Crawl, premier film primé à Venise

Posté par vincy, le 7 septembre 2012

Crawl est le premier film primé de cette 69e Mostra à Venise. Il remporte le label Europa Cinemas décerné par un jury de quatre exploitants européens. Le film d'Hervé Lasgouttes, qui faisait la clôture des Venice Days, a ainsi obtenu le précieux label récompensant le meilleur film européen présenté dans cette sélection, équivalente italienne de la Quinzaine des réalisateurs.

Le communiqué justifie son choix ainsi : "Crawl est un premier film impressionnant. Hervé Lasgouttes a un sens très fort de la narration et son film évoque de façon puissante l'atmosphère de la vie professionnelle en Bretagne, dans des conditions économiques difficiles . Les deux jeunes acteurs sont exceptionnels. La fin du film n'est pas heureuse mais un sentiment d'espoir demeure pour les personnages et le public". Le film va désormais recevoir le soutien du réseau pour sa promotion et la durée de son exposition sur les écrans.

Réalisé par Hervé Lasgouttes, avec les comédiens Anne Marivin, Nina Meurisse et Gilles Cohen, ce premier long métrage français raconte l'histoire d'amour entre un jeune homme, Martin, beau gosse un peu sauvage, précaire et un peu voleur et une nageuse, Gwen solitaire dans son "mobil home", employée à la conserverie de poissons et économisant pour partir au Mexique faire de la compétition en haute mer. Elle tombe enceinte, il est accusé de meurtres : leurs vies vont être bouleversées.

Tourné l'an dernier en Bretagne, Crawl est produit par Sensito Film et a bénéficié de l'Avance sur recettes. Lasgouttes avait jusque là réalisé trois courts métrages : Un Arabe ouvert en 2000, avec Gilles Lellouche, Elle ou une autre en 2002 et 220 bonnes raisons en 2005.

Venise 2012 : Accouchement complexe pour Thy Womb de Brillante Mendoza

Posté par kristofy, le 6 septembre 2012

Le réalisateur philippin Brillante Mendoza enchaîne les films année après année , sélectionnés à Cannes, Locarno ou Berlin comme son précédent Captive avec Isabelle Huppert. Trois ans après Lola, sa dernière œuvre Thy Womb (Sinapupunan) et de nouveau en compétition à Venise. On y retrouve son habile sens de la mise en scène où la caméra semble toujours filmer ce qui se passe de manière naturaliste : le spectateur est ainsi pris à témoin. Thy Womb est une nouvelle preuve de son savoir-faire pour nous faire rencontrer des personnes davatage que des personnages.

Le film s’ouvre sur une séquence d’accouchement, on y voit un bébé naître avec l’assistance d’un couple qui fait office de sage-femme. C’est ce couple que l’on va suivre ensuite, dans différentes actions quotidiennes. Eux ne peuvent pas avoir d’enfant. La femme se met à recherche d’une bonne seconde épouse pour que son compagnon puisse devenir père…

Comme à son habitude Mendoza se laisse aller à nous montrer des séquences sans couper. Ainsi la cérémonie après la mort d’un banc de poisson où une autre où le couple attend quelqu’un paraissent s'étirer. Toutefois il réussit à faire tenir son film dans une durée raisonnable (1h40). On y voit des images marquantes comme la gorge tranchée d’un animal ou un bébé sortir du ventre de sa mère, mais c’est avant tout l’histoire de ce couple qui procure le plus d’émotions. Il flirte avec le débat des mères porteuses, qui offusquent les féministes occidentales : les candidates pour être secondes épouses et future mère (le titre womb signifie utérus) contre paiement d’une dot à leurs familles ne songent jamais à l'amour. Ce sacrifice d'une épouse pour le bien de son mari rappelle Une seconde femme. Mais c'est surtout une tragédie amoureuse où la seconde femme va apprendre à aimer son époux et lui demander de se séparer de la première. Une répudiation qui peut choquer...

