Christopher Lee s’est échappé (1922-2015)

Posté par vincy, le 11 juin 2015

L'immense Christopher Lee aura laissé une trace indélébile dans le cinéma populaire. Il aura été de toutes les grandes sagas - James Bond, Star Wars, Le Seigneur des Anneaux - et surtout l'incarnation la plus mythique de Dracula mais aussi de Frankenstein et de Raspoutine. Né le 27 mai 1922, il est décédé dimanche dernier à l'âge de 93 ans. Dans la plus grande discrétion.

Du haut de son mètre quatre-vingt-quinze, l'acteur britannique, aussi inquiétant à l'écran que doux et gentil dans la vie réelle, avait tout pour être un affreux méchant du cinéma. Sa voix grave, une véritable basse, ajoutait même un soupçon de frayeur à son regard assombri par d'épais sourcils.

Christopher Lee a pourtant tout d'un aristocrate, en digne descendant de Charlemagne. 11 fois Dracula, y compris en se parodiant chez Edouard Molinaro dans Dracula père et fils, il s'est gavé de ce personnage jusqu'à plus soif; renvoyant Bela Lugosi, Max Schrek et Gary Oldman à leurs cercueils.

Monstres sacrés

Pilote de la Royal Air Force durant la guerre (il est fils de colonel après tout), latiniste et helléniste, assez doué en langues étrangères parlant couramment 9 langues (il a joué dans un français parfait pour Les Rivières pourpres 2: Les anges de l'Apocalypse), mélomane, aimant Wagner comme le Heavy Metal, grand lecteur, Christopher Lee a commencé au théâtre avant de décroché des petits rôles. Il incarne un attaché militaire dans Le Corsaire rouge en 1952 et le peintre Seurat dans Moulin Rouge en 1953. Il participera aussi à Capitaine sans peur de Raoul Walsh et Amère victoire de Nicholas Ray. Mais c'est Frankenstein, dans une production Hammer de 1957, qui le fait décoller. Même quand il joue un monstre, il y apporte une forme d'allure noble, un jeu presque précieux. Il a beau être Fu Manchu, Jekyll ou Hyde, Sherlock Holmes, ou un vampire, Lee avait ce talent de rendre classieux n'importe quel film de genre, même des séries B.

Cet aspect élégant, on le retrouve dans son personnage de Scaramanga face à James Bond dans L'Homme au pistolet d'or. Il donne une distance chic et une froideur calculée, presque cérébrale, qui contraste avec la fadeur de Roger Moore et sauve le film.

De Frankenstein s'est échappé aux Deux visages de Docteur Jekyll, l'acteur n'aura tourné pendant 3 ans qu'avec Terence Fisher au sein de la Hammer Film Productions. Suivent La Malédiction des Pharaons, l'Attaque de San Cristobal, ... Des péplums aux pirates, des sacrifices humains aux sciences occultes, l'acteur n'a jamais hérité de rôles sympathiques ni participé à des chefs d'oeuvres.

Burton, Spielberg, Scorsese, Jackson, Lucas...

Avec une filmographie qui frôle les 300 films et téléfilms (dont une partie où il n'est pas au générique) sur 8 décennies, il est assurément l'un des acteurs les plus prolifiques de l'Histoire du cinéma. Car Christopher Lee a aussi tourné de nombreux films d'aventures, de guerre, des séries TV (y compris dans Chapeau melon et bottes de cuir). Il fut même Rochefort dans Les trois mousquetaires, On l'appelait Milady et Le Retour des mousquetaires.

Mais, de Tim Burton (qui le recruta pour Sleepy HollowCharlie et la Chocolaterie et Dark Shadows) à Steven Spielberg (qui l'invita à être un Capitaine nazi dans son désopilant 1941), il a ses fans. Martin Scorsese l'enrôla récemment pour être Monsieur Labisse dans Hugo Cabret. Acteur culte des années 50 à 70, il s'offre une seconde jeunesse à l'ère des blockbusters en images de synthèse. Et pas seulement chez Peter Jackson (3 Seigneur des Anneaux, si on prend en compte la version longue de 3e opus, et deux Hobbits). George Lucas l'enrôle pour la deuxième trilogie de Star Wars pour les épisodes II et III, où il devient le Comte Dooku aka Dark Tyranus. On le choisissait pour être dans l'excès, l'extravagance, l'extrême limite de personnages complètement maléfiques et dérangés.

Sacré par un BAFTA d'honneur en 2011 et par un prix honorifique du British Film Institute en 2013, star des festivals de films fantastiques à Porto, Troia, Sitgès, il aura attendu pour être reconnu parmi les plus grands comédiens britanniques de son temps. Locarno lui a décerné un prix d'Excellence il y a deux ans. C'était mérité tant sa silhouette reconnaissable, sa présence charismatique, son jeu si distingué ont marqué le 7e art et alimenté nos fantasmes les plus inavouables.