Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Artiste polyvalente, Miranda July, partage son temps entre le cinéma, la vidéo, la littérature et les arts plastiques. Elle fut la révélation du Festival de Cannes 2005 avec son premier long métrage, Moi, toi et tous les autres, qui reçut la Caméra d’or, après avoir été couronné de l'"International Filmmaker's Award" lors du festival de Sundance. Six ans plus tard, elle revient avec The future, une comédie dramatique étrange et générationnelle où un jeune couple s’octroie un mois de liberté pour réaliser ses rêves.
EN : A un moment du film, les personnages ont justement l’impression que "leur vraie vie commence". Encore une illusion ?

MJ : La plupart des constructions mentales que nous nous faisons à propos de la vie sont des illusions, mais c’est important de vivre ces choses-là aussi. Il n’y a rien d’écrit : que l’on doit aller à l’école, que l’on doit trouver un travail, et que maintenant notre vie commence. Mais cela peut être très puissant de se dire ce genre de choses et de s’y tenir.

EN : Pensez-vous qu’on a éternellement cette sensation, quel que soit son âge ou son expérience ?

MJ : Que la vie commence ? Oui, car je crois qu’il y a un phénomène de renouveau permanent. Quand on se lève le matin, même si on sait que la journée sera assez similaire à la précédente, on a quand même l’impression que c’est une nouvelle journée et qu’on ne sait pas ce qui va se passer. Et ça marche à chaque fois, on y croit vraiment, et c’est vrai : on ne sait jamais ce qui va arriver. Je crois que ce sentiment persiste, du moins pour ce que j’en sais en parlant avec des gens. Mes parents par exemple. Mais je crois vraiment que ça persiste. On ne se dit jamais : "ok, maintenant c’est bon, j’ai vécu tout toutes les journées possibles."

EN : Aviez-vous prévu dès le départ de laisser une fin très ouverte ?

MJ : Oui, c’était prévu. Mais ça a quand même changé tout au début, car lorsque j’ai commencé à écrire, je venais de vivre une séparation et ce sentiment était très présent. Et puis j’ai rencontré mon mari, on s’est marié. Et j’ai commencé à vouloir que les personnages restent ensemble, car j’étais dans une situation plus optimiste. Et c’est sans doute pourquoi il y a les deux états dans le film, je suis passée par ces deux états, et les deux sont proches de moi et vrais.

EN : Est-ce que le personnage de Sophie est proche de vous ?

MJ : Pas vraiment. Ceux qui me connaissent bien peuvent voir qu’elle n’est pas semblable à moi. Certaines choses me ressemblent, certaines répliques qu’elle dit sont des choses que je pourrais dire dans la réalité. Mais tout ce qu’elle fait dans le film est complètement fictionnel. Les gens voient que je suis super productive et que j’ai plutôt le problème inverse au sien… Mais à l’intérieur, je peux moi aussi être parfois paralysée, et c’est sans doute pourquoi je travaille autant. En ce qui me concerne, il est donc facile de faire des rapprochements entre elle et moi, mais en surface, il y a globalement beaucoup de choses qui nous opposent.

EN : Est-ce que vous observez également les gens autour de vous pour nourrir vos personnages ?

MJ : Oui, notamment une amie, qui est mon amie la plus proche. Et là, pour le coup, lorsqu’elle a vu le film, elle a eu l’impression qu’il y avait beaucoup d’elle-même dedans ! C’est plutôt elle qui danse, qui vivait dans un petit appartement avec son copain… Le personnage , c’est elle, mais avec des éléments qui viennent de moi, comme mon "âme".

EN : Vous avez déjà beaucoup montré le film. Avez-vous beaucoup de témoignages de spectateurs qui se retrouvent dans cette histoire ?

MJ : Oui, surtout des femmes. Ca fait très plaisir ! Et c’est vrai qu’il a une forme de compréhension spécifique chez les gens qui ont exactement l’âge que j’avais en commençant à écrire le film [33 ans]. Mais c’est bien sûr intéressant de voir des gens de tous les âges regarder le film. Je crois que si vous êtes un petit peu plus vieux, vous n’avez plus envie de penser à ça. Mais ça peut aussi être l’occasion de repenser différemment à cette période. Je suis très sensible à ça. Mais bien sûr ce sont des généralisations.

EN : Dans le film, on a l’impression qu’internet met une pression supplémentaire sur la vie des personnages. Sophie veut réaliser sa propre chorégraphie, mais elle ne peut s’empêcher de regarder celles des autres et de se comparer à eux, ce qui la bloque. Ca crée chez elle un désir, mais aussi un blocage, et finalement, presque une obligation.

MJ : Oui, c’est ce que je pense. Sur internet, je vois bien plus de choses qui m’inspirent que je n’en verrai ailleurs. Je me dis : "oh mon Dieu, il y a tant d’expériences artistiques qui sont faites !" et je pourrais les regarder pendant des heures. Mais ça peut aussi être paralysant. Bien sûr, pour faire quelque chose soi-même, il faut arrêter de regarder. Et ça vous prend également un petit morceau d’intimité. D’un point de vue positif, ça permet de ne jamais être seul. Mais on a justement besoin de ressentir parfois cette solitude, juste pour savoir ce que l’on ressent, pour agir. Je n’arrive pas à me sentir complètement seule tant que je n’ai pas débranché internet, comme si l’ordinateur me regardait, d’une certaine manière !

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