Berlin 2013 : In the Name of… Teddy

Posté par vincy, le 8 février 2013

La compétition berlinoise a été lancée par un drame polonais sensible et subtil, romantique et viril, réalisé par Malgorzata Szumowska (à qui on devait Elles, avec Juliette Binoche). In the Name of est un blasphème en soi. Un prêtre (Adam, craquant avec ses yeux bleus et sa barbe de cinq jours) se désintéresse de la seule jolie femme du coin (Eve) et préfère un jeune homme beau et sauvage, doux et sans père, un Jésus qui ne sait même pas nager. Dans les dortoirs du séminaire, un ange blond maudit va sodomiser un de ses camarades consentant, et qui, honteux, se suicidera. L'homosexualité au sein de l'église.

Logique que ce film soit également en compétition pour les 27e Teddy Awards. Les 9 jurés internationaux n'auront que l'embarras du choix. La remise des prix aura lieu le 15 février, et s'achèvera dans une soirée orchestrée par John Cameron Mitchell.

La sélection de longs métrages comporte des films en provenance de tous les pays et de toutes les sections du Festival : Corée du sud (White Night), Géorgie (A Fold in My Blanket), Argentine (Belated), France (La religieuse), Japon (The Town of Whales), Brésil (Reaching for the Moon), Canada (Vic+Flo ont vu un ours), Taiwan (Will you still love me tomorrow). On y remarque aussi deux films avec James Franco, acteur culte chez les "LGBT" : Maladies et Interior. Leather Bar.

Des classiques (Victor, Victoria ou Certains l'aiment chaud) sont également présentés. Une sélection de documentaires et de courts métrages s'ajoute à l'ensemble.

Famille et icônes

Cette année, la devise n'est pas Au nom de (des paires ou de la liberté ou de l'égalité, ...) mais "We are Family". Avec un hommage à Jean Marais, président du jury à Berlin en 1985, dont on célèbre le centenaire de naissance en 2013. Marais n'est pas la seule icône choisie pour symboliser l'esprit de famille de la culture Queer. Marlene Dietrich, Divine, Greta Garbo, James Dean, Virginia Woolf, Jodie Foster, Freddie Mercury, Jimmy Sommerville, Montgomery Clft, tous sont exposés dans "Golden Queers", des tableaux presque warholiens de Ronaldo Hopf.

Ici les Teddy sont une institution. Alors que l'Assemblée nationale française rivalise en phrases vexantes, humiliantes, déplacées, agressives à l'égard des homosexuels, le catalogue des Teddy accueille une tribune du Maire de Berlin et une autre du Directeur du Festival de Berlin, des publicités comme celles d'Air France, sponsor officiel (!) ou des Galeries Lafayette (bien ciblée).

Même si certains ne manqueront pas de critiquer le communautarisme de ces Teddy, un simple constat montre leur utilité : tant que la relation amoureuse ou sexuelle entre deux personnes du même sexe pose problème, tant qu'un jeune homo sera conduit au suicide parce que l'homophobie environnante le rejette, tant qu'un transsexuel ne sera pas reconnu comme un être banal, tant qu'un travesti attirera les regards méprisants ou moqueurs, les Teddy Awards, mais aussi ses équivalents à Cannes et Venise, auront leur place, sans voler celle des autres. Si le cinéma s'intéresse autant à la difficulté d'être "différent" c'est bien parce que la société n'a pas encore assimilé cette différence en tant que composante naturelle, avec sa richesse et sa diversité, de notre planète.

Teddy Awards 2012 : des films entre romances amères et engagement politique

Posté par vincy, le 18 février 2012

Les Teddy Awards de cette 62e Berlinale ont été remis hier soir, récompensant les meilleurs films ayant pour thématique l'homosexualité de la sélection du Festival.

Teddy du meilleur film, Keep the lights on (photo) de l'américain Ira Sachs est une histoire d'amour de dix ans entre deux garçons assez opposés, qui vont tomber amoureux et connaître une romance intense. Fort, cru, émouvant, le film avait été remarqué à Sundance.

Teddy du meilleur documentaire, Call me Kuchu de Malika Zouhali-Worrall et Katherine Fairfax Wright retrace le parcours de David Kato, militant gay ougandais qui a notamment lutté contre la loi anti-homosexuels régulièrement présentée devant le parlement du pays. Ce militant a été assassiné durant le tournage du film.

