Daniela Elstner remplace Isabelle Giordano à Unifrance

Posté par vincy, le 9 juillet 2019

Le 4 juillet, Serge Toubiana a été renouvelé à la présidence d'Unifrance, l’association en charge de la promotion du cinéma français dans le monde. Ce n'était pas vraiment une surprise puisqu'il n'avait qu'un candidat face à lui. En revanche, tout le monde s'interrogeait sur le nom du remplaçant ou de la remplaçante d'isabelle Giordano, à la direction générale de l'organisme.

Finalement, c'est Daniela Elstner qui aura cette responsabilité. Elle a d'ailleurs débuté chez Unifrance en 1996, avant d'intégrer les Films du Losange deux ans plus tard. "Durant 10 ans, Daniela Elstner y développe les ventes internationales, co-productions et sélections en festivals..." indique le communiqué. En 2008, elle s'en va diriger Doc & Film International. Tout son parcours a été lié à l'export. Depuis 2015, elle préside d'ailleurs l’Association des Exportateurs de Films (Adef): "Sous son impulsion, la société de distribution audiovisuelle s’ouvre aux longs métrages de fiction et de documentaire et constitue un catalogue de plus de 800 films vendus à travers le monde et reconnus par la critique internationale et les festivals (un Lion d’Or, deux Ours d’Or)." Elle est également trésorière de l’Association des Exportateurs Européens (Europa International) et du Syndicat des Entreprises de Distribution de Programmes Audiovisuels (SEDPA).

Isabelle Giordano avait annoncé il y a un mois qu'elle quittait ses fonctions. Elle occupait le poste depuis six ans et venait de célébrer les 70 ans d'Unifrance au Festival de Cannes. Dans un conteste difficile - où les films d'auteurs ont de plus en plus de difficulté à trouver un public - elle a su multiplier les rendez-vous (festivals, marché...) pour valoriser la diversité du cinéma français. Alors que le gouvernement actuel s'interroge sur la pertinence des aides du CNC, déplorant notamment la faible rentabilité des films et souhaitant davantage de films agissant comme arme culturelle diplomatique ("soft power"), Unifrance a su améliorer la visibilité des films dans des pays comme l'Australie, l'Inde, le Japon, ... en se calant notamment sur les stratégies exportatrices des professionnels français.

Edito: Smoking, no smoking

Posté par redaction, le 23 novembre 2017

Dans Battle of the Sexes, qui sort cette semaine, la championne Billie Jean King (Emma Stone), va pouvoir créer la future puissante Women Tennis Association (qui gère le circuit féminin) grâce à l'appui d'un sponsor : Virginia Slims (qui a longtemps parrainé des tournois aux Etats-Unis). Les joueuses devaient s'afficher avec un paquet de cigarettes de la marque, avec une cigarette à la main, et même à la bouche. "Vous allez devoir fumer pendant douze mois!" exige l'associée de la joueuse qui s'occupe du "business" de cette nouvelle WTA.

Bien sûr, on peut y voir une ironie tant le tabac et le sport sont incompatibles. D'ailleurs les joueuses ne fument pas. Elles doivent simuler. On peut aussi y voir un symbole de l'époque, le début des années 1970, où la clope était un symbole de la consommation de masse de l'après guerre, comme la voiture.

Il aurait été bizarre de passer cet épisode sous silence dans un film qui retrace l'émancipation des joueuses de tennis de l'époque, et qui ont pu le faire grâce à l'appui d'un fabricant de cigarettes.

Pourtant, une polémique politique récente a ravivé le débat de la présence de la cigarette à l'écran. Montrer un personnage en train de fumer dans une fiction serait une forme de propagande, pardon de publicité, incitant à inhaler de la nicotine. Le gouvernement français cherche tous les moyens pour lutter contre le tabagisme. La ministre de la Santé, Agnès Buzin, réfléchirait ainsi à des mesures autour de la représentation de la cigarette dans les films français (ce qui ne résout rien pour les autres, vus par les deux tiers de spectateurs, by the way).

Dans le cadre de l’examen du budget de la sécurité sociale, une sénatrice socialiste (si si, il en existe encore) Nadine Grelet-Certenais a interpellé la semaine dernière la ministre sur "les incitations culturelles à fumer": le cinéma, selon elle, "valorise la pratique" et la banalise auprès des plus jeunes. "La Ligue contre le cancer démontre dans une étude que 70% des nouveaux films français mettent à l’image au moins une fois une personne en train de fumer" explique-t-elle. La cigarette devient aussi subversive qu'un joint...

