Un nouveau délégué général pour le Festival du film d’animation d’Annecy

Posté par MpM, le 12 juin 2012

Alors que la 36e édition du Festival d'Annecy s’est achevée le 9 juin dernier, l'identité du nouveau délégué artistique du Festival a enfin été révélée. Il s'agit du Canadien Marcel Jean, qui succède à Serge Bromberg après 14 années de bons et loyaux services.

Critique, auteur, producteur, directeur de collections (aux éditions Les 400 Coups), conservateur du cinéma d’animation à la Cinémathèque québécoise et professeur d’histoire et esthétique du cinéma d’animation à l’Université de Montréal, le nouveau responsable du plus grand festival d'animation de France est connu pour son engagement dans la production d'œuvres d’animation d’auteur. Il a également réalisé et coproduit plusieurs films (Vacheries, Ecrire pour penser, Conte de quartier...)

Marcel Jean a donc une année pour s'approprier la manifestation qui a permis cette année encore de mettre en lumière plus de 200 films d'animation parmi lesquels courts, longs, fictions, documentaires, oeuvres de commande, films de télévision ou de fin d'études.

__________

Retour sur le palmarès 2012

* Longs métrages

Cristal du long métrage : Le voyage de Monsieur Crulic d’Anca Darnian (Roumanie)
Mention spéciale : Arrugas d’Ignacio Ferreras (Espagne)
Prix du public : Couleur de peau : miel de Laurent Boileau et Jung Henin (France, Belgique, Corée du Sud)

* Courts métrages

Cristal d’Annecy : Tram de Michaela Pavlátová (France)
Prix spécial du jury : Édmond était un âne de Franck Dion (France, Canada)
Prix Jean-Luc Xiberras de la première œuvre : The People Who Never Stop de Florian Piento (France, Japon)
Mention spéciale : Seven Minutes in the Warsaw Ghetto de Johan Oettinger (Danemark)
Prix Sacem de la musique originale : Modern No. 2 de Mirai Mizue (Japon)
Prix du jury junior pour un court métrage : História d’EsteI de Pascual Pérez (Espagne)
Prix du public : Second Hand d’Isaac King (Canada)

* Films de télévision et de commande

Cristal pour une production TV
: Secret Mountain Fort Awesome "NightmareSauce" de Pete Browngardt (États-Unis)
Prix spécial pour une série TV : Stella et Sam "Voyage sur la lune" de Dave Merritt, Raymond Jafelice (Canada)
Prix pour un spécial TV : Petit Gruffalo de Johannes Weiland, Uwe Heidschötter (Grande-Bretagne)
Prix du film éducatif, scientifique ou d’entreprise : Le droit de suite de Pierre-Emmanuel Lyet (France)
Prix du film publicitaire ou promotionnel : Red Cross "Stuff" d’Andrew Hall (États-Unis)
Prix du meilleur vidéoclip : We Cut Corners "Pirate’s Life" de Przemyslaw Adamski, Kartazyna Kijek (Pologne)

* Films de fin d’études

Prix du meilleur film de fin d’études : The Making of Longbird de Will Anderson (Grande-Bretagne)
Prix spécial du jury : Kyrielle de Boris Labbe (France)
Mention spéciale : Le jardin enchanté de Viviane Karpp (France)
Prix du jury junior pour un film de fin d’études : Friendsheep de Jaime Maestro (Espagne)

* Autres prix

Prix Unicef : Couleur de peau : miel de Laurent Boileau, Jung Henin
Prix Fipresci : Tram de Michaela Pavlátová
Prix Canal+ aide à la création pour un court métrage : Una furtiva lagrima de Carlo Vogele (Luxembourg)

Le voyage dans la lune, de Georges Méliès : le premier blockbuster de l’histoire du cinéma

