Vesoul : le cinéma Taiwanais d’après-guerre et d’avant la Nouvelle Vague

Posté par kristofy, le 2 février 2010

Wan JenLe cinéma de Taiwan a été beaucoup conditionné par le pouvoir politique, d’abord l’occupation japonaise puis le gouvernement nationaliste chinois. Les films devaient être en mandarin et les paysages du pays servaient à situer des histoires en Chine ou ailleurs. C’est seulement à partir de 1955 que les films ont commencé à être produits en taiwanais.

Pour revenir sur cette histoire spécifique, Vesoul a choisi d’organiser un "Regard sur le cinéma taiwanais" qui comprend films récents (Nouvelle vague et post Nouvelle vague) et films anciens souvent inconnus en France. Une table ronde a par ailleurs réuni divers spécialistes comme le réalisateur Wan Jen (président du jury, en photo à gauche) ou Michel Lu, qui représente Taipei en France.

Quatre films en particulier (entre 1956 et 1976) ont été retrouvés pour être découvert lors du festival, choisis par Wafa Ghermani (en photo à droite), spécialiste du cinéma taïwanais, et qui résume ainsi cette démarche :

"L’idée de cette rétrospective est née l’année dernière, on parlait wafa ghermanide Nouvelle Vague taiwanaise mais c’était intéressant aussi de voir ce qui avait été fait avant. Ma mission était de trouver des films avec des particularités de cette période et de les faire découvrir ici à Vesoul.

Quand j’étais à Taiwan, les personnes que j’ai contactées étaient vraiment étonnées que l’on s’intéresse à ces vieux films. C’est nous qui avons fait les sous-titres. C’est très dur de retrouver une copie de ces films rares, il y a un que l’on n'a pu avoir que sous la forme d’une cassette Betamax de la part du cinéaste lui-même !"

Comédie, triangle amoureux et propagande...

Posterity and Perplexity est un film de Lee Hsing de 1976 qui n’avait jamais été vu auparavant en Europe. Il est typique des santing ou genre dit "des 3 salles", soit restaurant/salon/chambre à coucher par exemple, car pour l’essentiel l’histoire se déroule dans trois décors. Un couple de jeunes mariés n’arrive pas à avoir un enfant car la femme est stérile, mais la famille du mari exige de lui une descendance de leur chair. La solution serait alors que le mari fasse un bébé à une autre femme qui ensuite leur donnerait l’enfant. Et le choix se pose sur la meilleure amie de la femme qui est de plus devenue comme une sœur adoptive… Le mari a son cœur qui balance entre ses deux femmes qui vivent sous le même toit ! Donc il y a plus de trente ans à Taiwan on faisait une comédie sur un triangle amoureux en abordant déjà le sujet délicat d’une mère porteuse...

Le plus ancien des films de ce regard taiwanais est aussi le plus drôle Il s’agit de A journey to Gwan Shan réalisé par Wen Yi en 1956. C’est une des premières fois où le paysage local sert vraiment à représenter Taiwan et pas un autre pays, c’est aussi une première coproduction avec Hong-Kong. On y voit l’actrice Grace Chang qui est connue comme chanteuse. Un bus se retrouve bloqué sur une route à cause d’un éboulement, et les voyageurs vont se disperser sous la pluie dans le village voisin. Le groupe est assez disparate avec différents comportements, il y a un patron parvenu, un médecin alcoolique, une demoiselle aguicheuse, un ouvrier, une fille qui fuit sa mère qui réprouve son amoureux, un homme suicidaire et même un voleur de banque. Pendant que certains se démènent pour aider à dégager la route d’autres attendent en jouant aux cartes chez l’habitant. Différents intrigues se développent aux conséquences cocasses. Et même si tout se termine par un joyeux chant à l’allure de propagande ("c’est l’affaire de tout le monde de s’impliquer"), aujourd’hui on le voit comme une vraie comédie.

Vesoul qui est un lieu de découverte de nouveaux talents se donne aussi pour mission de montrer des films du patrimoine, et les festivaliers de remercier Wafa pour la découverte de ces films inédits.

Crédit photo : Michel Mollaret 

Vesoul 2010 : un documentaire sur le festival en guise de miroir

Posté par kristofy, le 30 janvier 2010

frederic ambroisineComme toutes les belles histoires, celle de Vesoul commence par "il était une fois"… Il était une fois dans la ville de Vesoul en Franche-Comté deux professeurs et documentalistes, Martine et Jean-Marc Thérouanne, qui ont commencé à organiser un festival de cinéma dédié aux films asiatiques, puis les ont rejoint une troisième personne puis d’autres encore. Maintenant en 2010 c’est la 16ème édition du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul, le FICA est reconnu au niveau international. Le 15ème anniversaire l’année dernière était l’occasion de filmer les coulisses du festival, et ces images sont devenues un documentaire projeté cette année.

C’est Frédéric Ambroisine (notre photo), journaliste et réalisateur de bonus dvd de films asiatiques, qui a réalisé ce documentaire FICA : du proche à l’extrême orient, soit un montage de plus d’une heure de la vie du festival de 2009. On y voit les organisateurs se souvenir des débuts qui était presque un ciné-club avec la conviction que la culture n’est pas réservée aux grandes villes ni à une élite intellectuelle.

Depuis le festival s’est développé et a changé de lieu, c’est environ 25 000 spectateurs en une semaine et 700 films qui ont été montré en 15 ans. On revoit certains temps forts de l’année dernière comme la venue du réalisateur Mohsen Makhmalbaf avec sa famille ou les échanges de points de vue entre les membres du jury jeunes. Le documentaire fait aussi la part belle aux passionnés bénévoles qui participent activement à son organisation.

On découvre Wafa Ghermani gère l’accueil des professionnels et qui fait la traductrice, Eugénie Zvonkine évoque la chance de pouvoir découvrir des films russophones ici, ou encore Anaïs qui conduit les invités en discutant avec eux dans la voiture, et même la directrice Martine Thérouanne qui vérifie un sous-titrage. Les différents cinéastes et acteurs invités sont heureux de la réelle proximité avec le public avec des échanges après les séances ou même des discussions autour d’un verre.

Vesoul est devenue capitale de l’Asie et souvent la première fenêtre européenne de distributions de certains films, dont certains ne peuvent même pas être vus dans leurs pays d’origine. Le réalisateur Frédéric Ambroisine avec ce documentaire FICA : du proche à l’extrême orient a réussi à synthétiser l’esprit de Vesoul, ce que Jean-Marc Thérouanne définit comme une recherche d’émotions collectives partagées.

Crédit photo : Christophe Maulavé