Et la ministre qui va dans son sens: "Je ne comprends pas l’importance de la cigarette dans le cinéma français." Pour elle, l'augmentation du paquet de cigarette ne suffit pas: il faut un plan qui comprenne le marketing social, les réseaux sociaux, et la "dénormalisation" de l’image du tabac dans la société. Déjà il y a deux ans l'ancienne ministre Michèle Delaunay avait suggéré d'étendre l'interdiction de la promotion du tabac aux films français. C'est donc dans l'air (empoisonné) du temps.

A quand l'alcool? Non, parce qu'on sait aussi les dégâts que causent l'alcool. Mais on sait aussi à quel point le verre de vin est culturellement ancré dans la société française, d'une part, et à quel point le vin, le cognac ou le champagne sont de grosses puissances dans l'économie du pays, d'autre part. Mais passons.

«Ne joue pas. Si tu es en train de fumer une cigarette, fume-la. Ne fais pas semblant de la fumer» - James Dean

Revenons au poison de la tige. On rappellera que la pipe de Tati avait ridiculement disparu pour l'affiche d'une exposition à la Cinémathèque, que l'affiche avec la cigarette de Coco Chanel (Audrey Tautou) avait été censurée. La lutte anti-Tabac et le cinéma, c'est une histoire de censure avant tout. Que va-t-on faire des vieux films restaurés avec Gabin, Belmondo, Moreau, tous clopes au bec? Devra-t-on bannir toutes les images de Gainsbourg, Dutronc ou Deneuve, exhalant des volutes pour le besoin de photos de magazines ? Et que peut-on faire face à un film d'époque où tout le monde fumait comme des pompiers? Enfin, si, déjà, dans les scénarios les auteurs font de moins en moins fumer leurs personnages, on ne peut pas empêcher un cinéaste de créer son plan, sa scène comme il le veut. On touche quand même à la liberté de création.

Frédéric Goldsmith, délégué général de l'Union des producteurs de cinéma (UPC), rappelait cette semaine: "C'est une réalité, beaucoup de gens fument", ajoutant que la lutte contre le tabagisme "ne peut pas passer par une atteinte à la liberté de création". Serge Toubiana, patron d'Unifrance, enfonçait le mégot: "Si on en vient à (...) légiférer sur le fait de fumer ou pas sur des écrans de cinéma, c'est qu'on a échoué sur tout le reste. Le cinéma est un art, un plaisir, un divertissement, pas un outil de propagande pour la cigarette."

Mardi, la ministre a fait demi-tour sur Twitter: la polémique s'enflammait. "Je n'ai jamais envisagé ni évoqué l'interdict(ion) de la cigarette au cinéma ni dans aucune autre œuvre artistique. La liberté de création doit être garantie." Le mensonge ce n'est pas de la propagande? Mais il est bien que la ministre ait conscience que sa potentielle mesure n'est pas possible si on veut justement respecter la liberté de création et si on veut représenter la société telle qu'elle ou telle qu'elle était.

"C'est pas pour dire, mais la première cigarette de la journée, c'est la meilleure. Ah oui, ça vous remet la bouche en forme." - Gérard Depardieu dans Les Valseuses

Car, ne soyons pas hypocrite comme un Lucky Luke qui a troqué sa "roulée" pour un brin d'herbe, dans ce cas il faut interdire beaucoup d'autres choses au cinéma: outre l'alcool, qu'on a déjà mentionné, tout ce qui est illégal ou immoral ne pourrait pas être filmé (les sujets ne manquent pas). Mais dans ce cas, à quoi servirait le cinéma qui doit, comme tous les arts nous confronter à l'inexplicable comme disait Carl Dreyer, à la face obscure de la société et aux noirceurs de l'humain? Godard disait qu'avec " le cinéma on parle de tout, on arrive à tout.” Alors on arrête de boire? de fumer un bédot? On interdit de diffusion La Gifle (violence sur mineur), Quelques heures de printemps (euthanasie), A bout de souffle (harcèlement sexuel), Le souffle au cœur (inceste), et à peu près tous les films avec une voiture à essence ou diesel (pollution)? Que dire des thrillers avec meurtres ou braquages, surtout quand le "vilain" s'en sort?

On voit bien que la politique déraisonne. Laissons les auteurs filmer le monde comme ils l'entendent, avec les images qu'ils ont dans la tête. La cigarette est un élément représentatif d'un mode de vie, d'une affirmation de soi. Certes dangereux pour la santé. Mais pas illégal ni condamnable. Ce n'est pas juste l'accessoire glamour qu'on utilise après avoir fait l'amour. Comme l'écrivait l'auteur Colum McCann: “Si mauvaises que soient les cigarettes pour la santé, elles offrent une occasion de contact humain sans équivalent !