Brillante Mendoza s’en explique : « Le film se déroule dans une partie du sud des Philippines, il montre une réalité qui est même ignorée de beaucoup de philippins. Tout ce qui a été tourné est le plus réel possible. Pour la femme qui accouche l’actrice a étudier les gestes d’une sage-femme, je montre la beauté de ce moment extraordinaire qu’est une naissance. Pour l’animal mis à mort ça fait partie de la culture de cette communauté de l’offrir pour des noces. Dans cette communauté il est possible d’avoir deux femmes, c’est autorisé dans la culture musulmane, il faut que le mari arrive à subvenir aux besoins de ces deux femmes. Avoir un enfant est une grâce divine de Allah. Je voulais montrer la beauté de la nature de cet environnement et aussi la beauté de la communauté de ces gens qui vivent là. »

Venise 2012 : Spring Breakers, le bad trip de Harmony Korine

Posté par kristofy, le 5 septembre 2012

En compétition à Venise, Spring Breakers s’annonçait sulfureux avec les "teen-idols" en bikini et James Franco en "gansta" devant la caméra de Harmony Korine : il y allait sûrement y avoir quelque chose de l’ordre de la perversion de l’adolescence... Pourtant Spring Breakers brille comme un sapin de noël auprès duquel on trouve pas le cadeau souhaité.

Les premières minutes :

“Let’s fucking do it!” Le générique s’affiche en rose fluo, c’est la fête sur la plage où l’alcool coule à flot dans la bouche des filles en maillot de bain qui sucent aussi des glaces de manière sexy (comprendre suggestive), beaucoup sont topless, et une paire de seins occupe tout l’écran sur une musique "dubstep"... La séquence d’ouverture ‘sexe drogue et rock n’roll’ montre en quelques minutes ce qu’est la fête durant le spring break, cette cassure où les étudiants américains se lâchent entre l'hiver et la dernière ligne droite avant les examens. Trois étudiantes trainent leur ennui dans la fumette, une autre préfère rejoindre un groupe religieux : elles constatent qu’elles n’ont pas assez d’argent pour partir en vacances. Et si elles faisaient un hold-up ?  Nos héroïnes vont déchanter, et les spectateurs avec.

Un casting all-stars :

“You can change your life, you can change who you are.” Les actrices - Selena Gomez, Vanessa Hudgens et Ashley Benson - sont devenues stars très jeunes. La majorité de leurs fans est mineure, et elles incarnent certaines valeurs familiales made in Disney Channel. Avec ce film, elles apparaissent comme des filles au comportement dépravé , presque tout le temps en petite tenue. C’est la bonne idée aguicheuse de Spring Breakers de les faire jouer ce genre de personnages (auxquelles il faut ajouter Rachel Korine, la compagne du réalisateur).

Face à elle l’acteur caméléon, tombeur de filles et fantasme des gays, James Franco, apparait ici en gangster tatoué, les cheveux tressés et les dents dorées. La musique est assurée à la fois par Skrillex, la révélation du "dubstep" (dont l’influence va jusqu’à Korn et Muse) et Cliff Martinez qui a oeuvré sur la B.O.F. culte de Drive (et plusieurs films de Steven Soderbergh). Le directeur de la photo n’est autre que Benoît Debie (le collaborateur de Fabrice Du Welz et de Gaspard Noé).

Harmony Korine a écrit les scénarios les plus audacieux sur l’adolescence (Kids et Ken Park de Larry Clark) et ses films en tant que réalisateur (Gummo, Julien Donkey-Boy) en ont fait une figure majeure du cinéma américain indépendant. Spring Breakers était donc sur les meilleurs rails.

Un film pas assez abouti ?

“It can’t be the end of the fun.” Le montage est assez clippé avec des contrastes de couleurs "flashy". Ici le réalisateur est loin de son esthétique naturaliste habituelle. Des bouts de scènes sont rattachés à d’autres pour plusieurs séquences en voix-off, les transitions se font plusieurs fois avec le bruit de la détonation d’un pistolet, ce qui accentue une forme de suspens. Le premier tiers du film nous plonge dans une ambiance du type ‘girls gone wild’ où les ‘interdits’ liés à la nudité ou la consommation de drogue sont franchis. Mais un des problèmes de Spring Breakers est qu’il ne contient que le début d’une idée de film (les 4 étudiantes rencontrent un jeune gangster). Ensuite il ne se passe plus grand-chose. Alors, on se rend compte de la signification de ce montage façon clip : les images se succèdent sans scénario solide.

Le meilleur est déjà passé : un hold-up vu de l’intérieur d’une voiture qui tourne à l’extérieur puis ensuite vu de l’intérieur du bâtiment. Le pire est à venir quand James Franco commence au piano une chanson de Britney Spears entouré par les filles qui portent une cagoule rose. Tout est artificiel (même une scène de triolisme dans une piscine, c'est dire). Le cinéaste ne sait plus trop quoi faire de ses personnages (les jumeaux ATL sont oubliés, d’autres s’en vont en bus), ni quoi raconter (la voix-off arrive comme une béquille).

