Sean Connery (1930-2020), mort d’un géant

Posté par vincy, le 31 octobre 2020

Oscar du meilleur acteur dans un second rôle et un Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle pour Les Incorruptibles, ainsi qu'un British Academy Film Award du meilleur acteur pour Le Nom de la rose, en plus d'un BAFTA d'honneur pour son « exceptionnelle contribution au cinéma mondial et d'un Lifetime Achievement Award décerné par l'American Film Institute pour l'ensemble de sa carrière... Sean Connery a reçu les plus grands honneurs.

Mais cet écossais au caractère bien trempé, au physique plus qu'avantageux, a surtout traversé quatre décennies au top du box office, passant d'une génération de spectateurs à une autre, sachant choisir avec un flair certain ses films, passant sans effort d'un blockbuster à des projets plus audacieux. Sean Connery est mort à 90 ans au Bahamas des suites d'une longue maladie. Cela faisait 17 ans qu'il était absent des écrans. Mais il aura tourné durant 55 ans.

Ballon rond

Sean Connery est né à Édimbourg, dans un milieu très modeste, catholique irlandais par son père, protestante écossais par sa mère. Il commence à travailler à l'âge de 8 ans, et arrête ses études à 17 ans. Déjà beau mec, il s'engage dans la marine britannique. Sa carrière est interrompue par un ulcère à l'estomac. Mais son passage dans la marine lui encre deux tatouage, "Dad and Mum" et "Scoltand forever". Après divers petits métiers, notamment modèle pour les artistes (chanceux) de l'École des beaux-arts d'Édimbourg, ce fan de fitness d'1m89 avant l'heure (on appelait ça le culturisme à l'époque), il devient figurant puis petit rôle pour la télévision et la scène. Le cinéma l'enrôle au milieu des années 1950. Il doit cependant attendre la diffusion du téléfilm Anna Karénine sur la BBC en 1961 pour se faire remarquer. Il a déjà 31 ans. Autant dire qu'il n'est plus taillé pour être un jeune premier. Mais il a déjà tout du futur mâle moderne.

Ce footballeur accompli a d'ailleurs failli être professionnel pour le Manchester United quelques années plus tôt. Avec un instinct certain, qui sera sans doute son plus grand atout, il réalise qu'un sportif de haut niveau termine sa carrière dans la trentaine. Ce choix le conduit à devenir acteur, "ce qui s'est avéré être l'une des décisions les plus intelligentes que j'aie jamais prises".

Bond, James Bond

Au début des années 1960, il participe à l'épopée du film fresque international Le Jour le plus long. Pendant ce temps, en 1961, le London Express organise un concours afin de trouver un acteur pour le rôle de James Bond, l'agent 007 imaginé dans les livres de Ian Fleming. Sean Connery gagne devant 600 candidats, dont certains très connus. Etant donné sa faible notoriété, Connery a un avantage: il n'est pas cher. Cela va complètement transformé sa carrière. Il va incarner l'espion dans sept épisodes, dont six produits par EON Productions, entre 1962 et 1983. Il va imposer sa voix grave, son regard ténébreux, sa silhouette athlétique et cette aptitude à jouer les durs même en étant le gentil au monde entier.

Ian Fleming ne trouvait pas le grand écossais à son goût: pas assez british, trop musclé... Mais Albert Broccoli sait ce qu'il fait: il a le charisme sexuel, une dureté dans le regard, un pouvoir de séduction froid, une capacité à être tueur et embobineur, charmeur et impitoyable. Le premier film, Dr. No, est un triomphe. Les suivants vont être des phénomènes transformant la série en franchise atemporelle et machine à cash. Encore aujourd'hui, Goldfinger est considéré comme le meilleur film du genre et Opération Tonnerre, jusqu'à Skyfall, a été le film le plus vu de la saga.

Connery devient une star, mais surtout il créé tous les codes du personnage. Il a l'humour d'un Roger Moore, l'élégance chic de Pierce Brosnan et la froideur sensible d'un Daniel Craig.

Bien sûr, il se lasse, malgré des cachets en augmentation exponentielle (on lui offre 5 millions de $ pour le 007 de 1973, qu'il refuse). Il aurait aimé des scénarios moins répétitifs, un personnage qui évolue, ... il trouvera ça ailleurs, dans d'autres genres de films.

Hitchcock, Lumet, Huston, Boorman...

Fort de son aura et de son statut de vedette mondiale, il tourne avec les plus grands. D'abord Alfred Hitchcock dans Pas de printemps pour Marnie en 1964, formidable film d'espionnage du maître. Puis il rencontre Sidney Lumet, celui avec qui il tournera le plus de films, pour La Colline des hommes perdus, l'un des films de guerre les plus puissants de son époque. Il croise Gina Lollobrigida dans La Femme de paille de Basil Dearden, Brigitte Bardot dans le western Shalako d'Edward Dmytryk, Claudia Cardinale dans le film d'aventure soviéto-italien La Tente rouge de Mikhaïl Kalatozov... Car Sean Connery n'aura jamais cessé de séduire ou de diriger à travers ses personnages. Les femmes tombent mais ses victimes aussi. Il est chaud au lit mais peut-être glacial et glaçant quand il s'agit de mener une enquête, commander des hommes ou tout simplement tuer.

Les années 1970 vont définitivement l'installer comme l'un des acteurs majeurs du cinéma mondial. Et taillé pour être un héros, viril ou maudit, historique ou venu de la littérature et de la BD.

Sans être passé par la Royal Shakespeare Company, creuset de tous les grands talents britanniques, même s'il aiamit beaucoup les planches (il joua Macbeth et produisit Art de Yasmina Reza), apprenant à chaque film un peu mieux son métier, il va devenir un de ces comédiens dont la seule présence habite le personnage. Il alterne films spectaculaires et drames de belle facture, grands noms et genres divers. Détective engagé socialement dans Traître sur commande (The Molly Maguires) de Martin Ritt; chef de gang dans Le Dossier Anderson de Sidney Lumet : inspecteur violent dans The Offence de Sidney Lumet (un film si sombre qu'il faudra attendre 35 ans pour le voir en France) ; mutant exterminateur dans le film de SF de John Boorman, Zardoz ; colonel dans la troupe du Crime de l'Orient-Express toujours de Sidney Lumet ; aventurier mégalo dans le brillant film de John Huston L'Homme qui voulut être roi ; chef berbère dans Le Lion et le Vent de John Milius ; Robin des bois vieillissant face à Audrey Hepburn dans La Rose et la Flèche de Richard Lester ; général dans Un pont trop loin de Richard Attenborough ; braqueur génial dans La Grande Attaque du train d'or de Michael Crichton ; mercenaire dans Cuba de Richard Lester ; savant sauveur de planète dans Meteor de Ronald Neame ; marshal futuriste dans Outland : Loin de la terre de Peter Hyams ; roi Agamemnon dans Bandits, bandits (Time Bandits) de Terry Gilliam ; ou encore reporter dans un monde pourri dans Meurtres en direct de Richard Brooks...

De Palma, Annaud, Spielberg, Van Sant...