Posté par Benjamin, le 14 décembre 2011

Pour moi, tout commence en décembre 2010 lorsque je rencontre Serge Bromberg pour la première fois dans les locaux de Lobster Film à Paris. Je viens lui poser de nombreuses questions sur la restauration des tout premiers films de Chaplin qui viennent de sortir en DVD. Nous discutons un peu. Il me montre une partie de sa collection, quelques bobines de Buster Keaton que j’admire. Et en guise de cadeau, le restaurateur accepte de me montrer sur quel projet fou il travaille d’arrache-pied depuis quelques temps. Il ouvre une boîte et je découvre avec horreur des milliers de petits bouts de pellicule ! C’est Le voyage dans la lune de Georges Méliès, dans une version colorisée inédite (voir notre critique), et Serge Bromberg me dit : « vous verrez, dans quelques mois, ce projet fera du bruit. On en entendra parler partout ! ». Chose promise, chose due. Le film est aujourd’hui restauré au prix d’incroyables efforts et il ressort en salles, accompagné d’un superbe documentaire.

C’est l’histoire d’un voyage dans le temps et aux quatre coins du globe. Un voyage qui débute en 1902, qui passe par Cannes, Londres, Tokyo, New-York et qui fait même un arrêt sur la lune ! C’est une histoire incroyable. Un pari de dingues, de passionnés qui n’avaient qu’une idée en tête : ressusciter le film le plus célèbre de Georges Méliès, l’inventeur du cinéma de divertissement.

Le premier blockbuster de l’histoire du cinéma

La qualification est forcément racoleuse, et pourtant nous ne sommes pas si éloignés de la réalité. Au début du siècle dernier, le cinéma en est à ses balbutiements et c’est la production cinématographique française qui règne en maître dans le monde. Ce sont nos films qui s’exportent aux États-Unis et non l’inverse. Et LE réalisateur de films divertissants de l’époque n’est autre que Georges Méliès, magicien de profession, qui tombe amoureux du cinéma et des possibilités infinies qu’il peut offrir. Dans ses studios de Montreuil, Méliès réalise en 16 ans plus de 500 films et Le voyage dans la lune, tourné en 1902, est un de ses projets les plus ambitieux. L’artiste/artisan aime plonger le spectateur dans des univers féériques et fantastiques. Il nous embarque dans des explorations sous-marines à la rencontre de monstres impitoyables ou bien nous envoie haut dans le ciel parmi les étoiles. Cependant, Méliès, veut aller toujours plus loin ! Il aimerait surprendre toujours plus et livrer LA superproduction de l’époque.

Il décide donc d’aller sur la lune ! Le budget est colossal (10 000 francs), la longueur du film (15 minutes) totalement inédite pour l’époque, et Méliès engage un nombre important de figurants. Bref, les moyens mis en place sont ceux qu’Hollywood peut mobiliser pour un blockbuster d’aujourd’hui.

L’histoire est simple : des scientifiques décident d’être propulsés sur la lune à bord d’une sorte d’obus géant. Là-bas, ils découvrent une nature luxuriante, quoique mystérieuse et quelque peu hostile, ainsi que les « locaux », les Sélénites, qui tentent de les capturer. Heureusement, les aventuriers parviennent à regagner la terre ferme où ils sont accueillis en héros.

Dès sa sortie, le film est un énorme succès. Les forains se l’arrachent et le film est même très fortement "piraté" aux États-Unis. Des copies frauduleuses circulent sur tout le territoire, obligeant Méliès à ouvrir une succursale à New-York pour faire valoir ses droits.

Cependant, et c’est ce qui nous intéresse ici, Méliès veut que le spectacle soit total et pour cela, il veut de la couleur, ce qui coûte cher ! Certaines copies seront vendues en noir et blanc (la majorité), tandis que d’autres seront en couleur (des versions « de luxe »). Et en couleurs signifie, dans le cas du Voyage dans la lune, la dextérité de 400 jeunes filles armées d’un pinceau et peignant chaque case de pellicule une par une, chaque personne ayant en charge une couleur précise. Cela signifie une patience absolue et de longues journées de labeur.

Malgré l’époque et un art encore hésitant, Georges Méliès s’affranchit des limites du réel. Il va sur la lune et met de la couleur sur la pellicule, puisqu’il ne peut la filmer en direct. Et c’est d’ailleurs cela qui donne au Voyage dans la lune son aspect si original et atemporel. La couleur n’est pas une couleur « naturelle », elle est flagrante, voyante, et renforce l’aspect fantastique et féérique du film.

