Génie du doublage, Roger Carel se casse avec sa voix (1927-2020)

Posté par vincy, le 18 septembre 2020

Roger Carel, de son vrai nom Roger Bancharel, est mort le 11 septembre 2020 à l'âge de 93 ans. C'est sans doute le comédien français le plus prolifique que le cinéma vient de perdre. Pas tant pour sa présence à l'écran (essentiellement des seconds-rôles dans des comédies) ou sur les planches, mais par sa voix. Il en avait 1000...

Assumons: Carel était le roi du doublage. Une monument vocal capable de toutes les transformations et de toutes les audaces. De quoi mériter, en janvier 2012, le prix Henri-Langlois pour l'ensemble de son œuvre.

Physiquement, on l'a vu depuis les années 1950 dans des films comme Le Triporteur, Le Vieil Homme et l'Enfant, Le viager, Elle cause plus... elle flingue, On a volé la cuisse de Jupiter, Le Coup du parapluie, L'Été meurtrier, Papy fait de la résistance, Mon homme, se glissant dans la peau d'un russe ou d'un passant, d'un médecin ou d'un paysan, d'un garagiste ou d'un général. Il cachetonnait et s'amusait...

De Certains l'aiment chaud à Kubrick

Mais c'est en studio, derrière un micro, qu'il brillait. Il était la voix de Peter Sellers, de Peter Ustinov, de Jack Lemmon, d'Eli Wallach, d'Ian Holm, de Jerry Lewis, de Pat Morita (dans Karaté Kid), de Charlie Chaplin (dans Le dictateur), de Fred Astaire (dans La tour infernale), de Jim Broadbent (dans Harry Potter et le Prince de Sang mêlé). Sa voix est aussi présente dans des films aussi divers, mais remarquables, qu'Orange mécanique, MASH, La Belle de Moscou, Le Kid de Cincinnati, Le Bal des vampires, Butch Cassidy et le Kid, Tora ! Tora ! Tora !, L'exorciste, Le verdict, Fanny et Alexandre, Furyo, Good Morning Vietnam!. Il était aussi le narrateur de L'étoffe des héros.

Mais son grand génie s'exprime surtout avec six épisodes de la Guerre des étoiles où il double Anthony Daniels et devient ainsi la voix française de C-3PO.

De Disney à Astérix, de Alf à Benny Hill

Un androïde ne pouvait pas effrayer Roger Carel, devenu maître de la voix dans l'animation, dès les années 1940. Chez Disney pour commencer (souvent en deuxième doublage, dont l'impeccable chat de Cheshire dans Alice au pays des merveilles, mais aussi le sournois serpent Kaa dans Le livre de la jungle, ou Roquefort et Lafayette dans Les Aristochats). Et puis il devint la voix d'Astérix, le plus populaire des héros BD en Europe, décliné en films d'animation à succès dès 1968. De temps en temps il vocalisait sur quelques autres personnages secondaires, notamment Idéfix. Cette collaboration avec le gaulois dura jusqu'en 2014! De Fritz le chat à Winnie l'ourson, en passant par Jolly Jumper (dans Les Dalton en cavale), il était incontournable dans son milieu.

La télévision lui offrit aussi des personnages cultes à incarner en français: Benny Hill, Alf, le révérend Sikes dans Desperate Housewives, Hercule Poirot durant 12 saisons, Charles Ingalls dans La Petite Maison dans la prairie, le boss dans Shérif, fais-moi peur, mais aussi des passages dans des séries comme Buffy, Dynastie, Cold Case, New York unité spéciale, X-Or, Charmes, Inspecteur Derrick...

Un Cro-magnon, un myope, une grenouille, mais surtout un Maestro

Petit écran et animation lui ont aussi valu de grandir avec des générations d'enfants : il fut la voix de Dingo pour Disney durant plusieurs décennies. Il s'entend aussi dans Inspecteur Gadget, Les Bisounours, Albator, Le petit dinosaure, Capitaine Flam, Babar, Le petit dinosaure, Les Gnoufs, Les Pierrafeu, Princesse Starla, Les Quatre fantastiques, et bien entendu Star Wars: Clone War en C-3PO...

