Venise 2010 : avec Black Swan, Darren Aronofsky et Natalie Portman font sensation

Posté par MpM, le 2 septembre 2010

Natalie Portman dans Black Swan

Ouverture en forme de feu d'artifice pour cette 67e mostra, qui avec Black swan de Darren Aronofsky (déjà Lion d'or avec The Wrestler), met la barre relativement haut, tant en terme d' esthétisme que de scénario, et tout simplement de plaisir de cinéma.

Sur une intrigue relativement linéaire, une jeune danseuse confrontée à d'étranges phénomènes, Darren Aronofsky brode un thriller psychologique sombre et anxiogène où tout est en permanence exactement dans le ton. A commencer par Natalie Portman, surprenante en femme-enfant terrorisée, jouant sur toute la gamme des émotions allant de la rigidité à l'exubérance. Rarement on l'aura vue aussi habitée par un role, et aussi incroyablement juste.

Coté mise en scène, c'est aussi une réussite, tant le réalisateur parvient à installer une ambiance inquiétante, aussi crédible lorsqu'elle confine à la folie que dans une tonalité plus fantastique. Tantôt ce sont de gros plans sensuels sur le visage et le corps des acteurs, tantôt des plans plus larges dans lesquels on peut facilement lire la solitude affective de Nina.

Mais au delà de ces qualités, impossible de ne pas être frappé par les similitudes scénaristiques et thématiques entre Black Swan et le précédent film de Darren Aronofsky, The Wrestler. Il s'approprie en effet les rouages de la danse avec la même acuité que ceux du catch. A savoir discipline de fer, souffrances physiques, esprit de compétition et sens inné du sacrifice. Et c'est justement dans ces éléments que s'ancre la psychologie du personnage. C'est parce qu'on lui demande d'allier tout à la fois contrôle et lâcher prise, technique et émotion, perfection et spontanéité, que sa vie commence à se décomposer.

Et si cela fonctionne mieux que dans The Wrestler, c'est que l'intrigue se concentre uniquement sur Nina et son obsession de perfection, donnant à l'ensemble une densité supérieure. Le film utilise habilement le ballet qui est au cœur de l'histoire, le Lac des cygnes, comme parallèle au parcours de son héroïne. La danse et la musique ne sont plus prétextes mais au contraire matière brute qui a besoin de l'intrigue pour prendre sa véritable ampleur. Le cygne, sa symbolique et son histoire, ne sont évidemment pas là par hasard. On y lira me$ême les métaphores que l'on veut sur l'adolescence et l'age adulte, ou le moi et le surmoi. On y trouvera surtout une véritable allégorie du film, majestueux et aérien.

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Les Indies, pour l’esprit…

Posté par vincy, le 22 février 2009

Les Independant Spirit Awards sont les prix les plus respectés à Hollywood pour leur valeur artistique. Appellons ces Spirit, les Oscars pour les snobs, ceux qui fréquentent les salles art et essais. Cette année, les Indies Spirit ont couronné The Wrestler dans trois catégories et pas des moindres : film, acteur, photo. Le réalisateur Darren Aronofsky n'était pas nommé. Reste que la soirée a signé la résurrection de Mickey Rourke, véritable vedette de la saison, et qui pourrait obtenir l'Oscar cette nuit. Un come-back magnifique et salué par un système cruel qui adore ce genre de "belles" histoires.

Son discours fut des plus bizarres et pourrait effrayer les producteurs des Oscars. Il a fait l'éloge d'Eric Roberts ("Le meilleur acteur avec lequel j'ai pu travaillé"), pour lequel il a prié que les réalisateurs lui donne à lui aussi une seconde chance. Il a dédié le prix à son chien Loki, décédé il y a six jours, menacé de "botter le cul" du comique Rainn Wilson ("ce petit con de blond") qui osé le parodier, oublié le prénom de sa partenaire Marisa ("Melissa? Marisa?") Tomei en lui rendant un vibrant hommage, et enfin cassé son micro. Rock n' roll.

