Berlin : Chen Kaige renoue avec l’opéra de Pékin

Posté par MpM, le 11 février 2009

mei lanfang forver enthralledContinent chéri des festivals occidentaux depuis le début des années 90, l’Asie était cette année la grande délaissée de la compétition officielle avec seulement un long métrage sélectionné, Mei Lafang (Forever enthralled,) alors que les sections parallèles regorgent d’œuvres venues de Corée du Sud, de Hong-Kong, de Chine continentale ou encore d’Indonésie. Le film, qui marque les retrouvailles de Chen Kaige avec l’univers de l’opéra de Pékin, a d’ailleurs bénéficié d’un accueil plutôt glacial lors de sa présentation à la presse. Non seulement la salle, où il ne reste d’ordinaire pas un seul fauteuil de libre, n’était pleine qu’aux deux tiers, mais en plus la moitié des spectateurs a choisi de sortir avant la fin. Ressenti mitigé, donc, devant cette fresque historique qui n’est pas sans évoquer le grand succès de Kaige, Adieu ma concubine.

Cette fois-ci, il s’agit du destin exceptionnel de Mei Lanfang, acteur et chanteur culte qui fit connaître l’opéra chinois dans le monde entier, mais au prix d’une vie personnelle constamment sacrifiée sur l’autel de l’art. Dans le rôle du chanteur, on retrouve la pop star Leon Lai (vu dans des films comme Internal Affairs III ou Seven Swords), aux côtés de la star Zhang Ziyi. Kaige a choisi une ligne narrative elliptique et subtile qui laisse le temps aux personnages de se dévoiler tout en nuances et ménage de longues séquences de chant et de représentation. Loin d’être un prétexte, l’opéra est le centre névralgique du film, celui autour duquel se nouent et se dénouent tous les conflits.

Plus que la figure mythique, c’est le rapport de l’artiste à son art qu’interroge le cinéaste, auscultant les conditions drastiques qui mènent au succès absolu et les motivations intimes de ceux qui y consacrent leur existence. Bien sûr, c’est parfois long et lent, beau mais figé, manquant d’un véritable enjeu dramatique. Pourtant, ce qui est intéressant, c’est que Mei Lanfang fut en son temps un novateur qui voulait faire évoluer le théâtre traditionnel. Son ami et mentor fustige en effet au début du film le style empesé de ces pièces destinées à endormir les consciences et maintenir les êtres dans une acceptation béate de leur condition. "Le grand théâtre doit montrer comment briser les règles", dit-il. Plus tard, il placera l’individu Mei Lanfang au-dessus du groupe et de l’intérêt collectif. Et celui-ci résistera au pouvoir dirigeant (l’envahisseur japonais) malgré les menaces et les brimades.

Il s’agit donc d’une histoire volontairement contestataire (contre les règles, les traditions, la politique…) qui place l’art au-dessus de tout le reste. Le parallèle avec le cinéma est tentant qui, en Chine, accueillerait avec joie un assouplissement des règles, et ne devrait supporter aucune compromission scénaristique ou esthétique. Le retour du chef de file de la 5e génération à un cinéma engagé ? A moins que le contexte particulier de la Chine ne donne tout simplement envie de voir dans chaque film une sorte de manifeste sur la situation politique actuelle…