Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Ils ont réalisé Jeanne et le Garçon formidable qui révèle Virginie Ledoyen dans un hommage à Jacques Demy. Contexte dur mais allures légères. Explications...
Bertrand Amice : “Comment est venue l’envie de faire une comédie musicale sur un sujet aussi grave que celui du SIDA ?”





Jacques Martineau : “L’envie de départ, c’était une comédie musicale, c’est sûr, et quand je me suis trouvé à la phase de l'écriture, c’est ce sujet-là qui m’est venu. Donc après, le mélange entre la forme et ce que ça raconte, c’était pas calculé, plutôt très impulsif. En l’écrivant, ça m'a paru être une bonne idée. Et, c’est vrai que la comédie musicale, ça permet un traitement assez particulier du sujet.”

Olivier Ducastel : montres couple “Oui, je pourrais dire quelque chose aussi qui irait un peu dans le même sens... C’est que j’ai vraiment eu envie depuis longtemps de faire un film musical... enfin une comédie musicale avec des chansons. C’est vraiment une idée que j’avais, en gros, pratiquement depuis que j’avais fait mon court-métrage de fin d’étude de l’IDHEC, qui était chanté. Et c’est vrai que j’ai un petit peu essayé d’écrire quelque chose, et en fait ça fonctionnait pas parce que j’avais pas trouvé le sujet ; c’est-à-dire, ce que je voulais faire c’était vraiment, bon, un film sur des relations amoureuses avec des chansons. Mais c’est trop banal, trop proche de la comédie musicale classique pour que ça soit très stimulant à faire aujourd’hui. Donc, c’est vrai quand j’ai vu le scénario de Jacques (Martineau) ; il y a eu la rencontre entre ce sujet, ces personnages, le fait que ça se passe vraiment aujourd’hui et le genre m’a paru effectivement absolument convaincant.”

BA : “En fait, vous avez été inspirés par les comédies musicales de Jacques Demy. Ca fait partie un petit peu de vos passions cinéphiliques au niveau de la comédie musicale, n’est-ce pas ?”

OD : “Oui, ça fait partie de notre culture, effectivement, cinématographique à tous les deux. Donc, que ça soit au moment de l’écriture, dans la préparation enfin, il y a un courant Demy qui nous a porté. En même temps, je crois que le fait que Mathieu Demy soit dans le film, ça indique clairement comme ça cette admiration. Et puis, aussi le plaisir que pouvait montrer notre amour des films de Jacques Demy. En même temps, c’est vrai que dans le concret du travail, en faisant le film, que ça soit de travailler avec Philippe Miller (le compositeur musical) - qui se démarque vraiment de ce que pouvait faire Michel Legrand dans les films de Demy -, que ce soit le travail avec la chorégraphie, la danse contemporaine ou même la façon dont on a joué avec les décors naturels et les choses un petit peu plus élaborées, enfin imaginées... Je crois que dans la fabrication du film, c’est vrai qu’on a un petit peu essayé d’oublier effectivement notre amour des films de Jacques Demy pour essayer de trouver une voie, comment dire... le déclic premier. L’étincelle vient de là c’est sûr.”

BA : “Alors justement le choix de Mathieu Demy, ça s’est fait comment ? Est-ce que c’était justement par rapport à une sorte d’hommage ? Ou il avait vraiment envie de participer à cette comédie musicale ?”

OD : “Oui.”

JM : “C'est tout à la fois. C’est une rencontre pour nous. Parce que Mathieu, quand on l’a rencontré, le scénario était déjà écrit, et c’est lui qui nous a fait l’appel du pied, on peut dire. Disant : “Oui, vous faîtes une comédie musicale, j’aimerais bien participer au projet”... Et puis nous on était un petit peu réticent au début. A cause d’une affirmation peut-être qui nous semblait trop compliquée justement de cette filiation avec Demy. Et alors donc, on l’a rencontré, on a parlé de ça, très bien d’ailleurs. On nous a expliqué que c’était plutôt son problème que le nôtre que d’assumer son patronyme. Et il nous a convaincu de faire des essais. Donc, il a fait des essais de chant avec nous et il nous a vraiment convaincu. Donc, à partir de là, voilà, il nous a semblé que c’était l’acteur qui convenait parfaitement. Pour des tas de raisons : son physique, ses qualités vocales, sa façon de jouer, je dirais même son statut très particulier, et puis parce qu’il allait très bien avec Virginie.” #

BA : “Alors justement, Virginie Ledoyen est la seule comédienne qui ne chante pas dans le film. Y-avait-il une hésitation à ce niveau-là ?”

