépare une grande tournée européenne qui débutera en octobre.

 
AMOURS ORGANIQUES

" J’veux plus attendre, j’veux mourir ! "

Trouble every day est un film charnel à tous les sens du terme. Chairs sensuelles qui sucitent le désir, le phantasme, chairs sanglantes, humeurs visqueuses qui nous renvoient à l'anatomie du corps dans sa fonctionalité primaire et naturelle. Claire Denis autopsie l'enveloppe, mais aussi l'être partagé entre la raison et la bestialité instinctive. Loin de nous composer un film clinique comme sait si bien le faire Cronenberg, la réalisatrice nous livre une fable étrangement formattée dans la moule du film gore ( à l'origine le film était prévu pour une commande s'inscrivant dans une série d'épouvante ), ces films qui puisent eux même dans le folklore du grand guignol théâtral et du conte destinés à nous terroriser en nous confrontant aux craintes et aux questions les plus profondes de notre identité. Le genre convenu permet certainement à Claire Denis de s'affranchir d'une dose de justifications pour ne se consacrer qu'à ce qui la travaille réellement, la bête humaine. L'ensemble est plutôt réussi, certains raccourcis se heurtent pourtant à la position auteurisante de la réalisatrice. Mais l'histoire tourne de toute façon en roue libre, l'essentiel n'est pas dans le traité rationnel de la narration, mais réside plus dans ce que le film offre à nos sens, une démarche un peu semblable à celle de Laetitia Masson, notamment sur son dernier Love me. Claire Denis aime les corps, elle les explore avec une rare sincérité, ne négligeant pas même leurs imperfections. Elle nous offre en occurrence deux pièces de choix. Deux acteurs aussi imprévisibles qu'indomptables. Deux fauves, bénéficiant d'un carrure propre à nous emporter jusqu'à l'extrème de l'indicible.
Béatrice Dalle qui nous rappelle ici, qu'au delà de son parcours sinueux fait de coups de cœur et certainement pas de plans de carrière, elle est une de nos actrices les plus importantes aujourd'hui. Elle ne se livre pas facilement mais le fait sans compter. Ici, dans la peau de Coré, elle est tout simplement sublime. Louve à la fois carnassière, séductrice et maternelle dans sa générosité elle hante littéralement les scènes qu'elle traverse. Actrice définitivement de présence, le genre qui s'adapte difficilement aux commandes, mais qui ne laisse pas franchement de concurrence lorsqu'elle trouve un rôle à sa mesure.
Et puis il y a Gallo, Vincent… L'écorché de service, à l'itinéraire finalement voisin de celui de sa partenaire de tête d'affiche. Le genre inspiré trop emmerdant, qui fait fuir bon nombre de réalisateurs sinon les plus barrés. Le type entêté, qui finit par se faire tourner lui même dans son singulier Buffalo 66. Le regard halluciné, il trouve sa place naturellement ici en monstre désespéré transpirant la sensualité et rongé par sa frustration. Personnage extrème pour acteur atypique, son interprétation de Shane, c'est toute la tension du calme avant la tempête.

Un film d'affamés donc et quoi de plus évident à filmer que le désir pour combler l'insatisfaction des conventions. Claire Denis n'a pas renoncé à son travail de recherche cinématographique. Il n'y a pas une volonté de maitrise formelle dans ce conte cruel, il y a en tout cas une vision puissante de l'amour qui se consume à l'écran. Âmes sensibles s'abstenir...

PETSSSsss-