Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Royston Tan, sourire désarmant, n'en finit plus de s'excuser. Son réveil, malicieusement resté à l'heure d'hiver, vient de compromettre en une matinée sa réputation de ponctualité… Une réputation qui risque de souffrir à nouveau dans l'avenir car à 29 ans, le talentueux réalisateur de 15, venu présenter 4:30, son nouvel opus, ne manque pas d'être sollicité… Difficile de contenter tout le monde en même temps ! A le voir jongler en virtuose avec son téléphone et son ordinateur portables, on en aurait presque le vertige. Mais qu'importe, le jeune Singapourien se fait rapidement pardonner avec une interview aussi concentrée que décontractée.
Ecran Noir : Qu'est-ce qui vous a incité à réaliser un film sur le thème de la solitude ?





Royston Tan : Toute personne vivant en ville a déjà fait l'expérience de la solitude. C'est une émotion extrêmement forte ! Lorsque j'ai réalisé mon premier film (15 en 2003), j'en ai personnellement beaucoup souffert. J'ai notamment passé trois semaines enfermé dans un appartement, sans aucun contact avec mes proches. J'ai ainsi remarqué que 4 h 30 est le moment de la nuit où l'on ressent le plus la solitude. J'étais souvent réveillé à cette heure là mais je ne pouvais appeler personne, j'étais réellement tout seul. J'ai d'ailleurs appris que c'est l'heure à laquelle il y a le plus de suicides dans tous les pays du monde.
Comme j'ai toujours considéré le cinéma comme une sorte de journal intime, un moyen de mettre de moi-même dans une histoire, j'ai décidé de faire un film sur ce sujet. Je voulais montrer aux spectateurs que tout le monde souffre à un moment ou à un autre de la solitude. Je pensais qu'ainsi, en voyant que l'on est nombreux à ressentir cette émotion, les gens se sentiraient un peu moins seuls… C'est un peu fou, mais c'est ce que je voulais faire.

EN : Le film joue beaucoup sur l'ambiguïté des situations, n'expliquant presque rien du contexte et du passé des personnages. Comme s'il était important, à vos yeux, que chacun se fasse sa propre opinion sur la signification des différents événements…

RT : Il y a trop de films qui expliquent tout ! Au contraire, j'avais envie que les gens se mettent dans la tête du jeune garçon [NDLR : le personnage central de 4 : 30] et épousent totalement son point de vue. C'est pourquoi j'ai décidé de ne pas sous-titrer la lettre laissée par son colocataire : Xiao Wu ne comprend pas le coréen, il ne sait pas ce que dit ce message… donc le spectateur ne peut pas le savoir non plus. Je voulais que chacun se mette à la place du héros et essaye de deviner, avec sa propre perception, le sens de cette note énigmatique.
Après la projection, à Singapour, il y a d'ailleurs eu une dispute entre deux groupes de spectateurs. Les premiers soutenaient que le personnage coréen est le père du jeune garçon, les autres répliquaient que ce personnage n'existe que dans l'imagination de Xiao Wu. Il faut dire que lorsque nous écrivions le scénario, nous avons pensé le film de manière à ce qu'il puisse être compris de trois manières différentes…

EN : Les personnages ne sont pas seulement seuls, ils s'avèrent incapables de communiquer. Soit parce qu'ils ne parlent pas la même langue, comme le jeune garçon et son colocataire coréen, soit parce qu'ils ne font pas l'effort de s'écouter… Pourquoi ajouter cette incommunicabilité au poids de la solitude ?

RT : Je voulais montrer que la solitude est universelle et traverse les barrières culturelles… De même que le langage corporel. Mais au final, tout ce qui compte, ce sont les relations entre deux êtres humains : que se passe-t-il quand deux personnes en demande affective se retrouvent ensemble ? J'avais envie que les spectateurs regardent l'intimité se créer entre le garçon et le Coréen un peu comme s'il s'agissait d'un documentaire.
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