Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Si Marc Rivière continue à ce rythme, on n'est pas prêt de voir son prochain film de cinéma... le dernier long métrage du réalisateur date en effet de 1988 (Le crime d'Antoine) ! Mais entre temps, ce sont les téléspectateurs qui ont profité des oeuvres du cinéaste parcimonieux : plus d'une trentaine de téléfilms (parmi lesquels L'homme aux semelles de vent, Le censeur du lyceé d'Epinal, L'arbre et l'oiseau...) en moins de quinze ans. Raison de plus pour découvrir l'histoire qui l'a ramené au cinéma, Le lièvre de Vatanen, d'après le roman éponyme de l'écrivain finlandais Arto Paasilinna.
Ecran Noir : Dites-nous quelques mots du Lièvre de Vatanen.





Marc Rivière : C'est un film à part. Il y a une angoisse fondamentale à s'engager sur un sujet comme celui-là. Quand on suit le code habituel, on sait où on va. Là, avec cette histoire entre un homme et un animal dans un univers naturel, on prend le risque, majeur, que le spectateur ne croît pas à la connivence entre les deux personnages. Surtout quand, en plus, on donne un côté magique à l'animal… Alors, si l'on arrive à donner le sentiment qu'ils avancent ensemble, cela apporte une sorte de plus value artistique.

EN : Qu'est-ce qui vous a plu dans le roman original d'Arto Paasilinna ? Quels ont été vos critères pour procéder à l'adaptation ?

MR : J'ai été séduit par la folie, la démesure du bouquin. Par son outrance, aussi, franck muller replica watches que j'ai rendue plus accessible. J'ai voulu qu'on suive ce personnage tout au long du film, et pour cela il fallait une vraie fluidité dans le récit. Derrière tout ça, il y a une leçon de vie et de sagesse qui me touche et que j'ai eu envie de transmettre.

EN : Enviez-vous Vatanen, capable de tout laisser pour commencer une nouvelle vie ?

Oui, car c'est sûr qu'il fait ce dont on a tous envie à des moments différents de nos existences. En même temps, j'évolue dans un métier où l'on raconte des histoires, à soi et aux autres. Alors ça change tout le temps. C'est un peu "on dirait qu'on serait…", comme les enfants. Evidemment qu'on travaille, mais quel bonheur ! Par exemple, l'année prochaine, je tourne l'histoire de Mazarin avec Luchini… c'est comme si je m'embarquais sur un nouveau vaisseau !

EN : Parlez-nous du tournage.

MR : C'est un voyage insensé ! On part le matin sans savoir ce qu'on va faire dans la journée. On a juste le sentiment enfantin et jubilatoire que cela va être étonnant. Comme cette scène où le lièvre mange des frites… C'est une folie tout à fait sérieuse et préparée, quelque chose que l'on ne vit pas souvent.

EN : Comment avez-vous tourné les scènes avec les animaux ?

MR : Nous avions le dresseur-animalier Pierre Cadéac sur le plateau. C'est quelqu'un qui sent des choses que nous ne sentons pas. C'est comme s'il avait un autre sens… Il est incroyable : par exemple, il a appris le langage des signes à des chimpanzés ! Nous avons toutefois fait appel au numérique pour certaines scènes, quand il y avait un risque de blesser un animal (par exemple lorsque le lièvre attaque l'ours) ou lorsque ce n'était pas possible de faire autrement.

EN : Vous avez évité de faire prendre des risques aux animaux, par contre vous n'avez pas eu peur pour Christophe Lambert, qui a également une scène avec l'ours…

MR : Au départ, on avait prévu un cascadeur pour lui servir de doublure, et puis finalement Christophe l'a fait lui-même… L'ours est très bien dressé, mais c'est sûr qu'on a tourné cette séquence deux fois, pas trois, car il aurait peut-être fini par se rebeller !

Vous avez tout fait pour que Christophe Lambert soit de cette aventure. Pourquoi lui ?

MR : Il a exactement la bonne proportion d'adolescent naïf et d'aventurier, deux composantes fortes du personnage. Et puis c'est un acteur unique, qui a une morpho-psychologie très rare. Il n'en existe pas d'autres de la même "famille".

EN : Vous avez tourné en Bulgarie, par des températures très en dessous de zéro…

MR : Le froid, c'est dangereux, bien sûr. Il y a des moments où il faut tout simplement rentrer se mettre à l'abri et ne pas prendre de risques face à une tempête. Mais globalement nous avons eu de la chance, cela ne nous a pas trop handicapé. Et puis à partir de moins vingt-cinq degrés, on ne fait plus la différence

EN : Le film ne bascule jamais dans le ridicule, même dans les scènes les plus décalées ou les plus osées, qui auraient pu êtrer franchement grotesques, notamment quand Christophe Lambert parle au lièvre ou lorsque l'animal est ivre. Comment l'expliquez-vous ?

MR : On est à la frontière en permanence, c'est un équilibre très fragile. Le processus est plus intuitif que raisonnable. J'avoue que ça reste assez mystérieux… Dans ce film, même la musique [de Goran Bregovic] est en décalage ! Ce n'est pas du tout la même culture, les mêmes racines. Au fond, c'est un pari et j'espère que les gens vont l'apprécier, même si certains trouveront forcément cette alchimie bizarre.

EN : Comment avez-vous travaillé avec l'auteur du roman, Arto Paasilinna ?

MR : Je ne lui ai absolument rien montré en amont. Quand le film a été terminé, là j'ai pris l'avion pour venir lui montrer à Helsinki. J'étais vert de peur. Et lui, il s'est levé pour applaudir ! Il m'a même dit que c'était mieux que son livre… Pure politesse, mais de la part de Paasilinna qui n'est pas très expressif… ça signifie beaucoup !


   MpM