Certains films sont des flops, mais à chaque fois Connery rebondit: la qualité de la plupart des projets le protège, même sans les succès de James Bond. Certains des films deviennent des films emblématiques dans leurs genre, souvent rediffusés à la télévision. Conscient de son âge avancé, commençant à perdre ses cheveux, voyant sa barbe virer au gris blanc, il se créé alors une stature de patriarche, toujours en très grande forme physique. Il avait déjà entamé cette mue à 45 ans, sans doute une manière pour lui de se débarrasser de James Bond. Sidney Lumet rappelait à juste titre en 1993: "Je ne pense pas qu’il ait beaucoup évolué en tant qu’acteur. C’est plutôt l’opinion qui s’est enfin mise à la mesure de ce qu’il peut faire. J’ai toujours su de quoi il était capable. John Huston, quand il l’a engagé pour L’Homme qui voulut être roi, le savait également. Sean a toujours su jouer comme un géant. Mais c’est seulement dans les dix ou quinze dernières années que les gens ont commencé à dire : “Ça alors ! Il sait jouer !”"

Les années 1980, une fois 007 définitivement abandonné, vont lui donner l'occasion de se transformer et de devenir l'une des stars les plus bankable d'Hollywood durant près de vingt ans.

En 1986, après quelques années d'errance, Sean Connery prouve qu'il est un grand acteur, et porte avec brio le rôle de Guillaume de Baskerville, moine érudit et enquêteur, progressiste et courageux dans Le Nom de la rose, adaptation du best-seller d'Umberto Eco par Jean-Jacques Annaud, l'un de ses plus gros succès. La même année, il est à l'affiche du premier Highlander de Russel Mulcahy. Il touche ainsi différents publics, très larges, qui vont contribuer à le faire aimer des babyboomers nostalgiques de 007 et de leurs enfants-ados devenus adeptes du pop-corn en été.

A partir de là, Sean Connery va devenir incontournable. Grandiose dans Les Incorruptibles de Biran de Palma où il vole la vedette à tout le casting (dont De Niro et Costner) malgré son second rôle, Lieutenant colonel qui va l'affirmer en excellent militaire de cinéma dans Presidio de Peter Hyams, vieux cambrioleur dynastique dans Family Business de Sidney Lumet, et surtout père facétieux et rigide du plus grand héros des années 1980, dans Indiana Jones et la Dernière croisade, passant à l'immortalité grâce à Steven Spielberg. Son film favori avec L'homme qui voulut être roi. deux films sur le mirage du pouvoir.

L'homme qui fut roi en son siècle

Hollywood le paye à prix d'or. Il devient commandant russe passant à l'Ouest dans le grand film sous-marinier A la poursuite d'Octobre rouge de John McTiernan, retrouve Robin des bois et Kevin Costner dans un caméo de Prince des voleurs de Kevin Reynolds, espion à Moscou dans La Maison Russie de Fred Schepisi, ... Si ses rôles s'étiolent par paresse, si la surprise est moins présente, si les succès sont plus inégaux (Medicine Man, Soleil Levant, Juste Cause, Lancelot, Rock...), il reste populaire jusqu'à la fin des années 1990. Il y a bien sûr l'échec de Chapeau melon et bottes de cuir (Connery en méchant, ça ne marche pas vraiment pour les spectateurs) et l'indifférence quand il joue ailleurs que dans des grosses productions pour teenagers. Il s'en sort avec Haute voltige, film de braquage assez malin et surtout avec A la rencontre de Forrester de Gus Van Sant, succès critique et public sur l'amitié improbable entre un jeune afro-américain et un vieil écrivain désillusionné.

Le magistral flop critique (mais joli succès public) de La ligue des gentlemen extraordinaire scellera sa carrière en 2003. A l'époque, il touche 10 à 17M€ de salaire. L'homme aux 95 millions d'entrées en France arrêtera de tourner à l'âge de 73 ans. Entre Bahamas et Espagne, il a tout refusé, de Matrix au Seigneur des anneaux, de Jurassic Park à Frankenstein. Les mutations d'Hollywood ne sont pas pour lui, traitant d'idiots les nouveaux patrons des studios. Il ne prête que sa voix pour des jeux vidéos et un film d'animation.

Clairvoyant, il y a 55 ans, il expliquait: "Plus que tout, j’aimerais devenir un vieil homme avec une belle tête. Comme Hitchcock. Ou Picasso. Ils ont travaillé dur toute leur vie, mais ils ne montrent aucune lassitude. Ils n’ont pas perdu un seul jour avec toutes ces absurdités qui peuvent envahir une existence".

Profitant de sa retraite, il se fait oublier. Sauf quand il s'agit de revendiquer l'indépendance de l'Ecosse. Il sera malgré tout anoblit par la Reine, l'un des plus grands jours de sa vie. Vêtu d'un kilt, ce qui est une première (controversée) dans l'histoire du Royaume. Réputé radin, mais généreux pour les grandes causes,, pas forcément aimable avec les siens mais impeccable sur les plateaux, le vieux lion se fait de plus en plus silencieux dans ses tanières. Autrefois homme le plus sexy du monde, il a incarné des personnages en quête de justice et de vérité. Sans transformation, sans performance exhibitionniste, à la recherche d'une flamme perdue, il a finalement préféré le soleil et le golf. Sean Connery amenait les rôles à lui, prendre tout l'espace de l'écran, même face à une autre star. Il a opté pour une fin loin des yeux, loin des autres, à l'écart, pudique. Comme ces éléphants qui rejoignent seuls leur cimetière (de légende).

Lumière 2020: Michel Audiard et Yves Robert, les mal-aimés populaires

Posté par vincy, le 16 octobre 2020

Ils n'ont sans doute pas eu la reconnaissance nécessaires. Alors que le cinéma populaire et de patrimoine semble retrouver les faveurs de la critique, et forger un vivre ensemble devenu crucial, le festival Lumière braque ses projecteurs sur deux monstres d'un cinéma culte dont les rediffusions télé facilitent la transmission d'une génération à l'autre.

Michel Audiard, dont on fête le centenaire de la naissance, a le droit à sa première rétrospective, 35 ans après sa mort. Lumière accompagne l'événement avec un beau-livre, Audiard-Simenon, en bonus.
Yves Robert est au cœur d'un documentaire, qui révèle une œuvre cohérente, singulière et généreuses.

Les deux ont en commun d'avoir réalisé des succès au box office, mais pas seulement. A contre-courant de leurs contemporains, toujours un pas de côté par rapport au cinéma français, ces producteurs-réalisateurs-scénaristes ont aussi filmé leur société, l'esprit français (et ses contradictions), une certaine bourgeoisie (moyenne le plus souvent), et donné des partitions fabuleuses à des acteurs (plus souvent qu'à des actrices), sublimant souvent le film de copains.

Alors, oui, ça a pris un coup de vieux le plus souvent. Mais il y a aussi quelques exceptions qui les ont conduits à être en vogue et, mieux encore, à être atemporels. Avec Audiard, le plus souvent grâce à ses dialogues et son génie pour adapter les plus grands écrivains (eux-mêmes pas toujours reconnus comme tels à leur époque). Avec Robert, c'était surtout une affaire de découpage et de sensibilité, de mélange de genres, qui donnaient de la profondeur à la légèreté, ou de la légèreté aux malheurs.

