Jafar Panahi condamné à six ans de prison

Posté par MpM, le 20 décembre 2010

Jafar Panahi ne sera probablement pas au Festival de Berlin, où il avait été invité à être membre du jury, en février prochain. De la même manière, on ne le verra sans doute ni à Cannes, ni à Venise, ni dans aucun de ces nombreux festivals internationaux qui avaient pris sa défense l'an dernier après son arrestation par le régime iranien.

Le réalisateur iranien vient en effet d'être condamné à six années de prison "pour participation à des rassemblements et pour propagande contre le régime". Par ailleurs, son avocate Farideh Gheirat a ajouté qu'il est également "frappé d'une interdiction de réaliser des films, d'écrire des scénarios, de voyager à l'étranger ou de donner des interviews à des médias locaux ou étrangers durant les 20 prochaines années", avant de préciser qu'elle allait faire appel de cette décision.

Mohammad Rasoulof, un autre réalisateur iranien qui travaillait avec Jafar Panahi avant son arrestation, a lui aussi été condamné à six ans de prison pour des faits similaires.

Avec ce jugement, le pouvoir iranien poursuit donc la stratégie consistant à isoler le réalisateur, aussi bien humainement que professionnellement, en le privant de toute possibilité de s'exprimer à l'intérieur comme à l'extérieur de son pays. Une fois qu'il sera emmuré dans ce silence forcé, qu'il effectue ou non les six années de détention fait presque l'impression d'un détail, puisque son esprit, ses idées et son désir de créer seront prisonniers à l'intérieur de la pire prison qui soit, celle du corps. A ce compte-là, sur l'échelle de la privation de liberté, seules les potentielles tortures physiques et les privations font une réelle différence. Il semble donc clair que Jafar Panahi est destiné à servir d'exemple aux yeux de tous ceux qui, en Iran, pourraient être tentés de suivre ses pas sur le chemin de l'opposition ouverte au régime.

Quelle que soit l'issue de l'inégal bras de fer qui oppose le cinéaste aux autorités d'un pays bien décidé à maintenir une chape de plomb sur ses citoyens, on peut compter sur la mobilisation des milieux culturels et cinématographiques du monde entier. Mais cette fois, un soutien politique, diplomatique et économique ne serait pas de trop : il ne s'agit plus tant d'injustice que de meurtre à petit feu.

Black Swan de Darren Aronofsky en avant-première

Posté par MpM, le 9 décembre 2010

Est-ce pour nous réchauffer au coeur de l'hiver ? Les films américains les plus attendus du premier trimestre 2011 s'invitent à Paris le temps d'avant-premières prestigieuses et exceptionnelles. Ainsi, après Somewhere de Sofia Coppola il y a quelques jours, c'est au tour de Black Swan de Darren Aronosky (The wrestler, The fountain) de passer par la capitale.

Vous n'en pouvez plus d'attendre ce film qui réunit Natalie Portman,Vincent Cassel, Mila Kunis et Winona Ryder dans un thriller troublant et sublime sur fond de danse classique, et qui fut l'un des moments forts du festival de Venise?

Alors rendez-vous à l'UGC ciné-cité de Bercy vendredi 10 décembre à 20h pour assister à cette projection unique qui aura lieu en présence du réalisateur. Les réservations ne semblent d'ores et déjà plus possible sur le site d'UGC... mais peut-être restera-t-il quelques places à prendre le soir-même ? Sinon, la première séance de rattrapage est... le 9 février 2011.

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Black Swan de Darren Aronofsky
Avec Natalie Portman,Vincent Cassel, Mila Kunis, Winona Ryder, Barbara Hershey...
Avant-première le 10 décembre 2010
Sortie le 9 février 2011

Les Independent Spirit Awards 2011 s’offrent Hollywood (et deux films français)

Posté par vincy, le 1 décembre 2010

Mc Hale, Mendès, Renner ont présenté les nominations

Winter's Bone part grand favori de la cérémonie des Independant Spirit Awards, les Oscars du cinéma inédpendant américain. Avec 7 nominations, l'histoire d'une jeune fille tentant de sauver une famille en désintégration, avec un père dealer de drogue, le drame de Debra Granik, déjà couronné par les Gotham Awards, deux prix au Festival de Berlin, deux autres à celui de Seattle et surtout le Grand Prix du jury à Sundance, devient un concurrent sérieux pour les Oscars. Il sort en France le 2 mars prochain.