Prix du jury, Jaurès, du français Vincent Dieutre, est une docu-fiction où les confessions du cinéastes à une amie comédienne, Eva Truffaut, entrecroisent deux histoires, celle d'une rupture avec son copain et une autre autour d'un groupe de réfugiés afghans qui résident en bas de chez lui

Prix Siegesaule (du nom du magazine gay berlinois), Parada, film serbo-croate de Srdan Dragojevic, est une comédie à la Kusturica. On y suit un groupe de militants gays qui essaie d'organiser une gay pride (en Serbie, les homosexuels ont beaucoup de mal à imposer leurs droits). Il s'associe avec des mafieux locaux pour organiser leur protection face aux menaces des groupes néo-nazis. Le film est paradoxalement un succès dans toute l'ex-Yougoslavie, l'une des régions les plus homophobes d'Europe.

Prix du meilleur court métrage à la réalisatrice péruvienne Claudia Llosa pour Loxoro.

Deux Teddy Awards d'honneur ont été remis :

- l'un à Ulrike Ottinger, cinéaste, documentariste et photographe allemande : son documentaire Prater en 2007 avait reçu l'équivalent du César du meilleur documentaire tandis que sa Jeanne d'Arc de Mongolie avait été en compétition à Berlin en 1989.

- l'autre à Mario Montez, acteur et icône d'Andy Warhol, l'un des pionniers de la culture gay underground au cinéma.

Berlin 2011 : les Teddy Awards ont 25 ans

Posté par MpM, le 16 février 2011

Teddy AwardLes Teddy Awards, qui récompensent les meilleurs films gays et lesbiens, célèbrent cette année leur 25e anniversaire. Un quart de siècle d'engagement, de résistance et de cinéphilie qui, comme le souligne Dieter Kosslick, le directeur de la Berlinale, a contribué à attirer l'attention sur les difficultés rencontrées au quotidien par les gays et lesbiennes. Mais aussi à accélérer le processus d'ouverture des esprits et à favoriser non la "tolérance", car il n'y a au fond rien à "tolérer", mais l'acceptation simple et définitive de modes de vie différents.

Depuis 1992, le Teddy Award est intégré au festival officiel. La récompense a pris une ampleur considérable, et s'est reproduite dans d'autres festivals à travers le monde (dont Cannes depuis 2010). Cet engouement, cet enthousiasme et cette détermination à continuer la lutte contre la discrimination et l'homophobie n'auraient pas manqué de faire plaisir au créateur du Teddy, Manfred Salzgeber, par ailleurs fondateur de la section panorama. D'autant qu'en 25 ans, bien des réalisateurs reconnus ont été distingués par le jury du Teddy Award, à commencer par Pedro Almodovar et Gus van Sant, premiers lauréats en 1987, mais aussi Stanley Kwan, Todd Haynes, François Ozon ou encore John Cameron Mitchell.

Cette année, 18 longs métrages, 13 documentaires et 9 courts métrages peuvent prétendre au titre. Parmi eux, on pouvait découvrir aujourd'hui le premier des deux longs métrages issus de la compétition officielle, Our grand despair du Turc Seyfi Teoman, adapté du roman éponyme de Baris Bicakci. Le film raconte la profonde amitié qui unit Ender et Cetin, deux trentenaires qui se connaissent depuis de nombreuses années et partagent un appartement à Ankara. La relation entre les deux hommes est indéniablement une relation de couple, même si eux ne le conçoivent pas ainsi, et vont jusqu'à tomber amoureux de la même femme. On découvre néanmoins au fil de l'intrigue la puissance des sentiments que se portent les personnages, notamment dans une séquence bouleversante où Ender explique que pendant l'absence de Cetin, bien des années plus tôt, il l'a cherché dans tous les hommes et dans toutes les femmes qu'il a rencontrés.

Avec beaucoup de retenue et de pudeur, Seyfi Teoman décrit ainsi une sorte de passion amoureuse qui ne dit pas son nom et lui permet de s'épanouir hors des schémas traditionnels, montrant que les relations humaines ne sont pas cloisonnées. En Turquie, l'homosexualité demeure un tabou, ce qui ajoute un éclairage supplémentaire au propos du film, et à la manière dont il est abordé par le cinéaste. Un argument qui pourrait séduire le jury présidé par Marcus Hu (producteur notamment de The living end de Gregg Araki). Réponse le 18 février lors du traditionnel gala du Teddy Awars, l'un des événements les plus courus du Festival.

