Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Depuis Tombés du ciel en 1993, Philippe Lioret trace un sillon tout personnel avec une filmographie riche et éclectique, dont le point commun est de mettre l'humain au centre. C'est une fois encore le cas avec Le fils de Jean, un film limpide et d'une grande simplicité, que le cinéaste qualifie non sans malice de "thriller familial".

Rencontre avec un réalisateur pour qui le cinéma est une question d'alchimie, de travail acharné et de foi inconditionnelle en ce que l'on fait.

EN : Et pourquoi cette prédominance de la figure paternelle dans vos films ?

PL : Je ne sais pas. Je me rends compte rétrospectivement qu’il y a ça dans tous les films, mais je m’en rends compte quand j’ai fini le scénario. Ca tient à mon histoire personnelle, probablement. Ca, l’ancrage social. Une espèce de petite révolte, probablement. Et puis un autre truc qui revient toujours, c’est l’eau. Y’a de l’eau dans tous mes films. J’ai besoin de l’eau.

EN : Est-ce que vous abordez différemment un film comme Le fils de Jean par rapport aux deux précédents qui étaient peut-être plus denses ?

PL : Non, parce que finalement, ils avaient aussi ce registre-là en eux. Les trois films reposent sur des interactions humaines. Welcome, c’était l’histoire d’un père de substitution. Le fils de Jean parle de l’intime, mais à sa façon c’est une fresque. Il parle à l’intime de chacun, ce qui est la vertu première du cinéma, je trouve. Que le spectateur ait l’impression de se dire "j’y étais". Je pense qu’il n’y a que l’identification qui marche au cinéma. Le film est moins intimiste que Toutes nos envies ou Je vais bien ne t’en fais pas, par exemple. Et pourtant il est dans le même registre. La famille, quelle qu’elle soit, c’est la grande aventure. Elle peut nous construire ou nous détruire. C’est là que tout se passe finalement.

EN : La différence, peut-être, avec les films précédents, c’est qu’on pouvait presque leur mettre une étiquette : film sur le surendettement, film sur les réfugiés…

PL : Ah oui ! J’en ai un peu souffert, d’ailleurs, de ça ! Je me suis retrouvé à m’expliquer sur le film pour des raisons sociales ou sociologiques et à ne plus parler de cinéma. Alors que c’en était ! Je ne sais pas. Vous avez, ce sont les sujets qui viennent à vous et qui vous guident. Je vais bien, ne t’en fais pas, ce n’était pas un film social, et probablement que si, un petit peu. Comme celui-là l’est aussi. Il raconte des choses sur l’engagement, sur l’argent. Ca fait partie aussi de l’histoire. Mais je n’aime pas les cases, je n’aime pas être mis dans des cases. J’essaye de continuer à être libre.

EN : Le côté social revient, notamment dans les personnages des deux frères qui sont parfaitement odieux, obnubilés par l’argent, la réussite… Là, on retrouve votre regard.

PL : Oui, tout à fait ! Comme Jean tendait vers ça. Les deux personnages, Jean et Pierre, étaient très amis, ils le sont restés, mais ils ont divergé. L’un s’est mis à faire de la chirurgie esthétique, l’autre est partie en Chine étudier la médecine des plantes. C’est pas tout à fait la même chose. Ils n’ont pas non plus eu tout à fait les mêmes moyens dans la vie. Mais "l’argent, ça ne se mange pas", pour Pierre. Pour Jean, un peu plus. Chacun se fait son idée, en fait. Il n’y a pas de jugement de valeurs.
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