Berlin 2017: La splendeur et l’obsession selon James Gray

Posté par vincy, le 14 février 2017

On ignore pourquoi The Lost City of Z n'est pas en compétition à la Berlinale. Un manque de confiance des producteurs? Ou la volonté de Dieter Kosslick, le directeur du Festival, de ne pas écraser la concurrence avec cette œuvre épique et magnifique?

Changements de casting

Hors compétition, l'adaptation du livre de David Grann arrive enfin sur les écrans. Sept ans que le projet serpentait. En 2010, Brad Pitt confirmait qu'il allait s'embarquer dans cette aventure. Trois ans plus tard, sa société de production, Plan B, qui possède les droits d'adaptation, annonçait un changement d'acteur : Benedict Cumberbatch était désormais chargé d'incarner l'explorateur Percy Fawcett. La production se lance en fin en 2015, mais Cumberbatch n'est plus disponible, occupé à jouer les Doctor Strange. Charlie Hunnam le remplace.

Il est frappant de voir à quel point l'acteur ressemble à Brad Pitt dans ses premiers films (Et au milieu coule une rivière, Sept ans au Tibet). Même blondeur, même charme, même candeur, même fêlure.

A l'ombre des Maîtres

James Gray lui aussi a mis ses pas dans ceux de ses pairs. David Lean, Stanley Kubrick, John Huston... A chaque plan, sublimé par Darius Khondji (Fincher, Jeunet, Haneke, Allen, ...), un de leurs vieux films nous revient en mémoire. On ne boudera pas ce plaisir cinéphilique mais cela resterait un film à références plutôt qu'un film de référence.

Hors, si le cinéaste nous éblouit avec cette histoire qui mêle le portrait d'une caste anglaise, l'horreur de la première guerre mondiale et l'aventure exploratrice en terre inconnue, avec ce qu'il faut d'action, de périls mais aussi d'anthropologie et d'ouverture aux autres, c'est parce qu'il transcende d'autres confrères qui ont essayé ce genre de film. Citons Bob Rafelson avec Aux sources du Nil ou Roland Joffé avec son Mission. Plus proche de nous, on pourrait évoquer Martin Scorsese et son Silence, où une certaine pesanteur et surtout un discours unilatéral plutôt en faveur des Jésuites occidentaux nous conduisaient à avoir des réserves. James Gray a su bien mieux manier les séquences intimistes et d'autres plus contemplatives, la longue durée des multiples voyages et le sens du spectacle.

Vingt ans de quête

On se doit alors de trouver une autre filiation: le cinéaste britannique Hugh Hudson. Car avec Greystoke (1984) et Altamira (2016), plusieurs thèmes similaires (jusqu'aux débats houleux entre savants sur ces ethnies "primitives" qu'on déclassaient de l'échelle de la civilisation) se croisent dans The Lost City of Z. Là où Hudson échouait à chaque fois à flirter avec une grande œuvre faisant dialoguer la nature et l'Homme, les différences et les ressemblances, l'esprit de curiosité et le désir de conquête, James Gray y parvient.

Le spectateur pourra toujours se laisser envoûter par les décors somptueux, se laisser séduire par ce personnage hors-du-commun, prêt à tous les sacrifices pour atteindre son rêve, se laisser porter par ce récit sur vingt ans où la mort, l'amour et la vie s'entremêlent. The Lost City of Z est bien plus que cela.

Existentiel

L'obsession presque égoïste de Percy Fawcett, motivée par sa capacité à comprendre la jungle et à être humble devant ses habitants d'un autre temps, révèle à quel point un désir peut mener à une forme de folie qui faut mériter de vivre. Peu importe l'issue, c'est bien le parcours qui compte. Faire un film, peindre un tableau, composer une musique, écrire un livre suffit à rendre l'existence plus intense, et ce, même si le résultat n'est pas à la hauteur des attentes ou ne vaut aucune reconnaissance.

Le film est ainsi une glorification de l'ethnologie et de l'anthropologie, avec sa part de mystère et de mystique, où l'homme est seul face à lui-même, préférant risquer sa vie à avoir vu l'invisible plutôt que de se laisser vivre dans le confort du vécu. L'homme est pareil, partout, qu'il soit Indien ou Anglais, géographe ou soldat, pourri par les honneurs, les richesses ou sincère dans sa quête illuminatrice.

