Confinement: le streaming en pleine forme, la chronologie des médias obsolète

Posté par vincy, le 2 avril 2020

Les confinés que nous sommes passent de plus en plus de temps sur les écrans (4h29 quotidiennement en mars de consommation télévisuelle, soit 44 minutes de plus qu'en mars 2019). La SVod explose.

La dernière semaine de mars, en France, 5 millions de confinés étaient branchés sur une plateforme, contre 2,7 millions il y a un an. En une semaine, le nombre de programmes regardés est passé de 14,8 millions à 18 millions, avec, en tête, la 3e saison (plutôt réussie) d'Elite sur Netflix et la dernière saison de The Walking Dead sur OCS. Netflix est le grand vainqueur de cette période : l'application a été téléchargée deux fois plus dans le monde, ses séries occupent toutes les places du Top 10 des consultations, les souscriptions ont doublé au minimum, s'accaparant les deux tiers de la consommation de Svod. Des séries comme Peaky Blinders, Stranger Things, Messiah, Riverdale occupent le terrain jusque dans les recherches Google. Et l'arrivée de la 4e saison de La Casa de Papel cette semaine va dynamiter les compteurs.

Dans le contexte, et en l'absence de salles de cinéma, il était urgent que la chronologie des médias s'adapte en France. Car, on le voit bien, hormis les feuilletons quotidiens sur les grandes chaînes nationales, les créations françaises sont inexistantes. Alors même que la vidéo à la demande profite elle aussi d'une forte croissance grâce à des initiatives comme La Toile ou des plateformes de niche comme La Cinetek, Queerscreen, Tënk ou Bref cinéma. D'autant que Canal + a du arrêter la gratuité mardi : on n'évite aucune guéguerre en France. Les chaînes concurrentes (TF1, M6) et des ayant-droits se sont plaints de cette opération destinée à valoriser les contenus de Canal (dont d'excellentes séries françaises comme Baron noir, Hippocrate, Le bureau des légendes ou la deuxième saison de L'amie prodigieuse qui commence se soir) en période de confinement au détriment de leurs intérêts (fortement fragilisés depuis le début de la crise sanitaire qui touche le pays).

Sorties anticipées en vod

Hier soir, le Conseil d’administration du CNC a finalement décidé la mise en place de nouvelles mesures pour faire face à cette période exceptionnelle.

La loi d'urgence sanitaire du 23 mars a donné la possibilité au président du CNC, Dominique Boutonnat, d’accorder des dérogations aux films encore en salles le 14 mars pour des sorties anticipées en vidéo à la demande. 25 demandes ont été déposées dans ce sens selon le Film Français, 11 selon Le Monde. Aux Etats-Unis, où il n'y a pas de chronologie des médias, les poids lours de l'hiver ont déjà été mis en ligne. Dernier en date, La Reine des neige 2 qui a avancé sa diffusion en vod de trois semaines.

Restait à savoir ce qu'il advenait des films qui devaient sortir après la date de confinement (18 mars, 25 mars, ...). Le CNC a officialisé la dispense de remboursement des aides du CNC, conditionnés à leur sortie en salles. Autrement dit, si tous les ayant-droits sont d'accord pour diffuser le film en vidéo à la demande, et non pas en salles de cinéma, les producteurs et distributeurs pourront toucher ces aides tout en évitant une exploitation au cinéma. C'est un premier pas en avant, qui montre que la chronologie des médias n'est plus si sacrée.

Souveraineté, exception culturelle et soft power

Alors que Disney + débarque le 7 avril et que le gouvernement parle de souveraineté nationale à tout bout de champs, il serait temps de faire prévaloir l'exception culturelle française, notion un peu oubliée, pour que les confinés, prisonniers chez eux, aient un accès simple et efficace, ôté de toute logique dogmatique à un contenu le plus varié possible. Mettre à disposition dans les foyers dès maintenant des films récents n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant. On peut au moins sauver certains films prévus en début de printemps dans les salles, qui ont peu de chance de pouvoir lutter contre l'inflation de sorties lors du déconfinement, en les proposant à un public naturellement captif. Il s'agit de montrer les œuvres et d'assurer des recettes pour des productions qui risquent de n'avoir ni l'un ni l'autre quand les cinémas seront rouverts.

Et c'est toujours mieux que de laisser les Français face à une offre principalement américaine.

Ce n'est pas une question de souveraineté, mais de soft power. Les références culturelles et les habitudes de la demande se forgent d'abord dans l'offre. Pourquoi pas les sagas de Pagnol, les comédies avec Louis De Funès ou les Tontons flingueurs. Mais le cinéma et la télévision française peuvent aussi montrer qu'ils peuvent rivaliser avec des productions étrangères. Même si personne n'oserait ici Sex Education (Netflix), Game of Thrones (OCS) ou les Vikings (Amazon).

On en revient à l'audace et à l'écriture, mais c'est un autre débat.

Douleurs et gloire à l’international pour le cinéma français en 2019

Posté par vincy, le 17 janvier 2020

Unifrance a annoncé les chiffres de fréquentation du cinéma français à l'étranger en 2019. 40,5 millions de spectateurs internationaux ont vu un film produit ou coproduit par la France, soit une légère hausse de 1,25% par rapport à 2018, mais un résultat très éloigné des années fastes. Cela représente un box office cumulé de 244,4M€ de recettes (+3,12%). 721 films français ont été exploités dans les salles étrangères.

Les films en langue française n'ont séduit que 25 millions de spectateurs, le plus faible score depuis 2010. Mais les productions majoritairement françaises représentent 85% des entrées à l'étranger. La comédie et la comédie dramatique sont le genre dominant (31,7% des entrées) devant les thrillers, les drames et l'animation.