D'un point de vue plus global, cela reste le triomphe de la vieille génération sur la nouvelle puisque Woody Allen, Melissa Leo, Penelope Cruz (15 ans de carrière tout de même) ont tous obtenu un prix. On notera le prix du meilleur second rôle pour le jeune James Franco, pour son rôle d'amant délaissé dans Milk.

Les prix du cinéma indépendant ont aussi récompensé deux films français : le documentaire Le funambule et surtout, dans la catégorie meilleur film étranger, Entre les murs. Cela pourrait apporter du baume au coeur, tant le film de Laurent Cantet est partout signalé comme étant l'outsider principal de Valse avec Bashir pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère.
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Tout le palmarès

Le box office américain profite peu des Oscars

Posté par vincy, le 17 février 2009

oscars preparatifsLes votes sont quasiment finis. La cérémonie se prépare déjà. Les Oscars hésitent désomrais sur le scénario. Un film a remporté tous les prix de la saison : la statuette suprême peut-elle lui échapper? C'est hautement improbable tant le film est en train de compenser sa seule faiblesse par rapport au marketing de Benjamin Button : sa popularité.

Depuis la révélation des nominations le 22 janvier, le box office des films nommés n'est pourtant pas à la hauteur des espérances. Les cinq productions nommées dans la catégorie du meilleur film n'ont accumulé que 90 millions de $ en trois semaines, soit un tiers des recettes globales accumulées. Et en fait seul un film a cartonné : Slumdog Millionaire. Pour l'instant, il a rapporté autant de dollars avant les nominations qu'après, un exploit en soit. Surtout, avec 42 millions de $ de bonus, il fait largement mieux que les 18 millions de $ de Benjamin Button et les 11 millions de $ de The Reader.

Benjamin Button, malgré ses 13 nominations, n'a pas été en mesure de transformer cet avantage en plébiscite. Le film se hisse difficilement dans le Top 20 annuel 2008 et a séduit 85% de son public avant l'annonce des Oscars.

En fait, ce sont les films oubliés des Oscars ou nommés dans des catégories moins visibles qui attirent les spectateurs. Ainsi la nomination de Mickey Rourke a presque triplé le box office de The Wrestler.Les noces rebelles est passé de 6 millions de $ de recettes à 21 millions de $. Ainsi Kate Winslet fait un plus gros succès avec le film où elle n'est pas nommée qu'avec le film où elle est citée (The Reader).

Mais surtout, Hollywood est confronté à un phénomène nouveau. Habituellement, le mois de janvier permet aux films des fêtes de finir leur carrière en douceur et aux films art et essais, oscarisables, de conquérir les salles. Cette année, les films des fêtes se sont crashés juste après les vacances, ayant fait, pour la plupart 90% de leurs recettes en trois semaines. Les films art et essai, hormis Slumdog Millionaire, Doute et Milk, n'ont pas dépassé les 25 millions de $ de recettes totales. Aucun film étranger sortis après octobre n'a percé au delà des 2 millions de $.

En fait, et c'est nouveau, ce sont des blockbusters qui ont pris possession du marché hivernal. En premier lieu, Clint Eastwood, leader du mois avec Gran Torino et ses 130 millions de $. Du jamais vu depuis Impitoyable pour le mythe. Paul Bart : Mall Cop a aussi dépassé le cap des 100 millions de $ et Taken a fait largement mieux qu'espéré avec 80 millions de $. Des films de genre (comédie romantique ou horreur) ont démarré en trombe durant leur premier weel end. Résultat, les films à Oscars n'ont pas pu résister à cette concurrence.

Alors que le box office a progressé de 20% par rapport à 2008, les huit films nommés dans les quatre catégories artistiques et encore en cours d'exploitation, n'ont contribué qu'à 20 % des recettes depuis trois semaines. Merci Slumdog.