Il fut les incontournables Capitaine Caverne et Mister Magoo, Kermit la grenouille dans Le Muppet Show, Woody Woodpecker. Capable de moduler ses cordes vocales dans les aigus comme de la transformer par le nez, il pouvait jouer toutes les excentricités et surtout plusieurs personnages. Ainsi dans les séries Il était une fois... (L'homme, L'espace, La vie, Les Amériques, Les découvreurs, Les Explorateurs, Notre terre), il fut le savant déluré Maestro de 1978 à 2011, mais aussi le raisonnable Pierre, le robot Métro, le fourbe Nabot.

Son talent fut aussi de s'adapter à son temps, et d'aller prêter son don au jeu vidéo. Luigi dans Mario c'est lui. Outre les jeux Star Wars, Winnie l'ourson et Astérix, on peut le reconnaître dans Warcraft II et Les Simpsons. Il fut même le Croco Amstrad pour la publicité des consoles en 1990.

Ce sont tous ces héros d'hier et d'aujourd'hui, pour petits et pour les devenus grands, qui perdent leur père d'adoption de langue française, leur incarnation à l'oreille. Carel emporte avec lui sa voix et une part de notre culture inconsciente.

Confinement: le streaming en pleine forme, la chronologie des médias obsolète

Posté par vincy, le 2 avril 2020

Les confinés que nous sommes passent de plus en plus de temps sur les écrans (4h29 quotidiennement en mars de consommation télévisuelle, soit 44 minutes de plus qu'en mars 2019). La SVod explose.

La dernière semaine de mars, en France, 5 millions de confinés étaient branchés sur une plateforme, contre 2,7 millions il y a un an. En une semaine, le nombre de programmes regardés est passé de 14,8 millions à 18 millions, avec, en tête, la 3e saison (plutôt réussie) d'Elite sur Netflix et la dernière saison de The Walking Dead sur OCS. Netflix est le grand vainqueur de cette période : l'application a été téléchargée deux fois plus dans le monde, ses séries occupent toutes les places du Top 10 des consultations, les souscriptions ont doublé au minimum, s'accaparant les deux tiers de la consommation de Svod. Des séries comme Peaky Blinders, Stranger Things, Messiah, Riverdale occupent le terrain jusque dans les recherches Google. Et l'arrivée de la 4e saison de La Casa de Papel cette semaine va dynamiter les compteurs.

Dans le contexte, et en l'absence de salles de cinéma, il était urgent que la chronologie des médias s'adapte en France. Car, on le voit bien, hormis les feuilletons quotidiens sur les grandes chaînes nationales, les créations françaises sont inexistantes. Alors même que la vidéo à la demande profite elle aussi d'une forte croissance grâce à des initiatives comme La Toile ou des plateformes de niche comme La Cinetek, Queerscreen, Tënk ou Bref cinéma. D'autant que Canal + a du arrêter la gratuité mardi : on n'évite aucune guéguerre en France. Les chaînes concurrentes (TF1, M6) et des ayant-droits se sont plaints de cette opération destinée à valoriser les contenus de Canal (dont d'excellentes séries françaises comme Baron noir, Hippocrate, Le bureau des légendes ou la deuxième saison de L'amie prodigieuse qui commence se soir) en période de confinement au détriment de leurs intérêts (fortement fragilisés depuis le début de la crise sanitaire qui touche le pays).

Sorties anticipées en vod

Hier soir, le Conseil d’administration du CNC a finalement décidé la mise en place de nouvelles mesures pour faire face à cette période exceptionnelle.

La loi d'urgence sanitaire du 23 mars a donné la possibilité au président du CNC, Dominique Boutonnat, d’accorder des dérogations aux films encore en salles le 14 mars pour des sorties anticipées en vidéo à la demande. 25 demandes ont été déposées dans ce sens selon le Film Français, 11 selon Le Monde. Aux Etats-Unis, où il n'y a pas de chronologie des médias, les poids lours de l'hiver ont déjà été mis en ligne. Dernier en date, La Reine des neige 2 qui a avancé sa diffusion en vod de trois semaines.