Le festival Lumière a célébré le centenaire d'Audiard avec un livre monumental (Actes Sud/Institut Lumière): trois scénarios adaptés de George Simenon, remis en perspective, sous la direction de Benoît Denis, et une rétrospective partielle, dont Les Tontons flingueurs en ouverture. Il a la réplique qui fuse, mais son talent était aussi de trouver l'incarnation pour son verbe. Jean Gabin en était a parfaite illustration (il suffit de revoir Le Président), tout comme Delon et Belmondo ont su s'approprier sa langue. Si les films du réalisateur Audiard sont avant tout d'honnêtes nanards, ses scénarios font le lien avec le cinéma "classique" français d'avant et la comédie à punchlines d'après, en pleine Nouvelle Vague. Il est l'héritier d'un Prévert, où bourgeois et prolétaires, petites frappes et candides honnêtes se confrontaient avec leurs codes. Pas étonnant qu'Audiard s'entoure de fidèles dans les films qu'il écrit: outre Gabin, on croise ainsi souvent Blier, Darc, Ventura, Lefebvre, Girardot... "J'ai divisé la société en deux catégories : mes amis ou mes cons à moi et les cons des autres que je ne supporte pas" a -t-il écrit.

Il y a aussi de cela chez Yves Robert, cette coexistence des classes sociales. Le bourgeois roule en rolls royce et l'agriculteur décide de paresser. Le documentaire de Jérôme Wybon, Yves Robert, le cinéma entre copains, retrace la carrière du saltimbanque devenir réalisateur et producteur de films à gros succès. Ici, tout est famille. Son associée est son épouse, Danièle Delorme. Son égérie est son double, Jean Rochefort. Son "partner-in-crime" est le même que celui de son meilleur ami Claude Sautet, Jean Labadie. On passe ainsi de ses origines modestes à son premier triomphe (La guerre des boutons, Prix jean Vigo, 10 millions de spectateurs et pas un seul prix majeur ). On devine le sacré caractère du monsieur, son perfectionnisme aussi. Si on retient ses cartons au box office - Alexandre le bienheureux, Le grand blond avec une chaussure noire, le diptyque de Pagnol (La gloire de mon père, Le château de ma mère -, ses audaces - producteur de Doillon, distributeur des Monty Python -  le film se concentre surtout sur Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, tout en passant à côté de plusieurs de ses films, y compris comme producteur (Le peuple migrateur).

L'Atelier d'images

Mais ce n'est pas le propos. 17 films au dessus du million d'entrées (dont 3 qui dépassent les 4 millions) et pas un seul prix majeur à son palmarès. Lui qui a si bien croqué son époque, humé l'air du temps, fait rire des petits drames de chacun, préféré l'élégance à la vulgarité, la comédie sociale ou ironique au pur burlesque, le film familial en lui donnant ses lettres de noblesse, a souvent été méprisé par la critique, qui préférait son copain Sautet.

Comme pour De Funès ou Pierre Richard, les cinéphiles semblent redécouvrir que le cinéma de patrimoine n'est pas composé que de grands drames ou de chefs d'œuvres. Les films d'Audiard et de Robert sont non seulement fédérateurs, mais ils traversent les générations, grâce aux rediffusions à succès à la télévision. On rit toujours d'un quatuor de losers buvant cul sec un petit verre de gnôle dans une cuisine ou d'une partie de tennis à quatre mâles déclinant gâchée par le bruit des avions à réaction. Audiard flirtait parfois avec la poésie (Un singe en hiver) et Robert savait être délicat quand il le fallait (le personnage homosexuel de Claude Brasseur dans l'Éléphant et sa suite).

Ils étaient en phase non pas avec leur époque (leur cinéma n'avait rien d'un cinéma à la mode) mais avec leur culture, ni élitiste ni intellectuelle. S'entourant de leur bande, optant même pour un esprit de troupe, bûcheurs infatigables, ces deux tempéraments pas très consensuels, un peu anar de droite pour l'un, un peu gauchiste caviar pour l'autre, ont su raconter des histoires et créer des personnages au profil sociologique toujours d'actualité. Ils filmaient les hommes mais surtout ils s'en moquaient, avec un sens de la phrase choc assez inné.

Si on devait résumer: Chez Audiard, directeur des mots, il fallait souvent gérer les emmerdes mais prendre du bon temps. Chez Robert, directeur d'acteurs, il fallait gérer le bon temps pour supporter les emmerdes. Dans tous les cas, personne ne travaille vraiment, ou tout le monde fait semblant. "Il faut prendre le temps de prendre son temps" disait le bienheureux Alexandre. Avec le temps, la gloire est enfin arrivée. Posthume.

Lumière 2020: Soul, l’âme et larmes

Posté par vincy, le 15 octobre 2020

C'était avant. Soul, sélectionné par Cannes 2020 (incontestablement, il aurait mérité une place en compétition), devait sortir en juin. Covid oblige, le film a été décalé à la saison des fêtes. Lumière, avec les festivals de Londres et de Rome, s'octroie alors une avant-première, et imagine même le réalisateur Pete Docter en invité d'honneur. C'était avant que la deuxième vague de cette Covid-19, avant que Tenet se plante au box office, avant que les salles de cinéma aux Etats-Unis décident de rester fermées pour un temps encore indéterminé.

Bien après avoir été programmé à Lyon, Disney annonce alors que Soul ne sera visible que sur Disney +, comme Mulan. Quelle chance nous avons alors de voir au Pathé Bellecour, sur grand écran, le meilleur Pixar depuis 5 ans (Vice-versa, toujours de Pete Docter). Et quel malheur aussi. Car, en sortant de la projection, on peut tout autant regretter que Soul ne soit vu dans les salles. Seul blockbuster toujours confirmé au 18 novembre, Sacrées sorcières (Warner, Robert Zemeckis, Roald Dahl, Anne Hathaway et Octavia Spencer au générique) aura comme mission en cette fin d'année, avec ou sans couvre-feu, de fédérer les familles qui oseront s'aventurer au cinéma. Thierry Frémaux a eu raison de regretter le choix de Disney de dédier Soul à ses abonnés, soulignant que les salles de cinéma méritaient un tel film et qu'il était crucial de les faire vivre avec des films fédérateurs...

Sad sad situation

Soul se verra donc à la maison. C'est bien triste tant ce long métrage d'animation est brillant, un cran au-dessus des récentes créations hollywoodiennes. On peut même s'interroger sur la cible et l'ambition. Le personnage principal est un trentenaire célibataire, pianiste de jazz. Pas le genre de "héros" pour les enfants. Quant à l'histoire, plus complexe qu'il n'y parait et flirtant avec la mort, elle pourra dérouter les plus petits.

Mais c'est justement parce qu'il décide de miser sur l'intelligence des spectateurs de tous âges, que Soul se distingue des autres. Notre pianiste a la foi: il croit qu'il est fait pour être un brillant musicien, mais, pour subvenir à ses besoins et avoir la paix avec sa mère, il doit enseigner. La passion versus la nécessité. Le plus beau jour de sa vie arrive quand on lui offre un contrat à durée indéterminée de professeur et quand on lui propose d'être dans le quatuor d'une star de saxo. Il doit faire un choix. Mais, manque de chance, il meurt accidentellement ce jour-là.