Besson premier très affaibli

C'est une fois de plus Luc Besson qui règne sur l'export. Anna a attiré 4,35 millions d'entrées hors de France (un score très faible par rapport à Lucy, 56 millions de spectateurs, et Valérian, 30,5 millions de spectateurs, juste devant Mia et le lion blanc de Gilles de Maistre (4,25M), qui génère trois fois plus d'entrées à l'étrangers qu'en France. Suivent Qu’est-ce qu’on a (encore) fait au Bon Dieu de Philippe de Chauveron (3,3M), Astérix – Le secret de la potion magique d’Alexandre Astier et Louis Clichy (3,13M) et Minuscule 2 – Les mandibules du bout du monde de Thomas Szabo et Hélène Giraud (1,07M).

Une dépendance à l'Europe

L'Europe de l'ouest (Italie, Allemagne, Espagne en tête) reste de loin le principal marché avec 19,1M d'entrées, devant l’Europe centrale et orientale (7,35M) et l’Amérique Latine (4,77M). L’Italie est le pays qui a accueilli le plus de spectateurs pour le cinéma français l’an dernier, devant l’Allemagne et l’Espagne. Désormais, le continent asiatique pèse quasiment autant que l'Amérique du nord. Les Etats-Unis restent le 4e marché, malgré une chute de 18% des entrées, avec 3,17M de spectateurs. Nevada a été le film français le plus vu de l'année.

Un cinéma leader dans les festivals

Par ailleurs, en qualité, on notera que le cinéma français est toujours aussi prestigieux. Selon Unifrance, il occupe la première place dans 5 des 10 manifestations étudiées, devant la cinématographie locale ou les Etats-Unis. En moyenne, sa présence s'élève 19 % des films sélectionnés, soit quasiment 1 film sur 5 proposés par les 10 plus grands festivals internationaux est une production française de financement majoritaire ou minoritaire. Le cinéma français est également très présent au sein des palmarès, comme le prouvent les 14 prix majeurs remportés en 2019.

La France, 4e cinématographie (marginale) sur les plateformes

Enfin, Unifrance a lancé une première étude sur la présence du cinéma français sur 56 plateformes présentes dans 39 territoires l’an dernier. Les films français ne représentent que 2,4% de l’offre de la SVàD, plus importante sur les plateformes locales et régionales que sur celles plus globales comme Amazon ou Netflix. Le cinéma américain squatte 46,2% de l'offre. Le cinéma français reste quand même assez puissant puisque c'est la quatrième cinématographie présente sur les plateformes de SVàD, derrière les films américains, indiens et britanniques.

La Belgique, la Russie et la Corée du Sud sont les pays qui proposent le plus de films français. Par plateformes, ce sont Mubi, BFI Player et Curzon Home Cinema. Netflix, première plateforme SVàD en volume de contenus hexagonaux, est également la seule plateforme globale proche de la moyenne mondiale de films français (2,5 %) contre 1,8 % pour Amazon Prime Video, 1,5% pour HBO Go et pour 0,1 % Disney+.

Juste avant le lancement du 10e MyFrenchFilmFestival, le ministre de la Culture Franck Riester en a profité pour évoquer un rapprochement entre UniFrance et TV France International, qui fusionnerait les deux organismes de promotion de l'audiovisuel français. L'export devient une stratégie essentielle pour la France, avec l'attraction de tournages, en pleine forme.

Soutien à l'export

Le ministre en a profité pour faire des annonces relatives aux soutiens à l’export. "Exporter le cinéma est l'un des grands objectifs de politique publique du CNC et cet axe sera renforcé dans la revue générale des soutiens", actuellement en cours, a indiqué le ministre. "En dépit de fortes contraintes budgétaires", le CNC a ainsi décidé "de reconduire l’expérimentation du fonds de soutien automatique à la promotion internationale des films", qui avait été lancée pour trois ans en 2017. En outre, est aussi reconduite l’Aide à la distribution des films à l’étranger, gérée par UniFrance. "Nous avons besoin de nous développer partout, sur tous les supports et tous les genres. Pour cela, il faut un projet ambitieux sur le fonds comme sur la forme, qui embrasse les moyens d’actions d’UniFrance et de TV France International. Je suis convaincu qu’il faut créer, je ne sais pas si c’est le bon terme, mais une 'maison de l’export' ou bien une 'équipe de l’export' dans nos domaines" a expliqué le ministre.

Des séries Star Wars, Marvel et Pixar pour vendre la plateforme Disney +

Posté par vincy, le 11 novembre 2018

Disney lancera fin 2019 sa plateforme de streaming Disney+. Ce nouveau venu dans l'univers déjà chargé du streaming (Amazon, Netflix, Apple, etc...) va devoir convaincre qu'il est plus intéressant que les autres. Car les portefeuilles ne sont pas extensibles. Difficile pour un foyer de s'abonner à plus de deux services de streaming. Or, avec les plateformes nationales (en France celle de Canal + et celle à venir Salto), le marché se sature tout seul...

Mais Disney a de bons arguments. Disney + sera la marque familiale du groupe en SVàD, fédérant ainsi les contenus estampillés Disney, Star Wars, Marvel, Pixar et National Geographic (que Disney récupère en fusionnant avec la Fox). Cela comprendra aussi bien du contenu des catalogues de ces marques que des créations liées à ces labels.

Dès le début 2019, le groupe lancera la production d'une série tirée du long métrage Rogue One: A Star Wars Story. Dans ce prequel, le comédien Diego Luna reprendra son personnage de Cassian Andor. Une autre série issue de l'univers Star Wars, The Mandalorian, sera réalisée par Jon Favreau. La série aura pour héros un guerrier solitaire, un Mandalorien, appartenant à un clan de combattants ancestral (Boba Fett et Jango Fett portent une armure mandalorienne, et se déroulera entre les Épisodes VI et VII.

Loki, le frère de Thor chez Marvel, aura sa série. Tom Hiddleston reprendra son rôle (même s'il est officiellement décédé dans le dernier Avengers). Idem pour les héros Pixar de  Monstres et Cie qui auront le droit à leur série animée, après deux longs métrages, en 2001 et 2013.

