Venise 2018: aucun film français parmi les premiers prix décernés à la Mostra

Posté par vincy, le 8 septembre 2018

La première salve de prix (ils sont nombreux) a été remise au fil des heures à la 75e Mostra de Venise. Si le nouveau Laszlo Nemes a eu les faveurs de la critique internationale, ce sont d'autres films de la compétition qui récolte deux ou plusieurs prix tous jurys confondus. Les films de Florian Henckel von Donnersmarck et Julian Schnabel notamment, mais surtout Capri-Revolution de Mario Martone qui rafle six prix. Le cinéma italien se porte plutôt bien avec plusieurs prix pour Ricordi? et Sulla mia Pelle, distribution Netflix. La plateforme de streaming  n'a, cependant, pas fait de razzia malgré des titres forts en compétition.

L'autre vainqueur est bien entendu le film de Saeed Al Batal et Ghiath Ayoub, Still Recording, déjà deux fois récompensé à la Semaine internationale de la critique. Le film repart avec deux autres prix, dont celui de la critique internationale pour les sections parallèles, et une mention spéciale. Mais, si deux films français ont les honneurs des sections parallèles (Giornate degli autore et SIC), aucun film français, toutes sélections confondues, n'a été distingué avant le palmarès suprême.

Une chose est certaine: hormis éventuellement le Martone, aucun film n'a réellement fait l'unanimité parmi ces jurys très divers, ce qui laisse le palmarès très ouvert.

FIPRESCI Award (Critique internationale)
Napszállta (Sunset) de László Nemes
Lissa Ammetsajjel (Still Recording) de Saeed Al Batal et Ghiath Ayoub (sections parallèles)

Lionceau d'Or
Werk Ohne Author (Never Look Away) de Florian Henckel von Donnersmarck

Queer Lion Award
José de Li Cheng

UNICEF
What you gonna do when the world's on fire? de Roberto Minervini

CICT - UNESCO "Enrico Fulchignoni" Award (Conseil International du Cinema et de la Télévision)
Pepe, une vie suprême d'Emir Kusturica

Smithers Foundation Award (UNESCO et observatoire culturel de l'ONU)
A Star is Born de Bradley Cooper
Mention spéciale: The Mountain de Rick Alverso

HRNs Award (Droits de l'Homme)
A Letter to a Friend in Gaza d'Amos Gitai
Mentions spéciales: Peterloo de Mike Leigh et 1938 Diversi de Giorgio Treves

Lanterna Magica Award
Amanda de Mikhael Hers

Francesco Pasinetti Award (Syndicat national des journalistes de cinéma italiens)
Capri-Révolution de Mario Martone
Prix spécial: Sulla mia Pelle d'Alessio Cremonini pour les interprétations d'Alessandro Borghi et Jasmine Trinca

FEDIC Award (Federation italienne des cinéclubs)
Sulla mia Pelle d'Alessio Cremonini
Mentions spéciales: Ricordi? de Valerio Mieli et I Villani de Daniele De Michele

Gillo Pontecorvo Award (Institut pour le cinéma des pays latins)
Meilleur coproduction pour un premier film: The Road not taken de Tang Gaopeng

Lizzani Award – ANAC (Association nationale des auteurs pour le cinéma)
Capri-Révolution de Mario Martone

Brian Award (Athées et Agnostiques)
Sulla mia Pelle d'Alessio Cremonini

SIGNIS Award (Associations catholiques)
Roma d'Alfonso Cuarón
Mention spéciale: 22 July de Paul Greengrass

Interfilm Award for Promoting Interreligious Dialogue (Organisation interreligieuse)
Tel Aviv on Fire de Sameh Zoabi

Green Drop Award (Croix verte italienne)
At Eternity's Gate de Julian Schnabel, et pour Willem Dafoe

ARCA Cinemagiovani Award (jeunesse)
Meilleur film italien: Capri-Révolution de Mario Martone
Meilleur film: Werk Ohne Author (Never Look Away) de Florian Henckel von Donnersmarck

Sorriso diverso Award (université)
Un Giorno all'improvviso de Cirio D’Emilio

UNIMED Award (universités méditerranéennes)
A Tramway in Jerusalem d'Amos Gitai

Edipo Re Award (Université de Padoue)
Lissa Ammetsajjel (Still Recording) de Saeed Al Batal and Ghiath Ayoub

Fondazione Mimmo Rotella Award
Julian Schnabel et Willem Dafoe pour At Eternity's Gate

NuovoImaie Award (Droit des artistes)
Linda Caridi pour Ricordi? de Valerio Mieli et Giampiero De Concilio pour Un Giorno all'improvviso de Cirio D’Emilio

La Pellicola d'Oro Award
Franco Ragusa pour les effets spéciaux de Suspiria
Katia Schweiggl pour les costumes de Capri-Révolution
Prix pour l'ensemble de sa carrière: Atelier Nicolao du Stefano (costumes)

Premio Soundtrack Stars (musiques de film)
Meilleure BOF: Capri-Révolution de Mario Martone, musique de Sacha Ring et Philipp Thimm
Meilleure chanson: A Suspirium de Thom Yorke pour Suspiria de Luca Guadagnino
Mention spéciale: Judy Hill pour What You Gonna Do When the World's on Fire de Roberto Minervini