Nous voici transportés dans la folie de Pixar: le grand monde d'après, où il ne reste que notre âme. Pas de Gabriel, de Paradis ou d'Enfer. Juste un grand astre lumineux où les âmes fusionnent. Celle de notre musicien résiste à cette fatalité et trouve un moyen d'échapper à cette finalité, pour se retrouver dans le grand monde d'avant. Là où nos personnalités sont forgées au moment de notre naissance. Notre âme survivante reviendra-t-elle dans son corps terrestre? Devra-t-elle retourner dans le grand monde d'après?

Rythm n' blues

Evidemment, cela reste un Pixar. Il y a de l'humour, du délire même, de l'action, de l'aventure, des personnages secondaires bien écrits, des défis personnels et un propos existentiel (la passion ne doit pas dévorer la vie, bien le plus précieux souvent gâché par notre capacité à ne plus s'émerveiller). Outre sa richesse narrative et ses références philosophiques (d'Aristote à Gandhi), Soul épate aussi par sa diversité graphique (New York, univers réaliste sur terre, le grand monde d'avant, univers fantasmagorique aux traits plus simples, empruntés à diverses influences artistiques).

Et, étonnamment, Soul, histoire de l'âme non dénuée de quelques larmes, évite les facilités: pas de relation amoureuse, pas de surdose affective. Le monde est même dépeint de manière assez hostile, avec des personnages souvent "cash". Tout le film tend vers son objectif: s'intéresser aux autres et à son environnement, bref se sentir exister entre l'avant et l'après. Prendre conscience que notre âme est autre chose qu'un amalgame de traits de caractère. Ici, l'animation, avec ses beaux traits, ne manque heureusement pas de caractère. A la fois sentimental et touchant, vibrionnant et virtuose, Soul, comme Wall-E, Là-haut, Vice-versa et Coco, est une leçon pour apprendre à profiter de la vie.

Lumière 2020: Le Guépard et Les années difficiles, le crépuscule des dieux

Posté par vincy, le 14 octobre 2020

Partons en Sicile et remontons le temps. A deux époques différentes, dans deux styles cinématographiques opposés. Le Guépard, adaptation du roman éponyme de Giuseppe Tomasi di Lampedusa et Palme d'or à Cannes en 1963, nous transporte en 1860 alors que l'Italie va se construire en un royaume unifié, s'industrialiser et que la grande île voit le général Garibaldi l'envahir. Les années difficiles, adaptation de la nouvelle Il vecchio con gli stivali de Vitaliano Brancati et sélectionné à Venise en 1948, nous fait traverser les décennies 1930 et 1940 pendant le règne du fascisme règne etla succession de   guerres sans fin, jusqu'au débarquement des Américains sur les flans de l'Etna.

Deux films où les mutations de la société et le basculement du pouvoir atteignent les habitants jusque dans leurs certitudes: la noblesse chez Luchino Visconti, les modestes chez Luigi Zampa. D'un bal aristocratique vertigineux illustrant le déni d'une caste face aux temps qui changent à l'opéra Norma accessible à toutes les classes mais censuré par des fascistes ignares, les deux films renvoient chacun le reflet d'une société qui se désagrège. L'effondrement de leurs acquis et de leurs habitudes s'opère sous nos yeux dans les deux films.

La somptuosité atemporelle et presque classique du Guépard, où Visconti orchestre ce milieu confiné dans un décorum opulent, ne doit pas cacher le propos sur le déclin de cette élite oisive, condamnée à quitter ses palais dorés. A l'inverse, Les années difficiles s'inscrit davantage dans son époque. D'abord par son style, mélange de néo-réalisme et de comédie italienne. Ensuite, Zampa filme avec dévotion les modestes, qu'ils soient aveuglés par la propagande fasciste ou critiques et circonspects à l'égard de cette dictature.

Un père de famille, s'il veut garder son poste à la mairie, est forcé de devenir membre du parti de Mussolini, alors qu'il n'a aucune ambition ni même d'avis sur la politique. Son aîné est envoyé sur le front. Sa femme et sa fille embrassent le "messie" de Rome. Zélé, il se soumet aux ordres du chef de la commune, qui est aussi le propriétaire de son appartement. Mais plus le temps passe, plus il doute du régime mussolinien. Une fois la guerre mondiale à leurs portes, il constate la lâcheté des uns, l'impuissance des autres et la bêtise de tous. Il sera le grand perdant de cette période, où les opposants n'ont eu aucun courage et les partisans s'avèrent capables de retourner leur veste au moindre vent contraire. Le film où l'on a sourit devient alors très amer.

Si Visconti a sublimé la Sicile, la reconstituant comme on restaure un monument, Zampa la filme dans son authenticité. Car à la réalité des conditions difficiles de cette région isolée et à la dramaturgie d'une famille qui va payer le prix cher de la folie des hommes, il ajoute des images d'actualités toutes fraîches (on est trois ans après la fin de la guerre, quinze ans après l'avènement d'Hitler). Cela en fait un film "à chaud", où tout est encore en mémoire à l'époque (ce qui ne manquera pas d'être la cible de controverses).

Mais, le plus frappant est le discours politique du réalisateur. Juste sur ses compatriotes, qu'il ne ménage pas en pointant du doigt leur collaborationnisme assumé (le seul vrai résistant est un italo-américain), lucide sur les dérives du fascisme dont les braises sont encore chaudes, il fait de son film un documentaire troublant et fascinant sur cette période grise, tout en y entremêlant un drame émouvant et intime sur les humbles et les honnêtes écrasés par les ambitieux et une idéologie digne d'une religion obscurantiste. Ainsi, le pharmacien se révoltera dans un coup de sang, en chantant La Marseillaise (et disparaîtra en prison). Le fils, à qui l'avenir semblait radieux, connaîtra un destin aussi tragique que stupide. Mais le maire et les autres notables sauront s'acheter les faveurs des Américains. Le propos pacifiste et la désillusion du personnage principal souligne ainsi le gâchis général causé par la petitesse des esprits.

Avec un recul intellectuel admirable si peu de temps après les événements, Les années difficiles tend un miroir à une Italie traumatisée par la guerre et déboussolée par ses déviances. Elle ne s'en remettra jamais. L'épilogue, cruel et triste, se charge de nous faire deviner le destin de cette Sicile autrefois terre des guépards et désormais vouée à n'être qu'une province de magouilleurs régis par des codes sociétaux d'un autre temps.

Lumière 2020: Falling et Nomadland, l’entraide pour ne pas sombrer

Posté par vincy, le 13 octobre 2020

© ecran noir

Une sonate et une balade. Toutes deux remplies de silences. Viggo Mortensen et Chloé Zhao n'ont a priori rien en commun. Pourtant, à voir leur film en avant-première à Lumière, il y a une résonance particulière, comme un écho sensible et ténu qui fait le lien entre Falling et Nomadland.

