Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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En l'espace de quelques films, Lucas Belvaux s'est imposé comme une valeur montante d'une nouvelle génération de cinéastes. À l'occasion de la sortie en DVD de La Raison du plus faible et de Nature contre nature – comédie rurale diffusée sur France 3 en juin dernier – il s'est confié à Ecran Noir. Rencontre avec un homme discret et généreux, véritable amoureux du cinéma d'antan.
EN : Le fait divers qui vous a inspiré, quelle place a-t-il pris dans le scénario ?
LB :
Il a représenté le déclencheur pour écrire mais je n'en ai conservé que le mode opératoire, le dénouement, que j'ai un peu dramatisé, et le quartier. C'est un fait divers assez célèbre en Belgique, qui s'est déroulé il y a une vingtaine d'années et s'est achevé en direct à la télévision. On ne sait toujours pas si le gars s'est suicidé ou si il s'est fait descendre, les versions de la police ne concordent pas. Il ne s'est pas rendu en tous cas, même lorsqu'il en a eu la possibilité. Le fait divers s'est étalé sur plusieurs jours d'encerclement, de poursuites en voiture… cela ressemble plus à Un après-midi de chien qu'à ma vision dans La Raison du plus faible. Les truands ne m'intéressent pas plus que ça, c'est pourquoi je les ai transformés en prolétaires. En général, ils ont plutôt tendance ou à se détruire ou à détruire leur entourage proche. La déchéance sociale, la perte du travail, surtout dans ces régions, s'installe rapidement. Perdre leur emploi c'est perdre la seule valeur existante, la dégradation de l'image de soi devient extrêmement profonde. Une autre forme de violence va peu à peu s'imposer, envers soi-même (par l'alcool souvent) et les autres, le plus souvent la famille. C'est un sujet intéressant à traiter.

EN : Avez-vous conscience de faire du cinéma dit "engagé" ?
LB :
Bien sûr, c'est un choix, bien que cela complique les choses. Lorsque l'on parle de film engagé, les spectateurs ne se bousculent pas forcément dans les salles. Cela implique un certain intérêt pour les événements sociaux ou politiques. Aujourd'hui, le cinéma est perçu globalement comme un pur produit de divertissement. Dans les années 60-70, c'était un peu différent mais maintenant, cette notion a pris le pas sur le discours au cinéma.

EN : Que pensez-vous de cette notion croissante du divertissement dans le cinéma moderne ?
LB :
On ne peut pas aller contre son époque. On peut grincer des dents, mais nous devons faire avec. Les effets, non pas de mode mais de société, ont permis au cinéma très engagé de la fin des années 60 et du début des années 70, de côtoyer le divertissement, les films de Gérard Oury par exemple, qui faisait énormément plus d'entrées. Mais on ne peut pas le regretter car c'est aussi ça le cinéma, c'est un mélange des deux. Nous nous inquièterons lorsque cela ne sera plus possible du tout. Par moments, on sent que c'est très compliqué de financer, pas que des films engagés d'ailleurs, des films un peu noirs, sociaux. Peut-être plus encore à l'étranger. En France, on a encore un système qui permet à tous les cinémas d'exister. À montrer au grand public, cela devient un peu plus difficile. Des films qui ne sont pas uniquement de purs produits de divertissement ont de moins en moins accès aux salles de cinéma, notamment celles des grands groupes. Donc petit à petit, ils deviendront aussi difficiles à produire. Il faut être vigilent, essayer d'œuvrer pour ne pas perdre ce cinéma-là.

EN : Parlez-nous de votre prochain projet, Les Prédateurs, pour Canal + à propos de l'affaire Elf.
LB :
Pour l'instant, nous sommes en préparation et nous commençons le tournage en avril. Jacques Maillot et Anne-Louise Trividic ont écrit le scénario, essentiellement d'après le procès et tous les livres qui ont été écrits par les uns et les autres, par des journalistes, par des personnes directement impliqués dans l'affaire (Le Floch, Fatima Belaïd sa femme, Eva Joly, André Galfi…). Ce n'est pas un documentaire, mais plutôt une fiction du réel, avec des acteurs, Nicole Garcia, Claude Brasseur, notamment. Nous ne pouvions pas traiter toute l'affaire, nous nous centrons, entre autres, sur les rapports avec les pays pétroliers africains.

EN : Y a-t-il une différence fondamentale entre réaliser un film pour la télévision et pour le cinéma ?
LB :
J'ai une assez grande liberté car j'ai de très bons rapports avec la chaîne. La seule contrainte est de se baser sur des personnes existantes, par conséquent nous devons rester très prudents. Légalement, nous ne pouvons pas raconter n'importe quoi n'importe comment. Des avocats lisent régulièrement les scénarios et vérifient la véracité de nos propos. Nous nous sommes inspirés de tous les documents disponibles, les livres, les enquêtes journalistiques, le procès. Chacun a apporté sa propre version des faits. Pour moi la différence fondamentale, c'est de ne pas avoir écrit le scénario. Jacques Maillot est à l'origine de ce projet, il n'a pu le tourner car il préparait son long-métrage. J'ai tenté de me l'approprier. Lorsque je prépare un film de cinéma, il est en gestation pendant minimum 2 ans. Dans ce cas précis, cela fait trois mois. Les tournages sont plus rapides… c'est peut-être un peu plus difficile qu'au cinéma. Je n'ai pas le temps de le mâturer, de faire les repérages en amont, de le découper en connaissant tous les décors. Sur La Raison, j'avais le financement, le casting et les décors pratiquement un an avant de tourner. Mais cela représente un autre exercice, pas inintéressant.

EN : Avez-vous vu l'Ivresse du pouvoir de Chabrol ?
LB :
Oui, bien sûr. Ce sont des projets bien distincts. Son film n'est pas totalement inspiré de l'affaire Elf. Chabrol se greffe dessus, il en prend quelques éléments, avec sa propre appréciation. Nous nous centrons vraiment sur l'affaire, conservant les noms et décortiquant les mécanismes financiers, politiques, historiques… avec des images d'archives, notamment sur la partie africaine. Les prédateurs sera en deux parties de 90 minutes, et nous ne prenons aucune distance par rapport à l'affaire Elf, si ce n'est celle de l'observateur. La diffusion est prévue pour la fin de l'année.

Propos recueillis par Florine Lhuillier en février 2007

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   Florine

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