La censure chinoise tolère le personnage homosexuel du prochain film de Wang Chao

Posté par vincy, le 8 septembre 2015

Un vent nouveau soufflerait-il en Chine? Les autorités chinoises ont approuvé le 2 septembre la diffusion en salles d'un film sur un amour homosexuel. Une première dans un pays où toute relation sexuelle est vue d'un mauvais oeil (au point d'aseptiser les scénarios des films internationaux qui souhaiteraient sortir en Chine) et où l'homosexualité est peu tolérée. Pourtant la littérature chinoise n'a jamais caché l'homosexualité, au point de raconter des relations amicales ouvertement ambiguës. L"homosexualité n'est plus une maladie mentale depuis près de 15 ans dans le pays. Et la sodomie a été dépénalisée il y a 18 ans. Reste qu'il est très difficile  d'être homosexuel en Chine et tout aussi compliqué de l'illustrer au cinéma. La communauté LGBT se bat depuis près de 40 ans pour lever la censure. Pour quelques cas médiatiques (mariage factice, gay pride surveillée, bars d'expatriés tolérants), il y a davantage de suicides. Très peu de comédiens revendiquent d'ailleurs leur orientation sexuelle. Bien que tolérée, l'homosexualité reste cachée, même si les mentalités évoluent.

Aussi, le fait que À la recherche de Rohmer (Xunzhao Lui Mai / Seek McCartney) soit montré sur les écrans chinois est une réelle avancée dans un pays où la censure est omniprésente. Tourné à Pékin, au Tibet, à Paris et en Provence, le  nouveau film de Wang Chao (L'orphelin d'Anyang, Voiture de luxe, Fantasia) est une histoire sentimentale entre Hang Geng, qui incarne un chinois hétérosexuel, et Jérémie Elkaïm, qui interprète un français homosexuel, entourés d'Hélène Vincent et d'Alice de Lencquesaing (lire aussi notre entretien avec Wang Chao). Cela faisait presqu'un an qu'il attendait son autorisation éventuelle. Il doit sortir cet hiver en Chine. Le film avait obtenu l'Avance sur recettes en 2012, et a été produit par Reboot films en 2013. La post-production est terminée depuis un an.

Le réalisateur s'est emballé sur son blog: "C'est un petit pas pour l'Administration du Film, mais c'est un grand pas pour le monde du cinéma". Si à Hong Kong, l'homosexualité n'a pas représenté trop de problèmes au cinéma (Happy Together de Wong Kar-wai, entre autres), en Chine aucun film dont le personnage principal est homosexuel n'a eu accès aux salles de cinéma, que ce soit East Palace, West Palace de Zhang Yuan (Cannes 1997) ou Nuit d'ivresse printanière de Lou Ye (Cannes 2009).

Ce revirement de la censure chinoise montre que les règles restent très opaques et soumises aux censeurs. Si l'homosexualité n'est plus considérée comme "pornographique et vulgaire" depuis cinq ans, il n'empêche qu'elle freine la liberté de création, à l'opposé de ce qui se réalise à Taïwan.

Alors qu'en France, on revit parfois des épisodes sombres de notre histoire de la censure (Love en est le dernier exemple), la censure chinoise tente quelques signes d'ouverture. Très mesurés. Rappelez-vous ce couple de jeunes chinois se filmant en train de faire l'amour (par derrière) dans une cabine d'essayage d'un grand magasin d'une marque japonaise (ultime trahison?): la vidéo, diffusée sur les réseau, a été rapidement censurée et les exhibitionnistes risquent jusqu'à deux ans de prison. Le socialisme a ses limites et il n'y a qu'un pas pour rappeler que le consumérisme occidental pourrit les valeurs ancestrales de la bonne société chinoise.

Il n'y a donc pas de révolution mais un léger vent nouveau qui souffle sur la Chine. Un homosexuel est toujours moins dangereux pour le régime qu'un dissident réclamant la Liberté.

Vesoul 2015 : Cyclo d’or pour Bwaya de Francis Xavier Pasion

Posté par MpM, le 18 février 2015

FICA 2015

La tonalité exigeante du palmarès du 21e festival des cinémas d'Asie de Vesoul traduit le choix du jury mené par Wang Chao (et composé de Laurice Guillen, Mohammad Rasoulof et Prasanna Vithanage) de récompenser des œuvres singulières et denses portant chacune en elle sa propre proposition de cinéma.

Francis Xavier PasionAinsi le Cyclo d'or, Bwaya de Francis Xavier Pasion (photo de gauche), mêle-t-il la sensorialité d'une nature presque idyllique à un constat social douloureux qui ouvre la porte à une mise en abime inattendue. Le film ne se contente pas de narrer des faits (en partie réels), il propose par petites touches une réflexion sur la retranscription cinématographique de ces faits et sur le rapport complexe au réel qui s'en dégage.