Falling est le premier film en tant que réalisateur de Viggo Mortensen. Présenté en clôture à Sundance, sélectionné à Cannes 2020, ce drame intime, accompagné par la douce musique de Viggo lui-même, suit un père, atteint de démence au crépuscule de sa vie, et son fils, qui a quelques vérités sur le cœur à lui balancer. A travers cette histoire, il oppose aussi deux Amériques irréconciliables. Le patriarche sénile est un homme conservateur, anti-communiste, paysan, homophobe, misogyne, doté d'un handicap affectif qui l'a conduit à finir seul, abandonné de ses femmes et de ses enfants. Le fils est  marié à un homme d'origine asiatique, avec qui il a adopté une petite fille latino, vit en Californie et vote pour Obama. Mais, derrière ces gros traits de caractère, se dessine surtout l'incompréhension de l'un vis-à-vis de l'autre, le tableau d'un naufrage (la vieillesse) et l'envie d'aimer (au-delà des reproches et rancœurs). Falling est mélancolique et sombre. La chronique familiale - pas très loin des films aux personnages de vieux grincheux comme Monsieur Schmidt ou Un homme simple - s'offre quand même quelques parenthèses rageuses et touchantes, voire drôles avec l'irruption de David Cronenberg en proctologue. Mais on retient aussi cet amour de Viggo pour la nature, les saisons, les paysages, alors qu'il ne filme jamais la ville, préférant la protection du foyer.

C'est là qu'un lien invisible se dessine avec Nomadland de Chloé Zhao, récent Lion d'or à Venise. L'âge qui avance, une Amérique des oubliés, mais surtout ce rapport au "vivant": le ciel, les paysages splendides de l'Ouest américain, l'hiver enneigé et l'été lumineux... Comme si l'avancée vers la mort amenait un besoin de se réconcilier avec l'essentiel. Nomadland est, aussi, à sa manière, une histoire de famille. Celle qu'on se choisit, tant on n'a plus grand chose en commun avec celle de sang, quand il y en a une. On suite une femme proche de la retraite, récente veuve (et toujours inconsolable), plongée dans la précarité après la fermeture de l'usine qui faisait vivre un bled du Nevada. Entre villes fantômes et camps sauvages "hippies", elle prend goût à sa nouvelle liberté, loin des contraintes d'une société matérialiste. Ici, tout se bricole, se recycle, entre survie et contemplation. La beauté des images, portée par les lancinantes mélodies de Ludovico Einaudi, ne cache rien de la misère : esclavagisme chez Amazon, troc nécessaire pour palier au manque de dollars, etc... Mais la réalisatrice réussit avec grâce ce mélange de fiction - un road-movie en van comme une odyssée - et de réalisme - de vrais nomades qui racontent leur vie et donnent une touche d'authenticité bienvenue.

Dans leurs films, Mortensen et Zhao ont en commun ce besoin d'entraide pour ne pas sombrer. Un sentiment très fort qui montre une envie de solidarité. Entre les démunis, exclus de la masse, méprisés ou ignorés. Entre un père et un fils, qui doivent surmonter leurs différents et affronter le temps qui passe. Dans les deux œuvres, la mort n'est pas montrée, mais elle est omniprésente. Falling nous invite à aimer pour vivre tandis que Nomadland préfère nous rappeler la force de la liberté. Deux choix qui amènent le spectateur à se projeter dans un "vivre ensemble" où la sincérité et la tolérance sont des vertus indispensables.

Lumière 2020: le cap de la quarantaine dans Drunk et All About Eve

Posté par vincy, le 12 octobre 2020

© ecran noir

Pas facile de vieillir. Ni pour un enseignant Danois ni pour une star de Broadway. Cela entraîne de sérieuses addictions, et autant de dommages collatéraux, pour ne pas dire des dérapages dans le décor.

L'addiction dans Drunk est dans le titre: l'alcool (on boit aussi beaucoup dans Eve ceci dit). L'alcool, ça désinhibe. Ça donne confiance en soi. Et quand on sombre vers la cinquantaine, que le job, la famille, la vie ne sont que routines, ça peut revigorer et, finalement, retrouver le goût à la vie. Thomas Vinterberg, grandement aidé par son casting d'acteurs, l'excellent Mads Mikkelsen en tête, suit donc une année scolaire avec quatre profs au bord de la crise d'ennui. La force du jeu de Mikkelsen est de nous conduire subtilement de son état apathique à son esprit de reconquête, avec un regard perdu, ailleurs, pour finir dansant, prêt à dévorer la vie. Jamais moraliste, toujours humaniste, le scénario montre tous les aspects de la dépendance (et donc de la dose à consommer) aux élixirs enivrants. Mais Drunk (sélectionné à Cannes 2020) est avant tout un film vivifiant (et pas seulement parce qu'il fait revivre son quatuor). Cette renaissance (doublé d'une prise de conscience de chacun sur leurs échecs) est contagieuse (mise en scène, musique, final formidable et joyeux). On se reconnaît dans leurs failles (indispensables pour que l'on puisse comprendre le prix de l'existence et pour faire entrer sa lumière) et on les accompagne collectivement dans leur envie de boire, non pas pour oublier, mais bien pour se révéler.

La révélation c'est aussi le sujet de Eve, classique de John L. Mankiewicz (6 Oscars, meilleure actrice et prix du jury à Cannes en 1951) avec la charismatique Bette Davis, l'insupportable Anne Baxter et la novice Marilyn Monroe. Ici, l'addiction est davantage psychologique: le pouvoir, et même l'emprise. Cette histoire de harcèlement (dont on retrouve l'héritage dans des films comme Showgirls ou Black Swan), qui a inspiré Tout sur ma mère de Pedro Almodovar, est un magnifique jeu de manipulation entre une star établie, fragilisée par son vieillissement dans un business où la quarantaine signe la retraite, et une fille mystérieuse, trop bienveillante pour être honnête, et qui ne cherche qu'à prendre sa place en haut de l'affiche. Bette Davis brille par sa performance pleine de nuances, tour à tour montrée comme un monstre égoïste puis comme une victime de sa prédatrice. De l'antipathie qu'on pourrait éprouver pour elle, naît, chez le spectateur, une véritable compassion, tandis que le réalisateur inverse symétriquement les rôles avec le personnage de Baxter: la jeune fille pour laquelle on a de la pitié se mue en garce froide et calculatrice. Le film n'a pas vieillit et s'avère un girl fight plein d'esprit entre gens bien élevés.

Dans les deux cas, avec Mads Mikkelsen d'un côté et Bette Davis de l'autre, on comprend que la maturité est synonyme de vulnérabilité. L'amour ne fait pas tout, ni le succès, ni même le confort. Il y a cette réalité qu'on a les plus belles années derrière nous, que la jeunesse, ses rêves et ses espoirs ont fané. Mais que ce soit dans le Danemark d'aujourd'hui ou le Broadway d'hier, le cap rugissant de la quarantaine n'est pas insurmontable tant qu'on reste lucide (bizarrement l'alcool n'est pas un obstacle, au contraire). Tout est dans l'équilibre entre satisfaction égoïste, acceptation de la réalité, et aspiration à vivre sans se soucier de l'horloge qui tourne. On peut plaire, aimer, et danser (vite). Même après quarante ans. Il suffit de quelques applaudissements et d'un bon champagne pour aborder la seconde partie de sa vie.

Lumière 2020: tous les voyants au vert pour le festival du Grand Lyon

Posté par vincy, le 11 octobre 2020

La Halle Tony Garnier était en comité intime samedi soir, mais Thierry Frémaux a su réchauffer l'immense espace qui, pour raisons sanitaires, ne pouvait accueillir que 20% de sa jauge habituelle. Mais c'est déjà une grande nouvelle en soi: Lumière a lieu. Les spectateurs sont au rendez-vous. Les salles vont être pleines (en respectant la distanciation sociale).

