Festival des 3 continents: Le cinéma égyptien sacré avec Tamer El Said et drôle grâce à Yousry Nasrallah

Posté par cynthia, le 30 novembre 2016

Les meilleures choses ont une fin et les festivals n'échappent pas à cette triste règle. Le 38e festival des 3 continents s'est achevé lundi soir dans une ambiance conviviale et chaleureuse. Retour sur un festival qui prône la diversité et l'amour des autres, des valeurs dont nous avons besoin ces temps-ci.

Ce qu'il faut retenir:

  • Nous avons débuté notre dernière journée avec le lent mais tout de même passionnant Bitter Money de Wang Bing (véritable star en soi). Un film documentaire, filmé caméra à la main sur le manque cruellement d'argent en Chine et plus particulièrement la maigre paie des Chinois travaillant dans le textile (cela vous passera l'envie d'acheter des vêtements made in China). Une femme battue par son mari depuis qu'ils ont leur propre affaire (le réalisateur montre que l'argent est une difficulté et qu'il peut être une zone de conflit même dans un foyer), un homme qui n'a pas vu sa femme depuis des lustres afin de travailler ou encore une jeune fille de 15 ans qui ment sur son âge pour travailler. Le sujet est si prenant qu'il est impossible de détester ce film malgré ses langueurs.
  • Les queues pour aller voir les films. Qui aime faire la queue? Personne et surtout pas les journalistes. Mais lorsque l'on connaît les queues de ce festival on ne peut que changer d'avis. Certes, on se fait toujours autant doubler, mais tout le monde (journaliste, retraités, spectateurs) rentre en même temps, le premier est servi. De plus, pour patienter on vous offre un café, un journal et même un carré de chocolat issu du commerce équitable. Imaginez deux minutes si à Cannes il y avait un truc pareil (certes, à Berlin, les food-trucks ne son pas loin): tout le monde rentrerait en même tempes (certains journalistes hauts placés seraient en larmes dans leur hôtel 4 étoiles) et on vous offrirait un verre de jus d'orange (bah oui au mois de mai, c'est approprié) et un canapé de saumon. Autant vous dire que niveau ambiance ce ne serait pas la même chose.
  • L'ambiance bon enfant. Tout comme le festival d'Albi et d'autres en Province, le festival des 3 continents est une jolie réunion de famille où règnent la diversité et l'ouverture d'esprit.

Après avoir rigolé aux éclats devant le film égyptien de Yousry Nasrallah, Le ruisseau, le pré vert et le doux visage, une comédie familiale qui change les codes du genre réunissant la famille et les mariages, la soirée de palmarès a débuté. Le grand gagnant (ému aux larmes) a été le réalisateur égyptien Tamer El Said avec son In last days of the city qui emporte le prix du jury jeune et LE montgolfière d'or (le grand prix du festival). La soirée s'est terminée par des petits canapés, beaucoup de verres et surtout un melting-pot de toutes les origines... et c'est ça qui est beau!

Le palmarès:

Prix du jury jeune: In the last days of city de Tamer El Said

Prix du public: My father's wings de Kivanç Sezer

Mention spécial du jury: El Limonero real de Gustavo Fontan

Montgolfière d'argent: Destruction babies de Tetsuya Mariko (lire notre article sur le film)

Montgolfière d'or: In the last days of city de Tamer El Said

Venise 2010 : The ditch de Wang Bing, un film chinois choc

Posté par MpM, le 7 septembre 2010

The Ditch

C'est la tradition à Venise, certains films sont sélectionnés secrètement et apparaissent dans le programme sous le nom de "film surprise". Pour savoir ce dont il s'agit, il faut aller le voir ! Il y a quelques années, c'est Still life de Jia Zhang-ke qui a ainsi bénéficié de cette atmosphère de mystère. Résultat : un lion d'or. Tout le mal que l'on peut souhaiter à The ditch (le fossé) de Wang Bing, c'est bien sur de suivre le meme chemin...

Or le film a une chance de séduire le jury, dans la mesure où il aborde une page révoltante de l'histoire chinoise, celle des camps de rééducation. Basé à la fois sur le roman Goodbye Jiabiangou de Yang Xianhui et sur les témoignages de survivants, il décrit les conditions de vie terribles et inhumaines de milliers de citoyens chinois considérés comme réactionnaires et envoyés dans le camp de travail de Jiabiangou, au coeur du désert de Gobi.

Avec une extrême rigueur, le réalisateur filme le quotidien de ces hommes privés de nourriture et de soins, dont beaucoup souffrent de dysenterie, et qui meurent nuit après nuit. On les voit dans le fossé où a été creusé leur abris, écrivant à leur famille, se disputant pour des raisons politiques et surtout agonisant ou découvrant un autre de leur camarade mort. Plus qu'une intrigue, c'est une succession de scènes éprouvantes, bouleversantes, au-delà de toute humanité, où se lit en filigrane l'indescriptible expérience qu'ont vécu ces hommes. Ne travaillant plus, n'ayant rien à manger ni à faire, ils se contentent de rester couchés là, déjà morts au fond d'eux-même. Et hormis quelques scènes trop démonstratives à la fin, Wang Bing parvient à garder une sécheresse narrative et visuelle qui renforce cette impression.

On s'en doute, le sujet est politiquement sensible (ce qui pourrait expliquer la sélection du film sous une forme "surprise"). Wang Bing a toutefois préféré ne pas s'avancer sur ce terrain glissant. "On pourrait dire que le film est politique, ou non, a-t-il expliqué lors de la conférence de presse. On doit parler de cette histoire du passé. Ce qui est essentiel, c'est d'utiliser ces événements pour réfléchir sur le futur. Commencer une discussion libre et ouverte à partir de cette expérience tragique. Ce film est mon espoir pour nous faire réfléchir aux différents rapports entre les hommes, à un présent et à un futur plus vivables pour tous."

Il faut espérer que le gouvernement chinois partage sa philosophie (et son optimisme), sinon il pourrait rejoindre Jia Zhang-ke dans un autre club, celui des cinéastes qui ont eu affaire à la censure.