Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Elle est gracieuse, et élégante, et séduisante. La star espagnole Marisa Paredes ressemble aux personnages qu'Almodovar a sculpté pour elle dans Talons Aiguilles et Tout sur ma mère : une diva simple et abordable, une actrice sûre de plaire et chaleureuse. Rien à voir avec le côté maternel et terre-à-terre de Carmen maura, qui vous emporte dans une tornade de confidences et de détails vivants. Paredes cherche ses mots, aime cette distance pudique que lui confère la traduction (alors qu'elle comprend bien la langue française). Maura emballerait une salle de théâtre quand Paredes sait faire rêver les cinéphiles. Dans Reinas, elle incarne une star de cinéma. Double effet de miroir. Elle s'y régale. Mise en abîme qui lui permet de déjouer son jeu, de déstabiliser son statut, tout en le confirmant. Paredes est une Reine. De celles qu'on imagine dans les tragédies... tag heuer replica Mais dès qu'elle sourit, nous sommes dans un conte de fée.
Ecran Noir : Vous allez bien?




Marisa Paredes :: Oui, très bien. Un peu fatiguée mais c'est normal.

EN : Vous venez de Madrid ?
MP : Oui

EN : Pas beaucoup de décalage horaire…
MP : Non ! Non Non... Mais dès que tu arrives, il faut faire des interviews...

EN : C'est compliqué, oui. C'est fatigant. En plus, nous posons tous lesM mêmes questions...
MP : (rires) Plus ou moins... (rires)

EN : La première question va être très banale… Qu'est-ce qui vous a intéressé dans ce personnage d'actrice ?
MP : Tout d'abord, c'est une actrice différente à travers cette générosité qu'elle a à l'égard d'elle-même plus qu'à l'égard des autres. C'est aussi une actrice opportuniste… comment dire ?… Même si elle a les mêmes tics qu'une actrice classique, une comédienne va vouloir être très généreuse avec les autres, plus qu'elle en tout cas. Et puis il y a aussi le ton comique qui lui était donné.

EN : Ca veut dire que les actrices ne sont pas si généreuses que ça ?
MP : Elles aimeraient bien mais elles ne peuvent pas toujours.

EN : On a l'impression que le rôle a été presque écrit pour vous finalement. C'est une question qu'on a déjà du vous poser, là encore. C'est vrai que vous allez très bien dans ce genre de rôles. Est-ce ce que ça a été le cas ?
MP : C'est effectivement un rôle qui a été écrit pour moi. C'est rare. Le dernier c'était Tout sur ma mère. Ce qui est intéressant, c'est qu'il s'agit d'une actrice que l'on voit dans son quotidien; finalement on constate que c'est un peu moins glamour que ce qu'on pourrait penser. Il y a une touche réaliste dans cet univers fantasmé de la star..

EN : Dans ce film, toutes les comédiennes, toutes les femmes, finalement, ont ce côté à la fois un peu monstrueux et, en même temps, on a envie que de les aimer. Comment on arrive à faire passer finalement les côtés un peu négatifs, justement un peu moins glamour, en aspect un peu émouvant ?
MP : Parce que ce sont des personnages qui sont à la fois élégants et sincères. Disons qu'ils ont des situations qui ne sont pas figées, et justement ils vont évoluer au cours du film. C'est peut-être ça qui leur donne…disons... c'est peut-être cette fragilité qu'ils ont, quelque part, face aux situations qu'ils doivent affronter, qui font qu'on s'attache à eux justement.

EN : Vous parlez français en fait ?! le traducteur est inutile!
MP ; Mais non. Je comprends mais ne je peux pas parler, d'une manière… facile.

EN : Il y a un autre aspect du personnage – mais qui est commun aussi aux autres personnages là encore : c'est un rôle assez militant je trouve. Finalement, c'est une mère, avant tout, avec d'être une actrice, d'un fils homosexuel qui va se marier ; elle doit apprendre à gérer ça. Et on est dans une époque aujourd'hui où on se pose beaucoup de question aujourd'hui sur le mariage gay, l'homoparentalité, etc... Est ce que ces sujets politiques, y compris les lois qu'a fait voter Zapatero, ont fait partie de l'acceptation de votre choix ?
MP : Bien sûr !

EN : Là, le français est facile! (rires)
MP : (rires) Non mais… Je parle comme ça ! Et après, j'ai besoin de ça… (montrant le traducteur).C'est effectivement un rôle militant mais, avant tout, mon opinion personnelle c'est de dire que je ne comprends pas pourquoi un droit qui est reconnu par une constitution ne serait pas applicable à tout le monde. Donc, contre cette ghettorisation et contre la mise de côté d'un groupe de personne qui ont fait des choix sexuels différents. Par rapport à ça, je trouve que ce serait une injustice qu'on ne les traite pas comme tout le monde. Et que, par rapport à ça, si jamais il devait y avoir une manifestation, je serai en première ligne. Mise à part mon opinion personnelle, c'est vrai que le rôle a un côté militant ; mais il y aussi un petit peu d'hypocrisie parce que c'est un personnage qui est en contradiction entre ce qu'elle prétend - c'est-à-dire avoir une liberté de pensée - et ce qu'elle n'arrive pas à appliquer vis à vis des autres dans sa vie personnelle. Donc c'est un petit peu plus ambivalent… contradictoire qu'en apparence.