Perdus dans le Grand Lyon, on y voyait quand même un défilé de limousines, de stars sur le tapis rouge, le tout rythmé par une musique d'un Sergio Leone signée Ennio Morricone (on y reviendra). Cette année, le programme est riche (et les montages concoctés pour résumer les carrières de chacun comme les grandes lignes du festival étaient formidables). On est ainsi passé de Joe Dassin (hommage à Melina Mercouri oblige) à France Gall (Sabine Azéma et le "Résiste" de Resnais, comme un hymne d'époque), de Viggo Mortensen polyglotte à Thomas Vinterberg sans frontières, d'Oliver Stone en guest-star à Jacques Audiard pour rallumer la flamme de son père. Tout ce beau monde, hormis Dassin et Gall évidemment, était présent, profitant de ses cinq minutes à leur gloire dans un déroulé chargé. Cela n'a pas empêché une splendide compilation des partitions de Morricone, disparu cette année, au piano et en solo par Steve Nieve.

On résiste, on prouve que le cinéma existe. A Lyon, désormais dotée d'un maire écolo qui a bien compris que le festival avait été très soutenu par son prédécesseur, on a beaucoup de vélos mais aussi un festival qui compense son empreinte carbone (quelque part dans les Alpes) et qui fait de l'insertion culturelle (écoles, prisons etc...). Bref Lumière est "vert".

Et quoi de mieux qu'un court-métrage défendant les paysans? La réalisatrice Alice Rohrwacher, plusieurs fois primée à Cannes, et l'artiste JR ont donné en guise de cadeau un court métrage, Omelia contadina. 9 minutes où, l'on suit une communauté paysanne se rassemblant sur un plateau à la frontière de trois régions pour célébrer les obsèques de l'agriculture paysanne. Une "action cinématographique" pour éviter la disparition d'une culture millénaire. Avec des plans filmés du ciel (merci les drones), des portraits géants de paysans conçus par l'atelier de JR, et cette mise en terre plus que symbolique, la cinéaste rappelle avec grâce et sans fioritures, que sans les agriculteurs, on ne nourrit personne. Cet hommage émouvant au "vivant" part d'un magnifique poème toujours d'actualité de Pier Paolo Pasolini. Car les combats d'hier sont toujours les grandes causes d'aujourd'hui. Mais il semble qu'à tous les enjeux climatiques, vitaux, il va falloir ajouter la défense activiste de la culture, tant elle est sacrifiée comme si elle était un pan de l'économie lambda. Pasolini écrivait: "Je pleure un monde mort. Mais moi qui le pleure je ne suis pas mort". Alors tout est encore possible...

Le cinéma d’animation revit sur grand écran au Festival Animafest de Zagreb

Posté par MpM, le 6 octobre 2020

Créé en 1972 à Zagreb, Animafest est le deuxième plus ancien festival consacré à l'animation dans le monde, juste après Annecy. D'abord biennal, puis alternant à partir de 2005 long et court métrage, avant de réunir les deux formats à partir de 2015, il aurait dû célébrer en juin sa 30e édition.

Là où de nombreuses manifestations ont dû être annulées, ou dans le meilleur cas passer en ligne, comme ce fut le cas d'Annecy et d'Ottawa, les organisateurs d'Animafest ont finalement réussi à maintenir une édition physique du 28 septembre au 3 octobre dernier, dans une configuration resserrée qui n'a empêché ni la qualité des programmes, ni les rencontres, et encore moins la convivialité. Amoindrie (les ressortissants de nombreux pays n'ayant pu faire le déplacement) mais soudée, la petite communauté du cinéma d'animation était heureuse de se retrouver, et de voir reprendre le cours des choses. Car pour beaucoup, il s'agissait du premier festival "en vrai" depuis parfois près d'un an.

Georges Schwizgebel, invité d'honneur


Etait notamment présent le réalisateur Georges Schwizgebel (ci-dessous à gauche, en compagnie de Paola Orlic et Daniel Suljic) qui était l'invité d'honneur de cette édition si particulière, et a reçu à ce titre l'Animafest Lifetime Achievement Award. Une rétrospective de son travail était également organisée, ainsi qu'une exposition permettant de découvrir les dessins et les peintures qui servent de point de départ à ses films. L'occasion de se replonger dans une oeuvre foisonnante et baroque dans laquelle la musique occupe une place prépondérante.

Dans La Course à l'abîme, c'est par exemple un extrait de la Damnation de Faust d''Hector Berlioz qui insuffle son rythme trépidant à l'image. Deux cavaliers avancent au galop, un train traverse la plaine, des oiseaux volent à tire-d'aile...

La mise en scène multiplie les effets de travellings et de zooms avant qui imitent la vue subjective, et donnent une impression de mouvement permanent. Puis le cadre s'élargit lentement pour révéler que toutes les scènes cohabitent dans le plan, formant un étrange tableau mouvant basé sur la répétition d'une même série d'images.

La boucle et la répétition sont d'ailleurs des motifs récurrents dans le cinéma de Schwizgebel jusqu'à son dernier court métrage en date La Bataille de San Romano qui s'inspire du tableau de Paolo Uccello.

On retrouve également son goût pour la littérature dans des films comme Le Roi des aulnes, adaptation du poème de Goethe dans lequel un père chevauche avec son enfant malade, ou encore L'Homme sans ombre, inspiré du roman d'Adelbert von Chamisso, qui raconte le destin d'un homme privé de son ombre après un pacte avec le diable. Dans les deux cas, la virtuosité de l'animation est époustouflante, et évoque des procédés de prise de vue continue comme la caméra semblant suspendue dans les airs et flottant autour des personnages.

Coup de projecteur sur le travail de Yoriko Mizushiri


Autre personnalité à l'honneur, la réalisatrice japonaise Yoriko Mizushiri n'a pu venir à Zagreb, mais son esthétique si particulière faite de teintes pastels, de bouches roses et de doigts aux ongles peints était partout, des catalogues à l'affiche du Festival, en passant par les Tote-Bags et les badges. On a pu par ailleurs découvrir une dizaine de ses courts métrages, dont les plus connus Futon et Sushi, mais aussi des clips pour des chanteurs japonais tels que Takao Kisugi et Kuchiroro.

Proposer cette rétrospective était une très belle idée, permettant d'appréhender immédiatement la cohérence de l'oeuvre de la réalisatrice et de jouer au jeu des correspondances entre les films. Au-delà d'une tonalité feutrée, de la prédominance du rose et de motifs récurrents comme les sushis et les différentes parties du corps, on retrouve dans chacun des courts métrages une sensualité douce et joyeuse, et plus généralement une sollicitation des différents sens, notamment gustatifs.

Teleport, par exemple, le clip conçu pour la chanson du même nom par Hasunuma Shuta, semble condenser tous les éléments propres à l'esthétique de Mizushiri. Un lent travelling latéral fait apparaître des fragments de scènes morcelées qui cohabitent dans le plan. En vrac, il y a une chaussure à talon violette qui glisse sous une robe blanche, une bouche qui glisse le long d'une épaule, une boule de glace qui rebondit au ralenti dans sa gaufrette, un sushi suspendu, des doigts qui entrent doucement dans une boulette de riz, des morceaux de poisson cru qui remontent lascivement le long d'un bras nu... Chaque image, d'une délicatesse extrême, sème le trouble dans les sens du spectateur, qui se retrouve frémissant, suspendu aux moindres inflexions d'une jambe ou d'une main.

