Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Paris, mars 2006. Sur le quai de Seine, en face du Mk2 du même nom, une minuscule embarcation est amarrée, dansant joliment sur la houle parisienne. C'est Le Titanique, le bateau avec lequel les personnages de L'Iceberg de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy partent dans le Grand Nord à la recherche d'un iceberg. Il en a donc vu d'autres que ce mauvais temps de fin d'hiver, mais qu'importe, la cabine (reconstituée dans le film) est trop petite pour s'y entasser à quatre. C'est donc au chaud, et sur la terre ferme, que commence une conversation à bâtons rompus entre les trois réalisateurs issus de l'univers du cirque et du théâtre. Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy se connaissent et se comprennent, ça se voit, et les idées fusent de partout. Pas étonnant que, régulièrement, un projet cinématographique, vidéo ou théâtral naisse de cette alchimie…
EN : Vous avez écrit le script à trois, sur une durée relativement longue de trois ans. Comment cela s'est-il passé concrètement ? Vous parlez d'un "va et vient permanent entre le jeu, l'écriture et la réalisation" : avez-vous beaucoup improvisé au moment de l'écriture pour expérimenter vos idées ? A contrario, le scénario a-t-il beaucoup évolué en fonction des réalités matérielles du tournage ?
Bruno Romy : Je travaillais sur un projet de long métrage qui ne s'est pas fait. Alors j'ai fait appel à Fiona et à Dominique avec qui j'avais déjà réalisé un court métrage [Merci Cupidon en 1994]. J'ai écrit une dizaine d'idées sous forme de phrases. L'une d'entre elles parlait d'une femme enfermée dans une chambre froide qui contracte une obsession pour le froid… Nous sommes partis de là.
Dominique Abel : Nous avons choisi cette phrase-là car elle était simple et recelait l'idée d'une quête. Nous avons besoin d'histoires simples : trop de complication, ce n'est pas bon pour le jeu physique. En plus, l'idée permettait une grande ouverture car il fallait trouver tout le reste. Très vite, on a répété. C'est à ce moment-là qu'on trouve la matière. Les improvisations relancent l'écriture, puis l'écriture relance le jeu… comme au ping-pong. Mais le plus important, ce sont les répétitions. Dans l'histoire du burlesque, il y a très peu d'écrits. C'est un travail avant tout physique. Les éléments physiques sont impossibles à écrire, il faut les jouer…

Le livre Bye Bye Bahia



Ecrannoir : Etait-ce évident dès le départ que Fiona et Dominique joueraient dans le film ? Pourquoi ? Quelles difficultés cela a pu poser ?
DA : Nous voulions jouer car le faisons toujours : nous travaillons pour nous. De plus, comme nous utilisons beaucoup le langage corporel, c'était indispensable de connaître les personnes qui interpréteraient les différents rôles.
Fiona Gordon : On part de nous et les histoires s'écrivent en fonction de nos envies, de nos forces, de nos faiblesses… Le jeu est plutôt un état, une disponibilité à jouer.
BR : Ils n'entrent pas dans un rôle : ils sont le rôle.
DA : Nous avons l'habitude de jouer et de nous occuper de la mise en scène en même temps, car cela se passe ainsi au théâtre. Dans la tradition burlesque, c'est même plutôt le contraire qui est anormal…

Vous travaillez beaucoup en amont… sur le tournage, tout est parfait ou ça peut encore évoluer ? Comment cela se passe ?
FG : Au moment du tournage, nous sommes calés, mais pas forcément très bien. On peut être en deça de ce qu'on cherche, ou au contraire en faire trop… Aussi nous répétons dans les lieux du tournage dès que ceux-ci sont repérés. Cela permet d'affiner. Il faut refaire mille fois pour trouver la bonne nuance. Et tout est comme ça, jusqu'au choix plus petit accessoire. Par exemple, nous avons visité quarante ports pour trouver le bon…
DA : Quant tu dénudes, tout devient important !