« Wall-E » réussit un exploit avec les critiques de Los Angeles

Posté par vincy, le 14 décembre 2008

C'est une première en 34 ans. Annoncée le 9 décembre, la liste des récipiendaires du prix des critiques de Los Angeles couronne un dessin animé. Wall-E succède à There Will Be Blood et dépasse l'autre finaliste, Batman : The Dark Knight. Le film de Christopher Nolan finit deuxième dans deux autres catégories - réalisateur et direction artistique - et ne remporte qu'un seul prix, posthume, pour Heath Ledger. Avec leurs collègues de New York, ils partagent leur goût commun pour Pénélope Cruz,  Sally Hawkins, Sean Penn et le documentaire Man on Wire. Clairement Slumdog Millionaire, Milk et Be Happy ont séduit les élites cinéphiliques du pays.

Meilleur film : Wall-E (finaliste : Batman The Dark Knight)

Meilleur réalisateur : Danny Boyle pour Slumdog Millionaire (finaliste : Christopher Nolan pour The Dark Knight)

Meilleur acteur : Sean Penn pour Milk
(finaliste : Mickey Rourke pour The Wrestler)

Meilleure actrice : Sally Hawkins pour Be Happy (finaliste : Melissa Leo pour Frozen River)

Meilleur second rôle masculin : Heath Ledger pour The Dark Knight (finaliste : Eddie Marsan pour Be Happy)

Meilleur second rôle féminin : Penelope Cruz pour Vicky Cristina Barcelona et Elegy (finaliste : Viola Davis pour Doute)

Meilleur scénario : Mike Leigh pour Be Happy (finaliste : Charlie Kaufman pour Synecdoche, New York)

Meilleure photo : Yu Lik-Wai pour Still Life (Anthony Dod Mantle pour Slumdog Millionaire)

Meilleure direction artistique : Mark Friedberg pour Synecdoche, New York (finaliste : Nathan Crowley pour The Dark Knight)

Meilleure musique : A.R. Rahman pour Slumdog Millionaire (finaliste : Alexandre Desplat pour L'étrange histoire de Benjmain Button)

Meilleur film en langue étrangère : Still life de Jia Zhang Ke (finaliste : Entre les murs de Laurent Cantet)

Meilleur documentaire : Man on Wire (finaliste : Valse avec Bashir)

Meilleur film d'animation : Valse avec Bashir

Meilleur nouveau talent : Steve McQueen pour Hunger

Toronto remplacera-t-il Venise ?

Posté par vincy, le 17 septembre 2008

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Le 33e Festival de Toronto vient de s’achever avec succès. Tandis que Venise connaît la crise, la Ville Reine canadienne se pavane de ses succès. Les dates coïncidant de plus en plus, Venise se voit finalement menacée, surtout lors d’une année faible artistiquement. A côté, Toronto propose des avantages indéniables : pas de compétition, hormis ce prix du public qui, souvent, fait émerger un succès en salles, des dépenses quotidiennes moins élevées qu’en Italie pour les festivaliers, une proximité géographique avec Hollywood et New York, mais surtout l’existence du 2e marché du film, juste après Cannes.

Venise semble bien fragile tant ses Lions d’or ne se transforment pas en Oscars (malgré de bons prétendants) et sa médiatisation s’amenuise au fil des ans. La manifestation peine à faire le virage nécessaire que Toronto a entrepris il y a quelques années, en investissant dans un palais dédié à la manifestation. Pourtant, même si cela se sait moins, Venise et Toronto ont longtemps collaboré ensemble. Désormais la guerre larvée que se font les grands festivals pour obtenir les avant-premières les plus prestigieuses prend des allures de guerre de tranchée. Venise accuse Toronto de faire pression sur les producteurs américains pour obtenir des exclusivités. Et ils sont d’autant plus tentés que le voyage coûte moins cher et surtout le résultat est plus rentable, pouvant ainsi vendre leurs films aux distributeurs venus du monde entier.