Restait à savoir ce qu'il advenait des films qui devaient sortir après la date de confinement (18 mars, 25 mars, ...). Le CNC a officialisé la dispense de remboursement des aides du CNC, conditionnés à leur sortie en salles. Autrement dit, si tous les ayant-droits sont d'accord pour diffuser le film en vidéo à la demande, et non pas en salles de cinéma, les producteurs et distributeurs pourront toucher ces aides tout en évitant une exploitation au cinéma. C'est un premier pas en avant, qui montre que la chronologie des médias n'est plus si sacrée.

Souveraineté, exception culturelle et soft power

Alors que Disney + débarque le 7 avril et que le gouvernement parle de souveraineté nationale à tout bout de champs, il serait temps de faire prévaloir l'exception culturelle française, notion un peu oubliée, pour que les confinés, prisonniers chez eux, aient un accès simple et efficace, ôté de toute logique dogmatique à un contenu le plus varié possible. Mettre à disposition dans les foyers dès maintenant des films récents n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant. On peut au moins sauver certains films prévus en début de printemps dans les salles, qui ont peu de chance de pouvoir lutter contre l'inflation de sorties lors du déconfinement, en les proposant à un public naturellement captif. Il s'agit de montrer les œuvres et d'assurer des recettes pour des productions qui risquent de n'avoir ni l'un ni l'autre quand les cinémas seront rouverts.

Et c'est toujours mieux que de laisser les Français face à une offre principalement américaine.

Ce n'est pas une question de souveraineté, mais de soft power. Les références culturelles et les habitudes de la demande se forgent d'abord dans l'offre. Pourquoi pas les sagas de Pagnol, les comédies avec Louis De Funès ou les Tontons flingueurs. Mais le cinéma et la télévision française peuvent aussi montrer qu'ils peuvent rivaliser avec des productions étrangères. Même si personne n'oserait ici Sex Education (Netflix), Game of Thrones (OCS) ou les Vikings (Amazon).

On en revient à l'audace et à l'écriture, mais c'est un autre débat.

Le patron du CNC veut revoir les aides, la chronologie des médias et investir dans l’écriture

Posté par vincy, le 31 janvier 2020

Dominique Boutonnat, le nouveau président du CNC a accordé un entretien au journal Le Monde, en dévoilant quelques axes de sa politique. Sa nomination l'été dernier avait été accompagnée de grincements de dents, suite au rapport qu'il avait rendu deux mois avant sur le financement de la production et de la distribution pour les œuvres audiovisuelles.

Une refonte des aides

Il rappelle que l'enjeu de ce rapport était "de trouver de nouveaux moyens de renforcer notre secteur, fragilisé par la baisse des autres financements, et non de remplacer les fonds publics". Aussi, il lancera en février, "pour une durée de six mois, une révision générale de l’ensemble des dispositifs d’aides et de soutien", conscient que certains sont obsolètes et d'autres inexistants pour répondre aux besoins actuels: "il faudra peut-être en supprimer, en fusionner et en créer."

Recréer le lien avec le public de moins de 35 ans

Avec une exportation fragile, des jeunes qui se détournent de la salle et encore plus des films français, des nouveaux paramètres à intégrer comme l'égalité homme-femme et l'environnement, et le surgissement des plateformes telles Netflix, Disney + ou Amazon Prime, tout le monde comprend que le cinéma est en période de mutation, malgré une fréquentation toujours au dessus des 200 millions d'entrées annuelles. La diminution de la part des jeunes dans le public en salles est un enjeu stratégique. En se détournant des œuvres culturelles françaises, la jeunesse se coupe d'un pan de sa propre culture. Aussi le président de l'institution veut en faire "un enjeu culturel majeur." "Nous allons travailler avec des groupes d’experts (sociologues, philosophes, chercheurs en sciences sociales) pour comprendre comment l’image a une influence sur le développement d’une culture commune. Cela fera partie des objectifs de la revue générale des aides du CNC" annonce-t-il.

Revoir la chronologie des médias

Ainsi sur Netflix, Dominique Boutonnat explique qu'il faut trouver un compromis: Netflix "demande à ce que ses films soient diffusés sur sa plate-forme plus tôt dans la chronologie des médias, avant les dix-sept mois actuellement prévus. Il faut une discussion pour les rapprocher de Canal+ et d’OCS. On ne peut pas travailler sur un projet de loi de cette envergure sans rouvrir le sujet. L’idée, cette fois, est d’aller assez vite. Si l’on s’y prend bien, tout le monde devrait y gagner." A discuter pendant les débats sur la Loi de l'audiovisuelle, promise pour ce printemps, où il faudra bien donner quelque chose en échange de l'exigence voulue par le ministre, celle que les plateformes devront investir un quart de leur chiffre d'affaires dans la production.