EN : Et au final, vous l'avez choisi comment, ce port ?
DA : On a choisi Barfleur parce que c'est l'un des derniers ports à l'échouage de France. La marée peut faire varier la hauteur de l'eau de six mètres ! On voulait aussi avoir la possiblité d'isoler les lieux : un café, un quai… Or c'est là où il y avait le moins de perturbations architecturales. Aucun bateau de plaisance, de vrais pêcheurs… En plus nous avons trouvé notre bonheur dans les acteurs locaux et l'accueil était super ! C'était précieux car nous n'avions pas un gros budget… Les gens du coin nous ont prêté un garage, nous ont expliqué comment conduire le bateau, où aller… Par exemple, sans eux, ç'aurait été impossible d'aller dans la rade…

EN : Vous revendiquez l'aspect "conte burlesque" ou même "poèsie burlesque" de l'Iceberg. Quelles sont vos filiations en ce domaine ? A qui avez-vous pensé en tournant ?
FG : Notre façon de filmer est assez rare. Il existe peu de références, elles se comptent quasiment sur les deux mains : Charlie Chaplin, Max Linder, Buster Keaton… Nous appartenons à cette famille-là. Nous montrons parfois leurs films à l'équipe, pour leur expliquer l'esprit de ce que nous cherchons, mais nous n'essayons pas de les imiter.
DA : Avec l'imaginaire, tout est possible, les gens sont vite perdus… C'est pourquoi il est primordial de faire sentir à toute l'équipe la direction dans laquelle on va. Et puis cette complicité permet d'anticiper la complicité avec les spectateurs…

EN : Racontez-nous ce qui se passait dans le garage qui vous servait de studio. Quelle était l'ambiance ? Quels trucs avez-vous utilisé pour recréer la mer en intérieur ?
DA : Nous voulions amener des effets de l'ordre du "truc", de l'astuce, être dans un rapport naïf.
FG : Plutôt que des pompiers ou des techniciens, chacun avait son seau d'eau à jeter sur le bateau pour faire les embruns, ou une ficelle à tirer… Le plaisir est là aussi, de bricoler, de construire le film ensemble. Et même si ce n'est pas crédible à l'écran, nous avons confiance dans le public pour y croire quand même…
BR : Nous voulions aussi montrer que c'est encore possible de faire du cinéma de cette manière, avec de l'imagination et des bouts de ficelle. Le numérique n'a pas remplacé ça. D'ailleurs, les trucages numériques auraient donné un film différent.

EN : Au niveau de la mise en scène, il n'est plus question de bouts de ficelle… elle est au contraire très rigoureuse…
BR : La rigueur et les bouts de ficelle ne sont pas contradictoires ! Il y a des accidents, bien sûr, mais parfois ils vont dans le sens que l'on cherche.

EN : Le choix de plans séquences fixes demande précision et rigueur, il contraint à penser chaque image et laisse peu de place au hasard. Pourquoi avoir fait ce choix de mise en scène ?
DA : Nous sommes des amoureux des plans-séquence, c'est vrai… pourtant, c'est la première fois que nous poussons l'exercice jusqu'au bout. Mais attention, ce n'est pas une démarche intellectuelle…
BR : Non, c'est le résultat d'un travail !
FG : Au début, penadnt les répétitions, Bruno était souvent à la caméra. C'était assez mouvementé. Et peu à peu, il s'est mis à reculer afin de capter ce qui se passait. On s'est rendu compte que le jeu s'épanouissait mieux ainsi.
DA : Par exemple, prenez cette scène où Fiona est dans la cuisine, elle est triste car elle se sent seule et abandonnée. Il y a ses cheveux qui sont encore gelés, le bol à son nom sur la table, les miettes… L'image parle toute seule, aussi bien par le cadre que le décor ou les couleurs. Cela induit un certain style de mise en scène, et notamment la fixité et la distance. We all like heap replica watches which swiss made. All best watches for men.
BR : C'est aussi un moyen de trouver la continuité temporelle. Quand on la brise, on enlève de l'émotion… ce qui dessert ce que l'on veut faire.
FG : Découper plus nettement l'action coupe l'élan dans le jeu, or c'est justement ce qui nous plaît le plus, cet élan. Et puis la distance reflète le côté vulnérable des personnages qui sont tous seuls dans ce grand cadre.
DA : On laisse aussi au public la possibilité de voir les petits détails sans que tout soit préalablement mâché. Le spectateur doit faire un petit travail, ne pas être totalement passif.
FG : Il peut même voir les choses différemment de ce que l'on avait prévu !
BR : Et le découpage, lui, ne permet pas plusieurs lectures… replica rolex sea dweller watches

EN : Votre film parle d'une femme prête à tout pour atteindre son rêve. Et vous, quel(s) rêve(s) pourrai(en)t vous faire tout quitter ?
DA : Un deuxième film ?


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