Toronto avait déjà croqué Montréal et son FFM. Si dans le calendrier, Venise continue d’avancer vers septembre, la Mostra risque de se faire dévorer par le tigre ontarien. Ou l’inverse si Venise commence à sortir les griffes.  Clairement, il deviendra difficile d’accueillir des films aux mêmes dates.

Les studios misent de plus en plus sur les festivals pour lancer leurs opérations de marketing ou séduire des acheteurs. Toronto a projeté 312 films, dont 116 premières mondiales. Les producteurs français et britanniques viennent de plus en plus nombreux sur les bords du lac Ontario. Ainsi Pathé y a présenté The Duchess, avec Keira Knightley. Ironiquement, après son avant-première internationale à Toronto, le film fera le voyage… à Rome, le festival concurrent de Venise. Les français ont présenté Mesrine, La fille de Monaco, Un conte de Noël, Il y a longtemps que je t’aime, ou encore Faubourg 36.

C’est aussi à Toronto qu’on s’est arraché les droits de The Wrestler, tout juste primé d’un Lion d’or à Venise. Fox Searchlight l’a acquis pour 4 millions de $ pour le distribuer aux USA. C’est encore à Toronto que le Che de Sodebergh, présenté à Cannes, a trouvé son distributeur américain (IFC), qui devrait miser sur la Video-On-Demand.

Si le marché a montré des signes de faiblesse – crise économique, impact de la grève des scénaristes – Toronto, au contraire de Venise, a rempli son contrat. Et s’affirme un peu plus comme le rendez-vous de la rentrée, et donc la rampe de lancement pour les Oscars. C’est ce que recherchent les producteurs : un moyen efficace et rentable de donner un maximum de visibilité à leurs films. Si Toronto séduit les médias du monde entier, Venise se marginalisera.

Palmarès 

- Prix du public : Slumdog Millionaire, de Danny Boyle, suivi de More than a game, de Kristopher Belman et The Stoning of Soraya M, de Cyrus Nowrasteh
- Prix de la critique internationale : Lymelife, de Derick Martini et Disgrace, de Steve Jacobs
- Prix de la découverte : Hunger, de Steve McQueen
- Meilleur film canadien : Lost Song, de Rodrigue Jean
- Meilleur premier film canadien : Before Tomorrow, de Madeline Piujuq Ivalu et Marie-Hélène Cousineau

New York s’offre la Palme d’or et le Lion d’or

Posté par MpM, le 12 septembre 2008

Entre les murs, encore tout auréolé de sa Palme d’or cannoise, aura les honneurs du 46e Festival de New York le 26 septembre prochain, soit seulement deux jours après sa sortie en France. C’est en effet le film de Laurent Cantet, sobrement rebaptisé The class (voir article du 13 juillet), qui fera l’ouverture de cette manifestation qui présente traditionnellement le "meilleur" du cinéma américain et mondial.
Les deux autres grands moments de la quinzaine seront d’ailleurs la projection de L’échange de Clint Eastwood (reparti presque bredouille de Cannes) et de The Wrestler de Darren Aronosky (Lion d’or à Venise) en clôture. On a connu pire compagnie pour ce film sans stars tourné avec des acteurs non professionnels ! Et c'est loin d'être fini, puisque en octobre, il sera présenté au Festival du film de Londres où est également attendu... l'avant première mondiale de Quantum of Solace, le nouvel opus des aventures de James Bond !

Berlin-Cannes-Venise : les trois étapes du festivalier

Posté par MpM, le 11 septembre 2008

Mostra de VeniseBerlin, Cannes et Venise sont généralement considérés comme les grands festivals de cinéma dans le monde, ceux qui permettent tout au long d’une année de prendre le pouls de la cinématographie internationale. Pour la première fois en 2008, Ecran Noir a réalisé le "Grand Chelem", et est ainsi en mesure de faire un comparatif (forcément un peu subjectif) de ce triumvirat des grandes fêtes du cinéma.