Compétitions


Le festival proposait également plusieurs compétitions, dont une consacrée aux courts professionnels. On y retrouvait les grands succès de l'année, tels que Physique de la tristesse de Théodore Ushev, encore auréolé de son cristal à Annecy, et Genius Loci d'Adrien Mérigeau, lui aussi récompensé à Annecy, mais également des films en début de circuit, à l'image de Souvenir Souvenir de Bastien Dubois qui avait reçu trois prix au Festival Off-Courts de Trouville.

Le film est comme le making-of d'un film impossible à réaliser et surtout d'une histoire impossible à raconter, articulé autour d'une lancinante question : qu'a exactement fait le grand-père du narrateur pendant la guerre d'Algérie, où il était appelé. Bastien Dubois aborde ainsi le poids du silence sur les générations suivantes et cette transmission impossible qui laisse une trace indélébile. Le récit est à la fois très intime, le réalisateur partant d'un matériau très personnel et se mettant constamment en scène face à ses doutes, et en même temps absolument universel dans sa manière de traiter une parole impossible qui pourrait être celle des participants à n'importe quel autre type de conflit ou de tragédie humaine.

On a aussi repéré Opera de Erick Oh, qui donne à voir de multiples saynètes toutes connectées entre elles et se déroulant pendant un cycle jour-nuit complet. A chaque étage de l'étrange structure qui se dévoile progressivement à l'écran ont lieu des rituels liés à la vie et à la mort, mais aussi au travail ou à la religion. Chaque étage de la structure a ainsi une influence sur les étages inférieurs et supérieurs, tout se révélant peu à peu comme un immense système global qui schématise le fonctionnement de tous les types de société. Il est alors métaphoriquement question de notions telles que la lutte des classes, l'endoctrinement ou encore le racisme et la violence qui, toutes imbriquées les unes dans les autres, sont à la fois comme le moteur et le frein de la course du monde.

Il faut enfin citer Betty de Will Anderson (une variation mi-humoristique, mi-tragique sur la mise en abyme d'une rupture amoureuse) et Last Supper de Piotr Dumala (qui réinvente la Cène dans un train lancé à toute allure) mais aussi Leaking Life de Shunsaku Hayashi, présent à Annecy en 2019, éblouissant film expérimental qui joue sur les textures et les matières, et How to disappear de Robin Klengel, Leonhard Müllner et Michael Stumpf, déjà découvert à Berlin, et qui nous entraîne dans le jeu vidéo Battlefield V pour interroger le concept de guerre et poser une réflexion sur ce que signifie l'acte de déserter.

Le choix du jury, qui réunissait les réalisatrices Reka Bucsi et Martina Scarpelli, la journaliste Nancy Denney-Phelps, la programmatrice du festival national d'animation de Rennes Clémence Bragard et le réalisateur Vladislav Kneževic, s'est finalement porté sur Just a guy de Shoko Hara, documentaire sur la fascination exercée par le serial killer Ricardo Ramirez sur trois jeunes femmes qui ont correspondu avec lui lorsqu'il était dans le couloir de la mort. Basé sur leurs témoignages puissants, le film joue beaucoup la carte de l'émotion, mais aussi celle de l'humour, pour tenter de comprendre ces relations atypiques sans jamais porter de jugement. Même si l'on aurait voulu que le propos aille plus loin, impossible de nier la force qui se dégage de ces récits presque hallucinants et traités comme tels par une esthétique survoltée.

Côté étudiants, Naked de Kirill Khachaturov fait le doublé après son cristal à Annecy, malgré la concurrence du gros succès de 2019, Daughter de Daria Kashcheeva, qui repart tout de même avec le prix du jeune public. Le premier revisite le film de super-héros dans un style radical et minimaliste servi par une esthétique singulière et immédiatement reconnaissable qui met en scène des personnages presque difformes (longs cous, gros ventres, têtes minuscules) modélisés en 3D. Nous avons déjà eu l'occasion de présenter le second, un récit plutôt sombre aux accents réalistes, réalisé avec des marionnettes ultra expressives, qui met en scène la communication impossible entre une fille et son père, et simule à l’écran les effets chaotiques d’une prise de vue “caméra à l’épaule”.

Et le cinéma croate dans tout ça ?


La compétition croate, qui était jugée par le même jury que la compétition étudiante, à savoir la réalisatrice Hefang Wei, le réalisateur Mladen ?ukic et le réalisateur et programmateur Laurent Crouzeix, a vu le triomphe de Arka de Natko Stipanicev qui met en scène un gigantesque paquebot sur le point de faire naufrage tandis que ses passagers poursuivent leurs routines absurdes et dénuées de sens. Une parabole satirique et ultra-distanciée sur la condition humaine, dont une des lectures les plus évidentes est notre obstination collective à ne pas regarder en face les conséquences prévisibles de la crise environnementale en cours.

A noter également la présence en compétition de Natural selection de Aleta Rajic, étrange récit sur une biche qui se comporte comme un être humain, mais est peu à peu rattrapée par sa nature sauvage,  de Toomas beneath the valley of the wild wolves de Chintis Lundgren, la suite de la comédie surréaliste Manivald, qui interroge avec tout autant de malice et de liberté les questions de genre, ou encore du clip musical étudiant I'm not feeling very well de Suncana Brkulj, dans lequel des squelettes montés sur épingle se trémoussent sur une chanson du groupe Cawander.

On a aussi pu découvrir un programme de courts métrages réalisés à Zagreb au cours de l'année 1972, parmi lesquels Tup-Tup de Nedeljiko Dragic, nommé à l'Oscar, qui montre comment un homme apparemment éduqué et poli se transforme en fou furieux lorsqu'un bruit non identifié l'empêche de lire son journal en paix. Sorte de cartoon délirant et obsessionnel, le film multiplie les situations plus absurdes, violentes et évidemment bruyantes les unes que les autres, jusqu'au chaos presque total.

Dans un genre plus introspectif, Astralis de Rudolph Borosak s'intéresse à un personnage minuscule enfermé dans un cube géant dont il ne peut s'extraire, et à l'intérieur duquel se déroulent des scènes inquiétantes. Lorsqu'enfin l'un de ses semblables apparaît, il demeure hors de portée. Et pour cause, un dernier plan large nous laissant deviner des dizaines de cubes isolés les uns des autres, métaphore de l'inextricable solitude de l'être humain et des difficultés à entrer en connexion avec les autres.

Cinéma hongrois, école de Lodz et un avenir que l'on espère radieux

On pourrait encore citer le focus sur le cinéma hongrois, représenté notamment par le très beau Symbiosis de Nadja Andrasev, qui est reparti avec le prix du premier court métrage professionnel, et une carte blanche à l'école de Lodz en Pologne, à laquelle on doit notamment Such a beautiful town de Marta Koch, Bless you! de Paulina Ziolkowska et Pussy de Renata Gasiorowska.

De quoi faire le plein de (bons) films sur grand écran, en espérant que la prochaine édition du festival, prévue en juin 2021, puisse elle-aussi se tenir dans les meilleures conditions ! Mais quand on voit les prouesses de convivialité dont l'équipe d'Animafest a été capable en pleine crise sanitaire, sans parler de la qualité des sélections et des rencontres, on ne se fait aucun souci pour l'avenir.