Jungle Fever

James Gray a du expurger de la violence pour des questions de classification américaine. Il a retiré du scénario les conséquences de la dernière expédition des Fawcett. Il nous laisse dans la brume tropicale de cette jungle (avec ce formidable plan de son épouse sortant de la Royal Geographical Society, par une serre, où les plantes rappellent la jungle).

Le cinéaste avait demandé à Francis Ford Coppola des conseils pour tourner dans la jungle (si le film se déroule entre la Bolivie et le Brésil, le tournage a eu lieu en Colombie): "N'y vas pas" lui a répondu le réalisateur d'Apocalypse Now, répétant ainsi le conseil que lui avait donné Roger Corman.

On ne peut-être qu'heureux de voir que Gray, comme son héros Fawcett, a désobéi. Sans doute poussé par un rêve obsessionnel et splendide qui le dépassait et dont il a su retranscrire toute la démesure. La cité d'or et de maïs est perdue, mais le réalisateur y a trouvé son plus joyau: l'inspiration.

Cannes 2016: les absents de la Croisette

Posté par vincy, le 8 mai 2016

Cannes ne les a pas retenus. Désormais ces films, quasiment prêts ou bien finalisés, sont dans la course pour Venise, Toronto, Telluride ou New York. Par choix stratégique pour les distributeurs ou parce qu'ils n'ont pas plu aux sélectionneurs. Mais il y a aussi ceux qui ne sont pas prêts du tout.

Ainsi le dernier film d'Emir Kusturica est le cas le plus symptomatique. On The Milky Road a vécu un mauvais buzz. Une méchante rumeur s'est répandue sur le film: Cannes ne l'aurait pas sélectionné pour les proximités politiques de Kusturica avec Poutine. Le cinéaste serbe, double Palme d'or, passe son temps à rectifier, démentir cette affirmation. Le film n'est tout simplement pas prêt. Il reste du montage, des effets spéciaux à finaliser, raccourcir la durée. Dans Screen Daily, le réalisateur explique même que le Festival a tout fait pour l'avoir.

On peut aussi regretter que Silence de Martin Scorsese (pas fini et visant plutôt les Oscars), Sully de Clint Eastwood (qui se réserve pour Venise/Toronto a priori), The Voyage of Time de Terrence Malick, Oppengeimer Strategies de Joseph Cedar, The Beautiful Days of Aranjuez de Wim Wenders n'y soient pas. Et ce ne sont pas les seuls. Jim Sheridan (The Secret Scripture), Oliver Stone (Snowden, date de sortie décalée) et surtout Tom Ford (Nocturnal Animals, prévu finalement à Venise) et Damien Chazelle (La La Land, qui cible lui aussi les Oscars et donc plutôt un calendrier d'automne) ont finalement échoué à venir sur la "french riviera".

Plus surprenant, Lucretia Martel, chouchou cannoise, avec Zama ou Derek Cianfrance, révélé à Cannes, avec The Light Between Oceans, sont désormais en passe de rejoindre le festival de Venise, tout comme les films de Tran Anh Hung (Eternité était pourtant proche de la Sélection officielle quelques jours avant la révélation de celle-ci) et Amat Escalante (pas prêt, parait-il), déjà calé pour un voyage vers l'Italie selon son distributeur. Quant à Wiener-Dog de Todd Solondz, présenté à Sundance et acquis par Amazon, il a été jusqu'au dernier moment pressenti pour la Quinzaine des réalisateurs, ce qui semblait assez évident. Finalement, il n'est nulle part et devrait faire son avant-première française à Deauville.

Venise devrait pouvoir aussi compter sur les derniers film de Ben Wheatley, James Pondoldt et Adam Leon, ainsi que sur de nombreux cinéastes asiatiques qui manquent à l'appel cannois.

Côté français, on remarque que François Ozon, Rebecca Zlotowski et Stéphane Brizé ont manqué le coche. Même si la stupéfaction fut plus grande concernant Nocturama de Bertrand Bonello. Dès le jour de l'annonce de la sélection cannoise, le distributeur français a balancé l'affiche du film et annoncé qu'il serait en compétition au festival de San Sebastian.

Andrew Garfield sera la star du prochain film mystique de Scorsese

Posté par vincy, le 13 mai 2013

Andrew Garfield

Andrew Garfield

25 ans que Martin Scorsese caresse l'idée de réaliser Silence. 25 ans que le film est annoncé, prêt à démarrer, renvoyer dans les cartons. Le cinéaste a enfin obtenu le feu vert pour commencer le tournage du film en juin 2014. Il y a trois ans, une pré-production avait été lancée, pour être assez vite mise en stand-by, avec Daniel Day-Lewis, Benicio del Toro et Gael Garcia Bernal pour jouer les rôles principaux.