Autre film qui pourrait s'inviter aux Oscars, le nouveau Darren Aronofsky, Black Swan. Il est cité cinq fois. Juste devant trois autres productions qui se partagent quatre nominations chacun : la comédie dramatique homoparentale The Kids are All Right, le nouveau John Cameron Mitchell, Rabbit Hole, et le dépressif Greenberg, avec Ben Stiller.

Mais il faut aussi noter la présence du dernier Danny Boyle, 127 heures, qui fait sensation dans les salles par son réalisme horrifique.

En fait, les Spirit Awards, qui seront décernés la veille des Oscars, le 26 février, se payent un casting de choc avec la présence de nombreuses stars hollywoodiennes. De quoi intéresser les médias et voler la vedette à la vénérable statuette convoitée par tous : James Franco (présentateur des Oscars, par ailleurs, Ben Stiller, John C. Reilly, Annette Bening, Nicole Kidman, Natalie Portman, Michelle Williams, Samuel L. Jackson, Bill Murray, Mark Ruffalo, Naomi Watts ... Le tapis rouge va voir défiler un nombre impressionnant de vedettes confirmées. Cela démontre que le cinéma indépendant séduit de plus en plus les comédiens "installés", et en creux que le cinéma des studios proposent de moins en moins de rôles et de scénarios intéressants. La frontière entre les deux catégories a implosé.

Enfin, remarquons que, dans la catégorie du meilleur film étranger, la Palme d'or cannoise, Oncle Boonmee, sera en concurrence avec le Grand prix du jury, Des hommes et des Dieux. De même ils seront rivaux d'un autre favori pour les Oscars, The King's Speech, et d'un autre film français, Mademoiselle Chambon, dont le charme semble avoir traversé l'océan.

Les nominations :

Meilleur film : 127 heures ; Black Swan ; Greenberg ; The Kids are all right ! ; Winter's Bone

Meilleur réalisateur : Darren Aronofsky (Black Swan) ; Danny Boyle; (127 Hours) ; Lisa Cholodenko (The Kids Are All Right) ; Debra Granik (Winter's Bone) ; John Cameron Mitchell (Rabbit Hole)

Meilleur acteur : Ronald Bronstein (Daddy Longlegs) ; Aaron Eckhart (Rabbit Hole) ; James Franco (127 Hours) ; John C. Reilly (Cyrus) ; Ben Stiller (Greenberg)

Meilleure actrice : Annette Bening (The Kids Are All Right) ; Greta Gerwig (Greenberg) ; Nicole Kidman (Rabbit Hole) ; Jennifer Lawrence (Winter's Bone) ; Natalie Portman (Black Swan) ; Michelle Williams ( Blue Valentine)

Meilleur second rôle masculin : John Hawkes (Winter's Bone) ; Samuel L. Jackson (Mother and Child) ; Bill Murray (Get Low) ; John Ortiz (Jack Goes Boating) ; Mark Ruffalo (The Kids Are All Right)

Meilleur second rôle féminin : Ashley Bell (The Last Exorcism) ; Dale Dickey (Winter's Bone) ; Allison Janney (Life During Wartime) ; Daphne Rubin-Vega (Jack Goes Boating) ; Naomi Watts (Mother and Child)

Meilleur scénario : The Kids Are All Right ; Winter's Bone ; Please Give ; Rabbit Hole ; Life During Wartime

Meilleur premier film : Everything Strange and New ; Get Low ; Night Catches Us ; The Last Exorcism ; Tiny Furniture

Meilleur premier scénario : Obselidia ; Tiny Furniture ; Lovely, Still ; Jack Goes Boating ; Monogamy

Prix John Cassavetes (film dont le budget est inférieur à 500 000 $) : Daddy Longlegs ;  Lbs. ; Lovers of Hate ; Obselidia ; The Exploding Girl

Meilleure image : Never Let Me Go ; Black Swan ; Tiny Furniture ; Winter's Bone ; Greenberg

Meilleure documentaire :  Exit Through the Gift Shop ; Marwencol ; Restrepo ; Sweetgrass ; Thunder Soul

Meilleur film étranger : Kisses (Irlande) ; Mademoiselle Chambon (France) ; Des Hommes et des Dieux (France) ; The King's Speech (Royaume Uni) ; Oncle Boonmee qui se souvient de ses vies antérieures (Thaïlande)

Prix Acura du cinéaste de demain : Hossein Keshavarz (Dog Sweat ; Laurel Nakadate (The Wolf Knife) ; Mike Ott (Littlerock)