Une démarche déconcertante qui rend le film parfois malaisé, mais surtout toujours surprenant. On est quelque part entre le cinéma sensoriel et énigmatique d'un Apichatpong Weeresetakul, le constat social dépouillé d'un Brillante Mendoza et le récit mythique universel sur les origines du monde. Dans ce cadre qui évoque les premiers temps de l'humanité, le contraste saisissant entre la beauté foudroyante de la nature et les difficultés matérielles des habitants emporte tout.

Le grand prix, Exit de Chenn Hsiang, est une oeuvre plus urbaine, mais tout aussi dépouillée. Dans des scènes courtes très peu dialoguées, le jeune réalisateur dresse le portrait sensible et sans fard d'une femme plongée dans une solitude infinie. L'héroïne, une Taïwanaise de 45 ans pour laquelle tout semble s'arrêter (sa vie professionnelle, sa vie de mère et même sa vie de femme), est perpétuellement enfermée dans des cadres travaillés et des perspectives bouchées. C'est comme si, pour elle, toutes les portes se fermaient, au sens propre comme au sens figuré. Une oeuvre en apparence austère qui s'attache aux plus petits détails pour transmettre toutes les émotions qui ne passent ni par le récit, ni par le scénario.

Le jury a par ailleurs distingué One summer de Yang Yishu et Melbourne de Nima Javidi, deux longs métrages qui abordent un contexte social et politique par le prisme de la cellule familiale. Dans le premier, construit comme un thriller anémique, une femme passe tout un été à essayer de comprendre pourquoi son mari a été arrêté. A grands renforts de plans fixes, de scènes ultra-quotidiennes, d'ellipses et de non-dits, le film raconte à la fois la vacuité de l'attente, l'ignorance anxiogène, l'arbitraire tout puissant et l'implosion d'existences bien rangées. Malgré ses faiblesses (narration si déliée qu'elle peut en sembler factice, scènes parfois absconses), One summer a quelque chose de saisissant qui captive.

Melbourne (photo de droite) est Melbourne au contraire un quasi huis-clos étouffant dans lequel la parole joue le rôle principal. Pris dans un dilemme moral inextricable, un jeune couple s'embourbe dans les mensonges, les conjectures et les revirements, saisis par une culpabilité qui les étouffe. Même s'il ne va pas aussi loin dans son étude cruelle des rapports de classe, impossible de ne pas penser au cinéma d'Asghar Farhadi, période Une séparation. Probablement l'oeuvre la plus aboutie, voire la plus maîtrisée de la compétition.

Parmi les lauréats des autres prix, on note la présence du premier film birman en compétition à Vesoul, The monk de The Maw Naing, une oeuvre assez classique sur le conflit de génération entre un apprenti moine boudhiste et son maître malade, mais aussi le très poétique Kurai Kurai de Marjoleine Boonstra, fresque délicate inspirée de légendes kirghizes ou encore A matter of interpretation de Lee Kwang-kuk, savoureux exercice de style qui mêle rêves et réalité à la manière de Hong Sang-Soo.

Un palmarès qui reflète au fond la grande homogénéité de cette compétition 2015, moins axée sur les grands sujets de société que sur des propositions cinématographiques assez personnelles et parfois relativement arides qui ne cèdent ni à la complaisance, ni à la facilité. Un très bel aperçu de la vitalité des cinémas asiatiques qui ne cessent de se renouveler et de se réinventer pour obtenir l'alchimie idéale entre recherche formelle et démarche sociale ou politique.

Vesoul 2015

Le palmarès complet

Cyclo d'or
Bwaya de Francis Xavier Pasion (Philippines)

Grand prix du jury
Exit de Chenn Hsiang (Taïwan)

Prix du jury ex-aequo
One summer de Yang Yishu (Chine) et Melbourne de Nima Javidi (Iran)

Prix NETPAC
The Monk de The Maw Naing (Birmanie)

Prix Emile Guimet
Kurai Kurai : tales of the wind de Marjoleine Boonstra (Kirghizstan)

Coup de coeur de Guimet
Bwaya de Francis Xavier Pasion (Philippines)

Prix INALCO
Melbourne de Nima Javidi (Iran)

Coup de cœur INALCO
A matter of interpretation de Lee Kwang-kuk

Prix du public long métrage de fiction
Margarita with a straw de Shonali Bose et Nilesh Maniyar

Prix de la critique
Exit de Chenn Hsiang (Taïwan)