Chiara Mastroianni, Robert Guédiguian et Serge Toubiana dans les jurys de Venise 2016

Posté par vincy, le 25 juillet 2016

Sam Mendes, président du jury du 73e Festival de Venise, sait désormais avec qui il devra composer pour choisir le palmarès dans la compétition officielle. La Mostra a choisi un jury très éclectique: l’artiste et musicienne américaine Laurie Anderson, l’actrice britannique Gemma Arterton, l’écrivain et scénariste italien Giancarlo De Cataldo (Romanzo criminale, Suburra), l’actrice allemande Nina Hoss (Ours d'argent à Berlin en 2007), l’actrice française Chiara Mastroianni, l’écrivain et documentariste américain Joshua Oppenheimer (The Look of Silence), le cinéaste vénézuélien Lorenzo Vigas (Lion d'or l'an dernier) et l’actrice et chanteuse chinoise Zhao Wei.

Le Festival s'ouvrira le 31 août avec La La Land de Damien Chazelle, avec Ryan Gosling et Emma Stone.

Pour la section Orizzonti, le français Robert Guédiguian a été désigné président et il sera entouré de l'actrice égyptienne Nelly Karim, du critique de cinéma et historien américain Jim Hoberman, de l'actrice italienne Valentina Lodovini, de l'actrice et réalisatrice sud-coréenne Moon So-ri, du critique espagnol José Maria Chema Prado et du réalisateur indien Chaitanya Tmhane.

Pour le prix Luigi de Laurentiis du meilleur premier film, l'acteur italien Kim Rossi Stuart sera entouré de la productrice espagnole Rosa Bosch, du réalisateur et acteur américain Brady Corbet, de l'actrice espagnole Pilar Lopez de Ayala et du critique de cinéma et ancien directeur de la Cinémathèque française Serge Toubiana.

Frédéric Bonnaud sera le nouveau Directeur général de La Cinémathèque française

Posté par vincy, le 11 décembre 2015

C'était l'une des nominations les plus attendues depuis cet été. Depuis, précisément, que Serge Toubiana avait annoncé son départ de la direction de La Cinémathèque française, avant la fin de son mandat. Costa-Gavras, président de La Cinémathèque française a mis fin au suspens en nommant, avec l'accord de a ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin, Frédéric Bonnaud au poste de directeur général. Le conseil d'administration a donné "un avis unanime" ce vendredi 11 décembre. Il prendra ses fonctions le 1er février 2016.

C'est aussi la fin d'un cycle. Serge Toubiana, ancien rédacteur en chef et directeur des Cahiers du Cinéma,  avait été nommé en 2003 à la direction de La Cinémathèque afin de préparer l'emménagement dans ses nouveaux locaux à Bercy. Le lieu est devenu un rendez-vous majeur de la cinéphilie avec des expositions populaires, un festival du film restauré, et une programmation éclectique qui fait référence. C'est un autre homme des médias qui lui succède.

Frédéric Bonnaud, 47 ans, a commencé comme assistant de programmation Cinéma au Jeu de Paume  (1993 à 1995), avant de devenir pigiste puis coresponsable des pages Cinéma au sein de l’hebdomadaire Les Inrockuptibles (1995-2002), dont il deviendra le directeur de la rédaction en février 2013 après le départ d'Audrey Pulvar. Il a aussi été producteur d’émissions radiophoniques à France Inter  (2002 à 2007), chroniqueur à Europe 1  (2007 à 2010), producteur d’une émission quotidienne au Mouv’  (2010-2013), animateur des Live mensuels de Mediapart  (2012 à 2015), coréalisateur et coauteur de l’émission "Personne ne bouge !"  sur Arte  (depuis 2012).

« Je suis heureux et fier de succéder à Serge Toubiana au poste de directeur général. En douze ans, sous sa direction, La Cinémathèque est devenue un véritable musée moderne du cinéma, qui assume pleinement ses missions de conservation et de diffusion du patrimoine cinématographique. En duo avec notre président, Costa-Gavras, j’aurai à coeur de poursuivre l’oeuvre déjà accomplie et d’ouvrir en grand La Cinémathèque à des publics toujours plus divers. Très attaché à notre mission de service public et à nos devoirs de transmission, je mettrai tout en oeuvre pour attirer et fidéliser de nouvelles générations de spectateurs, les cinéphiles et les cinéastes de demain, tout en m’efforçant d’inventer de nouveaux modes de diffusion » a-t-il déclaré après avoir été confirmé à son poste.