EN : On a l'impression que l'Espagne bouge très vite en ce moment. On le voit avec d'autres films. Finalement, Almodovar a traité, avec La mauvaise éducation, des rapports avec l'église ; Amenabar avec Mar Adentro, a traité de l'euthanasie ; celui-là traite du mariage gay… C'est quasiment le seul cinéma aujourd'hui en Europe qui aborde frontalement ces sujets de société très sensibles. Est-ce qu'il y a beaucoup d'autres films comme ça ? Ou est-ce que ce sont juste les films de ces réalisateurs qu'on arrive à voir à l'étranger ? Ou est-ce que c'est carrément une attitude, un état d'esprit en Espagne qui est, depuis la movida, d'affronter ces sujets frontalement ?
MP : C'est la transition qu'est en train de vivre, d'une manière générale, l'Espagne. Avec un gouvernement purement conservateur, ça n'aurait pas pu avoir lieu. Donc c'est vraiment une liberté…Pedro Almodovar n'aurait pas pu exister pendant le franquisme. Pedro Almodovar arrive à un moment où la société espagnole est vraiment en train de changer et il assume ce changement, mais il en est le protagoniste aussi quelque part. C'est des choses qui n'auraient pas pu se produire avant. Donc c'est vraiment dans la tendance de l'Espagne d'aujourd'hui.

EN : Vous citez Almodovar dans le film, vous dites qu'il fume beaucoup. Ce film aurait pu être réalisé par Almodovar. Il aurait pas été comme ça… Mais le sujet aurait pu intéresser quelqu'un comme Almodovar. On retrouve quand même trois actrices qui ont tourné avec lui : Veronica Forque, Carmen Maura et vous. Alors j'aimerais bien savoir : qu'est-ce qui n'est pas d'Almodovar dans ce film, selon vous ?
MP : C'est une manière de faire. Disons que si jamais le film avait été fait par Almodovar, ça se serait vraiment plus vu, parce qu'il a vraiment une manière à lui de présenter les choses et de traiter l'histoire, de façon plus baroque, différente en tout cas de ce qui a été fait sur ce film. Les films de Pedro Almodovar sont différents de tous les autres. Il est unique, singulier. Il a son style. Il n'y a qu'un Almodovar.

EN : Il y a aussi de plus en plus faire des films autour de comédiennes. Elles ont l'air plus complices que rivales. Est-ce que, finalement, cette rivalité, c'est pas une sorte de mythe qui est entretenu par…
MP : les médias…

EN : Toutes les comédiennes ont l'air de très bien s'entendre – et les mères ont l'air de très bien s'entendre… Donc, est-ce qu'on est plus dans la rivalité réelle ? Ou finalement dans une complicité dont personne ne parle parce que finalement ça n'intéresse personne la complicité…
MP : C'est une très bonne question que je me suis posée. Ce qui m'intéresse avant tout en tant qu' actrice, c'est de travailler avec des gens que j'aime, des gens où je vais reconnaître un talent. Et finalement, c'est plus intéressant… Je vois, j'apprends… Le fait de travailler avec ces actrices là, je vois ça comme une chance. Et finalement, la rivalité, aujourd'hui, c'est des choses que les gens inventent un peu pour gloser, non ?

EN : On dit souvent qu'après la quarantaine, pour les comédiennes, c'est très difficile de trouver des bons rôles et encore plus des bons réalisateurs. Et vous, depuis quinze ans, vous avez tourné avec Almodovar, mais aussi avec d'autres grands réalisateurs dans d'autres films, en Argentine, avec Oliveira ... Il y a aussi Susan Sarandon, Meryl Streep aux Etats-Unis, Deneuve ou Huppert en France. Est-ce que, de plus en plus, les jeunes cinéastes ou cinéastes ne s'intéressent pas à finalement celles qui pourraient être leur mère et qu'ils ont admiré quand ils étaient jeunes ? Vous n'avez pas l'impression que c'est en ce moment que vous recevez vos plus beaux rôles ?
MP : Effectivement. Je pense que, Montre de toute façon, avec le temps, on se bonifie toujours. On mûrit, on change et puis, de toute façon, la carrière évolue. Alors ce sera probablement pas les même rôles qu'on me donnera. Mais j'espère – et je suis confiante - qu'on continuera à me donner des rôles… Après c'est une question de textes : les bonnes pièces mais aussi les bons réalisateurs. Pour revenir sur la question qui concernait les réalisateurs jeunes, on me propose bien évidemment pas mal de rôles et ça doit effectivement avoir un lien avec le fait qu'ils m'aient admirée dans mes films passés… Ce serait pas possible autrement. Tout a un lien.


   vincy (retranscription : sabrina)