Spring break forever, bitches !

Harmony Korine délaise son univers white-trash pour se perdre dans un film chic et toc. En tout cas, il n’a aucun doute sur le fait que son film va attirer l’attention quand il sortira en salles : « Cette nouvelle génération d’adolescent sont les enfants de la télévision, des jeux-vidéo, de Youtube », clame-t-il, et avec un grand sourire amusé « all Disney’s fans gonna love this shit ! »

Venise 2012 : Joana Preiss actrice et chanteuse

Posté par kristofy, le 4 septembre 2012

Joana Preiss est une actrice qui figure aux génériques de plusieurs films de Olivier Assayas et de Christophe Honoré, on l'a découverte cette année comme réalisatrice d'un film singulier : Sibérie. Elle est aussi chanteuse lyrique, et ce talent particulier est montré dans le court-métrage Terra 1,2, 3 e 4 de Tonino De Bernardi, où les modulations de sa voix font merveille.

Ce court-métrage a été présenté à Venise, suivi d'un concert de Joana Preiss à la belle étoile, dont voici un un extrait :

Venise 2012 : Avec Après mai, Olivier Assayas regrette ses chères années 70

Posté par kristofy, le 3 septembre 2012

Après mai, en compétition au 69e Festival de Venise, le nouveau film d'Olivier Assayas, s’inspire en partie du temps de la jeunesse du cinéaste. Il s’ouvre sur une classe de lycéens à qui un professeur demande si un texte de Blaise Pascal évoque quelque chose de particulier en ce début des années 70. Puis une séquence de manifestation dégénère en combat de rue contre une brigade d’intervention (des CRS en moto qui frappent à coups de matraque). Ces jeunes protestent avec des tracts, des affiches, des tags. Un gendarme est gravement blessé, et certains de ces jeunes partent voyager ailleurs. Leurs ambitions artistiques et leurs engagements politiques vont se confronter à leurs diverses expériences…

Le réalisateur passe d'une expérience à une autre au fil du temps et des personnages, hélas sans un fil conducteur. A titre d'exemple un personnage doit prouver son dévouement à une cause sans penser à ce qu'il risque en prenant part à une opération clandestine. Il s'agit juste de brûler une voiture dans un champ perdu. Cette oeuvre invertébrée manque aussi d'un contrepoint comme ces années Pompidou qui serait, face B de leur désir d'alternative : ces jeunes ont l'esprit rebelle mais sans proposition de changement. Cela fait écho à notre époque, mais quid de l'avenir...

Les films d'Olivier Assayas ont en commun de faire apparaître sa cinéphilie et ses goûts musicaux ; mais ils cherchent, aussi, à capter quelque chose de l’ordre de la vérité et de l’air du temps (le titre anglais est d'ailleurs Something in the Air). On peut considérer que ses films post-années 2000 sont assez inégaux en comparaison avec la première partie de son oeuvre : Désordre, Paris s’éveille, L’eau froide, Irma Vep et Fin août début septembre sont plus aboutis que ses films des dix dernières années (à l'exception de Clean, tout à fait réussi). Sa série télé Carlos (3 épisodes qui ont aussi une version courte cinéma) a en quelque sorte marqué le retour de Assayas à un cinéma de nouveau maîtrisé. Dans la lignée de Carlos, Après mai est une reconstitution des années 70 ; ses deux personnages principaux Gilles et Christine sont proches de ceux de L’eau froide, les acteurs sont tous (sauf Lola Créton) de jeunes débutants inconnus : on attendait donc un grand film.

Bobos hippies gauchistes

On retrouve à l’écran toutes les bonnes intentions d'Assayas. Il aborde beaucoup de thèmes relatifs à ces seventies, sans pour autant parvenir à convaincre le spectateur totalement. Après mai est une chronique autour d'une dizaine de personnages plus ou moins engagés dans des gauchismes (communisme, trotskisme, maoisme…) dont les motivations sont moins de penser leur futur que de protester contre leur présent. Ces jeunes filles et garçons semblent tous vivre dans une bulle privilégiée, idéale, sans contraintes, où chacun peut voyager partout (Italie, Londres, Kaboul, New-York), vivre dans de grands appartements, se prétendre artiste avec des barbouillages de peinture, se passionner pour les luttes d’ouvriers italiens et pour le peuple du Laos, et peut-être aussi avoir des chagrins d'amour. Des bobos précurseurs.

