Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Niki Karimi est l’une des actrices iraniennes les plus connues dans le monde. Visage de poupée aux proportions parfaites et yeux verts translucides, elle aurait pu se contenter d’enchaîner des rôles faciles dans le très dynamique cinéma iranien, voire de rêver à une carrière internationale. Mais la jeune femme est un esprit libre et indépendant qui entend exprimer sa propre vision du monde. A la fin des années 90, elle assiste Abbas Kiarostami sur Le vent nous emportera puis sur ABC Africa et s’essaie à la réalisation. En 2005, son premier long métrage intitulé Une nuit est présenté dans la section Un certain regard à Cannes. Trois ans plus tard, elle est membre du jury international du Festival international des Cinémas d’Asie de Vesoul où elle présente également en avant-première son deuxième film, Quelques jours plus tard, l’histoire d’une jeune iranienne en période de crise et de confusion.
Ecran Noir : Parlez-nous de Sharhzad, le personnage principal de votre nouveau film Quelques jours plus tard.





Niki Karimi : Il s’agit d’une femme qui veut donner son opinion et avoir la parole. Elle a choisi sa vie et refuse de recevoir des ordres. Elle voit une distance entre elle et la société dans laquelle elle vit. C’est pourquoi elle vit hors de la ville, afin de garder cette distance, cette vision différente. Elle est également face à une crise dans sa vie. C’est également un film sur l’attente, sur ce décalage de quelques jours entre le moment où l’on nourrit une décision et la prise de décision elle-même.

EN : Contrairement à votre premier long métrage Une nuit, vous avez choisi d’interpréter vous-même ce personnage. Pourquoi ?

NK : Pendant trois ou quatre mois, j’ai cherché une actrice. Finalement, le producteur m’a dit que je n’avais qu’à jouer moi-même. Je connaissais bien le personnage, je n’avais pas besoin d’explications, c’était plus simple.

EN : Vous n’êtes pas gênée par le fait de vous voir à l’écran ? De nombreux acteurs disent trouver cela très gênant…

NK : J’ai une expérience particulière par rapport à cela. Dès mon premier film, je suis allée regarder les rushs. Pas parce que je m’aime, mais afin d’avoir un regard professionnel sur les images. Même quand je suis fatiguée après une journée de tournage, j’y suis toujours allée. Par contre, je ne m’implique pas dans cette vision, c’est comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre.

EN : Vous êtes une femme, vous êtes iranienne et vous tournez des films mettant en scène des personnages féminins… Est-ce que cela ne vous agace pas un peu que l’on ramène toujours votre travail à votre féminité ?

NK : J’aimerais bien faire un film avec un homme comme personnage principal, mais la réalité, c’est qu’il y a des difficultés à Téhéran, là où je travaille, et il me serait difficile de parler d’autre chose. Mais bien sûr, le cinéma est plus grand que cela : on ne peut pas penser "on est une femme", "on n’est pas une femme". On prend une histoire et on en fait un film. Quand je travaille, je fais en sorte de ne pas avoir de sexe. Bien sûr, l’Iran est un pays patriarcal, c’est donc le regard des hommes qui importe, c’est à eux qu’il faudrait le demander… Ce regard patriarcal est parfois condescendant, certains hommes pensent qu’ils ont leur mot à dire et qu’ils peuvent décider pour vous. Ceci étant dit, on travaille dans ce pays depuis longtemps. On se bat pour se faire une place : s’ils veulent nous écarter, c’est leur problème.

EN : Vous sentez-vous optimiste par rapport à cela ?

NK : Nous sommes une bonne génération, pleine d’énergie et d’intelligence, avide de connaissances. Mais bien sûr ce n’est pas là le problème : nous avons besoin d’autres sortes de liberté. Les lois doivent changer. La société doit changer. Je ne peux que l’espérer.

EN : Travaillez-vous avec un scénario précis ou laissez-vous place à l’imprévu ?

NK : Bien que j’aime beaucoup l’improvisation, nous ne l’avons pas pratiquée, car ce n’était pas conforme au sujet. Je voulais au contraire un découpage au plus près pour ne pas casser le plan en petits morceaux. Dans ce genre de cinéma qui n’est pas un cinéma de récit, chacun apporte un point de vue issu de ses préférences. On prête ainsi attention à des détails. Par exemple, je prends garde à ne jamais morceler le temps.

EN : En plus de présenter votre film, vous êtes membre du jury international. Quels critères comptez-vous appliquer pour décerner le Cyclo d’or ?

NK : Il faut que cela soit proche du cinéma que j’aime. Parfois on voit des films qui semblent surfaits ou non crédibles, mais parfois on découvre réellement des choses. Il y a également le ressenti et les émotions que l’on garde après la projection. Tout cela réuni fait qu’une oeuvre se détache plus particulièrement du lot que les autres.


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