Oscars, quotas européens, expansion internationale: Netflix mise sur le « glocal »

Posté par vincy, le 2 octobre 2018

De global, Netflix devient "glocal". La compagnie californienne continue de s'étendre. Tout d'abord à Paris. La société a annoncé la semaine dernière la réouverture d'une antenne parisienne (deux ans après sa fermeture). Cela va commencer avec trois nouvelles séries françaises, quatre films "originaux" et un documentaire. Jusque là, Netflix a produit la série en deux saisons Marseille, et développe avec Capa Drama la série Osmosis, avec Hugo becker et Agathe Bonitzer, et la sitcom Plan cœur, réalisée par Noémie Saglio (Connasse, princesse des cœurs) et Renaud Bertrand, et interprétée par Zita Hanrot, Sabrina Ouazani et Joséphine Draï.

De nouveaux projets

Netflix, qui avait promis de développer son offre française il y a quelques mois, a confirmé ses projets: la sitcom Family Business de Igor Gotesman (Five), sur l'ouverture d'un premier coffee shop en France, la série horrifique Marianne, coécrite par Samuel Bodin et Quoc Dang Tran (Dix Pour Cent, Nox) et la série Vampires, d'après le livre de Thierry Jonquet.

A cela s'ajoute quatre films: Banlieusards de Kery James et Leila Sy, avec Bakary Diombera, Jammeh Diangana et Kery James ; La Grande Classe, de Rémy Four et Julien War avec Jérôme Niel ; la romance Paris et une fête d'Elisabeth Vogler, avec Noémie Schmidt, Grégoire Isvarine et Lou Castel ; le docu Solidarité, de Stéphane de Freitas (À voix haute).

Sans oublier, la nouvelle version d'Arsène Lupin, avec Omar Sy dans le rôle du gentleman cambrioleur dans une série qui vise un public mondial.

Un ancrage local

Déjà installée à Londres et Amsterdam, Netflix va donc revenir à Paris, pour mieux se rapprocher de ses 3,5 millions d'abonnés (la plateforme en comptabilise 130 millions dans le monde). Après l'annonce d'une base de production à Madrid il y a trois mois, portée par le carton mondial de La Casa del Papel et par l'ambition d'inonder l'Amérique latine de productions hispanophones, Netflix a également révélé le 1er octobre qu'un quatrième bureau en Europe serait ouvert dans la capitale espagnole. Là encore il s'agit de se rapprocher de ses abonnés en leur offrant un contenu local, et exportable. La Casa del Papel est la série non-anglophone la plus vue de l'histoire de la plateforme dans le monde, au point de commander une troisième saison, exclusivement pour Netflix.

La bonne nouvelle c'est que la compagnie va reverser une part de ses revenus au système de production français et espagnol (2% en France), comme tous les diffuseurs.

Une grosse vague de concurrents

Cette stratégie anticipe sans doute le déferlement de concurrents (Salto pour les Français France Télévisions-TF1-M6, Disney et Hulu, Nordic 12 par les TV publiques scandinaves, etc...). D'autant que France Télévisions a récemment déclaré qu'elle ne cèderait plus les droits de ses programmes à Netflix (actuellement on peut y voir Dix pour Cent par exemple). Les fournisseurs de contenus de Netflix deviennent ses concurrents. Autant produire soi-même ses contenus dans ce cas. Car, en plus de cela, la législation européenne veut imposer un quota de 30% de programmes européens pour les plates-formes de streaming (et en cas de Brexit dur, est-ce que ça comprendra les productions britanniques?).

Mais Netflix est confronté à un autre problème. La guerre avec le Festival de Cannes, qui ne veut plus mettre en compétition des films qui ne seront pas projetés en salles, et la polémique avec le Festival de Venise, où Roma d'Alfonso Cuaron a remporté le Lion d'or alors qu'il ne sera peut-être pas diffusé au cinéma, montrent les crispations du secteur contre la plateforme. Avec ou sans chronologie des médias, les exploitants de plusieurs pays voient en Netflix un ennemi. La plateforme l'a bien compris, tout comme elle a saisi que les Oscars ne changeraient pas leur règlement, obligeant un film qui veut concourir à être projeté à New York et Los Angeles avant le 31 décembre.

Des films Netflix en salles (sauf en France)

Netflix met donc de l'eau dans son vin. Déjà avec Okja, la Corée du sud avait réussi à imposer une sortie en salles. Ce sera aussi le cas de Wolf Brigade. Le film 22 July, de Paul Greengrass, en compétition à Venise et prévu pour le 10 octobre sur Netflix, sera finalement lancé dans une centaine de salles dans le monde, notamment dans les grandes villes américaines, malgré le refus des réseaux AMC et Regal. Il sortira aussi dans les pays scandinaves le 4 octobre pour une semaine d'exploitation, mais également à Toronto, au Royaume Uni, en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Benelux et en Pologne.

Même procédé avec le nouveau film de Tamara Jenkins, Private Life, qui sera distribué dans une vingtaines de salles (New York, Los Angeles, Londres, Toronto...). Le nouveau film des frères Coen, The Ballad of Buster Scruggs, le film achevé d'Orson Welles, The Other Side of the Wind, et le film de David Mackenzie, Outlaw king, pourraient bénéficier de la même stratégie. Tout comme Roma afin qu'il puisse être nominable aux Oscars.

Cela ne changera rien pour la France. Hormis les festivals qui peuvent diffuser les films Netflix - ce sera le cas de Lumière à Lyon qui proposera le Orson Welles comme le Alfonso Cuaron -, la chronologie des médias, y compris celle qui est actuellement en discussion, empêche des sorties simultanées en salles et SVàD. Avec une victime: le cinéphile.

Venise 2018 : Roma d’Alfonso Cuaron, Lion d’or réservé au petit écran?