OD : “Oui, il y a eu une hésitation absolument, c’est-à-dire, lors de la toute première rencontre qu’on a faite avec Virginie (Ledoyen), elle avait lu le scénario, elle était très emballée et le projet l’intéressait vraiment beaucoup. Et on a vraiment parlé globalement du projet.Et dans une forme de rencontre vraiment intéressante pour une première rencontre. Et c’est vrai que Virginie nous a dit qu’elle ne pensait pas enregistrer les chansons. Elle voulait bien essayer, mais qu’a priori elle ne se sentait pas tout à fait d’attaque pour chanter neuf chansons dans un film. Donc, en fait nous, effectivement, dans un autre premier temps, ça nous a fait un petit peu hésiter aussi, c’est-à-dire, qu'on s'est dit : “Ah quand même... est-ce que...” On pensait que c’était important peut-être que tous les acteurs chantent. Donc, on a continué à rencontrer des gens. Puis, au bout d’un certain temps, on est arrivé au constat suivant : c’est que de toute façon, ce qui était le plus important, c’était les qualités d’acteurs plutôt que les qualités vocales, c’est-à-dire, en gros on se serait retrouvé avec le choix entre privilégier plutôt une chanteuse - et c’est vrai que par rapport à ce qui est joué dans le film et par rapport aussi à notre peu d’expérience comme réalisateur, on préférait vraiment privilégier le choix artistique sur la comédie, sur le jeu, sur l’émotion, sur la justesse plutôt que l’aspect vocale -, donc, on a proposé le rôle à Virginie, en ne faisant pas du tout du chant une condition, c’est-à-dire, on lui a dit :”Voilà, on te propose le rôle de Jeanne, maintenant si tu as envie de travailler avec Philippe Miller c’est possible, si ça débouche sur quelque chose de possible pour le film ça sera très bien. Mais, si c’est pas possible, ça ne sera pas un problème.” Donc, Virginie a effectivement trouvé la proposition très honnête, et elle est allée un peu avec Philippe Miller. Elle a pris des cours de chant. En fait, finalement, elle a travaillé toutes les chansons pendant un certain temps, pas très longtemps parce qu’on n'avait pas un temps de préparation à ce moment-là, mais disons une quinzaine de jours. Et au bout de quinze jours, quand elle réécoutait ce qu’elle avait enregistré, elle avait le sentiment qu’il y avait un écart entre ce qu’elle projetait, enfin ce qu’elle essayait de faire et le résultat. Donc, ensemble, Philippe, nous et elle, on a décidé de la doubler. Et effectivement, ce qui est très important dans un film musical c’est d’avoir un rapport extrêmement sain et le plaisir à la voix qu’on entend sur le plateau. Donc, on a cherché une voix, c’est Elise Caron qui double Virginie qui est à la fois une chanteuse qui vient plutôt du jazz, mais qui a une formation lyrique et qui en même temps a été actrice. Et donc, Elise a très bien compris la difficulté de ce qu’on lui demandait, c’est-à-dire, de chanter sans trop chanter, de chanter comme une actrice chanterait et c’est vrai que c’était un peu étrange leur rencontre comme ça toutes les deux parce que, bon, c’était bizarre pour Virginie de voir sa voix en action. Mais en même temps, c’est vrai que c’était assez intéressant qu’elle soit présente. Et à partir du moment où la voix d’Elise a été enregistrée, où Virginie a eu ces cassettes et a commencé à travailler chez elle, c’était sa voix. C’est-à-dire que dès les premières répétitions, on a fait quelques répètes avec une caméra V8 pour que Virginie se voit avec la voix d’Elise. Et dès la première fois ça a marché ! C’est-à-dire que c’était sa voix, et ça lui plaisait que ça soit comme ça. Je crois que c’est pour ça qu’elle arrive aussi bien à prendre en charge dans le jeu les propositions qu’Elise a fait au niveau de l’interprétation.”

BA : “On sent très bien qu’il y a une très bonne synchronisation avec les chansons. De plus, le personnage de Jeanne est très insouciante. Pourquoi est-elle aussi impulsive ? Pour donner plus de rythmes par rapport au chant ?”