Prix Piaget du meilleur producteur : In-Ah Lee (Au Revoir Taipei) ; Adele Romanski (The Myth of the American Sleepover) ; Anish Savjani (Meek's Cutoff)

Prix Aveeno du documentariste de demain : Ilisa Barbash, Lucien Castaing-Taylor (Sweetgrass) ; Jeff Malmberg (Marwencol) ; Lynn True, Nelson Walker (Summer Pasture)

Prix Robert Altman (réalisateur, directeur de casting et l'ensemble du casting) : Please Give, de Nicole Holofcener, avec Ann Guilbert, Rebecca Hall, Catherine Keener, Amanda Peet, Oliver Platt, Lois Smith, Sarah Steele

Rencontre vidéo avec les acteurs de Vénus noire (2)

Posté par MpM, le 26 octobre 2010

Lors de leur passage à Venise, où le film Vénus noire était en compétition, Yahima Torres, Olivier Gourmet et André Jacobs nous ont accordé un entretien sur la terrasse (légèrement bruyante) d'un hôtel du Lido.

Chacun a évoqué l'expérience particulière d'un tournage avec Abdellatif Kechiche : improvisation des séquences-clef, caméra au plus près des personnages, scènes étirées à l'infini comme pour mieux en capter la vérité...

Rencontre avec des acteurs détendus et souriants, à l'opposé de leurs personnages, quelques heures à peine avant la projection officielle du film.

Rencontre vidéo avec les acteurs de Vénus noire (1)

Posté par MpM, le 26 octobre 2010

Lors de leur passage à Venise, où le film Vénus noire était en compétition, Yahima Torres, Olivier Gourmet et André Jacobs nous ont accordé un entretien sur la terrasse (légèrement bruyante) d'un hôtel du Lido.

Chacun a évoqué son expérience, sa vision du métier et de ses limites, mais aussi le challenge qu'a représenté le film d'Abdellatif Kechiche.

Rencontre avec des acteurs détendus et souriants, à l'opposé de leurs personnages, quelques heures à peine avant la projection officielle du film.

La reconversion de Joaquin Phoenix en rappeur était bien une mystification

Posté par MpM, le 19 septembre 2010

Fin 2008, l'acteur Joaquin Phoenix (Walk the line, La nuit nous appartient) avait annoncé son désir de mettre fin à sa carrière d'acteur pour se consacrer à la musique hip-hop. Depuis, chacune de ses apparitions en rappeur drogué, hirsute et bouffi avait défrayé la chronique, provoquant aussi pas mal de doutes. En effet, certains avaient depuis le début flairé le canular, ou tout au moins la performance d'acteur. Car Casey Affleck, le beau-frère de Phoenix, le suivait partout une caméra au poing, dans le but avoué de réaliser un documentaire sur sa déchéance.

Le film, I'm still here, sélectionné hors compétition à Venise, a fait une forte impression sur les spectateurs vénitiens. Casey Affleck l'avait alors présenté comme un "portrait authentique et sans concession, une plongée dans l'univers d'une star à la dérive". Il vient d'avouer au New York Times qu'en réalité, il n'en est rien. Les séquences présentes dans le documentaire comme la descente aux enfers de Joaquin Phoenix ont été montées de toutes pièces. Depuis deux ans, l'acteur jouait un personnage jusque dans les émissions de télévision.

"C'est une performance géniale, la meilleure de sa carrière", commente le cinéaste, pour qui toute l'histoire tient moins du canular que d'une démarche tendant à illustrer avec réalisme la dégradation de la célébrité. La vérité étant désormais révélée,  Joaquin Phoenix devrait rapidement retrouver le chemin des studios de tournage... à moins qu'un autre défi encore plus fou ne l'en détourne.

Retour sur la « Balada triste » d’Alex de la Iglesia, doublement primé à Venise

Posté par kristofy, le 15 septembre 2010

Alex de la Iglesia est de retour en Espagne après son escapade anglaise de Crimes à Oxford, et cette fois, il commence son nouveau film Balada triste de trompeta par une déclaration de guerre à Franco ! L’introduction, très drôle, nous fait découvrir deux clowns qui font rire les enfants avant que le spectacle ne soit interrompu par des hommes armés à la recherche de recrues, puis il nous montre une scène de guerre très impressionnante. On est surpris de cette ampleur visuelle inédite chez le réalisateur, mais très vite, reviennent son style et son comique bien reconnaissables.

