Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



C’est un Philippe van Leuuw comblé que l’on croise à Paris quelques jours seulement avant la sortie de son premier long métrage, Le jour où Dieu est parti en voyage. Ce directeur de la photographie reconnu (La vie de Jésus de Bruno Dumont, Le dernier des fous de Laurent Achard, Les bureaux de Dieu de Claire Simon…) vient en effet de recevoir le prix "Nouveaux réalisateurs" au 57ème Festival international de Donostia-San Sebastián et ne rencontre que de l’enthousiasme sur son passage…
EN : Le film a beau éviter toute scène de violence, certaines séquences sont malgré tout terribles. Notamment lorsque la voisine sort le corps des enfants et les met devant la maison comme s’il s’agissait de poubelles. On a du mal à imaginer qu’elles soient vraies !

PvL : Je souhaitais faire un film qui soit recevable par un public aussi large que possible. Mais il ne s’agissait pas de faire de l’angélisme non plus. Le traitement des enfants est réaliste. Dans la cruauté et la bestialité, il y a eu cent fois pire ! D’ailleurs, on récolte les mêmes témoignages partout : en ex-Yougoslavie, en Sierra Leone… Au Rwanda, les miliciens disaient qu’ils partaient au travail quand ils allaient commettre des massacres. Ils rentraient fourbus et passaient leur soirée à boire et imaginer comment ils allaient tuer leurs victimes du lendemain…

EN : A travers les deux personnages principaux, le film pose l’éternelle question de la survie après un traumatisme aussi terrible. Peut-on survivre et comment ?

PvL : Les personnages sont en effet deux réponses possibles à cette question. L’homme, une fois soigné, se remet dans la vie. Il essaye de construire, d’organiser leur misère et leur quotidien pour le rendre vivable. Jacqueline, elle, sombre petit à petit dans un désespoir sans retour. Elle est incapable de retrouver de l’énergie. Elle éprouve une véritable fascination pour l’idée de la mort. Il ne s’agit même pas forcément pour elle de rejoindre ses enfants car sa foi n’a plus de valeur. Ce qui la maintient en vie, c’est un instinct de survie très fort, qui préexiste à sa volonté. Quelles sont ses options ? Elle est déjà morte. Son corps ne fait que l’embarrasser. Le corps de l’homme blessé l’embarrasse aussi. Elle ne peut que le regarder. Au départ, j’avais écrit qu’elle le regardait agoniser toute la nuit. Si elle l’aide finalement, c’est à contrecœur…

EN : Vous êtes-vous inspirés de témoignages réels pour ces deux personnages ?

PvL : Non, j’ai tout écrit de manière fictionnelle.

EN : Le film a été montré au Rwanda ?

PvL : Non, pas encore. C’est compliqué et ça coûte un peu cher. Le moment idéal, ce serait pendant les commémorations en avril 2010. Mais moi, mon idée, c’est une projection populaire en plein air, gratuite. Si en plus le film peut circuler dans le pays plus tard, c’est encore mieux. A Toronto, il y avait quelques survivants dans la salle lors de la présentation… C’était très émouvant. C’est pour eux qu’on l’a fait. Je veux dire : je l’ai fait pour moi, mais s’il y a bien un public auprès duquel je me sens redevable, ce sont bien eux ! J’ai un énorme respect pour la souffrance des Rwandais. Il ne fallait pas qu’on utilise cette souffrance pour en faire juste un objet de cinéma.


   MpM

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