JM : “Pas directement, mais effectivement Jeanne, c’est le personnage qui porte la comédie musicale. Il y a neuf chansons, elle danse tout le temps, les autres personnages ont au maximum deux chansons. Elle a un peu l’esprit de la comédie musicale, donc c’est vrai, elle a une psychologie, une fraîcheur, une puissance de vie comme ça comme dans une comédie musicale, très impulsive, quand elle veut danser, elle danse. C’était l’idée de prendre une très jeune fille qui va être confrontée à la maladie alors qu’elle n’est pas préparée à ça, et c’était ça qu’on avait envie de travailler et montrer. Disons, un personnage naïf mais au sens plein du terme. C’est quelqu’un qui n’a pas intégré encore dans son vécu la possibilité qu’elle pourrait se retrouver confronter à quelqu’un qui est malade. Et voilà qu’est-ce que ça donne, et bon c’était aussi une idée de rendre le drame fort.”

BA : “Alors justement, le côté un petit peu prévention dans la séquence où Jeanne apprend la séropositivité d’Olivier, elle lui dit : “C’est pas grave on a mis des préservatifs”, pensez-vous faire passer par cette remarque insouciante de Jeanne, un message fort au niveau d’une certaine génération ?”

JM : “Je crois pas que ça soit un message de prévention purement parlé, parce que la seule fois où on parle de préservatifs, c’est le moment où Olivier lui dit qu’il est séropositif et elle dit très impulsivement : “C’est pas grave on a mis des préservatifs”. Donc, dans notre idée, c’était plutôt de dire que c'est une question qu’on voulait pas traiter, celle de la protection, le fait de se protéger tout ça et de faire du didactisme dans le film. Et qu’il nous semble que c’est une question qui est, en tout cas pour la très jeune génération, vraiment réglée et quelque chose de parfaitement intégré. Et c’est pas la peine dans une fiction de leur refaire passer un message là-dessus. Je crois que c’est quelque chose qui est maintenant compris. D’ailleurs, c’est cette réaction qu’on a eu effectivement sur le jeune public pour l’instant qui est assez content et reconnaissant qu’on n'essaye pas encore de leur faire passer un message là-dessus, d’en faire trop.”

OD : “S’il y a un message sur le SIDA et la prévention, mais alors au sens vraiment très large, c’est plus d’essayer de dire : “Bon c’est vrai qu’on vit au temps du SIDA, il y a des précautions à prendre. Il faut faire attention à soi et aux autres”. Mais, en même temps ça n’empêche pas aux sentiments d’exister, et que les gens vivent leur sexualité, leur rencontre, d’essayer de donner là-dessus une idée. C’est vrai que le film est triste... En tout les cas, on voulait essayer de dire qu’il faut laisser une place aux sentiments malgré tout.”

JM : “Et au sexe, bien sûr (rires).Virginie est un personnage post-préservatif d’une certaine façon. C’est comme ça, elle sait qu'il faut en mette. Bon, ça ne pose pas de problème, elle n’a pas besoin d’en parler, pas besoin du mode d’emploi. C’était aussi ça, vraiment évacuer cette question du film. On traite pas tout dans cette fiction. Nous, on parle d’un personnage pour qui la question de la prévention ne pose pas de problème, c’est totalement assimilé.” #

BA : “Il y a aussi d’autres thèmes actuels qui sont abordés : l’immigration, le chômage, le crédit des ménages... Est-ce que c’était important pour vous de l’évoquer à travers une comédie musicale ?”

JM : “Ca renvoie à la question des sans-papiers longuement débattue. Au départ, c’était plutôt une chanson sur la question du droit du sol et du sang. Il se trouve que la législation a changé entre temps. Entre le moment où on a filmé et aujourd’hui, eh bien les enfants d’immigrés nés en France sont français. Ce qui n’était pas le cas au moment où on a écrit la chanson et au moment où on a tourné le film. Tant mieux. Oui, c’était important, pas sur le mode de : il faut décliner tous les petits problèmes de la société pour qu’on se rende bien compte qu’on est des cinéastes de notre temps. C’est pas cela. C’est plutôt, effectivement, parce que c’est une comédie musicale, donc a priori un genre hors du réel, comme ça dans la fantaisie, de mettre en permanence en présence cette question sociale qui pèse, et qu’effectivement quand on croise des employés de nettoyage qui sont majoritairement des immigrés. Généralement, on oublie ce genre de question. Eh bien là, on ne l’oublie pas parce qu’elle traverse le personnage de Jeanne, elle traverse le hall où les employés font le ménage, elle danse avec eux et parle de leurs problèmes. C’était l’idée que ces personnages secondaires, pendant l’espace d’une chanson, on leur donne une voix, une parole qui est plein écran devant tout le monde. Je ne considère pas comme des manifestes, montrer une façon de ponctuer le film en disant :”Voilà, on traverse la société et il y a quand même des tas de problèmes de tous les côtés. Et vraiment, ils devraient surgir un peu plus qu’ils ne surgissent”. Généralement surtout dans les films. Puis après, c’est aussi des désirs de parler de ces choses là effectivement.”