Pour lui, les liaisons entre le grand et le petit écran doivent évoluer: publicité de films à la télévision, abandon des jours interdits... "Les jours interdits n’ont plus de sens aujourd’hui. On peut voir des films partout, quand on veut. Même les salles ne sont plus hostiles à ce principe" affirme-t-il.

Réinvestir dans l'écriture et donner de l'oxygène aux producteurs

Côté production comme diffusion, il est partisan là aussi d'une évolution. "A l’heure où la demande explose grâce aux plateformes, je ne peux pas dire qu’il y a trop d’œuvres de cinéma. Ce que l’on voit, c’est que le budget moyen des films a diminué. Certains films ne sont pas assez travaillés, pas assez préparés, notamment le scénario, par manque de temps ou d’argent. (...) Nous allons mieux soutenir la phase d’écriture (...). Certains films pourraient trouver une exploitation immédiate sur d’autres supports que la salle" détaille le patron du CNC.

Enfin, avec le fonds de 225 millions pour les industries culturelles et créatives de BpiFrance, il espère que les producteurs développeront "davantage leurs entreprises, donc leurs projets, avec plus d’autonomie envers les diffuseurs."

Le cinéma moins fédérateur à la télévision

Posté par vincy, le 19 janvier 2020

Dans le Top 30 des audiences de l'année, on ne trouve aucun film. Le sort et les séries dominent le classement annuel. On peut se consoler en constatant malgré tour que le cinéma a été la plus forte audience en 2019 pour des chaînes comme Arte (Impitoyable, 2,3M), W9 (Die Hard 4, 1,6M), NRJ12 (La légende des crânes de cristal, 0,9M), France 4 (Le cinquième élément, 1,4M), CStar (Mariage chez les Bodin's, 0,9M), TF1 Séries Films (L'arme fatale III, 1M), 6ter (La belle et le clochard, 1,2M).

Boon et Sy

Mais aucun film sur aucune chaîne n'a dépassé les 7 millions de téléspectateurs. Dominante comme toujours, TF1 a quand même réussit à séduire entre 5 et 6,7 millions de spectateurs avec 19 films l'an dernier (tous dans la case du dimanche), avec un record annuel pour Bienvenue chez les Ch'tis, juste devant un autre Dany Boon, Raid Dingues, et Intouchables (Omar Sy plaçant aussi Demain tout commence dans le Top 10). Trois rediffusions. Parmi ces 19 films, 11 sont français. Alibi.com est le film en première diffusion qui a le plus cartonné, avec Sully côté américain, en séduisant chacun 6,2 millions de téléspectateurs.

De Funès, Disney et Dieu

Chez les concurrents, La grande vadrouille reste une valeur sûre pour France 2 (4,7M), Pièce montée, avec feu Jean-Pierre Marielle, a cartonné sur France 3 (2,9M, deux fois moins qu'un Capitaine Marleau), et le Roi Lion a été un succès pour M6 (4,7M). C'est du côté de TMC que la performance est la plus notable avec Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu?, diffusé en février dernier, juste avant la sortie de la suite: 2,9M de télespectateurs, 13,6% de part d'audience et trois fois plus d'audience qu'habituellement sur cette case.

Ne désespérons pas. Le cinéma place quand même 9 des 100 meilleures audiences de l'année (contre 4 l'an dernier). Et cela ne prend pas en compte Netflix (qui a une audience de 3,5% en moyenne) et Canal +, dont le cinéma est au coeur de leurs offres. Sans oublier que certains films, sur Arte ou France 3, réalisent des performances notables, bien supérieures à leurs entrées en salles.

