Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24





A l'occasion de la sortie de Ulzhan, film de Volker Schlöndorff présenté en Séances spéciales à Cannes, Ecran Noir a rencontré son acteur principal, Philippe Torreton. Dans une chambre d'hôtel, place des Vosges, l'acteur, récemment élu conseiller de Paris, nous parle avec talent, gentillesse et passion de ce rôle, de ce film, de cette aventure si particulière.
EN : Quel a été votre relation de travail avec Ayanat Ksenbai (Ulzhan) et David Bennent (Shakuni) ?
PT : En premier lieu, il s’agit de deux rencontres formidables. Assister aux retrouvailles de David Bennent et Volker Schlöndorff trente ans après le Tambour fut touchant. Et puis découvrir cette fille, Ayanat ksenbai, que Volker a choisi assez rapidement d’ailleurs, et contre l’avis des studios KazakhFilm qui voulaient nous imposer leur pin-up du moment. Il a donc réussi à faire tourner cette fille tellement plus intéressante, plus riche, plus belle.

EN : Elle dégage, en effet, une force intérieure incroyable
PT : Elle possède une densité et une présence incroyable. J’espère qu’elle continuera à faire des films, car elle peut vraiment apporter des choses, c’est une grande et belle comédienne. Ces deux rencontres se sont orchestrées à partir d’un rôle paradoxal qui consistait à fuir les rencontres. On jouait ensemble mais dans des « non scènes ».

EN : Au vu du cheminement des différents personnages et de leur interaction, Schlöndorff a-t-il laissé une part d’improvisation ?
PT : Les deux. En aucun cas, nous n’avons tourné sans savoir ce que l’on allait faire. Même si le scénario de Jean-Claude Carrière a été chamboulé régulièrement (avec son assentiment), il s’agissait d’adapter celui-ci à la réalité de ce que l’on vivait. Et c’est de toute façon ce qu’avait pressenti Jean-Claude avant que l’équipe parte en tournage.

EN : Est-ce que vous vous êtes dit qu’il était possible de changer de direction en cours de route ?
PT : Nous n’avons, à aucune reprise, changé de fusil d’épaule par rapport à l’histoire initiale. On l’a juste adapté aux réalités du terrain. Parfois, c’est très terre à terre vous savez. Prenez une scène qui se passe dans un endroit prévu en théorie par le script, et bien si celle-ci s’avère être moins bien que prévu, Volker Schlöndorff prend la décision de faire des micros repérages pour tourner ailleurs. Cela suppose également de changer les quelques mots qui ont un lien avec le lieu initialement prévu. C’est facilement compréhensible. De plus, il ne faut pas oublier la force de ce pays, de ce que l’on y voit, de ce que l’on y vit et qui peut amener à la suppression d’une page de dialogues.

EN : C'est-à-dire ?
PT : Parce ce que c’est inclus dans le paysage. Au lieu d’avoir un personnage qui raconte sur une page entière la solitude qu’il y a dans ce pays, il suffit de mettre un « mec » qui mange son yaourt sous une bagnole (ce que fait Charles dans le film). Il y a toujours un imprévu comme ces bagnoles accidentées qu’ils accrochent au dessus des poteaux pour dissuader les gens de rouler vite. Cela ne sert à rien d’ailleurs, les gens roulent comme des tarés (rires).

EN : Sachant que le personnage de Charles, tout en intériorité, est assez éloigné des personnages que vous jouez habituellement. Comment l’avez-vous abordé ?
PT : En ne l’abordant pas (rires)

EN : D’accord… mais plus encore?
PT : En le respectant. En respectant cette peur. En étant moi-même le plus en creux possible. Le plus « en » écoute. Et je dis cela alors que je suis confortablement installé dans une chambre d’hôtel. Mais je l’ai vécu nerveusement, très loin de ce calme là et de se recul là. Au final, c’est ce qui ressort ; soit un personnage auquel je ne pouvais pas me raccrocher. Vous voyez, quand on joue Napoléon, on sait qu’on à trois cents bouquins et des spécialistes à disposition, un peu comme Capitaine Conan avec toutes ces lettres de poilus. Pour revenir à Charles, personne ne s’était penché sur lui avant que Jean -Claude Carrière l’écrive. Il n’existait pas. Comme la douleur extrême de mon personnage que je n’ai pas connue et que j’espère ne jamais connaître. En même temps si je l’avais connu je ne vois pas en quoi elle aurait pu me servir.
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