Pour le 150ème anniversaire de sa naissance, Georges Méliès peut se dire que, bien qu’il ait fini dans la pauvreté et dépouillé de ses studios, son cinéma, lui, est toujours présent, et sa féérie parfaitement intacte.

________

Le voyage dans la lune est programmé dans les salles françaises à partir du 14 décembre en accompagnement du documentaire Le voyage extraordinaire, de Serge Bromberg, qui explique sa restauration.

Restauration du Voyage dans la lune de Georges Méliès : un Voyage extraordinaire

Posté par Benjamin, le 14 décembre 2011

Le voyage dans la lune de Georges Méliès vient d’être restauré dans une version colorisée inédite par Lobster Films, la Fondation Technicolor, la Fondation Groupama Gan pour le cinéma et Tom Burton de la Technicolor Film Foundation et il est présenté depuis Cannes dernier dans les festivals du monde entier.

Le film ressort en salles cette semaine (voir notre critique), accompagné d’un documentaire, Le voyage extraordinaire d’Éric Lange et Serge Bromberg. D’une durée d’une heure, ce dernier retrace la carrière du cinéaste ainsi que le tournage du film, pour, dans une seconde partie, se concentrer sur la restauration. Des témoignages (de Michel Gondry ou Costa-Gavras pour ne citer qu’eux), des documents inédits et des commentaires pertinents composent ce documentaire très instructif.

Une restauration dans l’attente

Tout commence en 1993 lorsqu’un anonyme donne généreusement plus de deux cents films muets à la Filmoteca de Catalunya parmi lesquels se trouve une version en couleur du Voyage de la lune, perdu depuis 80 ans !

En 1999, la Filmoteca et Lobster Films échangent des pellicules. Des Segundo de Chomon pour les espagnols et des Georges Méliès pour les français, dont le fameux Voyage dans la lune qui est dans un état plus que déplorable. Mais pour Éric Lange (restaurateur chez Lobster Films), c’est un rêve d’enfant et le pari de toute une vie qui se présente. Il accepte, ne sachant encore ce qu’il pourra faire de cette pellicule « collée », qui forme un seul et unique bloc aussi solide que du bois. Comment faire pour détacher la pellicule sans la détruire ? Peut-on sauver le film ? Peut-on le restaurer ? Autant de questions auxquelles personne n’a de réponse…

En 1999, les techniques de restauration sont insuffisantes, alors le film est conservé dans un coin, dans l’attente d’une solution. La pellicule est toutefois placée sous une cloche de verre, subissant des vapeurs acides qui doivent « faire respirer » le matériel. Ces vapeurs permettent à la pellicule de se décoller lentement. Avec une minutie exemplaire, Éric Lange, tel qu’on le voit dans le documentaire, travaille sur son temps libre et s’aide d’un bout de pellicule pour dérouler le film de Méliès, bout par bout. Des petits morceaux se détachent et il photographie chaque image, une à la fois ! Il y passe de nombreuses nuits et, un an plus tard, ce sont  13 375 images (dont certaines sont brisées en plusieurs morceaux) qui sont stockées dans un disque dur et qui attendent des technologies suffisamment performantes pour être restaurées.

Cependant, la politique de la Fondation Technicolor, de la Fondation Groupama Gan et de Lobster Films, est, non seulement de restaurer le film, mais également de sauvegarder la pellicule ! Toute pellicule « ancienne » est placée sur une nouvelle, plus stable et plus résistante, dont on estime la durée de vie à 1 000 ans. Or, ici, la pellicule était dans un tel état que seules les images sur le disque dur sont sauvées. La pellicule, après le traitement des vapeurs acides, s’est solidifiée pour devenir aussi fragile que du verre. Impossible de la passer dans une tireuse optique pour la déposer sur un support plus stable sans qu’elle s’abîme et se brise davantage. Le film d’origine est donc quasiment perdu…

Le secours du numérique

De 1999, il faut passer directement à 2010 où Lobster Films s’associe à la Fondation Technicolor et à la Fondation Groupama Gan pour restaurer ensemble Le voyage dans la lune. Grâce au numérique, on peut enfin envisager de restaurer le film. Il faut tout d’abord recomposer les images. Imaginez que vous faites tomber un verre du 10e étage et que l’on vous somme de lui rendre son aspect d’origine ! Multipliez cette opération une centaine de fois et vous aurez une estimation de la tâche qui attendait tous ces restaurateurs.