"Je vis dans mes imaginations, et quand le réel frappe à ma porte je n'ouvre pas."

Après mai rêvait d'être un bouillonnement politique et artistique de la France des années 70, mais avec la mollesse de ses personnages il résonne davantage comme la fin d’une époque, là on espérait la naissance d'un bouleversement culturel. C'est peut-être voulu, mais cela frustre. Conduisant à une forme de nostalgie plutôt qu'à une espérance, un regret plutôt qu'un souffle.

Assayas y témoigne de son expérience : « Je ne fais pas de films pour transmettre des messages, je ne pense pas que le cinéma soit un moyen d’information, ça c’est plutôt du journalisme. Le cinéma représente des contradictions que le public peut interpréter ou juger selon son regard. Aujourd’hui toute information est accessible tout le temps à tout le monde. A l’époque des années 70 l’information circulait moins et elle était écrite par et pour des adultes. La contre-culture et la free-press était une manière pour cette jeunesse de faire circuler d’autres informations, et d’autres idées aussi avec le rock underground ou le cinéma alternatif. La valeur de cette communication minoritaire, c’est qu’elle pouvait peut-être avoir une résonance majoritaire. Tout ceci est un peu perdu de nos jours.»

C'est toujours mieux avant... même les films d'Assayas.

Venise 2012 : To the Wonder, nouvelle merveille de Terrence Malick ?

Posté par kristofy, le 2 septembre 2012

Il y a toujours eu une aura de mystère autour de Terrence Malick. Avec une filmographie dispersée d’environ 6 films en 40 ans de carrière, le réalisateur semble désormais vouloir ne plus s’arrêter de tourner en travaillant sur plusieurs projets en même temps. Ses deux premiers films La Balade sauvage en 1973 et Les Moissons du ciel en 1978 en ont fait un cinéaste culte d’autant plus qu’il ne montrera plus aucun film avant La Ligne rouge en 1998 suivi par Le Nouveau Monde en 2005, avant de faire à nouveau silence. La gestation de The Tree of Life est particulièrement longue et le film arrive enfin au festival de Cannes 2011. Il remporte la Palme d’or, qui divise les festivaliers. The Tree of Life est un tournant particulièrement significatif dans sa filmographie au regard de ses deux autres diptyques : Terrence Malick y montre une histoire inspirée de sa propre jeunesse se mélangeant à des images de création du monde et une vision de l'au-delà.

Depuis Terrence Malick prépare au moins 4 autres films. Premier d'entre eux à arriver sur les écrans, To the Wonder, très proche de Tree of Life, est présenté en compétition au Festival de Venise. Malick est absent. Resté aux USA selon le producteur du film. Les stars du film - Rachel McAdams et Ben Affleck - sont également ailleurs.

Seules Olga Kurylenko (Quantum of Solace) et la figurante Romina Mondello  étaient présentes pour défendre le film. Tout comme The Tree of Life qui avait reçu un accueil très contrasté à Cannes, entre bravos et huées, il en a été de même pour To the Wonder : applaudissements et sifflements. To the Wonder reprend la même esthétique formelle pour cette fois sublimer une histoire d’Amour.

Les premières sensations

Le film s'ouvre sur des images qui ont le grain d’une vidéo. Un couple amoureux dans Paris, "so" carte postale, puis le cinémascope reprend ses droits, accompagné d'une musique classique (instruments à cordes plutôt qu'accordéon) qui nous baladent vers les bords de Seine et le Jardin du Luxembourg. "So" romantique. On y suit Ben Affleck et Olga Kurylenko en pleine romance parisienne. En voix-off, l'actrice française d'origine ukrainienne raconte : “tu m’as sortie des ténèbres, tu m’as ramassé du sol, tu m’as ramené à la vie, tu te souviens ?” Le couple prend alors le train pour découvrir la merveille du titre ("the wonder" en anglais) qu’est le Mont Saint-Michel. Olga Kurylenko a déjà une petite fille de dix ans. Toute la famille part aux USA. Leur union si belle va alors  s’effriter. Mélo total, elle retourne en France avec sa fille, tandis que lui croise Rachel McAdams... Les vastes étendues du Midwest américain qu'affectionne tant le réalisateur se déplient sous nos yeux.

