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   spécial Cannes
 
 
 
Production : Blind Bard Pictures
Réalisation : Joel Coen
Scénario et dialogues : Ethan Coen
Image : Roger Deakins
Montage : Roderock Jaynes, Tricia Cooke
Durée : 1 heure 42

Interprétation:
George Clooney (Everett Ulysses McGill)
John Turturro (Pete)
Tim Blake Nelson (Delmar)
Et Charles During, John Goodman, Holly Hunter.

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 O Brother where art thou ?
2000 / Etats-Unis / Sélection officielle / Compétition / présenté le samedi 13 mai
 
Le Mississipi, pendant la Grande Dépression : trois prisonniers s'évadent du bagne, bien décidés à retrouver leur liberté et leur maison. Toujours enchaînés, Everett Ulysse, Delmar et Pete s'embarquent dans un long voyage semé d'embûches, avec le redoutable Cooley sur leurs traces. Une "Odyssée " moderne, qui ne sera pas de tout repos... d'autant que Penny, elle, n'attend pas.
 
 
Les frères Coen sont devenus de grands habitués de la Croisette, depuis 1987 et "Arizona Junior " (avec Holly Hunter bien avant La Leçon de Piano). 1991 fut l'année de leur triomphe avec un Prix de la mise en scène, un Prix d'interprétation et la Palme d'Or, le tout pour "Barton Fink ", porté par John Turturro (déjà). Après le "Grand Saut " en 1994, les frères Coen renouent avec les récompenses: "Fargo ", présenté en 1996, repart avec un nouveau Prix de la mise en scène.

Cette année pourrait bien les voir une encore une fois salués par le Jury, avec cette Odyssée contemporaine, complètement loufoque et à moitié comédie musicale. Le film dispose en plus d'un atout de grand charme en la personne de George Clooney, qui rejoint les classiques du groupe, John Turturro, John Goodman (The Big Lebowsky) ou Holly Hunter. Et même si ce n'est pas lui qui chante (la grande majorité des acteurs sont doublés pour les parties musicales), on se réjouit de le voir poursuivre une carrière récemment orientée vers des films plus indépendants, plus risqués pour l'image du Dr Ross. Après le palmé Soderbergh, David Russell ou encore Batman, Clooney s'aventure dans le burlesque, avec un air de Gable.

Le titre du film, en vieil anglais, est un hommage aux "Voyages de Sullivan " (1942) de Preston Sturges, dans lequel Joel McCrea partait sur les routes pour réaliser un film intitulé "O Brother, Where are Thou ? " (Oh Frère, où es-tu?). Cette fois, c'est un trio de choc, qui plus est enchaîné, qui part à la rencontre de personnages excentriques et ploucs. Situé dans les années 30, le film est l'un des plus chers que les frères Coen ait réalisés, non sans raison. Outre les reconstitutions du film, l'image est entièrement retravaillée par ordinateur, pour obtenir une couleur sépia, proche des vieilles photos colorées à la main.

Surtout, ils ont basé leur récit sur la fameuse Odyéssée d'Homère, le poète et romancier grec, à qui l'on doit un autre best seller : La Guerre de Troie. Avec des épisodes aussi connus que le cyclope et les sirènes, les Coen avait une histoire en or pour la cavalcade de ces pieds nickelés.
Entre couleur vieillotte et comédie musicale country, le dernier film des frères Coen promet d'être aussi délirant que les précédents. Bonne humeur assurée sur la Croisette !

 
PIEDS NICKELES

" Comment sont mes cheveux ? "

De leur amour pour la country music et le cinéma des années 30, les frères Coen ont tiré une Odyssée des plus bigarée, bourrée de références et d'univers antagonistes, admirablement mêlés dans un vrai film d'auteurs.

C'est à croire que toute la culture des frères Coen est rassemblée dans leur dernier opus, qui utilise tout autant l'oeuvre d'Homère que la Bible, l'Histoire (avec un grand H) ou le conte de fées, sans oublier un hommage appuyé aux comédies musicales.
Les trois héros du film, de gentils loosers- familiers de l'univers Coen, rencontrent donc sirènes, cyclope, et devin, transformés pour l'occasion en femelles cupides, borgne bandit et aveugle black, Thyrésias des temps modernes. Mais nos trois pieds nickelés se frottent aussi au Klu Klux Klan, après avoir croisé un Clyde Barrow déjanté et un nouveau Jean-Baptiste, dont les fidèles ne sont pas sans rappeler la procession krishna du «Hair » de Milos Forman. Et pour cause : moult chansons ponctuent l'Odyssée de nos trois héros, introduite par un choeur de prisonniers.

Comme toujours, c'est dans l'absurde que les deux auteurs se montrent les plus efficaces, créant des délires visuels dignes des meilleurs surréalistes, comme ce chien errant sous les flots au milieu de boîtes de gomina. Très savoureuse également, la transformation de John Turturro en crapaud, envoûté par de supposées succubes ! Autant de saynètes irrésistibles, qui font basculer le film dans le délire si cher aux amateurs des frères Cohen. On regrette pourtant quelques baisses de tension, une construction en «vignette » qui appartient plus à la bande dessinée qu'au cinéma, même si elle offre à chacun des acteurs quelques jolis morceaux de bravoure.

George Clooney, obsédé par les soins capillaires, s'en donne évidemment à coeur joie. Malgré son look très Clark Gable- fine moustache et cheveux gominés- c'est à Cary Grant que l'on pense en le voyant multiplier mimiques et grimaces, celui d' «Arsenic et vieilles dentelles », parfois outrancier, toujours drôle. John Turturro est son plus sérieux concurrent dans le registre: il semble né pour le burlesque, aux côtés d'un nouveau Laurel : Tim Blake Nelson.

Seuls deux virtuoses comme les frères Coen pouvaient réussir cette mixture déjantée : non content d'apporter sa touche d'originalité à la compétition, ils offrent une vraie star au Festival. Il serait dommage de ne pas récompenser tant de générosité, tant de plaisir.

Mathilde  

 
 
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