Ambiance : Indéniablement, Cannes reste la référence absolue, car nulle part ailleurs on n’a tant l’impression d’un gigantesque cirque dont il faut faire partie à tout prix. C’est aussi le seul festival que l’on connaisse où l’on ne s’arrête jamais, où un confrère pressé n’hésite pas à vous bousculer (voire vous insulter) si vous êtes un peu long à ranger vos affaires en salle de presse… A Berlin, seules les grandes stars hollywoodiennes déchaînent quelques passions (on en a eu l’exemple avec Scarlett Johannson et Natalie Portman ou encore Madonna), le reste du temps tout le monde reste très policé et tranquille. A Venise, on a même franchement l’impression que les festivaliers sont trop occupés à profiter de la ville et de la plage toute proche pour être obsédés par les films ou les célébrités…

Organisation : Berlin et Venise ont en commun d’être très ouverts au public, qui a même ses propres séances réservées. Le jeu des multiples diffusions de films empêche que cela soit un handicap pour quiconque et rares sont les journalistes à rester sur le carreau lors des projections… sans pour autant qu’il soit nécessaire de subir de longues files d’attente. A Cannes, c’est tout le contraire. Malgré une hiérarchie quasi militaire (une douzaine de niveaux d’accréditation différents), il est parfois difficile d’avoir accès aux films de la compétition. Le 4e volet d’Indiana Jones a déclenché une telle hystérie que deux heures avant la séance, certains membres de la presse attendaient déjà devant la salle, en plein cagnard. A noter qu’à Venise, il y a tout de même trois sortes d’accréditation presse, et qu’il est quasi impossible pour les deux niveaux inférieurs de voir certains films de la sélection avant les conférences de presse.

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Palmarès Venise 2008 : Lion d’or logique pour The Wrestler

Posté par MpM, le 7 septembre 2008

Darren Aronofsky et son lion d’or
Lion d’or du meilleur film : The Wrestler de Darren Aronofsky (USA)
Lion d’argent du meilleur réalisateur : Aleksey German Jr. Pour Paper Soldier (Russie)
Prix spécial du jury : Teza de Haile Gerima (Ethiopie, en coproduction avec l’Allemagne et la France)
Coupe Volpi du meilleur acteur : Silvio Orlando pour Il papa di Giovanna de Pupi Avatti (Italie)
Coupe Volpi de la meilleure actrice : Dominique Blanc pour L’autre de Patrick Mario Bernard and Pierre Trividic (France)
Prix Marcello Mastroianni du meilleur jeune espoir :  Jennifer Lawrence pour The Burning Plain de Guillermo Arriaga (USA)
Osella de la meilleure contribution technique : Alisher Khamidhodjaev et Maxim Drozdov pour Paper Soldier de Aleksey German Jr. (Russie)
Osella du meilleur scénario : Haile Gerima pour Teza (Ethiopie, en coproduction avec l’Allemagne et la France)
Lion d’or spécial : Werner Schroeter pour "son œuvre dénuée de compromis et rigoureusement innovante depuis 40 ans"

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Pas de grosses surprises pour ce palmarès qui récompense logiquement les rares coups de cœur du festival (The wrestler et Teza) ainsi que les prestations les plus marquantes : celle de l’amoureuse trahie basculant lentement dans la folie (Dominique Blanc), celle de la jeune fille détruite par la culpabilité (Jennifer Lawrence) et celle du père dévoué corps et âme et à sa fille déséquilibrée (Silvio Orlando). Bien sûr, tout le monde attendait Mickey Rourke en meilleur acteur, mais un point du règlement aurait empêché Wenders et ses jurés d’offrir ce doublé historique au film d’Aronofsky. Par contre, le film éthiopien sur les années de "terreur rouge" de Hailé Mariam Mengistu ainsi que le film russe de Aleksey German Jr (sur la course à la conquête spatiale dans les années 60) ont eux remporté deux prix chacun, preuve assez flagrante du manque d’oeuvres à récompenser… Plus surprenant est le prix spécial décerné à Werner Schroeter alors même que son film en compétition, Nuit de chien, a reçu le plus mauvais accueil de la compétition.

