Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Certains prennent Philippe Claudel pour un écrivain talentueux qui se serait soudain pris au jeu d’un autre média, un peu par bravade. La réalité est toute autre, puisque l'auteur lorrain, lauréat notamment d’un Prix Renaudot et du Goncourt des Lycéens, a d’abord été passionné par le cinéma. C’est la vie, et le hasard, qui l’ont poussé vers la littérature, avant de lui permettre de retrouver ses premières amours.

Après Il y a longtemps que je t’aime et Tous les soleils, il revient ainsi au cinéma avec Avant l’hiver, présenté en avant-première au Arras Film Festival 2013. L’occasion de parler cinéma avec un cinéphile amateur de Haneke et de Sautet, qui revendique un cinéma classique tourné vers le facteur humain mais qui, surtout, parle avec une grande précision et beaucoup de passion du long processus de fabrication d’un film, de l’écriture du scénario aux différents choix techniques qui président à la naissance de toute œuvre de cinéma.

Ecran Noir : Comment est né Avant l’hiver ?





Philippe Claudel : Il y a toujours plusieurs racines à une histoire. Mais je pense que celle-là, c’est une question assez simple qu’on peut se poser à différents moments de sa vie : la vie que je mène et la vie que j’aurais rêvée. Est-ce que je suis bien dans cette vie-là ? Est-ce que je connais celles et ceux qui sont autour de moi ? Cette femme qui partage ma vie, qu’est-ce qui me lie à elle ? Qui est-elle vraiment ? Et ce meilleur ami, est-ce que c’est vraiment mon meilleur ami, etc. ? Ce sont des questions qu’on peut ne jamais se poser, mais à partir du moment où on se les pose, ça peut être extrêmement perturbant.

EN : Et comment décidez-vous de décliner une histoire plutôt en film ou plutôt en livre ?

PC : L’idée choisit elle-même. C’est-à-dire que ça naît pour le cinéma ou ça naît directement pour la littérature. Je pense que c’est assez simple finalement. Une histoire comme celle d’Avant l’hiver, c’est une histoire qui se construit beaucoup sur des silences, sur une matière qui n’est pas littéraire, mais qu’on peut capter avec des images, avec des sons, des comédiens. J’aurais du mal à travailler sur une forme romanesque : les personnages parlent peu. On invite les spectateurs à être à l’intérieur, mais sans leur donner de mode d’emploi. Tout cela fait que c’est essentiellement cinématographique.

EN : Comment s’est fait le choix des comédiens ?

PC : Le film s’est écrit avec et pour Daniel Auteuil. J’ai fait un synopsis et tout de suite je me suis dit : « c’est pour Daniel Auteuil » que je ne connaissais pas mais avec qui j’avais envie de travailler depuis longtemps. Donc je lui ai envoyé le synopsis, il m’a téléphoné assez vite, et il m’a dit « C’est très beau, mais je ne le ferai pas. Cette histoire me perturberait trop. Je me sentirais mal après. ». J’étais très déçu mais j’ai quand même écrit le scénario et quand il s’est agi de penser à quelqu’un d’autre, je n’avais personne. En France, je ne voyais personne. Je me suis mis à chercher des Anglo-saxons. Il y en avait un, d’envergure internationale, qui voulait faire le film. On a commencé les négociations financières et au même moment, Daniel a demandé à lire le scénario. Son agent le lui envoie et il m’appelle pour me dire qu’il veut faire le film. Donc j’ai refermé élégamment la porte à l’autre comédien et on a fait le film avec Daniel. C’était un grand plaisir. Il était le personnage et j’en ai eu la confirmation dès le premier jour de tournage. Il n’y avait pas d’hésitation.

EN : Et pour ce qui est du casting féminin, est-ce que Kristin Scott-Thomas est en train de devenir votre actrice fétiche ?

PCPar rapport à Kristin, c’est vrai qu’il y a le plaisir d’avoir fait mon premier film avec elle, mais c’était difficile, déjà... J’ai toujours un plaisir infini à la filmer mais une grande douleur à travailler avec elle. On est un peu chien et chat, incompatibles. Ça, le spectateur ne le sait jamais puisqu’il ne voit que le film fini, mais ça passe par trop de douleur, trop d’engueulades, trop d’énergie, donc c’est la dernière fois.

EN : C’est la dernière fois chaque fois ?

PC : Oui (rires) ! Non mais je pense qu’elle, de son côté, elle ne voudra plus jamais travailler avec moi parce que j’ai été très dur avec elle. Et puis, pour moi, c’est quand même beaucoup d’énergie… C’est dommage parce que c’est un grand gâchis… Ensemble, on a fait de belles choses et j’avais encore d’autres idées en tête. Mais voilà, c’est comme ça.

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