Le cinématographe s'est avéré, quoique l'on soupçonne, un industrie alerte et avivée par la conception et la compétence féminine bien plus rapidement que l'aéronautique, l'armée ou la poste… Aujourd'hui encore, certains sondages démontrent que c'est Elle - la femme, l'amante, le flirt ou la maîtresse - qui décide du film à voir en salles. Voir même celui du dimanche soir sur quelque écran plus petit. Normal ; elle a participé à la création du septième art dans tous ses genres. Ce qu'elle ignore peut-être. Et l'heure est venue de lui rendre hommage…

Tous s'accordent à décréter aujourd'hui Alice Guy Blaché (1873-1968) comme première cinéaste de l'histoire du cinéma, grâce au court-métrage " La fée aux choux " daté de 1896. Quoique si l'on considère qu'il porte le numéro 370 dans le catalogue de la Gaumont, il est probable qu'il date en fait de 1900. En une vingtaine d'années, cette ancienne secrétaire de Léon Gaumont, aurait réalisé 770 films même s'il n'en subsiste qu'une centaine à ce jour. Elle migre aux U.S.A pour accompagner son mari Herbert Blaché, fameux chef-opérateur, pour toucher à tous les genres, du western (" Greater Love hath to man " en 1911) au mélodrame (" Hi's Mother's bymm " la même année), de la comédie (" Matrimony's speed limit " en 1913) à la reconstitution historique (" Dick Whittington and his cat " toujours en 1913). De retour en France en 1922, elle ne trouve plus de travail en tant que réalisatrice et doit se contenter d'écrire des novélisations de scénario pour des magazines populaires. Elle s'éteint au New Jersey dans un total oubli sans jamais n'avoir retrouvé une seule copie de ses films.
La deuxième place est disputée entre la suédoise Anna Hofman-Uddgren (1868-1947) et l'américaine Loïs Weber (1882-1939). Mais les dates semblent parler en faveur de la première, chanteuse de music-hall, qui aurait tourné dès 1911 " The temptation of Stockolm ", tandis que la seconde, moins anecdotique, n'a commencé sa carrière qu'à partir de 1914 avec une adaptation du " Marchand de Venise ". C'est pourtant cette dernière que retiendra plus particulièrement l'histoire du septième art, pour être évidemment la première réalisatrice américaine. Elle débute aussi chez Gaumont, dans sa succursale de New-York, où elle est engagée par… Herbert Blaché, décidément précurseur quand à accorder aux femmes la confiance qu'elles méritent. Si on prête à Loïs Weber entre 150 et 450 films, c'est " Where Are My Children " (1916), qui traitait de la régularisation des naissances, qui demeure son plus grand succès. Cinéaste engagée, Loïs Weber traitait de la corruption politique, religieuse, affairiste, du traitement illégal des femmes et prônait une certaine restauration de la morale qui ne lui apportèrent pas que des amis…

A la même époque, on compte déjà 36 réalisatrices du muet sur le territoire américain sans compter les anonymes. En 1917, après Alice Guy Blaché, un western se voit de nouveau signé par une femme. Etrangement intitulé " 49'-17 ", le film fut réalisé par Ruth Ann Baldyn et produit par la déjà très active Universal. Onze ans plus tard, l'Angleterre enfonce le clou en confiant pour la première fois un long-métrage à une équipe entièrement féminine : une comédie intitulée " Sally Sallies Forth " produite par l'Association du Cinéma Amateur. La " directress " en fut la chef-opératrice A.E Low et le critique - masculin !- du magazine Film Weekly déclara, Grand Seigneur, que l'entreprise constituait un " effort appréciable de la part des femmes " (sic). Il faut néanmoins dés à présent noter que la seule femme réalisatrice pionnière à avoir survécu au parlant est Dorothy Azner (1900-1979) avec " Manhattan Cocktail " (1928) qui fut considérée dans les années trente comme l'un des dix meilleurs réalisateurs d'Hollywood, tous sexes confondus…