Véronique Cayla et Eric Toledano à la tête des César

Posté par vincy, le 29 septembre 2020

Ce mardi 29 septembre 2020, les 180 membres de l’Assemblée Générale ont procédé à l’élection de Véronique Cayla, ancienne présidente d'Arte, et d’Éric Toledano, scénariste, réalisateur et producteur, à la Présidence et Vice-Présidence de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, pour un mandat de deux ans.

C'est "avec vous que nous pourrons inventer un nouveau modèle pour les César, un modèle collectif, imaginatif, utilisant la modernité des moyens techniques pour pallier les difficultés actuelles en particulier sanitaires" a déclaré Véronique Cayla, à qui l'on doit la transformation réussie d'Arte. Eric Toledano ajoute que ce mandat devra apporter "des changements, en s'ouvrant d'avantage" aux jeunes générations et à la diversité.

À l’occasion de cette Assemblée Générale Extraordinaire, ont également été élus les 42 représentants des 21 branches de métiers qui viennent constituer, aux côtés du tandem Présidente/Vice-Président, le nouveau Conseil d’Administration de l’Académie :
Marina FOÏS - Antoine REINARTZ dans la branche de l’interprétation,
Pascale FERRAN - Cédric KLAPISCH dans la branche de la réalisation,
Olivier GORCE - Julier PEYR dans la branche du scénario,
Gréco CASADESUS - Marie SABBAH dans la branche de la composition musicale,
Catherine BOISGONTIER - Pierre-Yves GAYRAUD dans la branche des costumes,
Chloé CAMBOURNAC - Laurent TESSEYRE dans la branche des décors,
Bertrand COLLARD - Sophie REINE dans la branche du montage,
Yves CAPE - Jeanne LAPOIRIE dans la branche de la photographie,
Lucien BALIBAR - Claudine NOUGARET dans la branche du son,
Chantal LEOTHIER - Christophe OLIVEIRA dans la branche du maquillage et de la coiffure,
Roxane FECHNER - Matthias WEBER dans la branche des effets spéciaux et visuels,
Nathalie CHÉRON - Daniel DELUME dans la branche des autres collaborations techniques,
Alain ATTAL - Marie-Ange LUCIANI dans la branche de la production,
Sébastien CAUCHON - Elisabeth TANNER dans la branche des agents artistiques et attachés de presse,
Danièla ELSTNER - Alexandre MALLET-GUY dans la branche de la distribution et de l’exportation,
Christine BEAUCHEMIN-FLOT - Richard PATRY dans la branche de l’exploitation en salle,
Marc DU PONTAVICE - Pascale FAURE dans la branche de l’animation,
Rebecca HOUZEL - William JÉHANNIN dans la branche du documentaire,
Justin PECHBERTY - Pauline SEIGLAND dans la branche du court métrage,
Didier DIAZ - Sophie FRILLEY dans la branche des industries techniques,
Frédérique BREDIN - Vincent TOLÉDANO dans la branche des professions associées.

Il y a deux semaines, les 4 313 membres de l’Académie des César à jour de leur cotisation avaient élu les 164 nouveaux membres de l'Association pour la Promotion du Cinéma (APC) qui régit l'Académie. Cette nouvelle Assemblée Générale, qui comprend 182 membres au total en y incluant les membres historiques, a donc élu ce nouveau Conseil d'Administration de l'Association.

Cette nouvelle gouvernance paritaire pourra commencer à préparer la prochaine Cérémonie, l’ensemble des événements organisés par l’Académie, et procéder à la rénovation du règlement de l'Académie. Cinq groupes de travail plancheront sur cinq réformes prioritaires: conditions d'adhésion à l'Académie des César ; contribution financière versée par les membres de l'Académie des César ; présentation des films ; format de la Cérémonie ; et événements associés.

Les César continuent d'être pris dans la tourmente. Lors de l'élection des nouveaux membres à la mi-septembre, les statuts ont permis à Roman Polanski et au producteur Thomas Langmann, condamné en 2019 pour harcèlement envers sa femme, tout comme Alain Terzian, critiqué par les frondeurs pour sa gestion de l'ancienne Académie des César, à être admis d'office en tant que "membre historique" après en avoir fait la demande. Le psychodrame a continué quand deux membres historiques ont démissionné en apprenant la présence de ces hommes dans l'Assemblée générale.

Il reste quelques mois pour préparer la prochaine cérémonie, après le chaos et les scandales de cette année.

Hommage à José Maria Riba lors de la dernière soirée Espagnolas en Paris

Posté par MpM, le 28 septembre 2020

Il était la pierre angulaire de l'association Espagnolas en Paris, créée il y a 12 ans pour montrer aux cinéphiles de la capitale un « autre » cinéma espagnol et latino-américain. José Maria Riba, par ailleurs journaliste et sélectionneur, nous a quittés le 2 mai dernier. "Sans lui il nous sera difficile, voire même impossible, de continuer à faire vivre cette association car cette magnifique aventure n’aurait pas pu voir le jour, avec nos modestes moyens, sans l’initiative, la passion, l’énergie et le caractère têtu de notre « chef » de bande", déclare Laura del Sol, présidente de l'association. "José incarnait le cœur et l’âme de cette association, notre colonne vertébrale. Oui, José était "Dífferent" !"

Malgré tout, Espagnolas en Paris investit le Majestic Passy le 5 octobre prochain pour une dernière soirée consacrée à José Maria Riba, et à ce cinéma qu'il aimait. On y découvrira en avant-première Une vie secrète de Aitor Arregi, Jon Garaño et José Mari Goenaga (sortie nationale le 28 octobre 2020) ainsi que la version courte du film hommage conçu par la cinéaste mexicaine Lila Avilés (La camarista) : José María Riba, un agradecimiento por siempre dont la version intégrale réunit plus de 50 témoignages de cinéastes, acteurs et professionnels du monde entier.

L'occasion de se souvenir de celui qui, inlassablement, a œuvré pour aider et faire connaître le cinéma espagnol et latino-américain en France. D'abord journaliste à RFI, puis à l'AFP, José Maria Riba a fait partie pendant près de 30 ans de l'équipe de sélection du Festival de San Sebastian. Egalement sélectionneur pour la Semaine de la Critique du Festival de Cannes, il en fut le Délégué général en 2000 et 2001. C'est ainsi lui qui a découvert et sélectionné, entre autres, les premiers longs métrages des Mexicains Guillermo del Toro (Cronos) et Alejandro González Iñárritu (Amours chiennes), ou de l'Espagnol Cesc Gay (Krampack). Par la suite, il a été pendant plusieurs années le consultant privilégié de Thierry Frémaux, Délégué général du Festival de Cannes et d'Edouard Waintrop, Délégué général de la Quinzaine des Réalisateurs, en matière de films espagnols et latino-américains.

Il a également créé en 2008 le festival Différent! consacré à l' "autre cinéma espagnol", rejoint en 2012 le comité de sélection du Prix Jean Vigo, avant de devenir en 2016 le Délégué générale de la cérémonie des Lumières de la presse internationale... Passionné, et passionnant, il n'a cessé de porter haut les couleurs du cinéma, espagnol et latino-américain bien sûr, et plus généralement d'un cinéma souvent "différent", méconnu, parfois à la marge, dont il s'était fait le chantre, et auquel il manquera.