Un exemple : les fascistes victorieux organisent un peloton d’exécution sommaire où les malheureux combattants ont encore le temps de lancer un ultime cri avant d’être abattus.
-"Vive la république !", s'exclame le premier avant de s'effondrer sous les balles.
-"Vive le cirque !", lance le second avant de tomber à son tour.

Et Quentin Tarantino, président du jury,  éclate de rire au milieu de la salle, comme tant d’autres spectateurs. Quelques jours plus tard le jury délivrera un palmarès controversé, où Alex de la Iglésia apparaît en grand gagnant de la Mostra de Venise 2010 avec une double récompense : Lion d’argent (mise en scène) et prix du scénario.

Ce nouveau film de Alex de la Iglesia marque donc à la fois un retour aux sources avec un humour ravageur dans la représentation de la violence ; mais c'est aussi un film-somme de sa carrière avec tout ce qui marque son parcours (Mes chers voisins, Le crime farpait…) : une exubérance de chaque instant où les personnages finissent par perdre conscience de la portée de leurs actes. Les plus attentifs pourront entendre une réplique qui fait un clin d’œil au jour de la bête, ses fans remarqueront que les grandes lignes du scénario sont plutôt semblables à Mort de rire.

Si Balada triste commence avec la période historique de l’arrivée au pouvoir de Franco, la véritable histoire démarre ensuite réellement 25 ans plus tard et semble se détacher de tout contexte politique (sauf pour quelques séquences). Il s’agit en effet de la rivalité exacerbée entre deux hommes pour gagner l’amour d’une belle acrobate. Jusque là rien de très original, si ce n'est que le premier est un clown au nez rouge,  celui qui fait rire les enfants, et que le second est son faire-valoir, le clown triste et (anti)héros du film.  La belle joue un peu avec ses deux prétendants mais les choses vont dégénérer en une lutte mortelle entre eux. L’humour noir jouissif devient vitriol quand des visages sont mutilés à coups de trompette ou de fer à repasser, et Alex de la Iglesia nous emmène ensuite vers une démence stupéfiante.

L'impuissance comme moteur

Que ne ferait-on pas pour les beaux yeux d’une femme ? Il s’agit d’abord d’espérer se faire aimer, et progressivement les deux clowns rivaux vont faire n’importe quoi pour se l’accaparer comme un trophée. Si on connaissait Alex de la Iglesia pour son goût des situations poussées à leur paroxysme, on découvre cette fois un peu plus son penchant pour le nihilisme tiré à l’extrême. La séduisante acrobate libre comme l’air est en fait soumise à la convoitise et à la brutalité des hommes. Une blonde un peu idiote par qui le malheur arrive et qui finira par le payer. Rien de très féministe, donc...

Dans le film, c’est d'ailleurs une femme qui apprécie de l’amour surtout le sexe et peu les sentiments, une héroïne à l’opposé du romantisme, ce qui rend encore plus vain le duel entre ses deux prétendants.   La résistance au régime de Franco semble tout aussi vaine avec une scène de chasse humiliante, de plus communistes, républicains et fascistes vont se retrouver à égalité dans une fosse commune…

Le film résonne d’une impuissance à se faire aimer et d’une impuissance à agir politiquement, et le réalisateur exploite le mythe du clown qui fait rire les enfants pour le transformer en monstre qui fait peur avec des mitraillettes.

Balada triste est complètement foutraque et invraisemblable, flirtant avec le mauvais goût, mais on peut aussi y voir une allégorie truffée de références au franquisme et à la guerre civile. C’est un film sombre, et aussi trop gargantuesque :  on est à la limite de l’indigestion vers la fin. Alex de la Iglesia, lui, rayonne : il fait avancer son récit à toute vitesse et dans tout les sens, la violence exacerbée est éprouvante, l’esbroufe devient de l’irrévérence. En un mot, il s'amuse, et rétrospectivement Balada triste apparaît comme une des surprises les plus jubilatoires de Venise. De là à lui accorder un double prix...

Venise 2010 : Lion d’or pour Sofia Coppola et palmarès controversé

Posté par MpM, le 12 septembre 2010

Les possibilités étaient nombreuses et les pronostics relativement ouverts, mais c'est assurément un palmarès inattendu et surprenant qu'ont rendu Quentin Tarantino et les membres du jury de la 67e Mostra. S'il est toujours possible de gloser sans fin (et sans réel intérêt) sur un choix forcément subjectif, tenant plus du compromis entre 7 personnes très différentes que de l'étude scientifique, on est tout de même en droit dans ce cas précis d'être déçu par le résultat des délibérations car il ne reflète absolument pas la diversité et la qualité d'une sélection unanimement saluée.