Prix du Jury Lycéens
Margarita with a straw de Shonali Bose et Nilesh Maniyar (Inde)

Prix du public du film documentaire
Nu Guo, au nom de la mère de Francesca Rosati Freeman et Pio d'Emilia (Chine, Italie, Japon)

Prix Jury Jeunes
Iranian Ninja de Marjan Riahi (Iran)

Photos : Michel Mollaret

Vesoul 2015 : Trois questions à Wang Chao

Posté par MpM, le 18 février 2015

wang chaoEn parallèle de la vaste rétrospective de 50 ans de cinéma chinois proposé au FICA cette année, les organisateurs du Festival de Vesoul se sont tout naturellement tournés vers un cinéaste chinois de première envergure pour succéder à Brillante Mendoza dans le rôle difficile de président du jury international.

Wang Chao, dont le premier long métrage, L'orphelin d'Anyang, fut sélectionné à Cannes en 2001, était donc l'invité d'honneur de cette 21e édition, durant laquelle il a reçu un Cyclo d'or spécial. Deux de ses films récents (le polar intime Memory of love et le drame familial Fantasia) étaient également présentés.

L'occasion pour Ecran Noir de rencontrer ce cinéaste rare qui porte sur son pays un regard à la fois critique et chaleureux, soucieux d'en montrer fidèlement tous les contrastes.

Ecran Noir : votre cinéma est souvent le reflet de la société chinoise actuelle. Est-ce pour vous ce que représente le cinéma, un moyen de transmettre la réalité ?

Wang Chao : Je pense en effet que mes films représentent la vie en Chine. La chine évolue maintenant très vite. D'un côté, on a beaucoup de succès en tant que puissance économique. Notre vie s'améliore de plus en plus. On peut voir ça facilement dans les journaux ou à la télévision. Mais en tant que réalisateur, et en tant qu'artiste, je voudrais aussi montrer des gens qui sont ignorés par les médias. Montrer un autre côté de la Chine.

EN : Cela influe-t-il sur la manière dont vous regardez un film, notamment lorsque vous occupez comme ici le rôle de président du jury ?

WC : Non, pas vraiment. Je regarde les films sous un prisme plus artistique. Je m'attache aux films qui me touchent, et aussi quand même aux films qui sont proches de la réalité. Mais c'est le niveau artistique qui prime.

EN : Comment est né le projet du film A la recherche de Rohmer que vous avez tourné en France ?

WC : Ce film est adapté de mon roman qui s'appelle Tibet sans retour. Il raconte l'histoire de deux hommes dont un qui est mort au Tibet et l'autre qui veut aller le chercher. Pour ce qui est de Rohmer, déjà, c'est un scénariste que j'aime beaucoup. Je voulais lui rendre hommage. En plus, son film Le rayon vert raconte aussi une histoire de recherche, d'où le parallèle, même si le traitement est bien sûr complètement différent.

Photo Wang Chao : Michel Mollaret

Vesoul 2015 : la Chine, l’Iran et les thrillers à l’honneur

Posté par MpM, le 10 février 2015

fica2015Il fut longtemps le plus important festival de cinéma asiatique de France, il est désormais le seul de cette envergure. Alors que l'on apprend semaine après semaine l'arrêt (ou la suspension) de manifestations consacrées au cinéma, le Festival des cinémas d'Asie de Vesoul tient bon. Mieux, après les fastes de son 20e anniversaire, il revient en 2015 avec une programmation solide, élégante et ambitieuse qui permet une fois de plus de concilier tous les publics, des plus cinéphiles aux plus néophytes, avec un seul mot d'ordre : la curiosité.

Le secret d'une telle longévité réside bien sûr dans toute une alchimie d'éléments. Mais avant tout, c'est le fruit de vingt années de travail acharné et patient de la part de ses créateurs, Martine et Jean-Marc Thérouanne, qui n'ont jamais cessé de poursuivre leur rêve : partager leur passion avec le plus grand nombre. La 21e édition du FICA qui s'ouvre ce 10 février est ainsi le résultat de leurs efforts, mais aussi le terreau des éditions futures dont on sait déjà qu'elles ne céderont ni en exigence, ni en qualité. Un rendez-vous solide et incontournable s'est en effet établi à Vesoul et les plus grandes personnalités du cinéma asiatique y vont désormais comme on va à Cannes ou Venise.