Posté par kristofy, le 10 septembre 2018

Roma de par sa forme anti-commerciale semblait trop fragile pour remplir des salles de cinéma. Ce n'est pas ce qu'a pensé le jury de Guillermo del Toro. Le film, en compétition au 75e Festival de Venise, a raflé le Lion d'or. C'est donc la plateforme de streaming Netflix diffusera le film. Le même cas de figure s'est présenté pour Annihilation de Alex Garland, Anon d'Andrew Niccol, Wolf Brigade de Kim Jee-won ou Mowgli de Andy Serkis: les prédictions d'exploitation en salles étant synonyme de perte d'argent, les droits ont été achetés directement ou revendus à Netflix... Ce que craignait les professionnels à Cannes (une Palme d'or pas visible en salle de cinéma) vient donc de se produire à Venise : un grand film réservé à des abonnés de Netflix.

Depuis le refus de Cannes de prendre en compétition des films Netflix (dont Roma), la position de la plateforme de ne réserver 'ses' films qu'à ses abonnés a justement évolué vers une stratégie hybride, notamment en Corée du sud. Le producteur David Linde (Participant Media) assure que le contrat mixte une sortie en salles pour viser les Oscars et satisfaire le public art-et-essai et une diffusion mondiale sur Netflix.

Les Oscars dans le viseur

Car les cinéastes prestigieux, comme Alfonso Cuarón, veulent pouvoir concourir aux Oscar, ce qui exige que le film ait une sortie limitée dans certaines salles de New York et Los Angeles. De son côté, Netflix veut aussi être aux Oscars pour valoriser son catalogue. Dorénavant, certains films Netflix pourront bien être visibles dans certaines salles de cinéma, en dehors des festivals. Le jour où Roma sera disponible sur Netflix il y aura en même temps (dans certains pays en tout cas) une sortie "day and date", "in selected theaters". Par conséquent, Alfonso Cuarón sera en lice pour les prochains palmarès de fin d'année, ce qui arrange bien le Festival de Venise.

Cuaron est un habitué de la Mostra. Tout comme Cannes qui entretient ses cinéastes 'abonnés' ou chacun de leurs films y est sélectionné, Venise accueille régulièrement les oeuvres de certains fidèles, même si, de plus en plus, le festival ignore de nombreuses cinématographies, parie sur des valeurs sûres (en compétition) et choisit une stratégie hollywoodienne face à Toronto. Le cinéaste mexicain est presque chez lui à Venise depuis que Y tu mamá también avait été en compétition en 2001 en y remportant le prix du meilleur scénario, il y est de retour en 2006 pour présenter Les fils de l'Homme puis en 2010 où il fait l'ouverture de la Mostra avec Gravity. Enfin, en 2015, Alfonso Cuarón est le président du jury de Venise.

C'est justement après Gravity, cette aventure hollywoodienne spatiale avec George Clooney et Sandra Bullock, qui a emmené Alfonso Cuarón au plus haut avec 7 Oscars. Cette année, il est revenu sur le Lido en compétition pour présenter Roma.

Une fresque intime et vécue

Ce nouveau projet revient sur terre et, dans la forme, semble presque l'exact opposé : aucune star, retour au parlé mexicain (plus précisément la langue mixtèque), en noir et blanc, d'une durée de 2h15, avec une histoire de famille inspirée de son enfance. Il fallait sans doute cette apparente austérité pour prendre le temps de regarder vivre cette famille, dont l'ampleur est soulignée par des longs plans séquences et des mouvements de travelling en ligne droite. Durant les années 1970 à Mexico et dans la région d'Oaxaca (sud du pays), on découvre d'abord la jeune Cleo dans son quotidien d'employée domestique d'une riche famille (nettoyer le sol, laver le linge, faire la cuisine...) puis au fur et à mesure l'ensemble de cette famille pour qui elle est servante : les enfants, leur mère et son mari. Celui-ci étant partant pour un long voyage, Cleo s'occupe beaucoup des enfants. Elle a des proches, qui comme elles travaillent au service de maisons. Durant son temps libre avec sa meilleure amie elle sort parfois avec des garçons pour aller au cinéma (voir Louis de Funès!). Elle va devoir annoncer qu'elle est enceinte à sa patronne, mais que le garçon ne veut plus la revoir...

La caméra à peine mobile de Alfonso Cuarón qui capte divers moments de vie est en surface une mise-en-scène simpliste. Mais dans le cadre de l'image, au second plan ou hors-champs, tout s'enrichit de gestes et de mouvements. Cette sobriété glisse toutefois vers plusieurs longs plans-séquences pleins de bravoure où des évènements-clés dramatiques se déroulent devant nos yeux : un accouchement éprouvant, un groupe armé qui envahit un magasin, une enfant qui risque de se noyer. A chaque film, le cinéaste aime défier le cinéma, entre audaces formelles et narration à tiroirs. Alfonso Cuarón présente Roma comme étant son film le plus personnel, l'histoire découlant de ses souvenirs. C'est, pour lui, une sorte d'hommage aux diverses femmes de son entourage d'enfance (Cleo est inspirée de sa babysitter) et ce à quoi elles ont dû faire face, comme justement faire un bébé toute seule pour l'une ou mentir à ses enfants en leur disant que leur père reviendra pour l'autre, durant une époque remplie de turbulences politiques (des nouvelles élections, des manifestations dans la rue).

Un récit intime pour lui, un film qu'il espère faire découvrir à un plus large public possible... sauf en France?

La Gaule réfractaire

Il y a de grandes chances que Roma ne soit pas diffusé dans l'Hexagone, soi-disant temple de la cinéphilie. Le blocage n'est plus du côté de Netflix (à condition qu'il trouve un distributeur), mais du côté de la Fédération Nationale des Cinémas Français (la FNCF, qui avait d'ailleurs fait annuler des séances d'avant-première gratuites de Okja, film Netflix en compétition à Cannes, à Paris en 2017) en lutte contre ce concurrent et perturbateur de la chronologie des médias. En France, la chronologie des média, actuellement en cours de renégociation, veut qu'un film sorti en salle ne soit disponible en SVOD que 3 ans après son exploitation (impensable pour Netflix, Amazon ou autres quand ils investissent des dizaines de millions d'euros dans les films des Coen, de Scorsese, Cuaron, Mackenzie, Greengrass ou Michod. La nouvelle réforme passerait le délais de 15 à 36 mois, ce qui n'a pas plus acceptable pour les plateformes de SvàD.