Frédéric Bonnaud avait l'habitude de signer des éditoriaux ancrés à gauche et souvent en opposition avec le gouvernement actuel. Les Inrockuptibles est un hebdomadaire mélangeant politique, société et culture, vendu à 40 000 exemplaires en 2014/2015 contre 60000 exemplaires en 2012.

Serge Toubiana annonce son départ de la Cinémathèque française

Posté par vincy, le 6 juillet 2015

Sur son profil Facebook et son blog de la Cinémathèque, Serge Toubiana, directeur général de la Cinémathèque française, annonce qu'il quittera ses fonctions le 31 décembre. Ile ne fêtera donc pas les 80 ans de l'institution.

"C'est le fruit d'une longue réflexion, sereine, et prenant en considération plusieurs éléments" explique-t-il sans véritablement les préciser. Avec le sentiment du devoir accompli, Toubiana affirme qu'il "reste beaucoup à faire", "convaincu qu'un autre, homme ou femme, pourra à [sa] place poursuivre cette aventure, mieux qu'[il] ne saura le faire [lui]-même."

"Il entre dans ma décision le désir de passer à autre chose. Cela se résume pour moi à écrire sur le cinéma. J’en ressens le besoin, le temps passe. J’aurai ainsi passé près de treize années à la tête de la Cinémathèque française" ajoute-t-il. "Il a fallu ce temps pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. Surtout, ne renoncer à rien en termes d’exigence cinéphilique : combien de visiteurs étrangers nous disent à quel point ils admirent cette institution, se collections, ses programmations et ses expositions, ses activités en direction du jeune public ! Impressionnant pour une institution qui fêtera ses 80 ans en 2016".

Manoel de Oliveira: hommages d’Arte, Gilles Jacob, Serge Toubiana…

Posté par redaction, le 3 avril 2015

Suite au décès du doyen du cinéma, Manoel de Oliveira, seul cinéaste de notre époque à avoir travaillé quand le 7e art était encore muet, les réactions n'ont par tardé.

La chaîne Arte rendra hommage au réalisateur le jeudi 9 avril en diffusant son dernier court métrage, Le Vieillard du Restelo, projeté en décembre dernier à Lisbonne et l'un de ses derniers films, Singularités d'une jeune fille blonde, adaptation de la nouvelle Une singulière jeune fille blonde du grand auteur portugais Eça de Queiroz.

Gilles Jacob (Festival de Cannes)
Premier à réagir sur Twitter, l'ancien Président du Festival de Cannes, Gilles Jacob qui a lancé une salve de tweets:
"Tristesse.Mon cher Manoel est mort. Manoel de Oliveira avait 106 ans et moi je suis orphelin comme tt le cinéma mondial.C'était un seigneur."
"Passés cent ans, on s'était habitué à l'idée que Manoel ne disparaîtrait jamais. Bien sûr, il y avait l'œuvre mais lui aussi c'était établi."
"Quand un artiste de renommée mondiale incarne à lui seul dans sa discipline l'âme d'un pays, cela donne Pessoa ou Oliveira, et l'on est fier."
"Comme Dreyer ou Bunuel, l'art d'Oliveira tient de l'ascète baroque ce qui chez eux n'était pas contradictoire. En plus, il était malicieux."
"Non ou la vaine gloire de commander" est l'un des films majeurs de Manoel et quel beau titre! Quelle leçon!"

Serge Toubiana (Cinémathèque française)
"Il ne faudrait vraiment pas que l’on se contente de garder en mémoire, à propos de Manoel de Oliveira, qu’il fut le cinéaste en activité le plus âgé de toute l’histoire du cinéma mondial. Ce serait faire un sort injuste à sa mémoire. Car il fut bien plus que cela, un très grand cinéaste, né en 1908 à Porto, sa ville, qu’il a filmée et qu’il aimait, auteur d’une soixantaine de films, courts ou longs, voire très longs – son adaptation du Soulier de satin, d’après Claudel, œuvre magnifique, autant lyrique que plastique, durait 6 heures cinquante.