Globalement, le palmarès de cette 65e Mostra reflète assez finement le ressenti général, celui d’une compétition de mauvaise qualité. Bien que son mandat ait été reconduit pour quatre ans, Marco Müller, le directeur artistique du festival depuis 2004, a été sévèrement critiqué par la presse italienne et internationale. Il se justifie comme il peut en évoquant le contexte politique (depuis deux ans, trois festivals ialiens doivent se partager l’aide du gouvernement : Turin, Venise et Rome, avec l’idée que Venise serait un lieu d’expérimentation et Rome celui du cinéma grand public) et surtout la concurrence de Toronto. Le festival canadien, qui commence généralement une semaine après la Mostra, attire stars hollywoodiennes (peu présentes sur le Lido cette année), grosses productions américaines et professionnels du monde entier en proposant une sorte de panorama du meilleur des mois passés et à venir. Il aurait même, d’après Marco Müller, fait pression cette année pour empêcher certains producteurs et distributeurs de films américains en compétition (comme Rachel Getting Married, de Jonathan Demme, The Hurt Locker, de Kathryn Bigelow et même The Wrestler de Darren Aronofsky) de faire le déplacement.

Pour résister, le directeur artistique compte sur la fidélité de certains réalisateurs (deux grands noms du cinéma américain lui auraient déjà promis l’avant-première mondiale de leur film pour la prochaine édition) et sur la taille plus humaine de Venise, où les professionnels peuvent découvrir dans de bonnes conditions (les salles de projection devraient même être rénovées pour 2009) les films importants de la saison à venir (par opposition à "l’énorme foire du cinéma mondial" que représente Toronto). Il a également le désir de créer une "Mostra des films à faire" en organisant un concours de projets.

Le fait est que le festival de Venise a beau être le doyen des grands festival européens (à moins que cela ne soit justement à cause de ça), il ne cesse ces dernières années d’être critiqué et remis en cause, comme incapable de trouver son identité aux côtés de la ligne auteuriste de Cannes, des tendances politiques de Berlin ou même de la volonté de découverte de Locarno. Un nouveau modèle de développement, du sang neuf, une orientation différente… ne pourraient donc que lui apporter le renouvellement dont il a le plus grand besoin.

Crédit photo : image.net

Palmarès de Venise : les paris sont ouverts

Posté par MpM, le 6 septembre 2008

Lion d’or à VeniseA l’heure des pronostics sur les lauréats de cette 65e Mostra, le presse italienne s’en donne à coeur joie en désignant à la fois ses favoris et ses bêtes noires. D’après ces vénérables confrères, Vegas de l’Américain Amir Naderi, Teza de l’Ethiopien Haile Gerima, Ponyo sur la falaise du Japonais Hayao Miyazaki ou encore The Hurt Locker de l’Américaine Kathryn Bigelow pourraient remporter le Lion d’or. Par contre, quand il s’agit de déterminer le film qu’ils ont le moins aimé de la compétition, la plupart cite un film… français : L’Autre de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic (1 critique sur 12), Inju de Barbet Schroder (2), et surtout Nuit de chien de Werner Schroeter (5). Seul Plastic city du Chinois Yu Lik-wai fait presque aussi bien avec trois voix contre lui. Pour le prix d’interprétation, chez les hommes, deux noms se dégagent : Silvio Orlando (Il papa de Giovanna de Pupi Avati) et Mickey Rourke (The Wrestler de Darren Aronofsky). Chez les femmes, c’est plus divers, avec notamment Anne Hathaway (Rachel getting married de Jonathan Demme), Caterina Murino ou Isabella Ferrari (Il seme della discrodia de Pappi Corsicato), Dominique Blanc (L’autre) et même Ponyo (du film d’animation de Miyazaki… peut-être une manière de dire qu’aucune actrice ne s’est révélée assez convaincante ?)