Contrairement à ce que laissait penser la première photo officielle du film, Rachel McAdams a un rôle plutôt secondaire. To the Wonder est avant tout l’histoire d’amour entre Ben Affleck et Olga Kurylenko. Une histoire d’Amour avec un grand A, qui dépasse même la volonté et le désir de l’un et de l’autre.

Des stars coupées au montage

La grande surprise de To the Wonder vient de l’usage du langage. Il fait entendre différentes langues même si la plus grande partie est en américain, la femme parle en français ; on y entend aussi de l’espagnol et aussi un peu d’italien. Ce mélange digne de Babel produit une musicalité particulière. Pourtant, les 2 heures du film ne comportent en réalité que très peu de dialogues ; le réalisateur a coupé presque toutes les séquences avec des personnages secondaires : ainsi, Jessica Chastain, Rachel Weisz, Amanda Peet, Michael Sheen, ou Barry Pepper qui ont pourtant tourné quelques scènes ont disparu du montage final. Il ne reste que Romina Mondello pendant 3 minutes.

Entre poésie mystique et voyage initiatique, To the Wonder est une oeuvre sur le doute (que ce soit celui de la foi ou celui de l'amour), sur l'équilibre vulnérable des choses (une relation, la nature, ...) et sur la souffrance (entre les êtres ou celle de la planète). Il fait entrer au Musée des magnifiques images du monde comme Yann Arthus-Bertrand sauvegarde en photo les plus précieux lieux vus du ciel. Malick semble vouloir rendre immortel les merveilles de "Dieu" et celles de l'Homme. Un maniérisme stylisé, mais cela suffit-il?

Filmer l'invisible ostensiblement

L’objectif de la caméra est souvent tourné vers le sol et encore plus souvent en contre-plongée avec le ciel : il appuie son message par un sens didactique des images : la beauté de la création du monde (encore une fois), fragile, celle des hommes, admirables et surtout la beauté de l’Amour, autour duquel on tourne. Le cinéaste se laisse aller de nouveau à son penchant pour la cosmogonie en filmant au plus près des éléments comme l’eau, les champs de blé, des couchers de soleil, des levers de soleil, le vent... tout cela avec une impression de souffle sacré. En écho à sa jeunesse, la religion tient dans ce film une place très importante avec Javier Bardem en prêtre : communion avec l’ostie, sacrement du mariage, et bible dont quelques citations sont énoncées. Le personnage de Olga Kurylenko confesse qu' “il y a toujours quelque chose d’invisible mais que je sens si fort”...

Malick croit définitivement au destin. Sa morale pourrait commencer à déranger tant on y voit, en sous-texte, un message plus chrétien que philosophique. Au mieux, une interrogation. Ce déterminisme conduit à une destinée amoureuse dans le chaos universel. Mais surtout, le cinéaste veut encore croire à une forme d'utopie : l'amour idéal en plein Eden, avant qu'on ait croqué la pomme.

La compétition pour le Lion d’or de Venise reste encore ouverte…

Venise 2012 : The Master, entre folie et emprise, un nouveau coup de maître, ou presque, de P.T. Anderson

Posté par kristofy, le 1 septembre 2012

La nouvelle oeuvre de Paul Thomas Anderson était le film le plus attendu de ce Festival de Venise. Il avait pour lui déjà un effet d’attente (programmée ?) énorme : sa présence à Venise avait été annoncée d’abord par les américains mais il était absent de la compétition officielle annoncée lors de la conférence de presse, puis il a été confirmé comme étant le film surprise de la compétition.Diffusé sur pellicule 70 mm, comme au bon vieux temps.

Le réalisateur est venu accompagné de ses deux acteurs vedettes Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman : The Master était l’évènement attendu du week-end, avant d'être présenté à Toronto puis de sorti dans les salles américaines le 14 septembre. En France, on ne le verra pas avant le 9 janvier 2013. Il est aussi l'un des grands favoris pour les prochains Oscars.