Manoel de Oliveira, qui vient de nous quitter à l’âge de 106 ans, était, de tous les cinéastes en activité, le seul qui avait connu le temps du muet. Douro, faina fluvial, son premier film, un documentaire lyrique sur Porto, date de 1929. Cette trace du muet, ce souvenir intime de l’époque où le cinéma n’était qu’images, est demeuré vivace et traverse son œuvre, aiguisant son regard, accentuant son acuité formelle et narrative. Manoel de Oliveira était un infatigable conteur d’histoires, qui croyait ferme au cinéma des temps primitifs, à ce temps où la croyance du spectateur se fondait sur un regard candide, seul à même de pouvoir entrer dans l’écran, comprendre les personnages, vivre leurs sentiments, pénétrer dans la profondeur de leur âme. Lorsqu’il parlait de ses films, ou de ceux des cinéastes qu’il admirait, il y avait chez Manoel de Oliveira, cette même candeur, ce goût dans la croyance des sentiments profonds et exacerbés, quelque chose de l’enfance qu’il exprimait, tel un homme sage et malicieux.

Il était un grand ami de la Cinémathèque française, ayant connu Henri Langlois, qui fut le premier à reconnaître son talent et à montrer ses films. L’an dernier, à l’occasion du centenaire du fondateur de la Cinémathèque, Manoel de Oliveira nous avait adressé un message émouvant et clairvoyant, rendant hommage à ce montreur d’ombres qu’était Langlois.
Nous avions accueilli Manoel de Oliveira à plusieurs reprises à la Cinémathèque, en 2008 pour un formidable dialogue avec Antonio Tabucchi, puis en février 2011 pour l’avant-première de L’Etrange affaire Angelica, et organisé la rétrospective de son œuvre en 2012.

La même année, nous avions découvert Gebo et l’ombre, un de ses derniers films, œuvre qui trouvait son inspiration dans les origines mêmes du cinéma et où l’éclairage des personnages et des décors semblait provenir de lanternes magiques, d’un théâtre optique ou de machines à rêves. Image vacillante et tremblante d’un art balbutiant, qui ne sait pas encore qu’il va devenir l’Art du XXe siècle. Manoel de Oliveira était un paradoxe vivant, à la fois cinéaste des origines, des émotions premières, et cinéaste cultivé, raffiné, inspiré par la grande littérature (Claudel, Flaubert, Dostoïevski, Madame de La Fayette, Agustina Bessa-Luis…), auteur de grands films romanesques, comme Le Passé et le Présent (1972) Amour de perdition (1979), Francisca (1981), Non, ou la vaine gloire de commander (1990), La Divine comédie (1991), Val Abraham (1993), La Lettre, son adaptation de La Princesse de Clèves en 1999. Sans oublier le génial Je rentre à la maison, avec Michel Piccoli, ou Belle toujours, avec Bulle Ogier et Michel Piccoli, suite imaginaire de Belle de Jour de Luis Buñuel.

En France, nous avions découvert ses films vers le milieu des années 70 par l’intermédiaire de Paolo Branco, alors exploitant d’une salle de cinéma à Paris, du côté de République. Ensuite, Paolo Branco devint le producteur attitré de Manoel de Oliveira, l’accompagnant durant deux décennies dans son parcours de cinéaste."

Frédérique Bredin (CNC)
"Frédérique Bredin, présidente du CNC, a appris la disparition de Manoel de Oliveira avec une immense tristesse. Elle rend hommage à la mémoire d’un cinéaste dont l’exigence artistique s’était toujours maintenue au plus haut niveau. Il avait souvent travaillé avec des acteurs et actrices français, et tourné en langue française. L’avance sur recettes l’avait accompagné à plusieurs reprises, saluant la beauté de ses scénarios, emprunts de poésie et de nostalgie. Le cinéma mondial perd l’un de ses grands explorateurs."

Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication
"Manoel de Oliveira nous a quittés le 2 avril, à Lisbonne.

Il avait joué dans La chanson de Lisbonne, le premier film parlant tourné au Portugal. Mais c’est bien sûr comme réalisateur que Manoel de Oliveira s’était fait reconnaître dans le monde entier comme l’un des très grands noms du septième art.

Si son œuvre est profondément marquée par la littérature et le théâtre de son pays, Manoel de Oliveira nous a offert aussi une magnifique adaptation, véritable tour de force, du chef-d’œuvre de Claudel, Le Soulier de satin.

C’est encore une adaptation d’un autre grand texte français, Madame Bovary, qui lui vaudra de s’imposer au-delà de son Portugal natal et avec La Lettre inspirée de La princesse de Clèves qu’il décroche le Prix du jury au Festival de Cannes en 1999.