Pour mener à bien cette opération d’envergure (tous les restaurateurs en charge du projet ont affirmé qu’il s’agit de la restauration la plus difficile jamais effectuée jusqu’à présent), les trois équipes françaises traversent l’Atlantique pour aller trouver l’aide de Tom Burton, dans les bureaux de Technicolor à Los Angeles, et dont la devise est : "Ce qui est difficile, nous le faisons immédiatement. Ce qui est impossible prendra juste un petit plus de temps." C’est là-bas que pendant de longs mois le plus gros de la restauration sera fait.

Les images vont être recomposées une par une, et remises dans l’ordre. Les séquences vont être ajustées. Les couleurs vont être à nouveau peintes, à la main ! Des mois de travail acharné pour faire renaître le grand film de Méliès. Et puisque 7 % du film manque, les restaurateurs vont aller les chercher dans une copie noir et blanc pour que le film soit complet. Enfin, pour pouvoir atteindre un public large, une musique originale est composée par le groupe Air. Une musique électro qui s’accorde parfaitement au film.

Le voyage dans la lune marque ainsi un tournant dans l’Histoire de la restauration. Il prouve que les diverses sociétés de production ont un seul et même but commun. Il prouve que les technologies d’aujourd’hui permettent de restaurer ce que tout le monde disait impossible à sauver ! Et enfin, il prouve qu’un film restauré peut, en 2011, faire l’ouverture du festival de Cannes, juste avant le film de Woody Allen, et être applaudi par des milliers de spectateurs à travers le monde.

___________________
Le voyage dans la lune est programmé dans les salles françaises à partir du 14 décembre en accompagnement du documentaire Le voyage extraordinaire, de Serge Bromberg, qui explique sa restauration.

L’instant vintage : un homard, la lune et des Japonais

Posté par Benjamin, le 2 décembre 2011

Pour débuter cette nouvelle rubrique, Ecran Noir a choisi de vous parler d’une société de restauration française privée qui fait des miracles, récolte des Césars et redonne vie aux chefs d’œuvres du cinéma muet. Il s’agit bien entendu de Lobster Films que « dirige » Serge Bromberg.

Serge Bromberg et Lobster Films reviendront certainement à de nombreuses reprises dans nos articles car ils sont des acteurs majeurs de la restauration et de la sauvegarde du patrimoine cinématographique : spectacles live, DVD, festivals, etc. Ils sont partout et arrivent chaque année les bras chargés de cadeaux. Le dernier en date ? La restauration d’une nouvelle version (colorisée) du Voyage dans la lune de Méliès, rien que cela. Ce même Voyage dans la lune qui sert de fil conducteur au nouveau film de Martin Scorsese, Hugo Cabret.

Au programme aujourd’hui : un site internet, un réalisateur oublié, un film à trucs et une société de production déjà nommée. En effet, pour ouvrir le bal, un petit film français intitulé Les Kiriki, acrobates japonais, de Segundo de Chomon, et qui date de 1907. A cette époque, la production cinématographique française domine le monde. Georges Méliès, Pathé et Gaumont occupent le terrain et Edison a bien du mal à s’imposer. Les grands réalisateurs tel que Griffith n’ont pas encore fait leur preuve et des artistes comme Douglas Fairbanks, Mary Pickford, Thomas H. Ince, Mack Sennett ou encore Charlie Chaplin n’ont pas encore débuté au cinéma.