Tout le monde est finalement perdant dans cette histoire: les cinéphiles qui ne pourront pas voir le film sur grand écran, les salles de cinéma qui se privent à la fois d'un grand film qui peut séduire de fidèles spectateurs et qui poussent ces spectateurs à s'abonner à Netflix (donc à se détourner d'une sortie au cinéma), le cinéma qui va devoir s'adapter à un écran de 1m50, ...

Ironiquement, on notera que le film de Cuaron sera projeté au prochain Festival Lumière, à Lyon, dirigé par Thierry Frémaux, patron cannois entravé dans sa liberté de programmer. Le film a déjà été présenté à Telluride. Il est déjà l'un des événements des festivals de Toronto, New York et Londres Il sera sur Netflix (et dans quelques cinémas américains et mexicains) le 14 décembre.

Les documentaires de Frederick Wiseman en streaming

Posté par vincy, le 26 janvier 2018

Zipporah Films, la société du documentariste Frederick Wiseman, en compétition à Venise avec son dernier film Ex Libris, a signé un accord avec Kanopy, une plateforme de streaming spécialisée dans les documentaires, films d'auteurs et classiques de cinéma. L'intégralité des films du cinéaste sera disponible en SVàD. La particularité de Kanopy est d'être destinée aux bibliothèques (plus de 4000) et aux universités (plus de 3000). Lancé en 2008, ce service est utilisable sur iOS, Android et Windows. Il est gratuit pour les détenteurs d'une carte d'une bibliothèque adhérente à Kanopy.

Wiseman, 88 ans, lâche ainsi tout son catalogue (At Berkeley, Crazy Horse, In Jackson heights, La Comédie-Française ou l'Amour joué, La Danse - Le Ballet de l’Opéra de Paris, National Gallery...). Seul Ex Libris sera disponible plus tard dans l'année, à cause d'une clause contractuelle qui oblige le cinéaste-producteur à le diffuser d'abord sur PBS. Jusqu'ici, aucun film du réalisateur n'est diffusé sur une plateforme SVàD.

Au total 40 films seront accessibles et trouveront sans aucun doute un nouveau public. Plus de 5 millions de personnes utilisent Kanopy, qui propose plus de 30000 œuvres.

Ex Libris, The New York Public Library sortira en DVD et en VàD en France le 6 mars.

Edito: Gold Stream

Posté par redaction, le 25 janvier 2018

Les chiffres sont tombés: 7 nominations aux Oscars et 111 millions d'abonnés pour Netflix. La plateforme n'en finit pas de s'envoler. Le dernier trimestre a été porté par le carton de Bright, un film avec Will Smith à 90M$ exclusivement diffusé à ses abonnés, et les succès de The Crown, Mindhunter, Black Mirror et Stranger Things côté séries. Netflix a ainsi encaissé un profit de 186M$ au dernier trimestre. Et a annoncé un gros investissement dans les créations originales pour l'année qui vient, y compris sur des marchés locaux comme l'Allemagne. Au total, c'est pas loin de 8 milliards de dollars qui seront dépensés. A Sundance, c'est déjà l'un des acteurs les plus présents au marché du film cette semaine. Et sa dernière acquisition n'est rien d'autre que Rodolphe Belmer, ancien patron de Canal +, qui rendre au conseil d'administration du groupe pour développer le marché européen. Seul bémol, le chèque de 39M$ qu'il a fallu payer à Kevin Spacey pour l'abandon de sa présence dans House of Cards et le développement du biopic Gore.

La guerre est désormais du côté des contenus mais surtout de leur diffusion. La SVàD excite tout le monde. Turner et Warner Bros vont lancer FilmStruck, un service SVOD déjà disponible aux Etats-Unis et qui va s'exporter, d'abord au Royaume-Uni. Le groupe Disney prévoit de lancer son propre service en 2019, avec un catalogue qui pourrait gigantesque si le rachat de la Fox est autorisé, en plus de prendre la majorité des parts dans Hulu.

De leurs côtés, MoviePass (1,5 million d'abonnés en fichier) s'invite dans le business à Sundance en lançant MoviePass Ventures, afin d'acquérir des films. Le service de cartes de fidélité tout juste lancé trouble le jeu pour pouvoir devenir distributeur. Première acquisition avec The Orchard, American Animals, pour 3M$, réalisé par Bart Layton. Quel va être le rôle de ce nouvel entrant? Vraisemblablement, fournir ses fichiers d'abonnés au distributeur pour des campagnes marketing ciblées, en plus de tarifs réduits sur le film: de quoi faire monter les recettes pour un premier week-end.

Amazon change de stratégie. Le studio s'était construit en défendant un cinéma d'auteur (Manchester by the Sea, The Lost City of Z). Il veut désormais miser sur des films à 50 millions de $. Amazon veut des contenus qui élargissent son audience pour persuader ses "spectateurs" qui sont aussi des consommateurs de rejoindre on programme Prime. Pour la série Le Seigneur des anneaux, Amazon investit 250M$.

On en est là: les Américains envahissent l'espace et chamboulent les règles. Pendant ce temps, en Europe on se débat avec la chronologie des médias, Wild Bunch et Canal + vont très mal, France Télévisions réfléchit à un Netflix européen (aux allures d'usine à gaz), projet d'ailleurs abandonné par Canal +, et les Français se gavent de séries (plutôt américaines du coup, parfois britanniques) sur des plateformes numériques (toutes américaines).