Manoel de Oliveira avait fêté ses 106 ans ; il y a quelques mois. C’était le doyen des cinéastes en activité, un créateur d’une fascinante énergie que le temps semblait impuissant à lasser. Le grand âge fut pour lui celui de la moisson, continuant à récolter les fruits de toute une vie de méditation et de contemplation, une vie vécue en poète."

Serge Toubiana, nouveau Président de l’Avance sur recettes

Posté par vincy, le 24 décembre 2013

Frédérique Bredin, présidente du CNC a nommé, en accord avec la ministre de la culture et de la communication, Aurélie Filippetti, Serge Toubiana à la présidence de la commission d’avance sur recettes, pour une durée d’un an (renouvelable une fois) à compter du 1er janvier 2014.

Il remplace l'éditeur Paul Otchakovski-Laurens dont le mandat commencé en 2011 arrivait à échéance. Dans son communiqué, Frédérique Bredin "se réjouit que Serge Toubiana ait accepté de lui succéder et d’assumer désormais cette responsabilité à un moment crucial pour l’avenir du cinéma français."

Serge Toubiana a été le rédacteur en chef de la revue Les Cahiers du cinéma avant de devenir le directeur de la Cinémathèque française en 2003.

Dans une tribune publiée dans Le Monde aujourd'hui, Paul Otchakovski-Laurens rappelle les vertus de l'Avance sur recettes alors qu'elle semble critiquée par des professionnels comme par des élus ou haut-fonctionnaires : "nous choisissons, et donc excluons par la force des choses, ce qui explique bien des amertumes, c'est dans la plus grande transparence et avec le souci jamais démenti de l'ouverture et de la diversité de nos choix. Curieusement, cette diversité et cette ouverture sont également critiquées. Un film à gros budget est-il soutenu, nous sommes accusés de voler au secours du succès. Un film d'auteur, comme on dit étrangement ? On nous reproche alors de ne pas tenir compte des goûts supposés du public. Mais il faut savoir que des films ne se feraient pas sans l'Avance sur recettes. Et s'il arrive qu'elle soutienne des films qui se feraient sans elle c'est avec cette conviction qu'ils se feront mieux avec elle."

La commission d’avance sur recettes est composée de trois collèges siégeant séparément, de trois vice-présidents et de 25 membres titulaires. Le président est commun aux trois collèges. Le premier collège examine les demandes d’avance avant réalisation présentées pour une première œuvre cinématographique de longue durée d’un réalisateur. Le deuxième collège étudie les demandes d’avance avant réalisation pour des œuvres de réalisateurs ayant réalisé déjà au moins un long métrage. Le troisième collège est compétent pour examiner les demandes d’avance après réalisation.

Cinéaste, scénariste, producteur, danseur, écrivain, éditeur, techniciens du cinéma plasticien, critique, vidéaste : les collèges fédèrent des passionnés de cinéma venus de tous les horizons. Dans cette commission 2014, on retrouve Marie Darrieussecq, Delphine Gleize, Alain Attal, Olivier Assayas, Jérémie Elkaïm, Hervé de Luze, Xavier Leherpeur ou encore Rebecca Zlotowski.

L’avance sur recettes sur scénario (avant réalisation) a soutenu en 2013, 55 projets de long métrage, sur 647 demandes.

Hommage à Bernadette Lafont à la Cinémathèque française en présence de Catherine Deneuve

Posté par vincy, le 14 décembre 2013

catherine deneuve serge toubianaVendredi soir, la Cinémathèque française lançait son week-end "Hommage" à Bernadette Lafont, disparue l'été dernier. le président de la Cinémathèque Serge Toubiana, visiblement ému, confessait : "Je regrette de ne pas avoir rendu cet hommage à Bernadette avec elle. Rétrospectivement, c'est une évidence. Bernadette c'est une enfant de la Cinémathèque, une enfant de la cinéphilie." Bulle Ogier, Claudie Ossard, Françoise Lebrun, Jean-Pierre Léaud, Alexandra Stewart étaient présents.

