Oscars 2016 : Entre blancheur, oubli et hypocrisie

Posté par wyzman, le 17 janvier 2016

Jeudi dernier, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences a dévoilé la liste des nommés aux prochains Oscars. Bien évidemment, les 12 nominations de The Revenant et le sacre à venir de Leonardo DiCaprio n'ont échappé à personne. Néanmoins, et très vite, la Toile n'a pas manqué de relever l'absence flagrante d'acteurs de couleur parmi les 20 nommés aux prix d'interprétation. Plus encore, ou plus grave si vous préférez, cette année les catégories Meilleur documentaire et Meilleur scénario original ont également été touchées par cet "oubli" des votants. Si l'on s'attarde sur l'histoire des Oscars, on constate très rapidement que ce type d'oubli (ne pas nommer des professionnels de l'industrie du cinéma de couleur) n'est pas nouveau. Mais après le tollé rencontré l'année dernière avec le hashtag #OscarsSoWhite, nous pouvions espérer que les choses allaient rentrer dans l'ordre.

Pour expliquer l'absence d'acteurs, de réalisateurs ou de scénaristes de couleur parmi les nommés, nous pourrions dire qu'aucun n'a fourni de travail suffisamment intéressant pour mériter une nomination. Mais ce serait faux. Si vous lisez Ecran Noir ou si vous êtes simplement cinéphile, il ne vous a pas échappé que cette année, certains acteurs de couleur ont livré des performances remarquables. A l'instar de The Wrap (qui a listé pas moins de 14 acteurs oscarisables), nous pensons à Idris Elba (Beasts of No Nation), Mya Taylor (Tangerine), Will Smith (Concussion), Oscar Isaac (Ex Machina), Jason Mitchell (Straight Outta Compton) et bien évidemment Michael B. Jordan (Creed). Alors comment se fait-il qu'aucun d'entre eux ne soit nommé ? Et comment peut-on penser à nommer Sylvester Stallone pour Creed et pas celui qui porte tout le film ?

93% des votants aux Oscars sont blancs

Premier élément de réponse : Hollywood est l'incarnation même de l'hypocrisie. Récemment, nous évoquions son sexisme apparent (11% de femmes scénaristes, sérieusement ?) Comme le dit si bien Spike Lee : "Nous pourrions remporter un Oscar maintenant ou plus tard, mais un Oscar ne va pas fondamentalement changer comment Hollywood fait du fric. Je ne parle pas des stars hollywoodiennes. Je parle des cadres. Nous ne sommes pas dans la pièce." Et le réalisateur de Inside Man voit juste : rares sont les personnes de couleur qui ont du poids à Hollywood, qui prennent les décisions qui importent, qui sont prêtes à investir dans des projets "orientés" vers les gens de couleur, hormis quels comédies "ciblées" pour la communauté afro-américaine, où la mixité n'est jamais flagrante. Les Oscars ne sont ainsi que la résultante de la "blanchitude" de la chaîne de valeur. En décembre 2013, le Los Angeles Times portait un constat effarant : sur les 6028 votants, 93% d'entre eux étaient blancs, 76% étaient des hommes et la moyenne d'âge était de 63 ans. Oui, oui, 63 ans ! Voilà sans doute pourquoi 6 des 8 films nommés pour l'Oscar du Meilleur film cette année sont portés par des hommes d'origine caucasienne.

Deuxième élément de réponse : la diversité se trouve du côté de la série télé. Après l'annonce des nominations, Fusion n'a pas tardé à lister tous les acteurs de séries qui comptent aujourd'hui. De Viola Davis (How to Get Away with Murder) à Taraji P. Henson (Empire) en passant par Gina Rodriguez (Jane the Virgin), Aziz Ansari (Master of None) et Constance Wu (Fresh Off The Boat). Bref, et comme le précisait Viola Davis lors de son discours aux derniers Emmy Awards (elle était la première afro-américaine à recevoir ce prix!), il est impossible pour des acteurs de couleur de remporter des prix lorsque les rôles intéressants n'existent pas. Mais vous conviendrez que depuis Grey's Anatomy, la télévision américaine n'a eu de cesse de se colorer efficacement, lentement et sûrement. Merci Shonda Rhimes !