BA : “Comment vous êtes-vous réparti les tâches pour la réalisation de ce film sur le plan de l’écriture, sur le plateau ?”

OD : “Jacques a écrit le scénario, les chansons, avec les musiciens. Il a beaucoup travaillé avec le compositeur Philippe Miller. Et du point de vue de la globalité, de la partition, c’est-à-dire du style des musiques, du choix et éventuellement aussi sur des questions d’orchestration, de rythmique, enfin bon c’est vrai qu’il y a vraiment un travail qu’ils ont fait ensemble. Et, je suis vraiment arrivé assez tard, c’est-à-dire, quand je suis arrivé sur le projet, la musique était déjà en cours de fabrication. Je suis intervenu sur des choses beaucoup plus ponctuelles, des choses de rythme, la longueur des brefs musicaux par rapport à la danse. Des choses presque, je dirais, de montage. Pour l’étape suivante qui était le choix des acteurs, la préparation, c’est vrai qu’on a travaillé ensemble sous forme de dialogues perpétuels. Alors, c’est vrai que c’est plutôt moi qui travaille avec les autres collaborateurs, avec le chef opérateur, Jacques étant toujours pas très loin. Disons sur cette étape de préparation, il y a en tout les cas un dialogue, comme ça, qui fonctionne vraiment bien entre nous. Puis, c’est vrai que sur le tournage c’était plutôt moi qui était sur le devant de la scène. Mais, Jacques était présent sur les tournages, du premier au dernier jour. Particulièrement disponible pour les acteurs, parce que c’est vrai, en fait, les acteurs aiment bien qu’on s’occupent d’eux. Alors, soit pour parler du film ou des personnages, soit pour parler de choses annexes, qui ont l’air annexe, mais qui participent aussi à une ambiance, une façon de se mettre dans le bain. C’est vrai que pour ça Jacques était très proche d’eux. Le concret de la mise en place, des choses purement mécaniques ou techniques, c’est plutôt moi, pendant les prises, qui leur renvoyait la balle, enfin bon sans que ça soit exclusif. Ensuite, Jacques est venu au montage. C’est vrai que j’y étais tout le temps avec Sabine. Jacques y était quand il pouvait parce que les cours avaient repris. Enfin, en tout les cas, il était présent aux projections. Donc, c’est vraiment un travail à quatre mains. Avec des circulations, en gros, en étant le plus présent là où on est le plus à l’aise.”

BA : “Pourquoi avoir choisi ce titre au film ?”

OD : “Le titre, on l’a trouvé... A l’époque, quand j’ai lu le scénario, le film s’appelait OLIVIER A LE SIDA. Et c’était un titre qui avait l’inconvénient de déplaire assez fortement aux financiers et à l’avance sur recettes, etc... Donc, on était un peu à la recherche d’un autre titre. En même temps, c’était un titre que Jacques aimait beaucoup parce qu’il avait le mérite effectivement de déplacer complètement l’univers de la comédie musicale, enfin si on mettait "OLIVIER A LE SIDA comédie musicale", c’est vrai qu’il y avait un contraste comme ça qui était très marqué. Mais, peut-être un petit peu trop. Donc, on a cherché un titre qui soit effectivement plus de lui-même un titre de comédie musicale. Sans qu’on est besoin d’écrire "une comédie musicale" dessous. Donc, à partir de là, j’ai relu les chansons. Et c’est vrai que j’aimais bien FORMIDABLE, LE GARÇON FORMIDABLE. Disons que voilà, en tournant autour de JEANNE ET LE GARÇON FORMIDABLE avec un tout petit temps d’hésitation où on s’est demandé s’il ne fallait pas mettre JEANNE ET LES GARÇONS FORMIDABLES. Mais, ça faisait un peu sitcom, un peu trop HELENE ET LES GARÇONS... Donc c’était pas possible. En fait, je crois que ce qui nous a plu et autour de nous, c’est qu’il y a un petit désuet, je crois dans la formulation GARÇON FORMIDABLE, qui du coup est contre-balancé par le fait qu’on sait au minimum que les questions soit de séropositivité, soit du SIDA, très vite afin de pouvoir parlé du projet, que ça décale un peu... Après Jacques peut donner des explications étymologiques par rapport à FORMIDABLE.”