Mais en réalité, difficile de savoir quels films auront pu séduire le jury au milieu d’une sélection aussi en demi-teinte ! Birdwatchers de l’Italien Marco Bechis, sur les Indiens du Brésil, a tout du film primé en festival et pourrait faire un bon compromis. Dans le même genre, on peut aussi envisager que The Hurt locker sur la guerre en Irak, Teza sur l’Ethiopie des années 70-80 ou le drame familial Rachel getting married ne repartent pas sans rien. Milk du Turc Semih Kaplanoglu pourrait également empocher un prix de mise en scène. Enfin, si Miyazaki a fait un aussi fort effet à Wim Wenders et à ses jurés qu’aux festivaliers, on ne voit pas trop comment il ne figurerait pas parmi les lauréats.

De notre côté, on voterait sans hésiter pour Dominique Blanc et Mickey Rourke en meilleurs interprètes, et pour The Wretsler, L’Autre, Milk et The Sky Crawlers du Japonais Mamoru Oshii dans la liste des récompensés. Enfin, pour imiter les journalistes italiens, on doit bien avouer qu'on ne comprend pas ce que faisaient en compétition la farce grotesque Il seme della discordia et surtout les deux français Nuit de chien et Inju, la bête dans l'ombre quand, hors compétition, il y avait de petits bijoux tels que Stella ou Les plages d'Agnès et des essais ambitieux (pas forcément réussis, mais intéressants) comme Un lac ou Vinyan.
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The Wrestler met le Lido KO

Posté par MpM, le 5 septembre 2008

The WrestlerDernier film américain à être présenté en compétition, The Wrestler de Darren Aronofsky fait la démonstration du savoir-faire outre-atlantique quand il s’agit de raconter des histoires intéressantes, rythmées et humaines. On se rend compte à sa vision, et au plaisir qu’on y prend, du déficit de narration dont a souffert cette compétition. Il est vrai que même les compatriotes d’Aronofsky ont déçu avec des histoires inabouties ou des variations un peu vaines autour de sujets forts mais mal exploités. Vegas d’Amir Naderi suit le délitement d’une famille à travers la destruction systématique de son jardin : une fois l’histoire engagée, on se lasse de voir sur chaque plan le personnage principal en train de creuser. Rachel getting married de Jonathan Demme aborde le thème de la culpabilité en réunissant une famille meurtrie le temps d’une fête familiale : il y a tellement de scènes de danse ou de banquet nuptial que le cœur de l’intrigue est complètement noyé. Enfin, The hurt locker de Kathryn Bigelow nous emmène sur les pas d’un démineur en Irak, juxtaposant simplement cinq ou six opérations d’intervention censées donner un aperçu de la réalité du terrain… mais surtout sans prendre parti ni donner de point de vue clair (hormis le peu compromettant "la guerre est une drogue").

Du coup, The Wrestler n’est certes pas le meilleur film d’Aronofsky, ni ce qui se fait de plus novateur ou profond, mais force est de constater qu’il est presque réussi de bout en bout : interprétation sensible (Mickey Rourke impeccable, étonnamment touchant), rebondissements structurés, petites touches d’humour, combats spectaculaires sans être trashs, gestion pudique de l’émotion, etc. Malgré le classicisme absolu du sujet (au cheminement relativement prévisible) et de la réalisation (qui souffre d’une petite baisse de rythme dans la dernière partie), on se laisse emporter par ce portrait d’une ancienne gloire du catch sur le retour en forme de mélo flamboyant. Parce que le réalisateur ne force jamais ni le trait ni l’émotion, et surtout ne témoigne d’aucune ambition auteuriste disproportionnée, le film s’avère même pratiquement ce que l’on a vu de plus convaincant depuis le début du festival. Sur le Lido, la question qui brûle désormais toutes les lèvres est de savoir si le jury choisira de récompenser globalement le film ou uniquement la prestation de Mickey Rourke. A moins qu’il ne s’agisse d’un doublé...