Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Le scénariste du film Ridicule passe à la réalisation. Je règle mon pas sur le pas de mon père est une comédie noire, verbale, et cynique. Pour ce premier coup d'essai réussi, il nous a accordé une interview.
Ecran Noir : Quand vous avez écrit ce scénario, vous avez imaginez d’abord : comment ça commencerait ou bien comment ça finirait ?





Rémi Waterhouse : En terme de séquence, comment commence le film. Ni l’un ni l’autre je dirais, ce film s’est trouvé être à la croisée de plusieurs envies: une envie de road movie comme ça, mais très vague; une envie de film d’escrocs tout aussi vague. Ce sont des archétypes de films qui me travaillaient. Et enfin le désir de raconter une filiation difficile parce que ça me semblait être aussi un très beau sujet qui me tenait à coeur. Donc voilà le jour où vous avez trouvez comment vous pourriez marier ces trois désirs... notamment le jour où j’ai su que j’avais le sujet, quand j’ai trouvé cette escroquerie là, particulière, qui trouvait un écho dans la relation du père et du fils. Et là ça m’a donné envie de l’écrire vraiment, mais avant vous savez c’est des désirs un peu vagues, vous n'êtes pas sûr que vous aller faire le film comme ça, que vous aller écrire ce film là. Et puis il y a un jour où ça se met en place. Mais ce n’est donc pas un mécano où on commence par le début ou par la fin. Je dirais que c’est venu assez tôt de présenter l’escroc dans une période qui n’est pas formidable pour lui, et le voir vendre des blousons à la sauvette.

EN : Vous avez travaillé avec Eric Vicot; comment vous êtes vous répartis les tâches ?

R.W : Ce n’est pas une répartition, parce qu’Eric n’est pas scénariste, c’est un copain que je connais depuis la petite école et qui à suivi un tout autre parcours; il est professeur de médecine, mais c’est quelqu’un avec qui je parle, c’est à dire que je le voie une à deux fois par semaine le soir, on déjeune ensemble de temps en temps et puis on parle, donc si vous voulez j’écris et je réfléchis entre nos rendez-vous et je propose des choses, je propose des idées...

EN : Des thèmes ?

Non, ça c’est au tout début les thèmes. Eric est quelqu’un avec qui je m’entends très bien, on a la même complicité - pardon pour un mot un peu galvaudé de complicité - mais c’est vrai quand vous connaissez quelqu’un depuis longtemps, c’est quelqu’un de très rapide, d’ intelligent, c’est quelqu’un avec qui j’ai beaucoup de plaisir à discuter les choses, par exemple : à le convaincre de quelque chose et je sais que si j’arrive à le convaincre de quelque chose, s’il est réticent c’est que c’est bien. C’est quelqu’un qu'il est agréable de convaincre, d’être convaincu par lui aussi. C’est quelqu’un avec qui la conversation autour d’un scénario, d’un thème m’est très utile.

EN : Vous avez mis combien de temps pour écrire ce scénario ?

R.W : Pas très rapide. C’est difficile de... parce que le compteur tourne pas au moment de l’écriture. J’ai commencé peut-être 6 mois après la fin de Ridicule. Bon vous écrivez jusqu’au tournage, le compteur ne tourne pas, vous n'êtes pas 2 ans penché sur votre écritoire, donc c’est un peu... ça ferait 2 ans quelque choses comme ça. 2 ans de gestation.



C.B : Oui, je suis allé sur le tournage de Ridicule très souvent, j’étais toujours fourré sur le tournage de Ridicule, j’écrivais le bouquin en même temps, les gens plaisantaient et ils me disaient : “Ca va tu vis de tes rentes, tu n'es pas obligé de bosser”. Ridicule je l’avais déjà écrit dans l’idée de le mettre en scène au départ... Mais quand vous n'avez pas tourné de film, vous êtes moins impliqué; en plus vous êtes un spectateur intelligent puisque vous l’avez écrit, vous n'êtes pas tout à fait un touriste, vous êtes un touriste engagé. Donc vous regardez, vous comprenez ce qu’on fait, je sais pas si c’est technique, mais vous apprenez comment on raconte une histoire avec la caméra, les acteurs, donc évidemment vous apprenez beaucoup. J’avais commencé il y a quelque temps avec Yannick Bellon; j’étais tous le temps sur le plateau aussi parce qu’elle aime avoir le scénariste sur le plateau, c’est un luxe qu’elle aime. Elle aime retravailler les séquences la veille... il se pose beaucoup de problèmes au moment du découpage, quand vous êtes sur le plateau. Le découpage fait que le dialogue doit être raccourci ou rallongé... et donc, elle aime avoir le dialoguiste avec elle et reparler du scénario pendant le tournage, donc j’avais aussi beaucoup appris avec Yannick. J’avais surtout appris l’envie de passer à la mise en scène.

EN : Quel est votre meilleur souvenir de votre tournage ?

R.W : Ecoutez, ça, je ne peux pas vous répondre parce que le premier tournage auquel j’ai assisté en tant que scénariste, c’est un souvenir cher à mon coeur, et Ridicule a été un moment de bonheur! Ce fut un moment très heureux.