Ce petit court burlesque est disponible gratuitement sur le site internet Europa Film Treasure qui est une initiative de… Lobster Films ! Ce site, déjà très connu, propose aux internautes de regarder des films d’époques diverses qui appartiennent aux cinémathèques européennes. Le principe de base est simple, Lobster Films a demandé aux cinémathèques de livrer quelques-uns des innombrables trésors qui « croupissent » dans leurs archives pour les mettre sur la toile. Car l’un des grands problèmes des conservateurs est de savoir quoi faire des milliers de boîtes de bobines qui s’entassent et qui restent dans l’ombre dans ces grands hangars... Bien souvent, les collections sont si importantes que les cinémathèques n’ont pas une connaissance précise ou une liste complète de tous les films qu’ils possèdent. Ce site internet, lui, permet de rendre public ces films qui seraient difficilement commercialisables.

Ainsi, on peut savourer, entre autre, ce très court film de Segundo de Chomon, réalisateur que l’on pourrait qualifier de « petit Méliès ». En effet, il fut engagé par Pathé pour concurrencer les films à trucs de la Star Film du magicien du cinéma. Ainsi, il réalise ce court métrage burlesque dont le trucage est des plus simples. Les acteurs, grimés en artistes asiatiques, ont joué couchés sur le sol (un fond noir), et tout est fait pour donner l’illusion qu’ils sont débout et effectuent des figures incroyables.

Mais, il faut savoir que ce film n’a pas été mis tel quel sur internet. Il a été restauré par Lobster Films qui a notamment repeint image par image la pellicule pour lui redonner les couleurs de l’époque. Car, si le noir et blanc était largement dominant, des films en couleurs étaient tout de même diffusés dans les premiers temps du cinéma. Chaque image était peinte à la main. C’est ce procédé que les restaurateurs de Lobster Films ont repris pour coller à la réalité historique. Un travail de précision que l’on ne peut qu’applaudir et apprécier.

Ce court métrage est aussi disponible sur le 2ème DVD de la collection Retour de flamme, édité par Lobster Films.

L’instant vintage : La restauration donne une seconde vie aux films

Posté par Benjamin, le 30 octobre 2011

Ce n’est que dans les années 1930 que des personnalités du cinéma telles qu’Henri Langlois se sont mobilisées pour sauver les richesses du cinéma muet. Les cinémathèques à travers le monde se sont créées (la Cinémathèque française, en 1936, fut l’une des dernières, bien après l’Allemagne, le Royaume Uni ou les Etats-Unis) pour, d’une part, stocker ces films, et d’autre part, les projeter et leur donner une seconde naissance.

Car après tout, le but de la conservation et de la restauration est d’apporter un regard nouveau sur une œuvre plus ou moins datée. Lorsque le festival de Cannes organise la projection du Guépard, d’Orange mécanique ou même du Sauvage en version restaurée, il soumet ces films au jugement du temps. Ont-ils passablement vieilli ? Ont-ils au contraire gardé (ou amplifié) la force qu’ils possédaient à leur sortie ? Sont-ils toujours des classiques que le temps n’effleure même pas ?

La restauration met les films à l’épreuve. C’est un second jugement, un second regard car, dans l’art comme dans toutes choses, il faut souvent y regarder à deux fois. Combien de films ont été massacrés lors de leur sortie pour être auréolée 20 ans plus tard (Citizen Kane en est un parfait exemple). Mais aussi combien de films subissent le sort inverse ? Ils sont, lors de leur première diffusion, jugée, perçue comme une œuvre agréable et ils souffrent cruellement aujourd’hui des années qui leur sont passées dessus. Et ce film qui était alors autrefois un succès n’est plus que le témoin de cette époque résolue. On le regarde en souriant. Ces défauts deviennent comiques mais il ne faut pas le jeter ou le détruire pour autant. Et la restauration, grâce aux recherches des restaurateurs, permet enfin de découvrir des versions inédites de chefs d’œuvres, comme Metropolis pour ne citer que lui qui a gagné près de 30 minutes (pas inutiles) de métrage !