Troisième élément de réponse : les critiques n'atteignent pas la télévision. La 88ème cérémonie sera retransmise sur ABC le 28 février prochain et les patrons de la chaîne n'ont pas choisi n'importe quel hôte : l'acteur noir Chris Rock. Comique apprécié, rentable (Tout le monde déteste Chris, Madagascar, Empire) et pragmatique, il ne fait aucun doute que les blagues à caractère racial iront bon train ce soir-là. Après Diana Ross (1974), Richard Pryor (1977, 1983) et Whoopi Goldberg (1993, 1995, 1998, 2001), Chris Rock n'est que la quatrième personnalité de couleur à se faire le présentateur de cette cérémonie. Et bien qu'il l'ait déjà fait en 2005, il est important de préciser que Chris Rock suit Ellen DeGeneres (2014) et Neil Patrick Harris (2015), deux acteurs ouvertement homosexuels et donc membres de ce que l'on appelle encore une "minorité".

Quatrième élément de réponse : les grands rôles au cinéma sont souvent des clichés. Précisons qu'ici il est question de rôles destinés à des acteurs de couleur. A Hollywood, les rôles destinés aux acteurs non-Caucasiens sont de trois types : criminel, comique ou figure historique. Et ils sont le plus souvent l'œuvre de scénaristes blancs. Voilà pourquoi le dernier black à remporter l'Oscar du meilleur acteur était Forest Whitaker pour Le Dernier Roi d'Ecosse (2006). Du côté des femmes, c'est la violence (psychologique ou physique) subie par leur personnage qui détermine leur oscarisation. Et les nominations passées d'Angela Bassett (Tina - 1993), Halle Berry (A l'ombre de la haine - 2001), Gabourey Sidibe (Precious - 2009), Viola Davis et Octavia Spencer (La Couleur des sentiments - 2011) et Lupita Nyong'o (12 Years a Slave - 2013) en sont la preuve ! Que ce soit pour le box office ou les Oscars, les minorités subissent la Loi hollywoodienne (à savoir fédérer le plus grand nombre). Or, les studios ont su fabriquer des stars "blacks" bankables et respectables dans les années 90 (Denzel Washington, Morgan Freeman, Will Smith, Samuel L. Jackson) mais en ont été incapables depuis quinze ans. Il y a de grands acteurs, de grandes actrices, mais apparemment, personne ne les voit. Et pire, personne ne peut penser qu'un James Bond soit noir, malgré les rumeurs / fantasmes autour de cette hypothèse, ou que la couleur de peau ne change rien à un personnage principal d'un drame oscarisable.

Pop et black cultures au menu des NAACP Image Awards 2016

Posté par wyzman, le 9 décembre 2015

Vous ne connaissez pas le NAACP ? C'est compréhensible. L'association nationale pour la promotion des gens de couleur fait la part belle à la diversité américaine depuis 1909 mais n'a jamais trouvé d'équivalent en France - surtout en matière de production audiovisuelle. Alors que les nominations pour la prochaine cérémonie ont été dévoilées hier, l'Amérique d'Obama semble plus que jamais avoir un voire deux coups d'avance sur notre bon vieil Hexagone. Explications.

Récompensant les artistes qui font la télévision, le cinéma (d'animation, de fiction ou documentaire), la musique et la littérature américaine d'aujourd'hui, les NAACP Image Awards s'ancrent une fois de plus dans une culture populaire qui a déjà fait ses preuves. En attestent les multiples nominations de séries et de films remplis d'acteurs de couleur dont nous vous parlons depuis un moment ! Ainsi, le vendredi 5 février 2016, la 47ème cérémonie sera retransmise sur la chaîne câblée TV One qui est fièrement destinée à un public afro-américain.