Et puis il y avait Catherine Deneuve. Car pour ce premier soir, la Cinémathèque avait décidé de présenter Zig-Zig du cinéaste Laszlo Szabo, où la blonde Catherine et la brune Bernadette incarnent un duo sublime de chanteuses-danseuses-arnaqueuses dans le Montmartre du début des années 70. Une comédie policière extravagante, une farce un peu sombre où les paumés et les flics, les putes et les rockeurs, les gens de la haute et les rêveurs se mélangent pour le meilleur et pour le pire. Le film idéal pour célébrer la mémoire de cette actrice iconoclaste. Cette tragi-comédie, dotée de situations absurdes très drôles, de dialogues hilarants, illumine les deux comédiennes, magnifiques, et traduit une alchimie rare au cinéma. Deneuve avoue son admiration pour son ancienne partenaire : "C'était une partenaire formidable, pleine d'énergie, de drôlerie, de truculence. Dans mon coeur ce sera toujours une amie." On se demande comment Deneuve a ressenti la projection de Zig-Zig (malgré une copie passablement usée, hélas). Elle ne laissera rien paraître. A la fin de la projection, après avoir signé quelques autographes, elle fonce fumer une de ses longues cigarettes avant de s'engouffrer dans une berline noire dans l'hiver pluvieux parisien. Il est loin le temps de Zig-Ziguer...

zig zig lafont deneuveToubiana a également lu un texte de Brigitte Bardot et invité Bernard Bastide sur scène. Bastide est le co-auteur de Bernadette Lafont, une vie de cinéma, paru fin octobre aux éditions nîmoises Atelier Baie. "C'est un beau livre, avec une âme, une parole, une vibration, parce que Bernadette Lafont s'est confiée longuement" a expliqué Toubiana. Bastide se rappelle lui avoir proposé de faire ce grand livre d'images il y a quelques années. Durant deux ans, ils se voyaient régulièrement toutes les semaines. Elle lui a ouvert ses archives : des lettres inédites de Truffaut - "C'est une locomotive lancée à toute vapeur" disait-il de la comédienne - des photos rares, ... Elle gardait tout, mais elle n'était tournée que vers l'avenir... Ponctué d'hommages de différents cinéastes, Toubiana choisit celui d'Alexandre Astruc, écrit en 1971 : "Une sainte et un phénomène de foire, une martyre et une femme canon". Singulière, comme Arletty ou Fernandel.

Les films projetés dans le cadre de l'hommage du 13 au 15 décembre:
Zig-Zig - Laszlo Szabo
Une belle fille comme moi - François Truffaut
La Fiancée du pirate - Nelly Kaplan
La Maman et la putain - Jean Eustache
Personne ne m'aime - Marion Vernoux
Toutes les informations et tout le programme

20 ans après la mort de Serge Daney, hommage à la Cinémathèque

Posté par vincy, le 10 juin 2012

Il y a 20 ans, le 12 juin 1992, le SIDA emportait le critique de films et théoricien de l'image Serge Daney. Il avait 48 ans et 8 jours. Il laisse une oeuvre considérable de textes sur le cinéma (principalement publiés chez P.O.L.), mais aussi sur la télévision, la politique, l'urbanisme et le tennis. Les Sentimental Bourreau en avait d'ailleurs fait une pièce jubilatoire, L'exercice a été profitable monsieur, clamant ses écrits en jouant à a raquette.

A la fois observateur, conteur, voyageur, analyste et commentateur, Daney a laissé une "façon d'écrire" sur le cinéma, qu'on peut encore retrouver chez certaines plumes de la presse qui l'ont côtoyé. Jamais snob (il considérait que le cinéma avait deux jambes, l'une populaire, l'autre sophistiquée), il ne méprisait aucun genre. Daney essayait de faire comprendre ce que l'on voyait, dépeçait les émotions pour savoir si elles n'étaient que sensations. Il voulait qu'on ouvre les yeux, et jouait les allumettes, quitte à mettre le feu, pour faire tenir nos paupières. "Le cinéma n'est pas une technique d'exposition des images, c'est un art de montrer. Et montrer est un geste, un geste qui oblige à voir, à regarder" écrivait-il.

Fondateur de la revue Visages du cinéma en 1962, critique aux Cahiers du cinéma en 1964, quand les "anciens" passent derrière la caméra, rédacteur en chef des Cahiers du cinéma aux côtés de Toubiana dès 1973, critique (puis éditorialiste) à Libération en 1981, animateur de Microfilms sur France Culture (1985-1990), il écrit dans Trafic, revue trimestrielle créée par son éditeur, P.O.L., durant la dernière année de sa vie.

Son premier texte, à 18 ans, concerne Rio Bravo d'Howard Hawks. Dès lors, il n'aura que le cinéma comme unique horizon. Pour lui, le cinéma est le reflet de notre propre vie. Il nous parle à chacun d'entre nous, nous raconte notre histoire. Toujours sur la route, en Asie, en Afrique, il écrivait sans cesse. Voir, encore et toujours.