Les films restaurés sont aussi un musée des souvenirs, ils revêtent un costume qu’on ne leur connaissait pas. Par exemple, un film que l’on juge mauvais peut avoir un intérêt historique, être le témoin privilégié, la transmission vers la postérité d’une ville, d’un métier, d’un trait d’époque qui n’existe plus. Le film se pare d’une valeur historique et/ou sociologique. Il nous informe également sur une façon de faire du cinéma qui n’est certainement plus la même aujourd'hui. La version restaurée inédite du Voyage dans la lune de Méliès, coloriée au pochoir, nous apprend que le cinéma en couleur existait dès les années 1900 mais qu’il fallait pour cela que les artisans du cinéma peignent à la main chaque carré de pellicule !

Grâce à la restauration, c’est aussi le jugement critique qui peut être mis de côté pour ne faire ressortir que le simple plaisir de voir un film un brin provocateur pour son époque, un cartoon des premiers temps ou les premières actualités filmées. Le cinéma est un œil braqué sur le monde. Il a mille fonction mais toujours le même objectif : divertir. La critique perd alors un peu de son sens (éclairer le spectateur) pour ne devenir qu'un reflet déformant, souvent valorisant.

En restaurant les tout premiers films de Chaplin, Losbter Films, la Cinémathèque de Bologne et le British Film Institute donnent à voir la naissance pour ne pas dire la création de Charlot ! Ce n’est pas rien. Ces films de 1914 nous offrent une connaissance plus approfondie de ce qu’était le cinéma burlesque à cette époque, de la position de Chaplin et de son développement artistique en une seule année. Mais aussi de précieuses informations sur les techniques de réalisation, de montage, de production, etc. Il y a une foule de détails dans ces films ! Un spectateur lambda appréciera les gags un peu grossiers et le rythme haletant de ces comédies Keystone.

Serge Bromberg, célèbre restaurateur admiré de tous, désire que le spectateur regarde ses films avec son âme d’enfant. La restauration doit aussi ramener cela : le simple et pur plaisir du spectateur qui se prélasse devant un film, et peu importe sa date de production tant qu'il reste une copie, même abîmée. Car après tout, il n’y a que la contemplation qui compte.

Il ne faut pas oublier ce conseil d’Henri Langlois : « tout conserver ! » Pour cela Ecran Noir a décidé de consacrer une rubrique dédiée à ces films "vintage" sur son blog. En parler comme on parle des autres films. Ce n'est pas seulement faire revivre le patrimoine, c'est aussi le rendre indispensable à nos mémoires.

Car, malheureusement, la place manque pour la conservation et la restauration ne rapporte pas d’argent, malgré les re-sorties en salles souvent réussies et des DVD bien soignés. La VOD/VàD reste un modèle économique à suivre pour rentabiliser les coûts.

Elle n’est nourrie que par le temps et la passion de certains cinéphiles. Si vous trouvez un film chez vous, chez votre voisin, une pépite ou une pellicule, quelque chose qui pourrait être intéressant, n’hésitez pas à le signaler car il peut être sauvé et diffusé au plus grand nombre. Ces films sont comme les trésor des pirates enfouis : la quête devient inestimable...

Cannes 2011 : le Festival nous promet la lune (de Méliès)

Posté par Benjamin, le 10 mai 2011

Dans les premières années du 7ème art, deux types de cinéma se sont distingués : le cinéma documentaire, s’inspirant de la vie réelle et créé par les frères Lumières et le cinéma de pur divertissement dans lequel Georges Méliès règne en maître. Cette année, le 64e Festival de Cannes a décidé de mettre à l’honneur ce dernier avec la présentation d’une version colorisée et restaurée du Voyage dans la lune, ce fameux film où la lune est éborgnée par une fusée. Le film sera projeté lors de la soirée d’ouverture mercredi 11 mai, dans le cadre Cannes Classics, pour célébrer les 150 ans de la naissance du réalisateur.

Les cinéphiles que vous êtes se demandent immédiatement comment une version en couleur peut exister de ce film réalisé en 1902, alors que la couleur n’apparaît que bien plus tard dans les années 30. En fait la couleur est ici une peinture rajoutée sur la pellicule. Chaque plan a été peint à la main.