Les premières sensations

Ecran noir puis le titre s’affiche en blanc. On se retrouve en mer, on entend des violons. Apparaît alors la moitié du visage d’un soldat… Toute la première partie, jusqu’à la rencontre des deux personnages principaux est remarquable. Au sortir de la seconde guerre mondiale, un américain qui a servi l’armée sur un bateau contre l'ennemi japonnais essaie de se réadapter comme il peut, tout en s’étourdissant d’un alcool artisanal qu’il fait lui-même. Après plusieurs mésaventures il va trouver refuge sur un bateau en route pour New-York à bord duquel il va rencontrer un homme charismatique, auteur d'un livre. Celui-ci va le questionner tout en enregistrant leurs conversations…  Entre Joaquin Phoenix déboussolé et Philip Seymour Hoffman manipulateur va naître une amitié qui va muer vers une emprise psychologique... On pourrait imaginer une histoire d'amour passionnelle et refoulée entre les deux hommes, mais le film se repose sur une solide documentation autour d'un personnage réel.

Le personnage du Maître a dans le film un nom de fiction mais on y reconnaît le véritable Ron Hubbard fondateur de la scientologie, mouvement devenu religion aux Etats-Unis, mais catégorisé en France et en Allemagne comme une secte. Plusieurs séquences montrent différents jeux de paroles (question-réponse à répétition, simulacre d’hypnose…) qui nous sont en fait inconnus, et dont les mécanismes ne sont familiers qu' à un public connaissant les techniques de la secte d'Hubbard. Il s’agit en fait de la ‘dianétique’ qui se vante de soulager des problèmes émotionnels, et même de se souvenir de vies antérieures…

En conséquence le film The Master perd de beaucoup de son intérêt pour la majorité des spectateurs qui n’ont pas toutes les clés pour saisir la portée des pratiques de ce maître (Philip Seymour Hoffman) dont devient dépendant (Joaquin Phoenix). Le réalisateur place le public dans une position d’observateur d’une évolution sur plusieurs années (de la préparation d’un nouveau livre à la première ‘église’) sans pour autant  nous alerter d'un éventuel danger que ces théories peuvent avoir sur un individu.

Au-delà de la scientologie

Toutefois si le sujet de The Master concerne le fondateur de la scientologie, le film, complexe et d'une grande beauté, se concentre beaucoup plus sur le personnage de Joaquin Phoenix et ses dérèglements. La névrose est le moteur des films du cinéaste qui adore filmer les pétages de plombs et sortir l'animal qui est en l'humain, notamment au contact de la morale ou d'un Dieu (argent, sexe, pétrole, télévision, peu importe...). Ici Phoenix, absent des écrans depuis quatre années, livre une performance mémorable, qu’il s’agisse de son regard perdu qui trahit ses troubles intérieurs ou de ses nombreux accès de violence, qui pourrait lui valoir un prix d’interprétation.

The Master, aussi imprévisible que son personnage central, aussi maîtrisé que le mentor qui lui fait face, fait ressentir quelques longueurs dans sa durée de 2h17 (et quelques séquences inutiles, comme cette course dans le désert) mais le réalisateur Paul Thomas Anderson possède à l'évidence un sens de la mise en scène brillant - sans égaler celui de There will be blood : il n'est ni aussi explosif, ni aussi passionnant.

La compétition pour le Lion d’or de Venise reste encore ouverte…

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Bande annonce américaine

Venise 2012 : Bad 25, l’hommage de Spike Lee à Michael Jackson

Posté par kristofy, le 1 septembre 2012

Happy Birthday Michael Jackson ! Si le "king of pop" n’avait pas été retrouvé mort le 25 juin 2009, il aurait eu il y a quelques jours 54 ans (il est né le 29 août 1958), mais ses fans pourront fêter le 25ème anniversaire de son disque Bad (45 millions d'exemplaires vendus), sorti le 31 août 1987.

Bad 25 c’est aussi le titre du documentaire réalisé par Spike Lee, présenté au Festival de Venise hors-compétition. Le cinéaste revient sur la genèse de l’enregistrement de cet album mythique.

Spike Lee s’est déclaré grand fan de MJ : «Ces dernières années les médias se sont intéressés à Michael Jackson pour divers motifs sauf sa musique, mon film se concentre sur la musique de Bad. Le film est une confirmation de combien il travaillait dur pour atteindre le meilleur. Quand j’ai vu petit les Jackson’s 5 à la télévision je voulais être Michael, j’ai grandi avec Michael Jackson.»

Contenus inédits

Le documentaire s’ouvre avec plusieurs images d’archives remontant à 1986, au moment où l’histoire de Bad va commencer. A cette époque Michael Jackson est l’artiste qui a le plus vendu de disques au monde avec son précédent album Thriller : après un tel succès quel genre de disque enregistrer ? On découvrira un Michael Jackson perfectionniste et "performer" sachant réunir autour de lui les meilleurs talents, tout en essayant de se renouveler : depuis Thriller, Madonna et Prince sont aux sommets des charts.