Dès lors, l'industrie internationale va progressivement dévoiler ses talents féminins dans d'autres catégories que l'interprétation, les costumes, le maquillage ou le scénario. Si une réalisatrice pionnière issue du Japon, de l'Inde ou d'Afrique Centrale nous est pour l'heure inconnue, il n'est pas inimaginable pour autant qu'il en ait existé, sachant que le patrimoine cinématographique de ces cultures nous est bien souvent parvenu sur le tard, qu'une grande partie nous est à jamais disparue, et que pour questions religieuses et/ou politique, un tel statut d'artiste ne leur était pas partout accordé. Comme nous allons le voir, la femme cinéaste, quand on la laisse s'exprimer, génère cependant plus couramment une réflexion sur la grammaire cinématographique que son comparse masculin plus attaché à avant tout raconter une histoire et d'appliquer l'autoroute formaliste imposée par Griffith.Ces ancêtres, d'Anne-Marie Mieville, Agnès Varda, Chantal Akerman ou Danièle Guillet, ont beau être réparties dans l'hémisphère Nord, elles ne surgissaient pas toujours de là où on les attendait.

A commencer par la France et Germaine Dulac (1882-1942), avant-gardiste et théoricienne qui en 25 films allait faire couler beaucoup d'encre, et la sienne en premier lieu en tant que critique cinématographique tel son comparse et scénariste d'occasion Louis Delluc. Ancienne journaliste particulièrement féministe, elle débute sa carriére derrière la caméra en 1915 avec " Les sœurs ennemies ", conjuguant déjà expérimentation esthétique puis exigence commerciale (ses films étaient distribués par Pathé). Elle multiplie les scénaristes : Delluc (" La fête Espagnole " 1919, " Malencontre ", 1929, " La mort au soleil ", 1921) Abel Gance (" La belle dame sans merci ", 1921) André Obey (" La souriante Madame Beudet ", 1923) ou Jean-Louis Bouquet (" Le diable dans la ville ", 1924) avant de s'acoquiner avec un certain Antonin Artaud pour l'aventure de " La coquille et le Clergyman " (1926) qui allait déclencher la furie des surréalistes et l'entraînera à sa perte commerciale. Devenue la chef de file d'un " cinéma pur ", un cinéma dégagé de toute influence littéraire, théâtrale ou picturale, construit musicalement selon les règles d'une musique visuelle ", elle finira ses jours à la direction des actualités Pathé jusqu'en 1940, puis celles de Gaumont. Merci la vie. …
Dans les mêmes années, toujours dans l'hexagone, est brièvement apparue l'Irma Vep des " Vampires " de Louis Feuillade à l'objectif. Musidora (1889-1957), de son vrai nom Jeanne Roques, dirige cinq films entre 1918 (" Vicenta ") et 1922 (" La terre des Toros "). Dès lors fascinée par l'Espagne. elle y disparut et il faut dès lors attendre Jacqueline Audry (1908-1977), pour parler à nouveau d'un essor du cinéma français féminin. Ex script-girl de Max Ophüls, Jean Delannoy et Georg Wilheim Pabst, elle débute avec un court-métrage en 1943 avant de diriger la même année une adaptation remarquée des " Malheurs de Sophie " d'après la Comtesse de Ségur. S'en suivent en vrac " Gigi " en 1948, " Minne, l'ingénue libertine " en 1950, " L'école des cocottes " en 1958 jusqu'à " Le lis de la mer " en 1971, déclinant à chacune de ses œuvres une réflexion sur l'identité féminine jusqu'à évoquer le lesbianisme alors encore très tabou dans ces heures. Avant les prémices de la nouvelle-vague et son panel de femmes cinéastes que nous n'évoquerons pas ici, il n'est dès lors plus qu'à remarquer Nicole Védrès (1911-1965) et ses films de montages ethno-philosophiques tel " Paris 1900 " (1948) " La vie commence demain " (1949) " Amazone " (1951) et " Aux frontières de l'homme " pour achever notre tour de France.

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    Dossier rédigé par: Sabrina, Laurence, Arnaud & Vincy - Coordination & réalisation: PETSSSsss
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