La loi des séries: CBS et Paramount fusionnent

Posté par vincy, le 19 août 2019

Après AT&T qui reprend Warner, Disney qui dévore la Fox, Comcast qui rachète NBCUniversal, c'est un quatrième géant des médias et des télécoms qui fusionnent. Size does matter. La taille semble de plus en plus déterminante pour survivre face aux mastodontes et aux nouveaux arrivants (Apple, Amazon, Netflix). Le groupe Viacom, propriétaire de Paramount, United International Pictures, MTV, Nickelodeon,  J-One et Game One, concentre ses activités avec CBC, leader télévisuel américain, producteur de nombreuses séries et propriétaire de Showtime. La fusion doit être conclue d'ici la fin de l'année, après l'obtention de plusieurs autorités (celle de la concurrence notamment).

Le nouvel ensemble, baptisé ViacomCBS, pèsera 28 milliards de dollars américains. Les deux entreprises s'étaient séparées en 2006, après 6 ans d'une fusion ratée entre Viacom, à l'origine une division de CBS, et CBS ar Sumner Redstone. ViacomCBS disposera ainsi de 140000 émissions télévisées et 3600 films. Avec 13 milliards de dollars d'investissement depuis un an, les deux sociétés réunies ont un poids à peu près équivalent à celui de Netflix. Cela fait plusieurs années que les deux groupes essaient de se réunir, mais le patron de CBS, Leslie Moonves, s'y opposait. Accusé d'abus sexuels en pleine ère #MeToo, il a été rapidement débarqué l'an dernier, ce qui a permis d'ouvrir la voie à des négociations.

Paramount est le plus petit studio hollywoodien, loin derrière Buena Vista (Disney), Warner, Universal et Sony, avec une part de marché oscillant entre 5 et 8% ces dernières années. Pas de quoi concurrencer les géants. Mais avec un catalogue qui comprend Titanic, Transformers, Star Trek, Indiana Jones et Mission:Impossible, le studio reste une belle pépite dans le secteur. Par ailleurs, VicaomCBS va devenir le premier réseau télévisuel américain avec 22% de l'audience captée, devant Comcast (NBC) et Disney (qui possède ABC). Dans l'immédiat, les dirigeants ont annoncé qu'ils effectueraient autour de 500 millions de dollars de synergie. Probablement, ils étudieront la création de leur propre plateforme de streaming. Et sans aucun doute, ViacomCBS développera des univers transmedias, sous forme de franchises, avec Le Parrain,  Garfield, South Park, Teenage Mutant Ninja Turtles, G.I. Joe, etc...

Jessica Chastain et Andrew Garfield ont la foi (cathodique)

Posté par vincy, le 10 mai 2019

Duo inédit pour The Eyes of Tammy Faye. Jessica Chastain et Andrew Garfield sont réunis par le réalisateur Michael Showater (The Big Thick, prix du public à Locarno et aux SXSW), pour le studio Fox Searchlight, dont l'avenir reste incertain depuis le rachat de la Fox par Disney.

A partir du documentaire du même nom réalisé par Fenton Bailey et Randy Barbato, qui date du 1999 et dont la voix off était assurée par RuPaul, Abe Sylvia a écrit le scénario sur l'ascension, la chute et la rédemption des télévangélistes Jim et Tammy Faye Bakker, qui seront incarnés par les deux acteurs.

Le récit se déroule dans les années 1970 et 1980. Les Faye-Bakker ont créé à partir de leur émission The PTL Club (Praise The Lord) le plus grand réseau télévisé dédié à la religion, mais aussi un parc d'attraction. Vénérés pour leur compassion et leur message d'amour, de bienveillance et de prospérité, ils ont été vite rattrapés par de sordides réalités: magouilles financières, fraudes, manipulations pour étouffer les concurrents, vie opulente, scandale sexuel autour d'un viol d'une femme par Jim Bakker. Tout cela a détruit leur mariage et leur empire.

Le mari a été condamné à 8 ans de prison puis a refait sa vie, toujours en prophète télévangéliste, pro-Donald Trump, légèrement suprémaciste et clairement anti-darwiniste. Tammy Faye a divorcé de son mari, une fois qu'il était en prison, pour se remarier à un promoteur immobilier. Paradoxalement, elle est devenue une icône gay, non seulement grâce à son look très eighties, mais surtout parce qu'elle a donné la parole à de nombreux homosexuels atteints du HIV en plein pic de l'épidémie. Sa vie a inspiré des documentaires et même deux "musicals" et une pièce de théâtre.