Spike Lee a eu accès a du contenu audio et vidéo inédit ; il a interviewé une quarantaine de collaborateurs de la star - surtout ceux qui ont participé à l’enregistrement du disque (batteur, pianiste, ingénieur du son…) ou à la réalisation des clips (réalisateur, actrice, chorégraphes…). On découvre les coulisses de la réalisation du clip Bad par Martin Scorcese (avec l’acteur Wesley Snippes alors débutant), l’enregistrement de I Just Can’t Stop Lovin’ You en duo avec Siedah Garrett, la collaboration avec Stevie Wonder pour Just Good Friends, et bien sûr de nombreuses interventions du producteur Quincy Jones. On y apprend quelques anecdotes amusantes : pourquoi l’actrice du clip Liberian Girl n’a pas embrassé Michael, la signification des paroles "are you ok Annie ?" dans la chanson Smooth Criminal

Stars invitées inutiles

Le film est quelque peu parasité par des interventions de chanteurs contemporains (Kanye West, Mariah Carey, Cee Lo Green, et même Justin Bieber…) dont la présence est plus que regrettable tellement ils n’ont rien d’intéressant à dire; pire, le choix n’est justifié en rien si ce n’est qu’ils ont été imposés là (il ne s’agit que d’artistes liés à Sony Music, qui produit ce film). Le documentaire est presque exclusivement consacré à Bad (l’enregistrement du disque, les clips, la tournée de concert ensuite) et rien ne concerne la période d’après sauf une longue séquence où ses proches évoquent sa mort avec les larmes aux yeux. Séquence émotion, comme disait l'autre... Bad 25 se termine Man In The Mirror interprété par la star au Wembley Stadium.

Pour l’occasion cet album sera re-édité le 18 septembre sous le titre Bad 25 sous plusieurs formats, dont un coffret 3cd + 1dvd avec des remix et le concert du Wembley Stadium du 16 juillet 1988.

Avec la présentation de ce film Bad 25, Spike Lee a reçu du Festival de Venise le prix Jaeger leCoultre du Glory to the Filmmaker Award 2012. Il avait auparavant déjà travaillé avec Michael Jackson comme réalisateur du clip de la chanson controversé They Don't Care About Us (1996), dont il existe deux versions (une en prison et une au Brésil).

Venise 2012 : Sarah Polley (se) raconte son histoire

Posté par kristofy, le 31 août 2012

La belle Sarah Polley est connue comme actrice, révélée par Atom Egoyan, mais aussi reconnue comme une scénariste et réalisatrice à suivre depuis ses films Away from her et Take this waltz. Elle est à Venise, dans le cadre des Venice Days, pour présenter son troisième film, un docu-autofiction intitulé Stories we tell, qui restera certainement son plus personnel : elle y parle d’elle-même et raconte l’histoire de sa famille. Il s’ouvre sur une citation : "quand on est au milieu d’une histoire, il n’y a pas d’histoire. Il y a une histoire quand vous la racontez, à vous-même ou à quelqu’un d’autre". Sarah Polley a plusieurs fois entendu qu’elle ne ressemblait pas vraiment à son père et que son vrai père pourrait être quelqu’un d’autre, alors elle a interrogé plusieurs membres de sa famille… Un discours sur les origines.

L'histoire

Avec Stories we tell, Sarah Polley est à la fois réalisatrice et enquêtrice sur le secret de sa naissance qu’elle découvrira et qui sera révélé à sa famille.... Frères, soeur et père racontent face caméra leurs souvenirs et évoquent surtout la mère décédée il y a plusieurs années. Peu à peu, on se retrouve sur le terrain de l’auto-fiction. Le couple que formaient ses parents quand ils étaient jeunes avant sa naissance se révèle. Le film livre des détails qui appartiennent à la sphère de l’intime, le genre de choses qui semble devoir n’appartenir qu’à la famille, qui ne peut pas être divulgué à un public inconnu (ce qui rappelle L’épine dans le cœur de Michel Gondry). Tout le monde va apprendre qui est le vrai père biologique de Sarah Polley (même celui qui se croyait son papa) et en même temps découvrir une nouvelle facette de la personnalité de sa mère : infidèle à son mari, elle est tombée enceinte à 42 ans sans le désirer, elle a fait croire à son mari que le bébé était le sien et a failli avorter. Et Sarah est née… C'est aussi ambigu que troublant.

