Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Alors que le 2e très attendu volet de Minuscule en version long métrage arrive enfin sur les écrans, nous avons rencontré celle qui fut à la fois la scénariste, la co-réalisatrice et la directrice artistique du projet : Hélène Giraud, qui créa la série Minuscule en 2006 avec Thomas Szabo. L'occasion d'en savoir plus sur les secrets de fabrication du film et les dessous des nouveaux personnages, tous inspirés d'insectes existant en Guadeloupe.
Ecran Noir : Vous avez l’habitude de travailler en duo avec Thomas Szabo, comment vous répartissez-vous les rôles ?





Hélène Giraud : On écrit le scénario ensemble, on le storyboarde ensemble, et ensuite moi je m’occupe de tout ce qui est design, création des personnages, des décors, des maquettes, et de la supervision de la construction de ces maquettes et de ces décors. Je fais aussi le suivi de tout ce qui concerne la modélisation et les rendus « compo » c’est-à-dire tout ce qu’on met dans le film qui n’existe pas au départ. Je m’occupe aussi de l’étalonnage. Voilà toutes les équipes que je suis ! Thomas, lui, s’occupe plus particulièrement de la mise en scène, le montage, la musique, le son, il supervise l’animation. Plus de deux cents personnes travaillent sur le film, donc c’est largement utile d’être deux ! C’est très souvent le cas sur les gros films d’animation… Et puis on se dispatche tout ce travail, mais on se consulte aussi régulièrement.

EN : Comment diriez-vous que Minuscule a évolué depuis ses débuts ?

HG : La série que nous avions créée [en 2006], pour laquelle il y a eu deux saisons, c’était vraiment des petites comptines. On aime dire que c’est comme des haikus, on raconte des petites histoires avec un peu d’humour et de poésie. Alors que le long métrage, on assume complètement l’idée de faire du cinéma pour le grand écran, avec des épopées, une aventure digne d’un film live. On le conçoit comme un film en prise de vues réelles d’ailleurs : effectivement, il y a des personnages qu’on vient intégrer dedans, mais on met de la musique, on filme en scope… Dans sa narration, dans sa fabrication, c’est du cinéma traditionnel. Donc du coup ça a pris de l’ampleur pour le long métrage. On n’est plus dans l’anecdote, on est dans la narration d’aventures épiques.

EN : Et techniquement ?

HG : Oui, c’était très différent ! Par exemple, les équipes de tournage : à l’époque on était trois ou quatre à partir en tournage. C’était vraiment du fait maison, bricolé, un peu. Alors que là, on a des équipes de trente personnes pour le tournage, on a des studios avec un niveau d’images de synthèse qui est très élevé. Evidemment, la qualité se doit d’être la plus élevée possible parce que là on parle quand même de long métrage. Le niveau général du cinéma d’animation est très haut. On est obligé d’être dans une rigueur, dans la technologie comme dans l’image, qui est très haute.

EN : Et ce qu’il faut préciser, c’est que vous avez travaillé uniquement en France.

HG : On a de très bons studios en France. De très bons talents et un vrai savoir-faire. Ce n’est pas pour rien que le film Les Minions se fait à Paris, dans le studio McGuff qui est devenu Illumination. On est très content d’avoir pu fabriquer le film ici. Ca nous a permis de pousser le niveau artistique assez haut parce que nous n’avions pas la distance qui freine énormément la communication malgré tout. Être tous les jours avec les équipes, c’est extrêmement important.

EN : La technique que vous utilisez est particulière, puisque c’est un mélange de prise de vues réelles et d’images de synthèse.

HG : Quand on a créé la série, c’était assez peu utilisé en long métrage, mais plutôt dans la pub. Maintenant il y a beaucoup de films qui se font comme ça. La particularité est de mélanger plusieurs techniques : la prise de vue réelle tournée en extérieur, une partie tournée en studios, comme l’épicerie ou le ventre du requin, et puis on a tout ce qui est complètement fait en images de synthèse. Alors bien sûr il y a les personnages qui sont intégrés dans les décors, mais nous avons aussi un tiers du film qui est entièrement en images de synthèse. Pour vous donner un exemple, la scène de la tempête, la grotte de l’araignée multicolore, ou encore l’arbre à chenilles. Il y a beaucoup de choses comme ça. On ne s’en aperçoit pas tout de suite, parce que c’est le but, mais c’est un peu ça aussi le défi de Minuscule : avoir tous ces corps de métier, toutes ces techniques, et les lier ensemble pour que ce soit harmonieux et fidèle à notre univers. On a utilisé ces techniques parce que c’était les meilleures pour ce qu’on voulait raconter. Mais aussi pour des raisons de coût. Parfois, ça coûte moins cher de modéliser un décor que de le construire en studio.

EN : Comment cela se passe-t-il concrètement de passer des maquettes aux images de synthèse ?

HG : Par exemple, prenez le bateau, qu’on a fabriqué sous forme de maquette. On le voit plusieurs fois dans le film. On a posé la maquette dans le décor, et on l’a filmé. Dans le ventre du requin reconstitué en studio, notamment. Ensuite, on l’a scannée, du mât jusqu'à la proue, et on l’a modélisé. Donc on a deux versions dans le film. Dans les séquences de tempête et d’animation, où il était impossible de filmer la maquette, on utilise la version modélisée. Et comme on avait la maquette au départ, la version modélisée est très fidèle. L’idée est qu’on ne fasse pas la différence entre les deux.

EN : Y-a-t-il eu des défis particuliers pendant la fabrication du film ?

HG : L’une des séquences les plus complexes, c’est la tempête, car il y a beaucoup d’effets visuels compliqués, tout ce qui est nuages, pluie... Ca a mis plus de six mois pour faire la séquence. L’arbre à chenilles, aussi, à la fin, parce qu’il y avait tout un travail sur la soie, les transparences. Il fallait programmer la manière dont seraient générés ces fils de soie. Ca aussi, ça a été long et complexe. Et puis l’autre défi, c’était de tourner aux Antilles. Il fallait aller dans la forêt, avec la pluie, la végétation, les insectes… Il fallait trouver des solutions. Pour les plans de plage, il a fallu nettoyer les sargasses, par exemple.

EN : Vous y pensez en amont ou est-ce qu’à l’écriture, vous ne vous interdisez rien ?

HG : Ah non, à l’écriture, on ne s’interdit rien ! Là où on commence à faire attention, c’est quand on storyboarde. Quand on prépare la mise en scène, les cadrages. On sait que la manière dont on pose la caméra, les mouvements qu’on va faire, ça va avoir des conséquences énormes par la suite, que ce soit au moment du tournage ou de l’ajout des images de synthèse. On peut doubler le prix d’un plan.

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