Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Venus présenter la traditionnelle "Leçon de cinéma" des Rencontres Henri Langlois 2011, consacrée cette année à la musique de films, Michel Hazanavicius et Ludovic Bource ont accordé quelques minutes aux journalistes. L’occasion de revenir sur l’un des succès de l’année, le film muet The artist. Mais aussi de parler de musique, de transmission, et de l'âge d'or d'Hollywood.
La musique est-elle présente dès la naissance du projet ou seulement au montage ?

MH : Le film que nous avons fait est un peu particulier dans la mesure où à tout point de vue, et notamment vis-à-vis de la musique, je n’ai pas souvenir d’un film où la musique ai été aussi présente du début à la fin, sans discontinuité aucune. En terme de place de la musique, il est difficile de voir comment nous pourrions aller plus loin. Sur ce projet-là, c’était dès l’écriture. Je donnais à Ludovic toutes les musiques que j’écoutais en écrivant le scénario. La musique a aussi été très présente sur le plateau car comme on n’enregistrait pas les paroles, on pouvait faire le bruit qu’on voulait. J’ai donc mis de la musique pour les acteurs, chose qu’ils ont adorée. Et au montage, Ludovic avait la référence de ce que nous avions écouté pour travailler. On repart à zéro pour chaque film, car ils possèdent tous leur propre logique, un organisme en soi, une certaine cohérence.

The Artist a donc du être un véritable défi pour vous deux, dans la mesure où le spectateur du 21e a évolué avec l’idée du « parlant ». Cela devait représenter un risque en soi pour ce film où la musique est omniprésente. N’aviez vous pas peur de la réception du film ?

MH : Je n’ai pas vraiment peur en réalité…

LB : Moi si ! (rires) Michel m’a dit : « eh bien écoute, tu va être condamné à l’excellence ! »

MH : Je travaille personnellement plus sur le désir. Si on m’avait forcé à le faire, j’aurais sans doute eu peur. Je n’ai donc pas eu peur car je savais qu’il y avait un beau film à faire quoi qu’il arrive. A tout prendre, je préfère me planter avec un film que j’ai désiré plutôt qu’avec un film qui est le projet de quelqu’un d’autre. La notion de risque reste tout de même très relative. D’abord, il n’y a pas de risque réel ; au pire on fait un mauvais film et voilà ! Mais très honnêtement, je ne serais pas le premier à en faire un... Celui qui a réellement pris un risque, c’est celui qui a investi dans ce projet, à savoir le producteur Thomas Langmann. Et en troisième lieu, je considère qu’il est beaucoup plus « casse-gueule » de faire une comédie romantique aujourd’hui avec des trentenaires qui habitent à Paris que de faire un film muet en noir et blanc.

LB : C’était plutôt un projet qui présentait une part de risque par rapport au temps qui nous était imparti pour être en temps et en heure à Cannes pour le défendre. Ca a été une véritable course. C’est une chose que j’aime : lorsqu’un projet est atypique, ou présente quelque chose qui va me faire évoluer, avancer… Là, c’était vraiment quelque chose d’extrême. Pour la composition du film, vous êtes-vous appuyés sur certains artistes ?

LB : Au départ, on s’inspire évidemment du climat général de l’époque. J’ai étudié certaines biographies, éventuellement la vie de certains compositeurs qui ont été influents pendant l’âge d’or du cinéma hollywoodien, en passant par les classiques et les grands compositeurs de l’Europe de l’est. Max Steiner et d’autres notamment qui maitrisaient la symphonie, qui sortaient du style romantique. C’était une ère totalement différente, donc une musique émotionnellement différente. Mais je pense aussi que The Artist n’est pas complètement désuet dans l’image, car certains caractères du film sont assez modernes. Il y a par exemple cette scène incroyable avec le rêve de George Valentin. A cet instant il y a du « sound design » (bruits intra-diégétiques), les gens trouvent ça génial mais à l’époque personne n’a jamais fait ça. Il y a donc plusieurs relectures différentes sur le film, presque actuelles et politiques.
J’ai donc suivi Michel par rapport à sa sensibilité musicale et cinématographique. Pendant plusieurs semaines, j’ai essayé de m’informer, d’ingurgiter des choses et à un moment donné, de m’arrêter, de me mettre au piano et de laisser faire les choses. Sans copier, sans s’influencer de ce patrimoine-là, car j’avais visité presque 50 années de la musique, jusqu’à Bernard Herrmann (musique de Vertigo) qui est en hommage à la fin. Il y a donc forcément un peu de musique contemporaine, parfois même de la pop des années 70 dans les love-thèmes entre Peppy et George.

Vous avez travaillé pour ce tournage à Los Angeles avec des personnalités américaines comme Jonh Goodman et James Cromwell. Comment ont-ils réagi à la lecture du scénario ?

MH : Bien, étant donné qu’ils ont acceptés. Goodman a dit oui en 5 min, et Cromwell, qui voulait tout savoir, en deux heures. Il y a deux types de personnes à qui j’ai fait lire le scénario : ceux a qui j’ai demandé de l’argent, et ceux à qui j’ai proposé du travail. Ces derniers ont été ravis car c’est un film qui est très différent, et où ils n’ont rien à perdre.

Tourner ce film à Hollywood, là où le cinéma muet avait connu sa plus grande effervescence, cela a dû vous procurer un léger pincement au cœur ?

MH : C’est surtout pendant la recherche et la préparation des décors qu’il m’est arrivé de me retrouver dans des endroits incroyables comme le bureau de Charlie Chaplin, les studios de la Ruée vers l’or et des Temps Modernes, la maison de Marie Pickford, des découvertes (toiles peintes de décors) qui avaient servi pour le film Casablanca... Toutes ces choses-là, comme tourner à la Paramount, sont très émouvantes. Après cela, il a fallu tourner le film en 35 jours, ce qui est relativement court, donc les pincements au cœur vous les avez surtout quand vous pensez que vous n’allez pas finir votre journée !


   propos recueillis par Yanne Yager lors de la conférence de presse

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