EN : Après, vous avez rencontré avec Jean Yanne, c’était le premier acteur que vous avez vu ou c’était Guillaume Canet, Laurence Côte ?

R.W : Non, c’est Jean (Yanne).

EN : Le contact s’est tout de suite bien passé ?

R.W : Oui, c’est un homme très civilisé, très courtois. Je ne sais pas pourquoi les gens qui ne le connaissent pas ont peut-être l’impression que c’est une sorte d’ogre, alors que c’est quelqu’un de très drôle, je dois dire. Sur un plateau c’est quelqu’un de très agréable parce que tout à fait placide et c’est quelqu’un d’ extrêment agréable.

EN : Et Guillaume Canet ?

R.W : Guillaume, je l’avais vu dans Baracuda, que vous avez peut-être vu et que j’avais beaucoup aimé... et quand j’ai fait des essais avec plusieurs personnes, il y avait Guillaume Canet, il était sur ma short list. Et donc, cinq essais vidéos plus tard, Guillaume m’a parut idéal répondre idéalement au problème, parce qu’il a à la fois la fougue et la naïveté qui font que ce personnage trotte après son père de façon un petit peu passive et infantile... mais justement avec lui ça n’est jamais ni passif ni mièvre ni infantile parce qu’il a la hargne, l’espèce de d’envie d'y arriver, de rentre dedans pour bousculer cette masse qui est le personnage joué par Jean Yann. Il le boxe. Il tourne autour et il fait le poids. Ils ne sont pas dans la même catégorie en boxe, mais il fait le poids.

EN : Ca fait un duo, le jeune qui essaie de rechercher son père, justement qui va le suivre puis finalement, il va lui avouer la vérité sur une bordure d’autoroute qu'il est son fils. Et finalement, on sent que le personnage de Jean Yanne essaie de réapprendre à connaître son fils à travers ces petites arnaques...

R.W : Pour moi, il n'essaie surtout pas de le reconnaître, ce qui lui propose dans la séquence de la cafétéria, c’est : “Soyons copain et ne parlons pas du passé”. Mais le passé date de 5 minutes pour lui; il a apprit qu’il avait un fils il y a 5 minutes. Donc, la proposition qu’il lui fait : “Ca marche bien entre nous, on est bon pote, mais parlons pas de ta mère, on va pas se fâcher pour une histoire de bonne femme”, il la lui dit quand même. Et c’est de sa mère qu'il parle et donc c’est une escroquerie totale, ça ne tient pas la route, et la preuve c’est qu'il va s’enfuir, dans la séquence suivante. Évidemment, ça ne tient pas la route, le lien l’engage plus, c’est une proposition absolument absurde qu’il lui fait. “T’es mon fils, mais on va faire comme si t'étais pas mon fils, qu’est-ce que ça change entre nous?”. Et justement le film dit que ça change quelque chose entre eux. Et après il essaie de tout faire pour ne pas l’avoir ce fils. Et quand Yves Reinier arrive, il s’en sert surtout comme comparse parce que ça marche plutôt mal entre le fils et le père... “On va pas se quitter comme ça”. Donc au moment où Yves Reinier arrive on sent surtout que pour Jean c’est Reinier son copain; et son fils il commence à le mettre sur le côté, c’est son fils ensuite, qui prend le pouvoir au moment où Reinier est là, mais on sent qu’il n'est pas loin; d’ ailleurs son fils le lui dit : “Mais, si j’ai bien compris je descends à la prochaine” et l’autre... c’est vrai qu'il l’a joue un peu père à ce moment là, il lui dit : “Je peux t’aider, moi j’ai encore des copains dans les labos...” mais c’est du flan!

EN : Le personnage de Jean Yanne maintient une certaine distance avec Sauveur, son fils...

R.W : Oui, il avait fait la preuve que s’il pouvait le planter là, et quant il va l’adopter vraiment, c’est parce qu’il a besoin de lui, c’est parce que l’autre à pris le pouvoir. Je crois que c’est un escroc d’un bout à l’autre. Jusqu’à la dernière séquence, il se comporte comme un escroc sentimental parce que même quand il parle, son escroquerie est assez sentimentale, même si elle a une composante importante : il joue sur l’ appât du gain c’est aussi la main sur le coeur. Il y a une scène qui était écrite pour ça, qui est une scène fils/père, c’est la scène de l’ escrocquerie loupée, où ils se marrent ensemble, où le fils admire son père de s’en être tiré comme ça et le père est content d’être admiré par le fils, c’est donc une scène de complicité.

EN : Il y a une scène que j’ai retenu, c’est dans la boite de nuit, quand il l’invite à boire du champagne, on se dit peut-être qu'il va essayer de lui donner une certaine reconnaissance...

R.W : On est sûr de rien à ce moment là dans la boîte parce qu’il a besoin de lui, alors évidemment, soudain, il lui dit des trucs gentils, il fait le père formateur qu’il adopte; là il l’adopte mais on ne sait pas du tout si c’est vrai, parce qu’il a besoin de lui pour monter son coup. C’est pas gratuit.

EN : Quels sont vos projets, un autre film en préparation ?

R.W : Non, je travaille un scénario que je ne réaliserai pas.

EN : Merci.

Bertrand Amice / Ecran Noir / 23.03.1999


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