Cannes 2019 : Qui est Mati Diop ?

Posté par MpM, le 16 mai 2019

Les fées qui se sont penchées sur le berceau de Mati Diop ne manquaient ni de bienveillance ni de discernement. La jeune femme, fille du musicien Wasis Diop, a en effet croisé sur son chemin Claire Denis, Sharunas Bartas, et surtout Djibril Diop Mambéty, le grand cinéaste sénégalais qui n’est autre que son oncle. Même si elle explique l’avoir peu connu, c’est lui qui semble avoir guidé ses premiers pas de cinéaste, en lui inspirant le film Mille soleils qui l’a révélée.

Flash back. En 2008, Mati Diop joue la fille d’Alex Descas dans 35 Rhums de Claire Denis. Elle vient de passer plusieurs semaines dans le studio de Sharunas Bartas près de Vilnius, expérience "romanesque" mais "chaotique", et pourtant "très forte et très enrichissante", et a d’ores et déjà compris que le cinéma est son destin. Coïncidence, 2008 est le 10e anniversaire de la mort de Djibril Diop Mambéty, et la future cinéaste réalise le poids de cet oncle réalisateur dans le cinéma mondial.

"Mesurer cette absence a alimenté le besoin de me retourner sur mon histoire et sur mes origines cinématographiques", expliquait-elle aux Inrocks en 2014. "Je me mets à parler de mon oncle avec mon père et je constate que lui-même a besoin d’en parler. On évoque beaucoup Djibril, ses films, et je me suis concentrée sur Touki Bouki [le premier film du cinéaste sénégalais, qui avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 1973. Il raconte le rêve des deux personnages principaux de partir en France, et leurs combines pour trouver l’argent du voyage.] Mon histoire familiale m’a été transmise comme une légende, quelque chose de très romanesque et, d’emblée, elle s’inscrivait dans de la fiction. Et quand j’ai su que les acteurs de Touki Bouki ont suivi la même trajectoire que leurs personnages, j’ai su qu’il y avait un film : un dialogue avec Touki Bouki et avec mon histoire familiale." Mati Diop décide alors d’aller à Dakar, de retrouver les comédiens, et notamment l’acteur principal Magaye Niang, pour renouer avec le film, et le faire dialoguer avec le sien.

Elle mûrira ensuite le projet pendant cinq ans, passant entre temps par l’excellente école nordiste du Fresnoy, et tournant plusieurs courts métrages dont Atlantiques, un documentaire sur un jeune homme de 20 ans qui s’apprête à tenter la traversée de l’Atlantique pour rejoindre l’Europe. Repéré au Festival "Cinéma du Réel" du Centre Pompidou en 2010, il y reçoit une mention spéciale, mais aussi le Tigre du meilleur court métrage à Rotterdam.

Mati Diop n’en a pas fini avec le sujet, et y reviendra d’ailleurs presque dix ans plus tard dans son premier long métrage. Mais avant cela, elle termine le projet consacré à son oncle : ce sera le moyen métrage Mille soleils, mélange de documentaire et de fiction, pensé comme une enquête intime à la fois dans l’histoire familiale de la réalisatrice et dans celle de son personnage principal Magaye Niang. Le film reçoit plusieurs récompenses dont le Grand Prix à Marseille, et le prix du moyen métrage à Amiens. Il reçoit surtout un immense succès critique, et bénéficie d’une sortie en salles en avril 2014.

Cinq ans plus tard, Mati Diop fait donc son entrée dans la compétition cannoise, avec un premier long métrage longtemps intitulé La prochaine fois, le feu, et qui s’appelle désormais plus prosaïquement Atlantique, en écho au court métrage du début des années 2010 dont il est en quelque sorte le prolongement. La réalisatrice y revient sur le sujet de l’exil et des dangers de la traversée, à travers une intrigue qui se déroule à Dakar. Sans star et sans fard, ancré dans une réalité humaine forte, c'est a priori l'un des films les plus excitants de la sélection.