Pour les 20 ans célébrant sa disparition, la Cinémathèque organise un cycle , "Serge Daney, 20 ans après" du 20 juin au 5 août. Vous pourrez y découvrir (ou pas) des films sur lesquels il a écrit. Carax, Fellini, Preminger, Bunuel, Kurosawa, Mizogushi, Garrel, Truffaut, Dreyer, Oliveira, Ford, Rohmer, Pialat, Resnais, Welles, Rossellini, Bresson, Renoir, Ruiz, Hawks, Tati, Hitchcock, Straub, Chaplin, Becker forment ainsi un beau panthéon. Un documentaire de Claire Denis avec Serge Daney ainsi que deux documentaires dont il est l'objet seront projetés. Une journée d'étude est organisée le 22 juin, en présence de Melvil Poupaud, qui rendait hommage à son ami dans son autobiographie semi-fictive, Quel en Mon noM?.

A la bibliothèque et en librairie, vous pourrez trouver La rampe (Cahier critique 1970-1982), les deux volumes du Ciné journal (1981-1986), Le salaire du zappeur, L'exercice a été profitable Monsieur, Devant la recrudescence des vols de sacs à main, L'amateur de tennis, Persévérance (entretien avec Serge Toubiana), Les Maison cinéma et le monde (en trois volumes). Une véritable leçon d'écriture sur le cinéma, mais surtout un goût pour la liberté et une écriture sans frontières. Sans formatage.

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Tout le programme sur le site de la Cinémathèque

La Master Class de Steven Spielberg suivie par 10 000 internautes

Posté par vincy, le 10 janvier 2012

Steven Spielberg est à l'honneur de la Cinémathèque française, depuis hier et jusqu'au 3 mars. Un honneur d'autant plus logique que cet amoureux du cinéma mondial a deux films à l'affiche actuellement. Les aventures de Tintin, sorti en octobre en France et pour les fêtes en Amérique du nord, a déjà dépassé les 330 millions de $ de recettes internationales. Cheval de guerre, qui sortira sur les écrans français le 22 février, film épique dans la veine des oeuvres de David Lean, sorti le jour de noël en Amérique du nord, a déjà rapporté 60 millions de $ malgré sa longueur et son sujet dramatique.

La Cinémathèque française, à l'occasion de la rétrospective intégrale des films de Spielberg, avait organisé lundi 9 janvier une Master Class animée par Serge Toubiana, directeur de l'institution, et Costa-Gavras, président, avant la projection en avant-première de Cheval de guerre. Cette Leçon de cinéma était simultanément diffusée sur les sites internet d'Arte.TV et de la Cinémathèque. 10 000 internautes ont suivi le streaming. A noter que la vidéo est disponible durant un an sur les deux sites, en VO et en VF.

"Si je n'ai pas d'histoire à raconter, je deviens fou" a assuré le réalisateur devant une salle depuis longtemps complète. Standing ovation du public, "Je t'aime", en français du cinéaste qui s'avoue surtout "raconteur d'histoire". Il ne semble pas se lasser de faire des films : il a si soif de travail qu'il peut travailler sur deux films en même temps, à des vitesses différentes (trois ans pour Tintin, 7 mois pour Cheval de Guerre, écriture incluse).

Enfant prodige du cinéma américain de ces 40 dernières années, désormais vétéran vénérable et honoré, il partage son expérience devant une salle comblée. "Le premier conseil, c'est de bien choisir son casting. J'y consacre beaucoup de temps et, une fois que c'est fait, le second point, c'est d'écouter les acteurs choisis. A quoi ça sert, sinon, de sélectionner des gens talentueux ? En écoutant vos acteurs, vous écoutez votre histoire".

C'est François Truffaut qui lui a donné le meilleur conseil: "On s'est rencontré à Mobile, Alabama, il venait de terminer 'L'Argent de poche' et il m'a dit: tu devrais travailler avec des enfants, travailler pour les enfants. Et c'est ça que je suis aujourd'hui: ce que vous êtes transparaît dans vos films. Et dans le fond, je ne me suis jamais éloigné de l'enfant que j'étais".

Mais l'enfant est désormais analysé par tous les critiques, experts, professeurs de cinéma. Son succès mondial en a fait une star aussi populaire que les acteurs. La Cinémathèque organise des conférences cet hiver : "Spielberg / Eastwood : chronique du chaos et de l'au-delà" le 16 janvier, "Spielberg 2001-2005 : récits abimés, récits de l'abyme" le 23 janvier et une table ronde sur 'Le cinéma américain ou l'art de raconter des histoires : Eastwood - Spielberg - Altman (et les autres..." le 4 février.