Un film ambigu et hybride

Stories we tell tire sa force de sa narration : nous oublions, de manière progressive, qu’il s’agit des Polley pour raconter l’histoire d’une famille qui interpelle tout le monde. Le documentaire devient alors presque fiction. Un film. Sarah Polley fait évoluer son récit avec un montage des différentes versions de l'histoire, selon l'interlocuteur, incluant des images d’archives familiales en vidéo super 8 : on découvrira ensuite qu'une grande partie de celles-ci est filmée avec des acteurs. Reproduction des faits pour comprendre une histoire de reproduction humaine. Le film est finalement une auscultation des strates généalogiques, avec différents degrés de lecture, illustrés, à chaque fois, de manière singulière.

Stories we tell se révèle alors comme un objet de cinéma passionnant, défiant les codes et s'interrogeant sur le format documentaire et ses subterfuges. La vérité éclate-t-elle du réel ou de l'imaginaire?

Après la projection, la réalisatrice a confié : « J’ai été privilégiée de pourvoir réaliser Stories we tell avec le soutien du National Film Board du Canada pour ce projet, car je n’avais pas vraiment idée de ce que allait être ce film avant d’être en train de le faire. J’ai été entourée d’une équipe précieuse qui m’a soutenue dans des moments où je ne voulais pas aller jusqu’au bout. J’avais des centaines d’heures d’image et le montage s’est fait au fur et à mesure. Le film a pris forme. Le documentaire c’était un territoire nouveau pour moi par rapport à mes précédentes réalisations. J’ai réalisé que mes autres films étaient en quelque sorte des ombres de celui-ci, du coup je me demande vraiment comment sera mon prochain film…»

Venise 2012 : Kad Merad, la célébrité, les réseaux sociaux et les messages sur le répondeur

Posté par kristofy, le 31 août 2012

A Venise, Xavier Giannoli s’est montré le plus beau parleur en conférence de presse, n’hésitant pas face aux journalistes à évoquer les forces aliénantes que provoque le carnage culturel des médias…  «On nous impose le spectaculaire, l'effet d'annonce. Pendant que je travaillais sur ce film Superstar il y a eu l'affaire DSK où on voyait à la télévision des journalistes en direct lire les rumeurs sur Twitter, est-ce que le journalisme c'est devenu ça ? On ne fait jamais autant partie du spectacle que quand on critique le spectacle.» Son film Superstar, en compétition au 69e Festival international du film de Venise, est à l’affiche depuis ce mercredi en France.

Kad Merad avoue qu'il est « fasciné par les réseaux sociaux. » « Je me suis créé une page Facebook, mais je ne communique pas avec, je ne fais que regarder, je suis un voyeur. Tweeter, c'est encore pire » révèle l'acteur.  Mais il se souvient : « J'ai encore le souvenir de l'époque où on rentrait chez soi le soir et on avait 15 messages sur son répondeur, c'est pas si vieux, vous savez! »

La star, pas anonyme, c'était bien Kad Merad à Venise : «J'ai connu Xavier Giannoli il y a 17 ans environ, il m'avait proposé de tourner dans un court-métrage (Dialogue au sommet), j'étais vraiment un débutant et je me suis senti acteur un peu grâce à lui, j'avais seulement quatre ou cinq phrases à dire mais déjà il y avait de sa part une recherche de vérité. Etre maintenant dirigé par lui, c'est un grand plaisir, j'ai encore plus d'admiration pour lui.» « Ce personnage est très différent de ce que je suis. Je suis dans la vie réelle. Evidemment, je fais un métier extraordinaire, mais pour moi la célébrité est intégrée », explique-t-il. Bien sûr, elle fait tourner la tête cette célébrité. Merad qui avoue être fan de James Stewart affirme qu'il n'est pas fasciné par la notriété. Il préfère être Monsieur Tout le Monde.

On en oublierait presque que l'actrice Cécile de France, qui a tourné avec les Dardenne, Klapisch et Eastwood, fait partie du casting. Elle rend hommage à Giannoli qui l'a engagée pour la deuxième fois, six ans après Quand j'étais chanteur : «On est très heureux sur son plateau, la technique est au service du jeu, il aime inventer et chercher avec les acteurs, il y a une exigence mais c'est une forme de respect, c'est un grand cinéphile et on apprend beaucoup de choses