JM : “Non, non (rires)”

BA : “Quel est votre meilleur souvenir au niveau du tournage ?”

JM : “Il y a plutôt que des bons souvenirs. Le bon souvenir, c’est les neuf semaines de tournage. Après, il y avait des moments très chaud.”

OD : “Effectivement, j’aurais peut-être tendance à dire que les meilleurs souvenirs, c’est effectivement quand on s’est embarqué dans des trucs un peu compliqués comme la chanson de Jacques Bonaffé, le long du canal ou le grand plan de danse entre Virginie et Mathieu quand ils passent devant l’orchestre et qu’ils tournent autour du lampadaire, qui étaient effectivement des plans où vraiment il y avait beaucoup de paramètres qui rentraient en ligne de compte.Et quand on avait l’assurance d’avoir une prise qui était bien, ça, c’était vraiment des moments extrêmement agréables parce qu’on avait l’impression que ça devait être plus difficile à obtenir que d’autres choses. Mais sinon, il y a tous les moments festifs, comme ça autour du tournage. Je trouve que la fabrication du film et la vie du tournage, c’est des choses qui ne se dissocient pas vraiment. Donc, en fait, globalement le souvenir qu’on a maintenant de ces neuf semaines, c’est un peu une espèce de colonie de vacances parce que c’était un été assez réussi.”

JM : “Mais laborieuse.”

OD : “Oui; oui.” #

BA : “Sur l’aspect visuel, la couleur est très présente dans les décors. Est-ce que les décors sont importants ?”

OD : “Avec Louis Oubrié (le décorateur), ce qui nous intéressait beaucoup par rapport au fait que c’était une comédie musicale et à des choses que l’on peut aimer dans des univers comme ça, pas nécessairement d’ailleurs cinématographique c’était vraiment de jouer à la fois sur du décor naturel, c’est-à-dire des choses qui existent, qu’on a filmé tel quel pratiquement sans y toucher. Éventuellement, nous avons beaucoup cherché comme l’entreprise Jet Tour, mais c’est vrai que c’est pas un décor sur lequel on est intervenu. Et des choses qu’on a vraiment fabriquées de toute pièce, comme les appartements des personnages. Et trouver dans cette démarche des choses très différentes, d’essayer de construire une harmonie. Je ne connaissais pas Louis Oubrié avant de faire le film. On s’ est rencontré parce que la productrice et son assistante avait déjà travaillé avec lui. Quand, j’ai su qu’il avait travaillé sur AOUT d’Henri Erre, je me suis dis que c’était sûrement une bonne piste pour nous, parce que dans AOUT il y a cette chose de très réussie, à la fois de filmer la Défense qui est un lieu qui existe, mais comme si c’était un décor, comme si cela avait été construit pour le film et en même temps de fabriquer des lieux intimes des appartements, des boîtes de nuit, des choses comme ça que Louis a vraiment dessiné pour le film. Mais, qui sont complètement dans l’esprit de l’architecture de la Défense. Bon nous, c’est une autre démarche, c’était un peu le même genre d’état d’esprit effectivement qu'il fallait avoir par rapport au décor.”

BA : “Au niveau des séquences, combien avez-vous fait de prises en moyenne ?”

OD : “C’est très variable, ça dépend de la difficulté, c’est-à-dire , les choses dont je parlais tout à l’heure, les plans séquences : au canal, la java et le petit déjeuner au lit. On est arrivé à monter jusqu’à 15 et 16 prises ! C’est-à-dire, en général, ça se passe comme ça : il y en a deux ou trois pour se mettre en jambe, puis vers la quatrième et la cinquième c’est pas mal, voir presque bien, mais c’est pas exactement ça ; on pense qu’on peut faire mieux et puis il y a un moment où ça se met à patiner complètement pendant quatre, cinq, six, sept prises !... où il y a des problèmes techniques, ou alors c’est pas ça, on n'est pas content, personne n’est content, ni le cadreur, ni les acteurs. Puis, tout se remet en place et effectivement on obtient ce qu’on voulait.”

