Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Présenté en compétition officielle au festival Paris Cinéma 2008, Mange ceci est mon corps, est une expérience cinématographique étonnante. A l'occasion de sa sortie en salle nous avons rencontré son réalisateur, Michelange Quay, aussi disponible que sincère. Dialogue.
EN : On passe alors dans un rapport de causalité…
MQ : Oui. A tout moment. Si nous parlons d’économie ou d’identité nous nous efforçons de trouver l’angle qui va avec ces thématiques. Et je trouve que le cinéma s’y prête énormément. C’est le médium ou, systématiquement, nous sommes en train de nous demander qui on est et où on est.

EN : Revenons au noir et blanc. Cette dimension, très présente dans votre film, ne serait-elle pas que la surface visible d’un discours beaucoup plus intérieur, à la limite du religieux, de l’identitaire ?
MQ : C'est-à-dire ? Aurais-je élaboré une vision manichéenne de mon expression ?

EN : Au contraire, vous dépassez cette vision binaire en élaborant un discours poétique, identitaire et conceptuel sur l’être humain et l’état du monde…
MQ : L’humanité dans le sens de notre rapport à la biosphère…la difficulté est là. C’est qu’on parle des gens, de l’économie. On peut parler des gens, de l’économie, de l’ethnie, du pouvoir…mais avec quels outils. Avec quel instrument pouvons-nous réaliser un travail scientifique si l’instrument scientifique rend compte du phénomène décrit. J’ai l’impression de n’avoir pas trop réfléchi comme cela. J’ai réalisé instinctivement, au fur et à mesure jusqu’à ce que cela résonne bien. C’est le principe de base. Comme je disais avant c’est le 0 et le 1. C’est le principe absolu à partir duquel la multiplicité advient. Effectivement nous travaillons sur la religion pour montrer les limites de notre savoir, la capacité de parler de nous-même. J’utilise le langage archaïque de la religion pour mettre entre guillemets des discussions qui sont contemporaines car nous n’avons jamais vraiment fini le travail d’aiguisage de nos outils de lecture.

EN : Vous construisez vos scènes comme des tableaux mouvants. Ils sont à la fois autonomes et reliés entre eux par la fluidité de votre narration…
MQ : …j’ai l’impression, si j’ai envie d’être un peu mystico religieux, que nous menons une expérience de conscience particulière. On se réveille à tout instant, soit maintenant ou dans un état de rêve ou de conscience modifiée et l’on se situe par rapport à un champ infini de passé, de futur. On essaye de s’approprier le tout comme si on savait où l’on est et d’où on vient. A tout moment. C’est pour cela que c’est si étrange de voir des photos de nous autrefois.

EN : Votre mise en scène marque l’importance de l’ouverture, du reflet et du mélange dans les scènes et entre les scènes. Etait-ce une façon de signifier les différentes thématiques ?
MQ : Je voulais, comme vous dites, faire en sorte que toute pièce…même pour la musique car je ne fais pas de musique d’illustration et chaque plage de musique a son propre chapitre…en fait je voulais donner la capacité au spectateur de saisir dans n’importe quel moment quelque chose qui s’approprie en tant qu’icône. Icône parce qu’il parle à une succession infinie d’autres icônes. Toujours à partir de l’idée de présence et de non présence. Même pour la musique. Ce n’est pas une musique qui est faite comme cela. Il y a une véritable résonance. Donc, effectivement, j’essaye de créer une gamme dans laquelle on peut faire une fugue avec les différents éléments qui nous interroge. Pour que le spectateur puisse trouver le point de départ de chaque lecture.

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