Cette année, c'est ainsi le réalisateur chinois Wang Chao, par ailleurs président du jury international, qui recevra le Cyclo d'or d'honneur pour l'ensemble de son oeuvre. Un hommage sera également rendu au cinéaste Wu Tianming qui avait lui aussi été honoré à Vesoul en 2007. Le cinéma chinois sera décidément à la fête lors de cette 21e édition puisqu'une rétrospective de 36 films présentera également des oeuvres de cinéastes des troisième, quatrième, cinquième et sixième générations.

Autre temps fort du FICA 2015, la section thématique intitulée "Tenir en haleine" proposera de voir ou revoir des films comme Ajami de Scandar Copti et Yaron Shani, Sparrow de Johnnie To, Infernal affaires d'Andrew Lau et Alan Mak, Mystery de Lou Ye, ou encore Black coal de Diao Yi'nan... En parallèle, les compétitions longs métrages et documentaires réserveront elles-aussi leurs quotas d'émotion avec des films venus de tout le continent asiatique.

Enfin, le FICA n'oublie pas le cinéma iranien qui sera représenté par la société de production "Iraniens indépendants" et six de ses derniers films, inédits en France. Comme le soulignent les organisateurs du festival, il s'agit de rendre hommage à une société courageuse dans laquelle faire du cinéma librement ne va pas de soi. Car c'est aussi cela, l'esprit du Festival de Vesoul : s'engager aux côtés des cinématographies fragiles ou bafouées et rappeler sans cesse la nécessité de faire mais aussi de montrer et de voir un cinéma militant qui lutte pour la simple liberté d'exister.

Conscient et soucieux de ces enjeux, Ecran Noir est d'autant plus fier d'accompagner cette belle manifestation pour la 8e année consécutive et forme le vœu d'être à nouveau à ses côtés tout au long de sa troisième décennie... et au-delà.

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Festival des cinémas d'Asie de Vesoul
Du 10 au 17 février 2015

Programme et informations sur le site de la manifestation

Vesoul 2015 : Wang Chao président du jury

Posté par MpM, le 13 janvier 2015

fica2015C'est donc Wang Chao qui succèdera à Brillante Mendoza en tant que président du jury international du 21e Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul.

Le cinéaste chinois, qui est un habitué de Cannes (L’orphelin d’Anyang, Voiture de luxe...), présentera en avant-première son dernier long métrage, Fantasia. C'est par ailleurs son très beau thriller amoureux, Memory of love, qui clôturera cette 21e édition.

Pour décerner le Cyclo d"or, Wang Chao sera accompagné de Laurice Guillen (actrice et réalisatrice philippine, actuellement présidente du Festival Cinemalaya de Manille), Mohammad Rasoulof (réalisateur iranien) et  Prasanna Vithanage (réalisateur sri lankais).

Le FICA 2015, dont on connaîtra bientôt la programmation complète, se tiendra du 10 au 17 février.

Cannes 2009 : Qui est Lou Ye ?

Posté par MpM, le 13 mai 2009

cnz_louye.jpgAvec Lou Ye, un parfum de souffre et de censure se lève sur la croisette. Ce réalisateur chinois d’une quarantaine d’années joue en effet à cache-cache avec les autorités de son pays depuis qu’en 2000 son deuxième long métrage Suzhou River, une histoire d’amour onirique, a été interdit sur le territoire chinois. Présenté au festival de Rotterdam, le film a néanmoins remporté le Grand prix, attirant l’attention de la critique internationale sur ce nouveau cinéaste de la 6e génération (qui recouvre les cinéastes postérieurs à 1989 et aux évènements de Tien An Men, comme Jia Zhang-ke ou Wang Chao).

On retrouve ensuite Lou Ye en compétition à Cannes, et même avec une certaine constance : Purple butterfly (une fresque retraçant le conflit sino-japonais des années 30, avec Zhang Ziyi) en 2003, Une jeunesse chinoise (Summer Palace) en 2006 (qui aborde directement les affrontements de la Place Tian An Men) et Nuit d’ivresse printanière (Spring fever) cette année. Ce dernier, qui relate la relation homosexuelle secrète d’un homme marié, est annoncé comme une œuvre extrêmement sensuelle, voire crue. Il a été tourné dans le plus grand secret, clandestinement, à Nanjing et monté en France.

En effet, en brisant le tabou de Tian An Men, Une jeunesse chinoise a valu au réalisateur une interdiction de tourner en Chine pendant cinq ans. Ces dernières années, une sanction similaire avait été infligée entre autres à Yu Lik-wai (All tomorow’s parties) et Li Yang (Blind shaft), allant à l’encontre des affirmations selon lesquelles les autorités chinoises se montreraient plus "tolérantes" envers la création artistique… Reste à vérifier si surfer sur une réputation de cinéaste maudit et une bonne dose de polémique ne finit pas par desservir le travail du cinéaste.