Le voyage blanc de Werner Schroeter (1945-2010)

Posté par vincy, le 13 avril 2010

wim wenders werner schroeter

Il venait de recevoir un Teddy Award d'honneur au Festival du film de Berlin, trophée récompensant des films évoquant l'homosexualité. Il était sans doute l'un des précurseurs du cinéma gay, appuyé par un physique séduisant lorsqu'il était jeune. Werner Schroeter est né le 7 avril 1945. Il venait de célébrer ses 65 ans, atteint d'un cancer. Alors qu'une exposition consacrée à son oeuvre au Scwules Museum de Berlin,il a été metteur en scène de théâtre et d'opéra (Tosca à l'Opéra Bastille en 2009) et une des figures de proue du Nouveau Cinéma Allemand, aux côtés de Wim Wenders, Rainer Fassbinder, Werner Herzog et Volker Schlöndorff. Grand admirateur d'opéra, il n'aura de cesse de flirter avec les cantatrices, de Maria Callas à Maria Malibran.

Malina (1991) et Le jour des idiots (1981) ont été sélectionnés à Cannes. Palermo a reçu un Ours d'or à Berlin. Locarno lui a remis un Léopard d'honneur en 1996. A Venise, son ami Wim Wenders lui avait décerné un Lion spécial en 2008,  pour son oeuvre sans compromis et constamment innovante durant 40 ans.

Notons dans sa filmographie La mort de Maria Malibran, Le Règne de Naples, Salomé, d'après Oscar Wilde, ou Nuit de chien. Outre sa muse, Magdalena Moontezuma, il a filmé Isabelle Huppert, Bulle Ogier, Maria Schneider, Amira Casar, Carole Bouquet, Ingrid Caven... Il tournait partout en Europe ou aux Amériques...

Dans un entretien  aux Cahiers du cinéma en 1978, il se défendait d'être un cinéaste décadent et marginal. "Je n’ai jamais partagé l’avis de certaines personnes en France qui classaient mes films sous l’étiquette « décadente ». Ce qui a toujours compté dans mes films, c’est que j’ai de l’amour pour l’idée de l’amour, de la vie et de la mort. Naturellement, on peut le retrouver dans un travail plus linéaire, plus néoréaliste, pourquoi pas ? L’idée est la même dans mon dernier film que dans les précédents. On devient « gâteux » à faire toujours le même film. Mais je les aime tous beaucoup. Le problème avec ces films est que l’on ne peut ni les sortir en salles, ni les faire voir, ni gagner de l’argent, même si j’ai travaillé comme un fou. Faire un film sans être payé est difficile. Je refuse cette théorie : Ah ! Schroeter, qu’est–ce que vous avez fait de beaux films... mais vous pouvez rester dans votre « poubelle ». C’est vraiment une idée sociale qui ne me plaît pas du tout."

C'est avant tout un poète qui s'aventurait dans des expérimentations parfois déroutantes, mais toujours passionnées.

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site officiel du cinéaste en allemand

Blockbuster ’10 : Qui est Mia Wasikowska?

Posté par vincy, le 22 mars 2010

mia wasikowskaMia Wasikowska a le nom et l'allure d'une joueuse de tennis d'Europe de l'Est ou de Russie. Pourtant cette jeune femme de presque 21 ans, fille d'artistes, est Australienne, et débuta par la danse classique.  Préférant les imperfections de la comédie à la perfection du ballet, à 15 ans, elle fait ses débuts timides sur le petit écran. En 2006, elle se fait remarquée avec un second-rôle dans Le feu sous la peau (Suburban Mayhem), présenté à Un certain regard, Cannes. Elle est alors nommée dans la catégorie Jeune acteur aux "Oscars" australiens. Elle aligne quelques courts métrages. En 2008, elle croise Sam Worthington (avant son aventure d'Avatar), Michael Vartan et Radha Mitchell dans Solitaire (Rogue), navet d'action qui flop misérablement au box office.

Elle s'en sort mieux avec le rôle principal de la série "En analyse (In Treatment)", diffusée aux USA sur HBO. Son personnage est récurrent durant neuf épisodes, où elle partage la vedette avec Gabriel Byrne et Dianne Wiest. La série s'attire les louanges de la critique et reçoit des prix prestigieux. De quoi enrichir un CV de débutante.

Wasikowska participe  à Les insurgés (Defiance), film maladroit d'Edward Zwick. Dans That Evening Sun, elle impressionne davantage. Le film indépendant reçoit de multiple honneurs, notamment pour son scénario. Mia est nommée aux Independant Spirit Awards, en meilleur second rôle féminin. La sortie confidentielle aux Etats-Unis est compensée par une véritable tournée des festivals durant un an. Amelia, de Mira Nair, bénéficie de plus de moyens, mais ne remporte pas non plus l'adhésion du public américain malgré la présence de Hilary Swank, Richard Gere, et Ewan McGregor. La jeune femme incarne la pilote Elinor Smith, capable de voler sous les ponts de New York et détentrice de nombreux records.

