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10 raisons pour démanteler l'OMC (25.11.99)

Par Russell Mokhiber et Robert Weissman
Traduction Amanda Galbe
Groupe de traducteurs bénévoles ATTAC (coorditrad@attac.org)
Ajoutez une nouvelle section à la longue liste des critiqueurs de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui comprend déjà consommateurs, travailleurs, écologistes, militants des droits de l'homme, groupes pour le commerce équitable, militants du SIDA, organisations pour la protection des animaux, personnes concernées par le développement du Tiers Monde, communautés religieuses, organisations de femmes. L'ensemble le plus récent de critiqueurs comprend des partisans de l'OMC et même l'OMC elle-même.

Alors que l'OMC se trouve confrontée à une opposition mondiale cristallisée -- qui doit s'exprimer en énormes manifestations dans la rue et protestations colorées à Seattle, où l'OMC va tenir sa Troisième Réunion Ministérielle du 30 novembre au 3 décembre prochains -- l'agence du commerce mondialisé et ses adeptes les plus fervents oscillent entre une véhémente attitude défensive et la stratégie bien plus efficace d'en admettre les défauts et de faire un vibrant appel à des réformes.

Actuellement, les critiqueurs de l'OMC sont confrontés à un moment périlleux. Ils ne doivent pas se laisser distraire par des propositions de réforme illusoire ou cosmétique, ni par des propositions encore plus substantielles de modifications de l'OMC - à supposer qu'elles émergent de cette institution ou de ses membres puissants que sont les pays riches. Ils doivent plutôt s'unir pour exiger de façon intransigeante le démantèlement de l'OMC et des ses règles créées par des entreprises.

Voici 10 raisons pourquoi :

1. L'OMC donne la priorité aux considérations commerciales au détriment de toute autre valeur. En général, les règles de l'OMC nécessitent que les lois et les règlements nationaux, conçus pour faire avancer les intérêts du travailleur, du consommateur, de l'environnement, de la santé, de la sécurité, des droits de l'homme, de la protection des animaux ou d'autres intérêts non commerciaux, soient appliqués de la façon "la moins restrictive possible " pour le commerce" -- le commerce n'est presque jamais subordonné à ces questions non commerciales.

2. L'OMC ébranle la démocratie. Ses règles réduisent de façon drastique les choix possibles des gouvernements sous contrôle démocratique, et toute violation court le risque de pénalités sévères. En fait, l'OMC se vante de passer outre les décisions nationales sur l'organisation des économies et le contrôle des entreprises. "Selon les règles de l'OMC, une fois l'engagement pris de libéraliser un secteur de commerce, il est difficile de revenir en arrière", explique l'OMC dans un document sur les bienfaits de l'organisation publié sur son site web. "Assez souvent, les gouvernements utilisent l'OMC comme une contrainte externe et bienvenue à exercer sur leur politique : 'nous ne pouvons le faire car cela violerait les accords de l'OMC' ".

3. L'OMC ne fait pas que réguler le commerce mondial, il le promeut de façon active. Ses règles sont orientées de façon à faciliter le commerce mondial aux dépens d'efforts pour promouvoir le développement économique local et les politiques qui font avancer les communautés, les pays et les régions vers une plus grande autonomie.

4. L'OMC nuit au Tiers Monde. Les règles de l'OMC forcent les pays du Tiers Monde à ouvrir leurs marchés aux multinationales des pays riches, et à abandonner leurs efforts pour protéger leurs industries domestiques naissantes. Dans l'agriculture, l'ouverture aux importations de l'étranger, qui s'imposeront bientôt aux pays en voie de développement, catalysera un énorme bouleversement social de plusieurs millions de peuples ruraux.

5. L'OMC éventre le Principe de Précaution. En général, les règles de l'OMC empêchent aux pays d'agir pour répondre à un risque potentiel -- ils exigent que le risque ait une probabilité avant qu'un gouvernement ne puisse prendre des mesures à l'encontre de problèmes de santé publique ou d'environnement.

6. L'OMC étouffe la diversité. Les règles de l'OMC établissent des normes internationales de santé et d'environnement et d'autres normes en tant que plafond mondial à travers un processus d'harmonisation" ; un pays ou même un Etat ou une ville ne peuvent les dépasser qu'en franchissant des obstacles bien hauts.

7. L'OMC opère de façon secrète. Ses tribunaux décident de la "légalité" des lois des nations, mais travaillent à huis clos.

8. L'OMC limite la capacité des gouvernements à utiliser leur pouvoir d'achat pour des buts liés aux droits de l'homme, à l'environnement, aux droits du travailleur, et à d'autres buts non commerciaux. En général, les règles de l'OMC stipulent que les gouvernements peuvent décider de leurs achats selon des critères de qualité et de prix uniquement.

9. L'OMC rejette les interdictions d'importer des biens fabriqués en utilisant le travail des enfants. En général, les règles de l'OMC ne permettent pas aux pays de traiter les produits de façon différente selon la façon dont ils ont été produits - sans tenir compte s'il a été fabriqué en utilisant le travail d'enfants brutalisés, de travailleurs exposés à des produits toxiques, ou sans aucun souci de la protection des espèces.

10. L'OMC légitime les brevets du vivant. Les règles de l'OMC permettent, et en certains cas exigent, des brevets ou d'autres protections exclusives similaires pour les formes de vie.

Certains de ces problèmes, tel le penchant de l'OMC pour le secret, devraient pouvoir être résolus, mais les problèmes fondamentaux -- la priorité donnée aux valeurs commerciales par rapport à d'autres valeurs, les contraintes imposées à toute prise de décision démocratique et les orientations contre les économies locales -- ne pourront pas l'être, car ils sont inhérents à l'OMC elle-même.

Etant donné ces problèmes qu'il sera impossible de résoudre, il faudrait procéder à la fermeture de l'Organisation Mondiale du Commerce, et aussitôt que possible.

Ceci ne signifie pas qu'il ne faut pas prendre des mesures intérimaires. Mais il signifie bien que des réformes bénéfiques ne se concentreront ni sur l'apport de nouveaux domaines de compétence à l'OMC ni à l'extension de son autorité, même si ces nouveaux domaines semblent souhaitables (tels les droits des travailleurs ou la concurrence). Les réformes à poursuivre sont plutôt celles qui réduisent ou limitent le pouvoir de l'OMC -- par exemple, en lui refusant l'autorité pour annuler des lois passées conformément aux accords internationaux sur l'environnement, en limitant l'application des règles d'agriculture de l'OMC au Tiers-Monde ou en enlevant certains sujets (comme les médicaments ou les formes de vie essentiels) du champ d'application de l'accord de propriété intellectuelle de l'OMC.

Ces mesures sont nécessaires et souhaitables en elles-mêmes, et elles contribueraient à renforcer la dynamique vers la fermeture de l'OMC.

Russell Mokhiber est rédacteur en chef du "Corporate Crime Reporter" (Reporter des Crimes d'Entreprise), basé à Washington, D.C. (Etats-Unis).
Robert Weissman est rédacteur en chef du "Multinational Monitor" (Moniteur des Multinationales), basé à Washington, D.C. (Etats-Unis).
Ils sont coauteurs du livre '"Corporate Predators : The Hunt for MegaProfits and the Attack on Democracy" ("Prédateurs d'Entreprise : La Chasse aux Méga Profits et l'Attaque contre la Démocratie") (Common Courage Press, http://www.corporatepredators.org ).
(c) Russell Mokhiber et Robert Weissman




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Courrier - Vincent Cyril Thomas / Christophe Train


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