Tammy Faye est décédée en 2007. Jim Bakker a aujourd'hui 79 ans.

Jessica Chastain produira le film. On la verra cette année dans X-Men Dark Phoenix, Ça chapitre 2 et le film de Tate Taylor, Eve. Andrew Garfield, Tony Award du meilleur acteur dans une pièce de théâtre l'an dernier pour Angels in America, interprètera le pianiste James Marsh dans Instrumental et sera au générique du nouveau film de Gia Coppola, Mainstream.

Un palmarès parfait pour le Syndicat français de la critique de cinéma

Posté par vincy, le 29 janvier 2019

Loin des oublis des César, le Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des films de Télévision a dévoilé hier soir son palmarès réjouissant pour les cinéphiles.

Mektoub my love, canto uno d'Abdellatif Kechiche a reçu le prix Cinéma. Le réalisateur a annoncé une suite, Mektoub my love, intermezzo, qui sous-entend une trilogie et non plus un diptyque. Le film a été snobé par les César et avait été un échec au box office.

Dans la catégorie cinéma, les critiques français ont également récompensé Phantom Thread de Paul Thomas Anderson (film étranger), Jusqu'à la garde de Xavier Legrand (premier film), Girl de Lukas Dhont (premier film étranger) et Guy d'Alex Lutz (film singulier francophone). Ces quatre films sont en lice pour les César, soit dans la catégorie meilleur film soit dans la catégorie meilleur film étranger. Jusqu'à la garde avait déjà remporté deux prix majeurs à Venise en 2017. Girl avait été distingué à Cannes par quatre prix (Queer Palm, Caméra d'or, prix de la critique internationale, prix du meilleur acteur dans la sélection Un Certain regard).

Dans la catégorie court-métrage, le prix a été remis à La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel, qui faisait partie de nos 15 courts français préférés de l'année.

Côté télévision, Un homme est mort d'Olivier Cossu (Arte) a été distingué par le prix de la meilleure fiction, Histoire d'une nation de Yann Coquart (France 2) par le prix du meilleur documentaire, l'excellent Hippocrate de Thomas Lilti (Canal +) par le prix de la meilleure série française.

Le SFCC décerne aussi des prix pour les supports vidéos et les livres de cinéma. L'insulte de Ziad Doueri (meilleur DVD/Blu-ray), L'intégrale Jean Vigo (meilleur coffret), Memories of Murder de Bong Joon-ho (meilleur patrimoine) et Cinq et la peau de feu Pierre Rissient (prix curiosité) forment la liste des primés en DVD/Blu-ray.

Pour la littérature, les Critiques ont choisi Godard, inventions d'un cinéma politique de David Faroult (éd. Amsterdam), meilleur livre français sur le cinéma, Federico Fellini, le métier de cinéaste de Rita Cirio (éd. du Seuil), meilleur livre étranger sur le cinéma, et Conversations avec Darius Khondji de Jordan Mintzer (éd. Synecdoche), meilleur album sur le cinéma.

Oscars: tout fout le camp!

Posté par vincy, le 27 janvier 2019

Dès qu'on touche règles, le jeu peut être inflammable. En sport, ça a été souvent le cas pour s'adapter aux contraintes de la retransmission TV (et des coupures de pub). Ainsi la légendaire Coupe Davis va être transformée cette année pour les beaux yeux d'un mécène plein de cash, d'une organisation avide de retombées financières et médiatiques, au détriment de la beauté de ce championnat si particulier.

Il en va de même avec les Oscars. Cette année, la 91e cérémonie va tout bouleverser. Pas d'animateur pour commencer. Ce qui donne quelques sueurs froides. Kevin Hart, un temps pressenti, a du renoncer à cause d'anciens tweets pas vraiment politiquement corrects, et ouvertement homophobes. Ses excuses n'ont pas suffit. Ce sera la première fois depuis 1989 que la cérémonie n'aura pas de présentateur. Ce sera la 6e fois dans toute l'histoire du show.

Fausse note

Le show du 24 février doit tenir moins de trois heures. Depuis 1974, il explose cette durée.Pourtant la longueur des Oscars ne fait pas forcément fuir les spectateurs. Dans les années 1999-2004, quand le show durait parfois plus de 4 heures, l'audimat passait le cap des 40 millions de téléspectateurs nord-américains.