Côté télévision, de ses nominations, il convient de retenir le (quasi) sacre d'Empire. A la fois soap opera, drama et comédie musicale, la série de Lee Daniels à 90% composée d'acteurs noirs a reçu pas moins de 12 nominations dans des catégories phares de la télévision mais aussi de la musique. Jussie Smollett et son collègue Yazz se trouvent ainsi cités parmi les Meilleurs nouveaux artistes de l'édition 2016. Le show est sans surprise nommé dans la catégorie Meilleure série dramatique, aux côtés de Being Mary Jane (avec Gabrielle Union), Power (produite par le rappeur 50 Cent) et les deux dernières productions de Shonda Rhimes, Scandal et How to Get Away with Murder. C'est d'ailleurs cette dernière qui a remporté le prix lors de l'édition 2015. Parmi les comédies, c'est le Cosby Show version 2015 Black-ish qui tire son épingle du jeu, récoltant 10 nominations. La série remet son titre de Meilleure série comique en jeu et devrait distancer House of Lies, Key & Peele, Orange is the New Black et Survivor's Remorse.

Coté cinéma, Creed fait carton plein avec 6 nominations. Pour rappel, le film raconte comment le fils d'Apollo Creed va s'entraîner auprès de Rocky Balboa et suivre les pas de ses aînés. Rencontre de deux générations, le film a déjà ravi les critiques par son mélange réussi entre renouveau, diversité (Michael B. Jordan est noir) et culture populaire (Rocky étant toujours considéré comme une icône). Adoré par la presse depuis Fruitvale Station, Michael B. Jordan est déjà dans les starting-blocks pour une nomination aux Oscars… En face, les rappeurs de Straight Outta Compton ne sont pas en reste puisque le film est nommé dans 5 catégories dont Meilleur film, Meilleur second rôle et Meilleur scénario.

Néanmoins, s'il y a bien une catégorie qu'il est important de mentionner, c'est celle d'Artiste de l'année. Prix spécial, celui-ci n'est pas décerné automatiquement. Cette année, c'est l'actrice Taraji P. Henson qui a emballé toute la salle avec son interprétation de Cookie Lyon dans Empire. Et en 2016, le choix se fera entre l'acteur Michael B. Jordan, la danseuse classique Misty Copeland, le chanteur Pharrell Williams, la showrunner, scénariste et productrice Shonda Rhimes et son actrice phare Viola Davis.

Vraisemblablement, c'est l'une des deux dernières femmes mentionnées qui devrait remporter la palme. En effet, après avoir mis en place son TGIT (la réunion de Grey's Anatomy, Scandal et How to Get Away with Murder), la femme la plus influente de la télé américaine lancera en mars son nouveau show The Catch, avant de se remettre à bosser sur son projet de série sur des nonnes. Toutefois, détentrice d'un Emmy Award de meilleure actrice dans une série dramatique (le premier jamais délivré à une actrice de couleur), Viola Davis n'a pas dit son dernier mot. Verdict le 5 février !

L’instant Zappette: Plus besoin de compter les gays à la télé?

Posté par wyzman, le 5 septembre 2015

Toutes les bonnes choses ont une fin… Voilà sans doute ce que les membres de la GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation) se sont dits lorsqu'ils ont décidé de ranger leur NRI (Network Reponsibility Index). Depuis près de 10 ans, ce simple outil permet de "recenser" les personnages queer présents et présentés à la télévision américaine. Et si l'on vous en parle aujourd'hui, c'est parce que cet indice de "santé LGBT" a livré son nouveau rapport jeudi dernier, juste avant que Sarah Kate Ellis, la présidente de la GLAAD, n'annonce son retrait. Dit comme ça, cela parait anodin. Mais il n'en est rien !

Les chaînes ABC Family et Fox se sont démarquées cette année par leur "excellente" représentation de la population LGBT grâce à la présence de nombreux personnages à la sexualité autre que hétérosexuelle. Sur ABC Family, The Fosters et Pretty Little Liars ont reçu les honneurs de la GLAAD tandis que sur Fox, Empire a relevé le niveau à elle seule ! Véritable phénomène de la saison passée, cette série dont nous vous parlions déjà au moment de l'annonce des nominations pour les Emmy Awards - et qui a fait de Lee Daniels un homme incontournable du petit écran - traite entre autres de la volonté d'un jeune homme gay de se faire accepter par son père et dans le milieu du hip-hop. Énorme bouffée d'air frais, Empire a captivé jusqu'à 17 millions d'Américains cet hiver. Un record !