La France veut devenir une superpuissance culturelle, avec une "soft power" qui réussit bien aux Etats-Unis et au Japon, et veut que la francophonie devienne le deuxième territoire linguistique du monde: c'est mal parti avec un tel retard. On connaîtra bientôt mieux le jargon de la Maison blanche et des prisons américaines que l'argot et les coutumes de l'Hexagone.

Cannes 2017: Netflix en compétition, ça ne plaît pas à tout le monde…

Posté par vincy, le 15 avril 2017

Ce n'est pas une surprise. Est-ce une polémique? Toujours est-il que la sélection en compétition du 70e Festival de Cannes de deux films qui seront diffusés sur Netflix provoquent des grincements de dents.

The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach a été acquis par Netflix en tant que simple diffuseur il y a une semaine, avant le dévoilement de la sélection. Okja de Bong Joon-ho est une production Netflix et prévu dès le départ un produit 5 étoiles (Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal au casting) pour la plateforme en SVOD.

Respect des règles

La Fédération nationale des cinémas français (FNCF) a envoyé un communiqué pour exprimer son inquiétude. "Si les salles de cinémas ne remettent pas en cause la liberté de programmation du premier festival de cinéma du monde, ni le fait que de nouveaux acteurs internationaux viennent légitimement, comme Amazon, contribuer au développement et au financement du cinéma, elles contestent ce choix qui a été fait sans concertation", déclare la FNCF. En fait, à travers cette remarque, la Fédération s'interroge sur la fameuse chronologie des médias: "Si des films du Festival de Cannes contrevenaient à la réglementation en vigueur sur la chronologie des médias, par exemple en étant diffusés sur Internet simultanément à une sortie en salle, ils seraient passibles de sanctions par le CNC ! Et qu’en sera-t-il demain, si des films du Festival de Cannes ne sortaient pas en salle, remettant ainsi en cause leur nature d’œuvre cinématographique ?".

La fédération enfonce le clou avec l'argument juridico-fiscal: "Netflix, qui vient de fermer ses bureaux en France, montre qu’il contourne depuis plusieurs années la réglementation française et les règles fiscales (TVA et TSA). Ces règles fondent le cycle vertueux et le financement d’un écosystème exemplaire pour le cinéma dans notre pays, qui permet aujourd’hui à la plupart des films français et étrangers de la sélection officielle d’exister".

Autrement dit, Netflix ne joue pas le jeu, et ne respecte aucune règle du système français, qu'il soit légal ou financier. Ce que réclame la FNCF est simple: la garantie que The Meyerowitz Stories et Okja sortent bien en salles en France, avant leur diffusion sur Netflix.

Chronologie des médias, saison 20

Cette interpellation est légitime, mais nous semble mal posée. Cette chronologie des médias, dont la directive célèbre ses 20 ans, pose problème depuis quelques années avec le surgissement de la SVOD, de la VàD et du piratage. Le modèle actuel semble déjà dépassé. D'ailleurs, le Festival de Cannes sélectionne chaque années des films qui n'ont pas l'assurance de sorties en salle (et n'ont même pas de distributeurs au moment de leur sélection voire de leur projection cannoise). Et certains de ces films connaissent des sorties en salle si réduites qu'on peut se demander si une diffusion simultanée en SVOD ou en prime-time sur Arte ne serait pas plus profitable (on ne dit pas que c'est mieux, car l'expérience d'une salle de cinéma reste irremplaçable pour voir un film). Enfin, il est arrivé par le passé que des films produits par la télévision soient en sélection officielle. Prenons trois exemples.

Elephant de Gus Van Sant, Palme d'or en 2003, était un film produit par HBO. Sans sa Palme, d'ailleurs, il ne serait jamais sorti en salles aux Etats-Unis, visant ainsi, en vain, les Oscars. Ma vie avec Liberace, de Steven Soderbergh, est aussi un téléfilm coproduit par HBO. Présenté en compétition, le téléfilm avait bien un distributeur en France (ARP) mais n'est jamais sorti sur les grands écrans américains : la chaîne payante HBO l'a même diffusé sur le petit écran américain quelques jours après sa projection cannoise. Enfin, Carlos, d'Olivier Assayas, qui avait déclenché une polémique similaire à celle d'aujourd'hui.

Initialement prévu pour la télévision, le film, sélectionné hors-compétition, était produite par Canal +, et a été présenté dans sa version intégrale, en trois parties, tout en étant diffusé simultanément sur la chaîne cryptée (fin mai/début juin). Le film sera vendu sous une version cinématographique dans les autres pays. Et finalement, cette version raccourcie à 2h45 est sortie le 7 juillet en France, dans une centaine de salles, distribué par MK2. Cette solution était d'autant plus baroque que le DVD était disponible juste après sa diffusion télé début juin. "Bizarre chronologie des médias" écrivait-on à l'époque.

Un débat sain

Par conséquent, la polémique Netflix du jour n'est qu'une nouvelle petite secousse sismique dont on a déjà ressenti les premiers effets au début des années 2000. Le Festival de Cannes a d'ailleurs une vertu sur ce registre: en anoblissant des films produits pour la télévision, il les conduit généralement dans les salles de cinéma.

La FNCF souhaite avoir les garanties que les deux films Netflix sortent en salle en France. Au nom de l'exception culturelle. Ce n'est qu'une stratégie défensive. Cela ne résoudra rien au problème de fond: dès lors que des plateformes comme Netflix entrent dans la production de films signés de grands cinéastes, il faudra sans doute revoir notre façon d'aborder la chronologie des médias et la définition même d'un film de cinéma.

Les deux films seront diffusés sur Netflix en 2017 pour les abonnés de la plate-forme dans les pays où le service est disponible. Cela touche 93 millions de personnes dans le monde. Si pour Okja, une sortie en salles n’est pas exclue, qu'en est-il de The Meyerowitz Stories? Et cela ne concernerait-il que la France, ou des pays comme la Corée du sud (pour Okja) et les Etats-Unis (pour que Meyerowitz vise les Oscars)? Ce genre de débats en tout cas n'a jamais lieu dans les autres festivals...