Admettons que le Lion d'or décerné à Somewhere de Sofia Soppola n'ait rien à voir avec le copinage : Tarantino et elle ont eu une liaison par le passé, mais on peut laisser au réalisateur le bénéfice du doute. Après tout, c'est un très joli film, touchant, presque plus réussi dans sa fragilité que ses précédents longs métrages. D'autant que les oeuvres favorites de la critique, qui ont plus la "carrure" d'un Lion d'or, comme The ditch de Wang Bing ou Post Mortem de Pablo Larrain, semblaient peut-être des choix trop évidents. Mais de là à les évacuer totalement du palmarès final...

Peu de films dignes d'être récompensés ?!

Même chose pour le double prix accordé à Alex de la Iglesia. Mise en scène, pourquoi pas. Il y avait pas mal d'autres possibilités (Darren Aronofsky, Abdellatif Kechiche, Takashi Miike...), mais on peut aimer ce style visuel excentrique et radical. Par contre, impossible de cautionner le prix du scénario quand justement le film semble n'en avoir aucun, se résumant à une banale histoire de rivalité amoureuse dérivant en règlement de comptes sanglant. Pourquoi, dans ce cas, ne pas choisir de récompenser l'un des autres bons films de la sélection ? Black swan, Post mortem, Silent souls... les candidats ne manquaient pas. L'autre double prix récompensant Essential killing de Jerzy Skolimowski (prix du jury et prix d'interprétation masculine) a également de quoi faire grincer des dents, parce qu'il donne vraiment l'impression que le jury a trouvé peu de films dignes d'être récompensés.

Enfin, les deux prix d'interprétation féminines semblent presque une blague : tout le monde attendait (à raison) Natalie Portman dans Black Swan, et c'est finalement celle qui interprète son amie dans le film, Mila Kunis, qui est récompensée, pour un second rôle somme toute sans éclat, par un prix de la "jeune actrice"... prix que l'on espérait voir revenir à Yahima Torrès dans Vénus noire d'Abellatif Kechiche.

Ce qui est relativement dommage, et  injuste, c'est qu'avec un tel palmarès, cette 67e édition de la Mostra de Venise risque de rester en mémoire comme un festival plutôt moyen. Exactement le contraire de Cannes qui a été sauvé par un palmarès ayant réussi à mettre en avant le meilleur d'une compétition pourtant en demi-teinte.

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Le palmarès 2010

Lion d'or
Somewhere de Sofia Coppola

Lion d'argent (prix de la mise en scène)
Alex de la Iglesia pour Balada triste de trompeta

Prix du jury
Essential killing de Jerzy Skolimowski

Prix du meilleur acteur
Vincent Gallo pour Essential killing

Prix de la meilleure actrice
Ariane Labed pour Attenberg

Prix de la meilleure jeune actrice
Mila Kunis dans Black swan

Prix de la meilleure photo
Le Dernier voyage de Tanya de Aleksei Fedorchenko

Prix du meilleur scénario
Alex de la Iglesia pour Balada triste de trompeta

Lion spécial pour l'ensemble de sa carrière
Monte Hellman

Venise 2010 (vidéo) : jour 9 – Pronostics et premières récompenses

Posté par kristofy, le 11 septembre 2010

Venise 2010 : retour sur la compétition

Posté par MpM, le 11 septembre 2010

De manière générale, tout le monde est d'accord pour reconnaître la bonne tenue de la sélection 2010, presque plus captivante que celle de Cannes ou de Berlin. En effet, les réalisateurs attendus au tournant ont peu déçus tandis que les autres ont réussi à créer de belles surprises. On se retrouve donc en fin de festival avec des pronostics très ouverts sur l'identité des lauréats.

Dans le détail, il est frappant de constater que plusieurs thématiques très fortes se dégagent de ces 24 films venus pourtant de tous les horizons.

Le poids de l'Histoire

Tout d'abord, l'Histoire avait cette année une importance toute particulière, qu'elle soit au centre des intrigues comme dans Noi credevamo de Mario Martone, fresque épique sur la révolution italienne, ou plus en toile de fond comme dans les deux actioners asiatiques Detective Dee and the mystery of phantom flame de Tsui Hark et 13 assassins de Takashi Miike. Julian Schnabel, lui, aborde dans Miral les différentes étapes du conflit israélo-palestinien à travers la vie de plusieurs personnages qui se croisent. Dans Ballade triste de trompeta d'Alex de la Iglesia, la grande Histoire sert elle-aussi de prétexte à la petite, puisque son personnage principal est traumatisé par les horreurs de la guerre civile.