Mais alors que la communauté LGBT n'a jamais été aussi bien représentée dans les séries - à la différences des personnages noirs -, il semblerait que le combat se porte désormais ailleurs. Comme le rappelle Sarah Kate Ellis dans les colonnes de Variety, autrefois la communauté LGBT se satisfaisait d'une simple représentation à la télé. Peu importe le temps d'antenne et la personnalité du personnage, un homo à la télé était toujours une victoire. Mais aujourd'hui, cette lutte vient rejoindre celle de la diversité. Un homo c'est bien, mais un homo de couleur c'est mieux. Conscients de ne pas tous être "des hommes blancs, cisgenres et issus de la classe moyenne", les membres de la GLAAD veulent être représentés tels qu'ils sont : divers, variés, multiples, différents.

Il n'existe pas de profil type d'un membre de la communauté LGBT. Et si le NRI a été utile tout au long de ces années, son fonctionnement semble aujourd'hui un peu obsolète. Ce qui n'empêche pas Sarah Kate Ellis de noter la volonté des dirigeants de chaînes (généralistes comme câblées) de mettre en avant des personnages LGBT. Comme toujours, Shonda Rhimes (Grey's Anatomy, Scandal, How to Get Away with Murder) est la reine incontestée tandis que Lee Daniels (Empire) a fait une entrée fracassante dans le grand monde des séries. Enfin, le travail de Jenji Kohan (Orange is the New Black) ne peut pas être ignoré. En attendant, "la GLAAD va continuer à pousser l'industrie du divertissement à faire de la diversité une réalité". Voilà qui est dit !

Et on peut toujours se désoler de voir que la France a quelques décennies de retard sur ces sujets.

L’instant zappette: Dear Black people, arrêtez de mourir dans les séries!

Posté par wyzman, le 30 août 2015

*Si vous n'aimez pas les spoilers, ne lisez pas les lignes qui suivent !* L’événement de la semaine passée était sans aucun doute le lancement de Fear The Walking Dead, le spin-off en forme de prequel de la série que l'on ne présente plus : The Walking Dead. Également diffusée sur AMC le dimanche soir, la nouvelle série en chantier a réussi son lancement puisqu'ils étaient pas moins de 10,1 millions d'Américains à suivre ce qui va être une véritable hécatombe. Si aujourd'hui, nous sommes amenés à vous parler de ce pilote, ce n'est pas pour sa qualité (relative) ou pour vous donner de multiples raisons de regarder la série mais pour évoquer l'un de ses désagréments : le traitement des personnages noirs.

Annoncée et teasée depuis des mois, Fear The Walking Dead a la particularité d'être portée par des acteurs d'origines ethniques diverses style United Colors of Benetton. La série suit en effet les péripéties d'une famille recomposée. Nick et Alicia sont les enfants (blancs) de Madison. Celle-ci est en ménage avec Travis, lui-même incarné par l'acteur néo-zélandais et de couleur Cliff Curtis. Travis a déjà eu un enfant, Chris, avec Liza, une hispanique. Le meilleur ami de Nick, Calvin, est un jeune Afro-Américain. Idem pour Matt, le petit copain d'Alicia. De la diversité, en veux-tu en voilà ! Malheureusement, si producteurs et scénaristes tenaient ici le bon bout, ils se sont littéralement vautrés au moment d'écrire les prémisses de ce qui va être un bain de sang. Explications.

Dans ce genre d'exercice (le pilote d'une série d'horreur), il est évident qu'il faut un, voire plusieurs morts. Dans Fear The Walking Dead, Calvin, l'ami de Nick, s'avère être son dealer et donc le responsable de son bad trip de la veille. Et un cliché, un ! Plus encore, après une altercation qui mène à la mort de Calvin, celui-ci se retrouve transformé en zombie. Ne nous demandez pas où est la logique, nous nous posons également la question. Mais peu importe ! Transformé, Calvin s'attaque à la mère de Nick avant d'être écrasé par le pick-up familial à de multiples reprises. Et le pilote s'achève sur Calvin, bien amoché, mais encore prêt pour un autre round. Quant à Matt, le petit copain noir d'Alicia, il lui fait faux bond lors d'un rencard et, Fear The Walking Dead oblige, nous supposons qu'il lui est arrivé quelque chose de grave. Comprenez une attaque de zombie.