D'autant, Netflix ne cache pas vouloir proposer ses films simultanément en salles et en ligne. Là il s'agit d'instaurer un dialogue équitable entre la plateforme américaine qui veut faire plier un écosystème (gaulois) et un pays qui refuse le diktat d'une transnationale. Cette "uberisation" a un impact certain puisque ce ne sont pas seulement les films "Netflix" qui sont en jeu. En court-circuitant les salles qui pourraient diffuser les deux films sélectionnés à Cannes, ce ne sont pas les grands groupes de distribution qui sont menacés mais bien les exploitants indépendants, bien plus dépendant de ce genre de films, qui seraient ainsi un peu plus fragilisés.

Dans un échange de tweets passionnant entre Jean Labadie (Le Pacte) et Vincent Maraval (Wild Bunch, qui avait déjà expérimenté la projection cannoise en off d'un film qui sortait en VàD), on constate que le dialogue semble dans l'impasse. Pourtant c'est bien un autre débat qu'ils soulèvent, l'un en défendant l'exploitation et la distribution, l'autre en privilégiant la création (les deux n'étant pas incompatibles). Dans cette histoire, ce qui est en jeu c'est davantage la liberté d'accès au cinéma. La démocratisation, est-ce le fait que tous pourront voir les films dans une salle de cinéma près de chez soi ou que tous les films pourront être vus, chez soi ou en salle, par le plus grand nombre?

A la tête de Fidélité productions, Marc Missionnier préfère y voir une ouverture avec ces films et séries prévus pour le petit format. Une ouverture "en grand".

Les petites ambitions cinématographiques de Netflix

Posté par vincy, le 2 octobre 2014

michelle yeoh tigre et dragon

Netflix s'est fait connaître avec les séries (House of Cards). Mais la société américaine a aussi des ambitions dans le cinéma. En annonçant à deux jours d'intervalle deux partenariats exlcusifs de production cinématographique, le "leader mondial de la TV en streaming" (50 millions d'utilisateurs selon ses propres chiffres) affiche ses velléités.

Netflix proposera ainsi le 28 août 2015 la suite de Tigre et Dragon ( Crouching Tiger Hidden Dragon 2: The Green Destiny). Le film sortira en simultané dans les salles IMAX et sur le petit écran, dans tous les pays où le service est présent. Modérons le coup d'éclat : en France, avec la règlementation sur la chronologie des médias, une sortie simultanée en SVàD et sur grand écran est impossible - il ne sera donc disponible qu'en SVàD; et aux Etats-Unis, deux grands circuits de salles (Regal et Cinemark) ont déjà refusé de sortir le film dans leurs salles Imax s'il sort en même temps en SVàD.

Le film, produit par Miramax, est réalisé par Yuen Wo-ping et seule Michelle Yeoh reprend du service dans un casting où l'on retrouve Harry Shum Jr. et Donnie Yen.

Ensuite, ce matin, Netflix a envoyé un communiqué indiquant qu'elle diffusera quatre films produits et interprétés par Adam Sandler, l'un des comédiens les plus populaires aux Etats-Unis (même si son étoile pâlit au box office ces dernières années). Ils seront destinés exclusivement aux utilisateurs de Netflix. "Quand on m'a proposé de faire quatre films, j'ai tout de suite dit oui parce que Netflix c'est trop de la balle! En avant le streaming!" a lancé Adam Sandler. En dehors de Copains pour toujours et de sa suite, Sandler a surtout connu d'importantes déconvenues au box office. Son dernier film Blended n'ayant rapporté que 46M$ et Crazy Dad à peine 37M$. Pour Sandler, c'est une manière de reconquérir son public, plus apte à s'amuser de ses frasques en vidéo le samedi soir. Pour Netflix, c'est l'assurance de proposer des comédies populaires.

Mais pas de quoi faire bondir les utilisateurs français, public ingrat qui n'a jamais vraiment été séduit par l'humour de Sandler.

Loin d'être encore une menace pour ses concurrents français

Ce n'est pas encore avec ces deux premières annonces que Netflix va jouer les perturbateurs dans l'industrie du cinéma - tout comme il n'a pas encore révolutionné l'industrie des programmes pour la télé et internet. Pas de quoi faire peur non plus, en France, au contributeur historique du cinéma français, Canal +. Et quand bien même, Netflix France annoncerait de telles ambitions, il faudrait que la société se plie aux règles de la concurrence et interviennent sur plusieurs films locaux par an.

En s'installant au Luxembourg, comme Apple et Amazon, Netflix y gagne fiscalement et financièrement, c'est certain, et s'enlève de nombreuses contraintes juridiques, c'est évident. Mais le groupe doit contribuer au financement de la production audiovisuelle française en devant verser 2% de son chiffre d'affaires en France au Centre national du cinéma et de l'image. Et Netflix devra payer la TVA à partir du 1er janvier sur ses recettes françaises. En revanche, il ne peut solliciter aucune aide à la production.

Pour l'instant Netflix échappe à l'impôt français sur les sociétés, à l'obligation de signalétique d'âge et aux quotas (60% de contenus européens et 40% de contenus français dans son catalogue). Il ne doit pas non plus s'assurer que 12% de ses recettes proviennent de visionnage de programmes français.

La solution pour remédier à cette distorsion de concurrence ne peut venir que de la nouvelle Commission européenne, qui doit poursuivre le travail de la précédente en obligeant tout diffuseur à respecter les règles du pays auxquels sont destinés les contenus. Si un contenu est diffusé ou consommé en France, le groupe devra respecter les lois françaises.

Même la nouvelle ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, s'est résolue à ce principe. Jusque là, cette spécialiste du numérique avait, diplomatiquement, chercher à ne pas de fâcher avec les multinationales du Net.