JM : “Mais, enfin les quatorze prises, c’était assez exceptionnel !”

OD : “Sinon, dans l’ensemble on a plutôt tourné... il y avait toujours cette fameuse septième prise qu’on foirait. Souvent, on tournait autour de huit prises, c’est-à-dire que dans les cinq ou six premières, il y a en avait une qui était bien, et qu’on doit en faire une autre de bien pour les assurances, c’est vrai que la deuxième on l’obtenait pas toujours juste derrière.” BA : “Avez-vous enlevé beaucoup de séquences au montage ?”

OD : “Non, pratiquement... Il y a des mini-séquences qui ont disparues au montage, des trajets, des déplacements, une toute petite séquence où Jeanne recevait un appel téléphonique de sa mère à Jet Tours. Vraiment des choses comme ça. Puis, effectivement un ou deux extérieurs. Sinon, il n'y a pas de séquences musicales qui ont été coupées au montage. Après, il n'y a que des choses de rythme en fait. Ce qu’on a fait au montage, c’est-à-dire, entre le premier montage qui durait 1 h 50 mn et le film qui fait 1 h 35 mn maintenant, c’est soit des entrées ou fins de scènes, des scènes raccourcies par le milieu, il y a deux mini-coupes dans deux chansons, donc ça peut-être un jeu concours : “Dans quelle chanson il y a une coupe, et où est la coupe?” Mais sinon, en revoyant le film, il y en a une assez facile à trouver et l’autre à peu près indétectable...”

BA : “Le dimanche 5 avril 1998, Virginie Ledoyen a remporté le prix d’interprétation féminine au Festival du Film de Paris. Qu'avez-vous ressenti à ce moment là ?”

JM : “On était très fier.”

OD : “Oui, on était très fier, extrèmement content pour elle. Nous, on est très content, on trouve ça très mérité, et c’est vrai que d’une certaine façon, ça nous fait effectivement très plaisir que Virginie ait un prix pour ce film quoi. On espère que ça soit un moment un petit peu important pour elle, on lui souhaite plein de beaux films encore et voilà... et des rencontres. C’est vrai que nous, en tout cas, dans le travail, ça été une rencontre très formidable, je crois, partagée par elle comme par nous. C’est vrai que ça nous a fait super plaisir qu’elle soit récompensée.”

JM : “J’ajoute que ça fait plaisir parce que le fait qu’elle ne chante pas, ça nous faisait un peu peur, c’est-à-dire, on se dit : “Ah! bah les gens vont pas reconnaître son travail”. Alors, qu’en fait, comme on le disait tout à l’heure, travailler sur un play-back et la voix de quelqu’un d’autre et la porter, c’est un travail d’acteur qui est extrêmement difficile. Et que si la voix d’Elise colle si bien à Virginie, c’est parce que Virginie fait coller la voix et là il y a un travail d’acteur vraiment énorme. Le jury s’en ait rendu compte...”

BA : “Quels sont vos projets ?”

OD : “On n'en est pas encore au stade de penser vraiment en terme de tournage, on a réfléchi, et Jacques a écrit un scénario à une époque où on n’était pas sûr d’arriver à faire JEANNE ET LE GARCON FORMIDABLE. On doutait vachement parce qu’on avait l’impression que c’était un projet un peu trop cher, on était presque sûr de le faire. On s’est dit : “Au cas où ce film là ne se passe pas, il faut qu’on est quelque chose pour rebondir. Mais en ce moment, nous partons vraiment sur un projet très simple. C’est un projet beaucoup plus modeste, projet que moi j’aime vraiment beaucoup. J’espère vraiment qu’on arrivera à le faire idéalement au printemps prochain, dans un an. Mais, c’est vrai qu’il n’est pas exactement tout à fait fini d’écrire, c’est-à-dire, qu’on est en train vraiment de lui donner une dernière petite couche. Puis, personne ne l’a lu. Il y a tout le travail de lecture, de rencontre, à faire dessus. Donc ça peut être avant un an...”

propos recueillis pas bertrand


   bertrand