Pour accélérer le rythme, il a été décidé finalement que seulement deux des cinq chansons nommées seraient interprétées sur scène. Ce drôle de choix, d'autant plus incongru qu'il s'agit parfois des séquences les plus fortes du divertissement, est mal reçu. Les Oscars ont fait dans la facilité en prenant les deux plus gros succès de la catégorie: Kendrick Lamar et SZA’s pour "All the Stars” (Black Panther) et Lady Gaga avec "Shallow” (A Star Is Born). Tous les deux sont issus du label Interscope. Favoritisime? Nul ne doute que si Dolly Parton avait été nommée, le dilemme aurait été plus grand. Mais une chose est sûre, les trois autres titres - “The Place Where Lost Things Go” (le retour de Mary Poppins) par Emily Blunt, “I’ll Fight” (RBG) par Jennifer Hudson et “When a Cowboy Trades His Spurs for Wings” (The Ballad of Buster Scruggs) par Tim Blake Nelson et Willie Watson - n'auront pas leur temps de gloire aux Oscars. Les rumeurs rapportées par la presse professionnelle font aussi part de la honte que ces trois nominations auraient procuré au votants de la branche musicale.

Il y a quand même des précédents. En 2010 et 2012, aucune chanson n'avait été mise en scène. En 2013 et 2016, seules trois des cinq chansons nommées avaient été produites en direct.

Oscars à deux vitesses

Si aucune décision n'est officialisée, ce n'est pas le seul changement que les Oscars vont imposer. Le plus grave est sans aucun doute ailleurs. L'Académie devrait balancer pas mal des prix techniques (montage son, mixage...) durant les publicités, sans diffusion en direct à l'antenne. Un scandale qui continue de chahuter Hollywood. Déjà les Oscars d'honneur sont décernés durant l'automne et non plus en février, avec les autres.

Ce n'est finalement pas un problème d'animateur mais bien de production qu'il s'agit. Ou de confusion. Comme cet Oscar du film populaire, qui devait récompenser un film ayant récolté beaucoup de cash. Les cinq derniers films oscarisés n'ont pas dépassé les 65M$ au box office, limitant l'intérêt d'un public plus large pour la cérémonie. Pourtant, l'Académie a du rétropédaler face à la bronca suscitée.

Au nom de l'audimat, les Oscars se vident de leur puissance spectaculaire et de leur devoir de montrer toutes les facettes du cinéma. Ils se cherchent entre une volonté d'attirer le public avec des stars populaires et connues de la génération Netflix/Fortnite et de satisfaire les cinéphiles et les professionnels, plus adeptes de films d'auteurs ou de drames adultes que de blockbusters.

Satisfaire chacun, déplaire à tout le monde

Le problème des Oscars est ailleurs. Les professionnels qui votent ont des choix de plus en plus globaux (des films internationaux mal distribué aux USA, des films populaires ou des films très "arty", qui gagnent le plus souvent). De la même façon, les Oscars continuent d'être inégalitaires, provoquant des polémiques. Malgré des efforts notables. Cette année, sur les 211 nominations individuelles, 53 sont féminines soit seulement 25% (contre 23% en 2018 et 20% en 2017). Et si ça progresse aussi du côté des représentations ethniques, le compte n'y est toujours pas: dans les catégories acteur et actrice et seconds-rôles, on ne compte que cinq nommés non-blancs sur les 20. Et on n'évoque même pas les LGBTQ+, quasiment invisibles pour cette édition. Il y a encore du chemin pour que la diversité soit équitablement représentée. Mais généralement, les Oscars se rattrapent avec les remettants.

Mais depuis 2014, l'Académie ne voit qu'une seule chose: un audimat en forte baisse, avec un nombre de téléspectateurs historiquement bas l'an dernier et une part d'audience parmi les plus faibles, s'approchant des scores de la soirée des Golden Globes. C'est dire qu'il y a péril en la demeure.