"C'est une situation qui ne doit pas se régler en vilipendant les sociétés qui font ce choix, puisque c'est un choix de rationalité économique", mais en "faisant en sorte qu'on harmonise les conditions fiscales au niveau européen", avait-elle déclaré il y a un mois. Elle va désormais plus loin : "L'avantage concurrentiel qu'ils en retirent doit par conséquent être neutralisé", désignant Netflix, débarqué en France le 15 septembre, sans jamais le citer.

En deux semaines, le réseau français compterait plus de 100 000 utilisateurs en France (Canal + en revendique près de 10 millions et son service de SVàD CanalPlay environ 500 000). Le chiffre peut paraître impressionnant : mais n'oublions pas que l'offre est gratuite pour le premier mois d'abonnement. Reste à savoir combien de téléphages paieront entre 8 et 12 euros par mois pour voir les films et séries de Netflix.

Changer la chronologie des médias pour résister à Netflix?

Posté par vincy, le 21 juillet 2014

aurélie filippettiL'arrivée de Netflix en France fait-elle vraiment peur? On se demanderait bien pourquoi. Le modèle économique n'est pas vraiment nouveau (abonnement mensuel pour visionnages illimités) puisqu'il est déjà exploité dans la bande dessinée numérique (Izneo) ou la musique (Spotify). La Vidéo à la demande et les chaînes en replay fonctionnent bien et sont assurées de contrats pluri-annuels de diffusions de programmes solides, ce que ne propose pas, a priori, Netflix ou éventuellement Amazon, YouTube et autres. Mais Netflix fait quand même peur puisque le ministère de la Culture et de la Communication est prête à révolutionner la chronologie des médias.

Dans Le Figaro d'aujourd'hui, la ministre, Aurélie Filippetti, avance donc une proposition choc pour essayer de résister à ce nouveau venu numérique américain (qui évidemment payera ses impôts ailleurs).

"La salle de cinéma doit dans ce nouveau cadre continuer à primer pour les films"

Constatant que depuis 5 ans, l'environnement numérique a changé les règles en matière de diffusion de films (et pas seulement : il est de plus en plus rare qu'un film tienne l'affiche plus de quatre semaines dans des combinaisons de salles importantes), Aurélie Filippetti considère qu'il est temps "d'en tenir compte et de donner un nouvel élan à nos industries culturelles, tout en favorisant les offres légales en ligne". Elle propose donc "un nouvel équilibre" pour la chronologie des médias. "La salle de cinéma doit dans ce nouveau cadre continuer à primer pour les films", rejetant ainsi l'idée "d'une diffusion simultanée sur Internet". "Des dérogations encadrées devraient être prévues pour des films qui auraient très vite épuisé leur potentiel en salles". Dispositions qui ont déjà été assouplies en 2009, mais qui ne suffisent plus apparemment.

Par conséquent, la ministre souhaite que les films soient diffusés en VàD par abonnement non plus 36 mois après la sortie en salles mais 24 mois. "La fenêtre d'exclusivité des chaînes de télévision pourrait être resserrée" ajoute-t-elle. Par ailleurs, elle veut réduire de deux mois le délai pour qu'une chaîne de télévision diffuse un film. Canal + pourrait ainsi diffuser un film sorti en salles il y a 8 mois au lieu de 10, TF1 ou M6, si elles sont coproductrices du film, n'attendrait plus 22 mois mais seulement 20 mois, et plus généralement n'importe quelle chaîne hors cinéma pourrait inscrire dans son programme un film sorti il y a 28 mois au lieu de 30.

Enfin, la ministre voudrait que "la diffusion de courts-métrages soit libre".

Tout cela ne résout pas le plus gros problème du moment : face à l'encombrement des salles en nouveautés chaque semaine, et à la fragilité des films qui sortent sur moins de 50 copies, comment faire pour ne pas ouvrir la porte à des diffusions simultanées entre quelques salles et le web pour des oeuvres plus vulnérables (documentaires, art et essai)?

Développer la VàD pour limiter le piratage?

Nous "sommes engagés dans une stratégie de souveraineté culturelle et numérique de la France" explique-t-elle. Comprendre : on veut protéger le modèle économique français (qui, il est vrai, permet à l'industrie audiovisuelle nationale de mieux se défendre face aux concurrents américains, contrairement aux autres pays européens).

"Il faut promouvoir et développer l'excellence des acteurs hexagonaux dans le domaine de la vidéo à la demande. Il faut faciliter l'accès des internautes aux offres légales, en travaillant sur leur visibilité et leur disponibilité" affirme la ministre. De fait la VàD et la SVàD ont fait de nets progrès en matière d'ergonomie depuis un an. Mais combien de films, y compris des blockbusters ou des grands films d'auteurs, ne sont pas encore disponibles à la demande. Ainsi, Django Unchained de Quentin Tarantino n'est toujours pas visible sur le portail Numéricable, un an et demi après sa sortie. Pas étonnant que ce soit l'un des films les plus piratés en France.

"Dès la rentrée, je lancerai un appel à propositions pour un dispositif de référencement des sites de vidéos qui contribuent au soutien et à l'exposition de la création française et européenne" annonce-t-elle.

Reste que toutes ces évolutions ne se feront cependant que par un accord interprofessionnel.  Pour l'instant, le débat est ouvert : certains jugent le dispositif actuel archaïque et inadapté, d'autres militent pour favoriser des exceptions quand il ya  une légitimité éconoique à le faire, et puis il y a évidemment ceux qui sont farouchement contre (notamment les exploitants) et d'autres qui veulent une réflexion plus globale sur les nouvelles technologies.

En 2009, les professionnels de la profession avaient accouché dans la douleur d'évolutions comme l' avancement de la fenêtre vidéo à 4 mois, la création de nouvelles fenêtres à la demande en plus de celles de la TV (VOD et SVOD), le repositionnement des fenêtres des chaînes de TV payantes et en clair.