Questions : pourquoi toujours commencer par sacrifier le personnage noir ? Est-il plus facilement dispensable qu'un autre personnage ? Sa mort est-elle moins signifiante et plus appropriée au moment de lancer une série ? Nous posons la question. Et visiblement, nous ne sommes pas les seuls. Forbes s'amuse déjà à dire que, dans la mesure où le principal du lycée d'Alicia est également un Afro-Américain, on pouvait s'attendre à ce qu'il soit tué et/ou transformé dès le pilote. En face, HitFix fait le parallèle avec The Walking Dead qui, depuis ses débuts, a pris la mauvaise habitude de donner aux personnages Afro-Américains des "storyline minimes juste avant qu'ils ne soient amenés à mourir". Et là, le doute s'empare de nous. L'action de Fear The Walking Dead se situe à Los Angeles, une ville qui compte 4 millions d'habitants intra-muros dont seulement 10% de Noirs. S'il ne fait aucun doute que la série montrera des personnages noirs succomber (ne nous leurrons pas), les scénaristes ne sont pas pour autant allés piocher dans les 49% d'Hispaniques présents à Los Angeles lors du recensement de 2010.

Si la série veut s'affranchir de The Walking Dead, elle a tout intérêt à faire preuve de plus de réalisme ! Hors de toute volonté de politiser son propos, il s'agit d'un simple conseil. Dans Fear The Walking Dead, il n'est pas question de forêts et de bois ou encore de champs mais d'une métropole connue pour sa diversité et son incroyable tolérance. Après la déception Scream (MTV), l'adaptation télé qui s'est débarrassée dans cet ordre de la rousse, la lesbienne et l'Asiatique - faute d'avoir de personnage noir -, il semble qu'aucune nouveauté de cet été ne soit en mesure de lier tension dramatique et bonne représentation de la diversité. Dans la saga cinématographique, il aura tout de même fallu attendre le second volet pour qu'un personnage Afro-Américain apparaisse clairement à l'écran - et décède.

Même UnREAL (Lifetime), drame phénoménal sur les coulisses d'une émission de télé-réalité, n'a pu s'empêcher de faire passer les hispaniques pour des filles exotiques et faciles et les noires pour des aimants à embrouilles vulgaires. Diffusées sur des chaînes du câble, ces trois séries (Fear The Walking Dead, Scream et UnREAL) ne font que confirmer ce que l'on pensait déjà : la diversité se trouve désormais sur les grands networks, dans les œuvres de Oprah Winfrey, Shonda Rhimes et Lee Daniels ou encore Justin Simien (Dear White People) ! Un comble.

L’instant zappette: trop de noirs à l’écran, vraiment?

Posté par wyzman, le 12 avril 2015

D'après le Bureau des statistiques américain, les Afro-Américains ne représentaient que 13,6% de la population lors du dernier recensement. "13,6% c'est sans doute peu, mais cela ne les empêche pas d'être partout" diront certains. Dans leur volonté de représenter l'Amérique telle qu'elle est, c'est-à-dire dans sa diversité, les producteurs de télévision tournent cette année un grand nombre d'épisodes pilotes avec des acteurs "non-Caucasiens". Cette "tendance" que la journaliste de Deadline Nellie Andreeva a très mal perçue dans un article au vitriol. Néanmoins, rien ne nous empêche de nous poser la question : y a-t-il trop de Noirs sur les écrans US ?

Merci Shonda Rhimes?

La saison télévisuelle 2014-2015 a été intense du point de vue de la diversité. Et ce, en partie grâce à la productrice et scénariste Shonda Rhimes. En investissant toute la soirée du jeudi de la chaîne ABC, elle a littéralement redéfini le mot "diversité". Les shows qu'elle a créés ou produits sont d'un point de vue "ethnique" considérés comme "parfaits". Mais n'allons pas croire que cette Américaine de 45 ans a tout fait toute seule. Si Grey's Anatomy, Scandal et How To Get Away With Murder comptent 10 acteurs Afro-Américains (parmi les personnages principaux), ces séries ne sont pas les seules à mériter toute notre attention.