Cette version du film inédite de 16 minutes que l’on croyait perdu a été retrouvée dans la Cinémathèque de Barcelonne et est aujourd’hui en possession de Lobster Films, qui a déjà restauré près de 200 films de George Méliès (sur les 500 existants et que Méliès n’avait pas détruit dans un excès de colère à la fin de sa carrière).

Avec l’aide de la Fondation Groupama Gan pour le cinéma et la Fondation Technicolor pour le Patrimoine du cinéma, ils ont entrepris de redonner vie à ce chef d’œuvre du cinéma. Dans les locaux de la société de Serge Bromberg, des centaines de boîtes contenant des morceaux, des fragments du film sont entreposés. Lorsque le restaurateur, césarisé pour L’enfer d’Henri-George Clouzot, nous a laissé entrevoir ce que contiennent les boîtes en novembre 2010, on se rend compte du travail interminable qui attend les restaurateurs. La pellicule n’est pas seulement abîmée, elle est cassée en mille morceaux. Certains plans (juste un petit carré d’images) peuvent être brisés en une dizaine de morceaux (13 375 pour être précis). Un scan va alors être effectué plan par plan pour d’abord sauvegarder le film puis ensuite entreprendre sa restauration dont le budget s'élève à 400 000 euros. Pendant un an, exclusivement en 2010, le travail de restauration est effectué à Los Angeles, dans les locaux de Technicolor. Un projet titanesque qui est, selon Serge Bromberg, le plus difficile qu’il ait eu à faire en plus de 20 ans de métier : « C’est la restauration la plus complexe et la plus ambitieuse que nous ayons jamais menée, d'autant que ce film des tous premiers temps du cinéma était invisible depuis une centaine d'années. »

Une musique, composée et jouée par le groupe AIR, a également été faite spécialement pour le film, pour faire le lien entre le public d'aujourd'hui et les images d'hier.

La restauration du Voyage dans la lune est un grand pas en avant dans ce domaine car il s’agit d’un des films les plus importants et les plus célèbres de l’Histoire du cinéma. Tout le monde, sans avoir vu forcément le film, connaît cette image si célèbre de la lune, dont le visage est celui d’une femme, avec une fusée venue se cogner dans l’un de ses yeux. Aujourd’hui, c’est un film plus long et en couleur qui pourra être apprécié par les festivaliers. Une chance unique que propose Cannes de redécouvrir l'un des plus grands films de la préhistoire du cinéma. Un monument historique retapé avec brio et audace.

« Retour de Flamme 3D » à la Géode

Posté par Claire Fayau, le 31 mai 2010

La Géode a  25 ans . Pour fêter ce quart de siècle,  le 28 mai dernier, Serge Bromberg a concocté un  "Retour de  flamme" - "Ciné concert" 3D. Serge Bromberg (récemment césarisé pour son travail sur  L'Enfer de Clouzot), l'Indiana Jones des vieilles bobines, la mémoire du cinéma , qui va nous parler de la  3D ? Son truc  à lui , ce ne serait pas plutôt la collection de films muet en noir et blanc? La 3D, c'est pas un procédé moderne ?

Ce qu'on ignore, et que Bromberg a brillamment rappelé lors de la  soirée, c'est que des films en relief, il y en a eu dès le début du cinéma !  Louis Lumière a par exemple filmé l’entrée d’un train en gare en 3D!

Quant à Georges Méliès , tel Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, il fit de la 3D  à son insu. En effet , il utilisait deux caméras afin de filmer de filmer en double ses œuvres ; une version étant expédiée à son frère pour diffusion aux Etats-Unis (parce qu'il s'était fait piraté ses films aux USA); l'autre restant en Europe... Et l'équipe de Serge Bromberg nous offrit en première mondiale trois œuvres de Méliès en  3D  .

Dans ce panorama, divers procédés de  3D  nous sont expliqués avec pédagogie, la preuve en images.

Les film se succèdent , les époques défilent : Murder in  3D (en anaglyphes) ,  trois expérimentations russes  dans les années 60 (" Parade of Attraction" 1, 2 et 3), des dessins animés (Working for peanuts, une production Disney  avec Donald , Tic et Tac)  Walt Disney, Motor Rhythmn( film d'animation où  une Chrysler  se construit toute seule , comme par magie ) et enfin le court -métrage Pixar de 1989  : Frick  Frack (La vie d’un bonhomme de neige enfermé dans une boule à neige)...