L'actrice enchaîne avec The Kids are All Right, comédie de moeurs sur l'homoparentalité, récemment primée à Berlin par le Teddy Award. Elle y est la fille d'un couple de lesbienne (Julianne Moore et Annette Bening) qui cherche à connaître son géniteur (Mark Ruffalo). La belle année se prolonge avec le rôle-titre d'Alice au pays des merveilles. Elue par Tim Burton après un casting épique, Mia Wasikowska interprète l'héroïne mythique en passant d'une insoumise romantique à la Jane Austen ou une combattante éclatante à la Jeanne d'Arc.

Le film est un triomphe international. De quoi éventuellement la faire décoller ou, au contraire, broyer par le système.Travailleuse, elle va continuer les grands écarts, de Gus Van Sant à Une énième version de Jane Eyre.

Berlin 2010 : The Teddy is all right

Posté par vincy, le 20 février 2010

the kids are allrightPour leur 24e cérémonie, les Teddy Awards, qui récompensent les meilleurs films gays et lesbiens, ont rappelé à quel point le combat pour l'égalité des droits était toujours vivace. Amnesty international est venu informer sur scènes les nouvelles lois des pays d'Afrique de l'Est qui condamnent à mort (ou à perpétuité) les homosexuels. Le Maire (ouvertement gay) de Berlin, Klaus Wowereit, a mis en avant le fait que nous sommes tous des êtres humains, se référant à l'article 1 de la Charte des droits de l'homme des Nations Unies. "Tout être humain naît libre et égal en dignité et en droit."

Car, comme la Berlinale "classique", les Teddy sont engagés, politiques et cinématographiques. Complètement intégrés dans le Festival, c'est devenu une section parallèle incontournable qui nourrit les autres compétitions. 28 films, toutes sections confondues, avaient pour thème l'homosexualité. Même le catalogue des Teddy, broché et coloré, se permet des invités prestigieux comme éditorialistes : Elfriede Jelinek (l'auteure de La Pianiste), Inrid Caven, Isabelle Huppert et l'éternel dandy Werner Schroeter, par ailleurs présent le soir de la remise des prix.

Le palmarès a récompensé The Kids are all right, de Lisa Cholodenko (en compétition officielle de la Berlinale), avec Julianne Moore et Annette Bening en couple lesbien, mères de famille, dérangées par l'intrusion du père biologique (Mark Ruffalo) de leurs deux adolescents. Une comédie de moeurs distinguée pour "la qualité de sa réalisation et la drôlerie avec laquelle il aborde les enjeux de l'homoparentalité d'aujourd'hui, ainsi que la complexité de la sexualité, des relations sentimentales et des liens familiaux." Il était nommé face à deux autres films.

Mine Vaganti, de Ferzan Ozpetek, est aussi une comédie de moeurs, familiale, mais à l'italienne, avec un coming-out impromptu dans un clan traditionnel où les enjeux industriels croisent la réputation en société. Petit bonus (en de hors du charme irrésistible du film), rien ne se passe réellement comme prévu : il n'y a pas qu'un seul homo parmi les enfants, et cela (em)brouille tout.

Et puis Howl, de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, où l'on revient à San Francisco à la fin des années 50, quand le poète Allen Ginsberg est confronté - judiciairement - à une Amérique conservatrice et Mccarthyste. Le film met en vedette James Franco, qui a reçu un Teddy u meilleur court-métrage pour The Feast of Stephen. Nous vous avions révélé plus tôt dans la semaine ( voir actualité du 14 février 2010) à quel point ce court métrage en noir et blanc était brillant.

Le Teddy du Jury est revenu à un autre Américain, Jake Yuzna, pour Open. Ce film, entre expérimentation sensorielle et esthétique, et documentaire fictionnel sur les sexualités oubliées (pandrogyne, transsexuel, hermaphrodite). Un voyage étonnant qui met en lumières les troubles et les angoisses de personnes marginalisées en quête d'affection.

Le Teddy du meilleur documentaire, enfin, a été décerné à La Bocca del Lupo, de Pietro Marcello.

L'an prochain, le petit Ours fêtera ses 25 ans.  Nul ne doute que les boîtes de nuit affichant le drapeau arc-en-ciel prolongeront la fête avec encore plus de paillettes...