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 96-02
 
 

Critique

LES SAIGNEURS DU CHÄTEAU

« - Que peuvent les Hommes face à tant de haine ?»

Il n’est pas utile de répéter ce que nous pensions l’an dernier. Nous voici face à un film dont la fin n’est pas encore connue. Mais, plus la trilogie avance, plus il nous paraît évident qu’il faudra le juger dans son intégralité, avec toutes ses composantes, et surtout, en incluant les transitions entre les parties.
Toujours est-il que Peter Jackson est parvenu à restituer l’esprit de l’œuvre de Tolkien. Louons les acteurs qui habitent leur personnage, les scénaristes qui ont su en faire une œuvre cinématographiquement lisible et le réalisateur, parce qu’il a insufflé une telle fougue, une si belle ampleur, pour donner au spectateur un plaisir oublié. Car nous sommes loin du carcan des productions américaines actuelles. Il s’agit bien d’une œuvre « artisanale », avec la vision de son auteur. En cela, quitte à nous faire flageller par les fans de Star Wars, George Lucas a déjà perdu son combat en faveur du tout numérique. D’abord, et nous le disons depuis le début, les 6 épisodes de Star Wars ne feront jamais artistiquement une seule saga : trop incohérente, trop anachronique. Tout le contraire du Seigneur des Anneaux. Ensuite, c’est de la folie de ses décors véritables, de ses paysages réels et de l’utilisation importante mais dosée des effets visuels que Jackson puise la force cinétique et artistique de son film, là où Lucas refroidit et déshumanise le tout et se contente d’une esthétique de « jeu vidéo ».
Les Deux Tours est d’ailleurs terriblement humain, vécu. Des Vikings à Braveheart, de Kurosawa (The Hidden Fortress) à Boorman (Excalibur), les influences sont nombreuses, mais surtout démontre à quel point Jackson choisit de raconter une histoire de l’humanité (entre la Chute de l’Empire Romain et la prise de Constantinople pour cet épisode) comme Tolkien racontait la seconde guerre mondiale et son espoir pour la Terre dans ses livres.
La narration est bien moins académique que dans le premier chapitre, mais la psychologie est aussi moins prépondérante. De la majesté de la découverte, nous passons à la furie des enjeux. Tout semble évident : les relations entre les protagonistes, les erreurs et les doutes, les périls et les espoirs mystiques. Gandalf le Blanc a des allures de Dieu. Même si sa ruse est une stratégie concrète (aveugler par le soleil levant), il use de ses airs de Phoenix. L’humour passe essentiellement à travers le Nain. Sa relation avec le gracieux Léogalas redevient fidèle au livre. Aragorn s’impose. On s’attache avec joie aux personnages, à leurs tourments, à leur courage.
Le plus étrange d’entre eux, et le plus fascinant, est bien entendu Gollum. Créature numérique, il est le premier à intégrer aussi bien son enveloppe virtuelle avec les mouvements et la voix d’un comédien. Mélange fascinant au service d’un être complexe, schizophrène, et qui devient le guide de cet épisode. Il est aussi nu et malade que semble l’être cette Terre du Milieu, lavée de ses couleurs, nordique, aux champs désolés, aux villages en ruine. Le Paradis du Comté est loin et Mordor, si proche.
Malgré quelques soucis de raccord, il faudra bien noter les détails : la manière de monter à cheval de Légolas ou la noyade spectrale de Frodon. La chorégraphie est un autre art utilisé, et valorisant le moment paroxystique du film : la bataille du Gouffre, admirable. Du pur cinéma d’action. Du grand spectacle à voir sur grand écran, à l’instar des grosses productions des années 50, mi-épiques, mi-dramatiques. 3 heures qui passent comme l’éclair. Parce que Jackson sait rythmer son montage, mais aussi parce qu’il insère un plan fort dans chacune de ses scènes, nous happant et nous captivant, par l’intermédiaire des regards transpercés par la foi de ses acteurs. Le plus saisissant d’entre eux reste celui de Gollum. De grand yeux hypnotisant. Qui attendront un an avant de connaître la fin !

- Vincy