Productrice, actrice et surtout animatrice TV, Oprah Winfrey a beaucoup fait pour le communauté afro-américaine. A côté de ses participations à des films engagés tels que La Couleur pourpre, Le Majordome et plus récemment Selma, la business woman a aussi banalisé l'homosexualité, la bisexualité, la transsexualité et le SIDA au sein de la communauté noire via le programme "The Oprah Winfrey Show". Plus encore, sur sa propre chaîne de télévision, OWN, elle produit des shows qui sentent bon la culture black, tels que The Haves and the Have Nots, qui comprennent des personnages gays. En outre, nous pouvons bien évidemment évoquer la chaîne BET (Black Entertainment Television) qui a rapidement supplanté la mythique MTV.

Le nouveau visage de la télévision

Mais la "vague" à laquelle Nellie Andreeva fait référence dans son article n'est pas anodine. Oui, on constate un grand nombre d'acteurs noirs à la télévision américaine. Mais cela devient dérangeant pour certains dans la mesure où ces derniers interprètent des rôles de plus en plus conséquents, de plus en plus vraisemblables et d'un niveau social plus élevé. Loin des personnages caricaturaux trop longtemps mis en scène, l'héroïne de Scandal, la célèbre Olivia Pope (incarnée par la sublime Kerry Washington), est une experte en gestion de crise. Une femme avec un vrai métier et des responsabilités ! Rapidement devenue une icône de mode, on lui consacre désormais des Tumblr par centaines (Pope and Ballard par exemple). Quant à How To Get Away With Murder, les scénaristes ont pris pour habitude de filmer l'actrice principale Viola Davis en train de se démaquiller et de retirer son tissage pour nous faire entrer dans son intimité. Autrement dit, ce que l'on n'osait pas montrer ou mettre en avant par le passé n'est plus un problème.

Ce que fait parfaitement Justin Simien dans son premier long-métrage, Dear White People, actuellement à l'affiche. En opposant la culture black à la blanche, le réalisateur de 31 ans dresse un portrait concret et sans fard de la jeunesse sous l'ère Obama. Sous couvert d'être une satire de la société américaine, Dear White People pose des questions quasi existentielles et de la meilleure manière qui soit. Et il faut reconnaître que cela est bien plus subtil que dans Empire, la série phénomène de cet hiver: avec son casting presque uniquement composé d'acteurs noirs, le show de Lee Daniels (Le Majordome, Precious) joue avec les stéréotypes pour mieux les démonter. Et le procédé fonctionne à merveille, comme en attestent les 7,7M d'Américains qui ont pris la série en cours de route et ce public composé à 60% d'Afro-Américains. Empire rassemble, Empire parle à tous et Empire parle de tout.

La variété plutôt que la diversité

Parce que la série met en scène une famille américaine dans toute sa complexité, elle s'attache à des valeurs vieilles comme le monde : amour, filiation, ambition, réussite et jalousie fraternelle. A cela, se sont ajoutés des thèmes plus contemporain : indépendance économique, déni de paternité (50% des enfants afro-américains naissent sans père) et homosexualité. Et en matière de représentation de la sexualité, le show de Netflix Orange is the New Black se place là. Première personne ouvertement transgenre à être nommée pour un Emmy Award, l'Afro-Américaine Laverne Cox est rapidement devenue un symbole outre-Atlantique.

A leur manière, producteurs, réalisateurs, scénaristes et comédiens noirs réinventent ainsi la télévision et la notion de diversité. Plus besoin de cacher sa négritude pour faire de la bonne télévision puisque le téléspectateur veut des intrigues qui lui parlent et des acteurs auxquels il peut s'identifier. Car parmi ces 13,6% d'Américains, combien sont nécessairement dealers, serveurs dans un fast-food ou sous-diplômés? Et ce ne sont là que trois rôles clichés que l'on attribuait jusqu'ici trop souvent aux acteurs noirs. N'oublions pas du problème de l'univers carcéral: les discriminations judiciaires sont nombreuses (44 % de la population en prison est afro-américaine).