« Le cinéma de minuit » passe sur France 5

Posté par vincy, le 14 janvier 2019

Dans une semaine la mythique émission "Le cinéma de minuit" changera de maison. Le rendez-vous cinéphile de France 3, présenté par Patrick Brion tous les dimanches depuis quarante-deux ans, passera sur France 5 à partir du 21 janvier 2019. Le 21 et pas le 20 puisque l'émission change aussi de jour, du dimanche au lundi.

Autant dire que le cinéma de patrimoine, même en troisième partie de soirée, est relégué d'une chaîne nationale à une chaîne de la TNT, de la troisième à la cinquième chaîne. En terme d'audience, en moyenne France 3 est quand même trois fois plus regardée que France 5. La semaine dernière France 5 a terminé 8e chaîne pour sa soirée de lundi avec 3,7% de part d'audience. Pas vraiment un aspirateur à téléspectateurs.

On aurait pu tolérer facilement ce glissement de terrain, qui assurément fera des dégâts, si l'horaire avait été plus acceptable. Certes, il s'améliore: on revient à l'horaire d'origine (avant minuit) alors que ces dernières années il fallait attendre une heure du matin le plus souvent.

Mais le groupe télévisuel public va entraîner avec sa décision une baisse de téléspectateurs assurée. On peut, alors, presque gager que l'émission disparaîtra dans un avenir pas si lointain, "faute d'audience" (on entend déjà l'argument).

Pourtant, le producteur et présentateur Patrick Brion se félicite de ce sursis. Cela fait des années que son émission est sur la sellette.

Pour essayer de ne pas couler l'un des plus beaux programmes de la télévision française, France 5 prévoit une émission - "Place au cinéma" -  à 20h50, dédiée principalement aux films des années 70 et 80 et présentée par Dominique Besnehard. Pourtant ce n'est pas ce qui est annoncé dans l'immédiat Pour sa première sur France 5, on enchaînera ainsi un téléfilm, La nourrice, de Renaud Bertrand, une série animée, une rediff d'une émission d'actualité avant de revoir M le Maudit de Fritz Lang. Idem la semaine suivante côté cohérence: un téléfilm Le temps de la désobéissance de Patrick Volson, la série animée, la rediff d'une émission d'actualité avant de découvrir Fury de Fritz Lang.

Le générique restera le même, tout comme sa musique composée par feu Francis Lai.

Quatre comédies françaises parmi les 100 meilleures audiences de l’année

Posté par vincy, le 20 décembre 2018

qqu'est-ce qu'on a fait au bon dieu?2018 aura été avant tout sportive pour les téléspectateurs. Le football a squatté l'essentiel des audiences les plus importantes sur le petit écran : le Mondial a ainsi réalisé un quart des plus grosses audiences de l'année, dont les 9 plus importantes. Et TF1 s'avère la grande gagnante avec 91 des 100 meilleures audiences de l'année.

Le cinéma apparaît comme l grand perdant avec seulement 4 films parmi les 100 meilleures audiences de l'année, contre 8 l'an dernier. Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? (8,5 M - 34,6% Part d'audience, 9 décembre), dont la suite est attendue en janvier, devance Les Tuche (7,7 M - 28,8% PDA, 4 février),  diffusé au moment de la sortie des Tuche 3 au cinéma, et Rien à déclarer (7,1 M - 28,8% PDA, 11 mars), diffusé quand le nouveau Dany Boon, La Ch'tite famille, sortait en salles.

Finalement le seul film inédit sur une chaîne nationale non payante à avoir cartonné est Retour chez ma mère, qui en 2016 avait séduit 2,2 millions de spectateurs dans les salles, et qui a réunit le 7 octobre 6,8 millions de téléspectateurs (soit 27,3% PDA).

Les quatre films, quatre comédies françaises, ont été programmés sur TF1.

A côté les séries cartonnent avec 25 fictions françaises et 18 fictions étrangères (Good Doctor étant largement dominante). Et c'est souvent un bon pari pour les comédiens parfois oubliés par le 7e art comme Muriel Robin a attiré 8,3M de téléspectateurs avec Jacqueline Sauvage, c’était lui ou moi, ou Tomer Sisley a cartonné avec Balthazar (6M de téléspectateurs en moyenne, 7,3M au plus haut). La vérité sur l’affaire Harry Quebert permet au cinéaste Jean-Jacques Annaud de retrouver le succès, après quelques échecs au cinéma.