Silence, adaptation du roman de l'écrivain japonais Shusaku Endo (disponible en format poche), a trouvé ses financements et surtout sa star (l'un ne va pas sans l'autre) : Andrew Garfield. Ken Watanabe (Inception, Mémoires d'une geisha, Le dernier Samouraï) sera le rôle principal japonais. Le contexte est passionné : l'Asie subit des persécutions religieuses, les Européens cherchant à imposer leur foi chrétienne. Le Japon comptait plus de 300 000 chrétiens en 1597 quand s'opéra un brusque revirement à leur égard. Tandis que les missionnaires poursuivaient héroïquement leur apostolat, en 1632, la nouvelle de l'abjuration du provincial des jésuites parvint à Rome.

Le réalisateur a découvert le livre grâce à l'archevêque Paul Moore qui lui avait envoyé après avoir vu La dernière tentation. Le cinéaste avait mis 8 ans à écrire un scénario. Entre temps, Hollywood changeait et ne voulait plus produire ce genre de films...

Garfield incarnera le père Rodrigues, un jésuite portugais du XVIIe siècle, qui effectue un périple au Japon, alors que certains de ses confrères font croire qu'il a abandonné le Christ. Le film est centré sur ce prêtre, homme en conflit avec lui-même s'interrogeant sur l'essence même de la chrétienté. Scorsese se défend de vouloir faire un film sur la religion, préférant questionner la foi.

Watanabe interprétera le traducteur du prêtre. On retrouvera également Issei Ogata (qui avait été l'Empereur Hirohito dans le film de Sokurov, Soleil).

Silence appartient à ces films sur la foi qu'affectionnent tant Scorsese : La dernière tentation du Christ, Kundun... Entre controverse publique et fiascos financiers (respectivement 8 et 6 millions de $ au box office nord-américain). Là le risque n'est pas moindre : le film est en japonais (comme Lettres d'Iwo-jima de Clint Eastwood), le sujet très spécifique et la religion toujours porteuse de clivages... Scorsese explique qu'il s'agit d'une sorte de thriller. Mais ce ne sont plus les flics qui sont infiltrés, mais des prêtres...

La confirmation du projet arrive à temps pour le présenter au Marché du film de Cannes. Il a convaincu un producteur belge, Paul Breul (Corsan Films), qui rejoint Emmett/Furla Films, Irwin Winkler, Barbara De Fina et Vittorio Cecchi Gori.

Silence a déjà fait l'objet d'une adaptation au Japon, en 1971, signée Masahiro Shinoda.

La bande originale du film sera signée Robbie Robertson, qui succède ainsi à Peter Gabriel (La dernière tentation du Christ) et Philip Glass (Kundun).

En attendant, Scorsese a attaqué le montage de The Wolf od Wall Street, avec DiCaprio et Dujardin.

Jean Dujardin dans le prochain Scorsese?

Posté par vincy, le 15 juin 2012

Effet Oscar. Jean Dujardin, qui ne s'est engagé que sur un seul film (Möbius, d'Eric Rochant, voir brève du 18 mai) depuis les tournages de The Artist et Les infidèles, est en négociation pour jouer dans le prochain film de Martin Scorsese, Wolf of Wall Street. Il rejoindrait le casting déjà composé de Leonardo DiCaprio, Jonah Hill et Kyle Chandler (Super 8). On suppose qu'il a pris des cours d'accent anglais depuis sa tournée promotionnelle aux USA cet hiver.

Toujours est-il que la présence d'un français au générique d'un Scorsese serait une première.
Dujardin incarnerait Jean-Jacques Handali, banquier suisse impliqué dans un blanchiment d'argent illégal.

Scénarisé par Terence Winter, Wolf of Wall Street est l'adaptation des mémoires de Jordan Belfort, Le loup de Wall Street (publié en France en 2009), chronique autobiographique sur l'ascension, la vie excessive et la chute d'un financier multimillionnaire avant d'être arrêté par le FBI à cause de placements douteux. Pour le cinéaste, ce sera son premier film se déroulant à New York depuis Gangs of New York en 2012.

Scorsese prépare parallèlement Silence, avec Daniel Day-Lewis, Benicio del Toro et Gael Garcia Bernal.