Enfin, trois films mêlent intimement témoignage historique et destins particuliers, puisant dans les faits réels qu'ils exposent une force dramatique supplémentaire : Venus noire d'Abdellatif Kechiche retrace les dernières années de la vie de Sarah Baartman, dite la "Venus Hottentote", Post mortem de Pablo Larrain se déroule au moment du coup d'état contre Salvador Allende au Chili, période troublée de massacres et de peur, et The ditch de Wang Bing raconte le quotidien miséreux de prisonniers politiques chinois croupissant dans un camp de travail insalubre pendant les années 60. Les journalistes chinois ont d'ores et déjà été prévenus, il est interdit de parler du film. Et si c'est lui qui gagne, il faudra tout simplement prétendre qu'aucun lion d'or n'a été décerné cette année. Preuve que le passé n'a pas fini d'être sensible, en plus d'être une excellente source d'inspiration.

Identité sexuelle 2.0

Dans un genre très différent, de nombreux films se sont intéressés aux questions d'identité sexuelle. Dans Potiche de François Ozon, les enjeux de la fin des années 70 font clairement écho à notre époque : émancipation, indépendance financière, libération sexuelle... Le film interroge ce qu'est être une femme et se moque des dernières barrières sexistes. Dans Black Swan de Darren Aronofky et La solitude des nombres premiers de Saverio Costanzo, les deux héroïnes fantasment sur une autre femme, et vont jusqu'au passage à l'acte plus ou moins fantasmé.

De plus, à travers la question de l'identité sexuelle, c'est la notion même de couple qui vole en éclats pour mieux donner naissance à quelque chose de meilleur. Happy few d'Antony Cordier explore différentes combinaisons échangistes entre deux couples qui se rendent compte qu'ils fonctionnent mieux à 4 qu'à 2. Drei de Tom Tykwer réinvente le trio classique de la femme, le mari et l'amant, en jetant les deux hommes dans les bras l'un de l'autre, et en appelant à abandonner les "idées préconçues de détermination biologique". A bas les étiquettes, en somme.

Vous avez dit abstraction ?

Enfin, il y a presque de quoi relancer le vieux débat sur l'abstraction au cinéma, tant certains films essayent de s'affranchir de toute narration, voire de toute intrigue. Cela donne des oeuvres arides et épurées, parfois radicales, qui ne cherchent pas à séduire a priori. C'est le cas d'Essential killing de Jerzy Skolimowski, où Vincent Gallo est seul dans la neige pendant plus de la moitié du film. Ou encore de Promises written in winter, de et avec Vincent Gallo, sorte d'essai destructuré où l'acte de création a lieu en direct, encore et encore, jusqu'à trouver le ton juste.

Somewhere
de Sofia Coppola tend lui-aussi vers cette sorte d'abstraction en se contentant de capter la vie dans ce qu'elle a de plus quotidien. Au début et à la fin du film, on voit ainsi le personnage dormir, manger, marcher, en un mot vivre. Le reste est une succession de saynètes et de petits moments privilégiés. Silent Souls d'Aleksei Fedorchenko est un road-movie poétique et contemplatif sur les rites funéraires d'une éthnie russe imaginaire. Les gestes et les rituels y comptent bien plus que l'histoire-prétexte. Enfin, Meek's cutoff de Kelly Richardt se déroule dans les vastes plaines désertiques et désolées de l'Ouest américain. On y suit une poignée de pionniers à la recherche d'un point d'eau. L'intrigue et les dialogues tiennent sur un timbre poste, et là aussi tout est dans les gestes accomplis et l'écoulement du temps.

S'il est possible de considérer cette sélection comme un instantané de la production cinématographique à un instant "t", alors les réalisateurs contemporains semblent avant tout obnubilés par la question du temps qui passe. A la fois dans la nécessité d'interroger le passé pour mieux comprendre le présent, que dans celle de capter le flot de la vie et son irrésistible bouillonnement. Dans tous les cas, ils se projettent dans un avenir proche ou lointain qu'ils espèrent tous plus harmonieux, car ayant tiré les leçons de l'Histoire, et plus satisfaisant, car ayant redéfini les différents rapports sociaux entre les êtres. Le cinéma comme synthèse et utopie politiques, en quelque sorte.