Premio Vivere da Sportivi, Fair play al cinema
What You Gonna Do When the World's on Fire de Roberto Minervini
Mentions spéciales: Zen sul Ghiaccio Sottile de Margherita Ferri et Lissa Ammetsajjel (Still Recording) de Saeed Al Batal and Ghiath Ayoub

Sfera 1932 Award
Capri-Révolution de Mario Martone

en attente: HFPA Award (Hollywood Foreign Press Association)
Casa Wabi – Mantarraya Award

Venise 2018 : les Oscars dans le viseur, Netflix sur le tapis rouge

Posté par kristofy, le 30 août 2018

Le Festival de Venise, alias la 75ª edizione della Mostra internazionale d'arte cinematografica, s'est ouvert avec comme rampe de lancement un film prestigieux en ouverture : First Man de Damien Chazelle (oscarisé pour la mise en scène de La la Land, qui ouvrait Venise il y a deux ans), venu pour cette première mondiale accompagné de Ryan Gosling, Claire Foy, Olivia Hamilton, et le scénariste Josh Singer (déjà oscarisé pour Spotlight).

La place de Venise sur le calendrier en septembre, en parallèle du Festival de Toronto et celui de Telluride, le confirme de plus en plus comme un "lanceur" pour la saison des prix. Certains studios dévoilent des productions oscarisables dans ce seul objectif, dédaignant de plus en plus le Festival de Cannes. L'année dernière il y avait eu ainsi La forme de l'eau de Guillermo del Torro (Lion d'or, et président du jury 2018), récompensé quelques mois plus tard par 4 Oscars dont ceux de meilleur film et du meilleur réalisateur, et Three Billboards: Les Panneaux de la vengeance, Oscar de la meilleure actrice et du meilleur second-rôle masculin. Et on remonte plus loin avec avant Premier contact, Jackie, Birdman, The Master, Black swan..

First Man de Damien Chazelle a été apprécié à la fois pour ces scènes d'actions spatiales et pour le drame humain et familial du héros. On se doute qu'il aura une nomination quelque part aux Oscars.

Mais c'est une tout autre question qui agite le Lido : Netflix impose une large présence au Festival de Venise avec 6 films (en compétition ou pas). Sous le label de la plateforme de streaming, persona non grata de la compétition cannoise, on verra donc notamment en compétition trois films Netflix: Roma de Alfonso Cuarón (son nouveau film sans aucune star depuis les 7 Oscars de Gravity), The Ballad of Buster Scruggs des frères Coen (série remontée en film), et 22 July de Paul Greengrass (à propos des attentats d'Oslo et d'Utoya de 2011).

On verra aussi The Other Side of the Wind , dernière oeuvre posthume de Orson Welles (dont le montage arrive 40 ans après sa mort) et le documentaire They'll love me when I'm dead de Morgan Neville (d'ailleurs oscarisé en 2014). Alberto Barbera, le responsable de la sélection de Venise, n'a d'ailleurs pris aucune position particulière à propos de ces films qui ne seront pas visible en salles : il s'agit d'observer le cinéma qui est dans une période de changements et qu'un Festival avait pour rôle de programmer pas des films, sans se préoccuper de leur distribution... "Je ne vois aucune raison d’exclure de la compétition du festival un film de Cuaron ou des frères Coen uniquement parce qu’il a été produit par Netflix" a-t-il déclaré. Venise bénéficie surtout d'un avantage sur Cannes: en Italie il n'y a aucune chronologie des médias contraignante, contrairement à la France. Evidemment, les organisations professionnelles ont critiqué cette prise de position.

Mais l'affaire va plus loin. Le film italien Sulla Mia Pelle d'Alession Cremonini, prévu pour faire l’ouverture de la section Horizon, sortira dans les salles italiennes le 12 septembre, en même temps que sa mise en ligne sur Netflix. Les distributeurs accusent le Festival de favoriser une major américaine au détriment des professionnels locaux, très fragiles.

Du côté Netflix, il y a aussi plusieurs titres encore à Toronto comme Hold the dark de Jeremy Saulnier.

Alors que Cannes avait statué (pas de Netflix en compétition) tout comme Steven Spielberg ("once you commit to a television format, you're a TV movie"), le débat va continuer. Un film Netflix pourrait gagner un Lion d'or à Venise ? peut-être un Oscar ? Cette année la campagne Netflix est en tout cas lancée... L'enjeu n'est pas simplement la reconnaissance par une statuette (et de ses divers bénéfices en dollars) : Netflix cherche à conforter sa position temporaire de leader du streaming, car Disney prépare son offre concurrente DisneyPlay (avec les films Disney, Pixar, la franchise Star Wars, les super-héros Marvel, et aussi tout le catalogue de la Fox racheté pour cela). Dans cette guerre à la captation d'abonnés il faut s'attacher des talents, comme Alfonso Cuarón, les frères Coen ou Paul Greengrass. D'autant que, hormis Okja, ses films n'ont pas encore tout a fait été convaincants, contrairement aux docus et aux séries.

Tout comme dans First Man de Damien Chazelle en ouverture avec Neil Armstrong envoyé sur la Lune : ce qui compte vraiment c'est d'être le premier à planter son drapeau.