Une diversité à relativiser

Mais si la diversité que l'on vante aujourd'hui fait chaud au cœur, elle n'est pas inédite. Avant Empire, d'autres séries avaient des castings majoritairement noirs. En effet, bien avant que "Black-ish" ne devienne la "comédie familiale black" par excellence, "Le Cosby Show" et "Le Prince de Bel-Air" avaient creusé le sillon. La télévision actuelle se réinvente, s'adapte, remplit des niches, mais ne trace pas de nouveaux chemins.

La montée en puissance d'acteurs noirs soutenue par certains médias est néanmoins un écran de fumée. Pendant des années, la télévision américaine a simplement fait des personnages blacks des seconds couteaux. Et cela est à mettre en lien avec le clivage qui sévit actuellement outre-Atlantique. Entre les bavures policières et les décisions judiciaires qui disculpent des policiers blancs ayant tué des noirs, l'Amérique se réveille. Les drames de Ferguson et Cleveland ne sont que des exemples parmi tant d'autres. Mais ce sont tous ces drames qui inspirent des séries et des producteurs de plus en plus engagés (cf. The Good Wife et Scandal).

Une peur irrationnelle régulée par le marketing

Aujourd'hui, rien ne permet de dire qu'il y a trop d'acteurs noirs sur les écrans américains: Denzel Washington, Will Smith, Chris Tucker ont parmi les salaires les plus élevés à Hollywood. Proportionnellement, ce sont plutôt les Asiatiques et les Latino-américains qui sont sous-représentés aujourd'hui. L'élection et la réélection d'un président noir n'a pas profondément changé l'Amérique, dont une partie se croit et se voit encore "blanche". Et les succès de films comme Django Unchained, Lincoln, 12 Years a Slave ou bien Selma ne démontrent qu'une seule chose : le cinéma a une plus grande capacité d'adaptation que la télévision, malheureusement menée et régie par les annonceurs et la censure.

Mais, comme pour les séries dites "queer" (lire notre article sur ce sujet), on qualifie les contenus audiovisuels juste pour pouvoir les mettre dans une case, les identifier, les marketer et les vendre plus facilement. Le spectateur est supposé savoir ce qu'il va regarder, quitte à renforcer le communautarisme et les préjugés, tout en manquant de s'intéresser à l'autre...

Trois déclinaisons à venir pour Femmes au bord de la crise de nerfs

Posté par vincy, le 19 mai 2009

Lors de sa conférence de presse cannoise, Pedro Almodovar a annoncé trois projets autour de Femmes au bord de la crise de nerfs, le succès qui l'a fait connaître à l'international.

1) Pour les besoins de son nouveau film, Etreintes brisées, le cinéaste espagnol s'est amusé à filmer des scènes inspirées de son propre film. On voit ainsi Penelope Cruz jouer le personnage autrefois incarné par Carmen Maura. Il s'est senti si créatif en les tournant qu'il en a tourné plusieurs. "Vous trouverez toutes les scènes dans les bonus du DVD." Soit quinze minutes de pur bonheur en perspective.

2) La sitcom Women on the verge... pour la Fox est sur les rails. La Fox va le tourner prochaînement. Ecrit par Shonda Rhimes, la scénariste de Grey's Anatomy, il ne reste plus qu'au studio à donner son feu vert pour lancer la production, qui serait alors diffusée à la rentrée 2009.

3) Les films inspirant de plus en plus Broadway (Le journal de Bridget Jones, Attrape-moi si tu peux, Sister Act, entre autres), on avait déjà pu voir une pièce de théâtre adaptée de Tout sur ma mère à Londres, avec l'élégante Diana Rigg (Chapeau melon et bottes de cuir). Le réalisateur a confirmé que le metteur en scène de San Francisco, Bartlett Sher, à qui l'on doit un revival réussi de South Pacific, travaille actuellement sur l'adaptation de Femmes au bord de la crise de nerfs en comédie musicale pour Broadway. le livret semble déjà écrit, après un an de travail.