Un événement unique, et un beau cadeau d'anniversaire à la Géode et aux amoureux du cinéma.

__________

Pour en savoir plus sur les ciné-concert "Retour de flammes", cliquez  ici: Lobster Films

Sur la programmation spéciale  25 ans de la Géode : Site internet de La Géode

La « Europa Film Treasures » ou la cinémathèque gratuite sur Internet…

Posté par geoffroy, le 14 février 2009

paul nadarEn juillet 2008, une nouvelle plate-forme de diffusion cinématographique a vu le jour sur la toile. Tout d’abord décliné sous la forme d’une offre de coffrets DVD, le projet s’est orienté, il y a maintenant deux ans, vers un formidable pari culturel unique en Europe. Cette évolution tout autant stratégique, qu’éditoriale – même s’il ne faut pas occulter son aspect économique – a permis la création d’un fond de référencement et de consultation en ligne dynamique aussi précieux qu’il demeure aujourd’hui indispensable. Ainsi, les Trésors des Archives Européennes deviennent la première cinémathèque interactive à proposer des joyaux oubliés ou jadis perdus du 7e art consultables gratuitement par les internautes.

Un homard dans le projecteur 

A l’origine du projet, il y a Serge Bromberg. Ce passionné de cinéma, collectionneur, restaurateur de vieux films, directeur artistique du Festival international du film d'animation d'Annecy et président-fondateur de Lobster Films, a compris l’extraordinaire potentiel d’une telle interface d’information accessible pour tous, qu’ils soient chercheurs, cinéphiles ou bien simples visiteurs d’un jour.

En proposant la (re)découverte du Patrimoine européen d’un art aussi universel, l'EFT offre une pluralité de regards sur un siècle d’images et dont le Programme Nadar, film réalisé par Paul Nadar en 1896, en est le porte étendard chronologique. Rendu possible par un effort d’investissement aussi bien public (la subvention européenne du Programme Média représente 50% du financement total ; aide substantielle du CNC) que privé (l’opérateur Orange assurant un rôle de sponsoring), le site met à disposition des films sans contrepartie financière.

Fort d’un partenariat unique avec pas moins de 28 cinémathèques venues de toute l’Europe (Russie inclus), l'EFT propose aujourd’hui un fond cinématographique regroupant 76 films diffusés en VoD au format Streaming (non téléchargeable) et en version originale. Le travail entre les différentes cinémathèques est systématiquement mis en avant. Il y a effort d'exhaustivité au travers des genres proposés . La qualité des films diffusés provient de la veille qualitative entres les cinémathèques, l’EFT et Lobster Films, qui peut conduire, le cas échéant, à effectuer un travail de restauration visuelle et sonore des films. L’harmonisation des différentes interfaces linguistiques et la cohérence éditoriale du site s'illustre à travers des fiches pratiques (origine, histoire et détails techniques des 76 films référencés). Ces paramètres révèlent une volonté non feinte de toucher un large public en faisant du Patrimoine cinématographique un vecteur de culture, de divertissement et de recherche.

Des films qui ont l'âge de la retraite

La programmation comporte 70% de films européens (quota imposé par le Programme Média) et doit proposer un sous-titrage d’au moins trois langues (le site en offre cinq avec le français, l’anglais, l’allemand, l’espagnol et l’italien). Les films, majoritairement de format court, s’échelonnent de 1896 à 1999 mais doivent avoir les autorisations des ayants droit (il faut attendre soixante dix ans pour que les œuvres tombent dans le domaine public) pour être diffusés légalement sur le site. C’est pour cette raison que la plupart des films datent d’avant 1950. la joie de vivre

Depuis le lancement du site au Festival de La Rochelle le 3 juillet dernier, l’apport reste irrégulier (dans ce domaine, l’Europa Film Treasures dépend beaucoup des cinémathèques) et doit, là aussi, se plier à un quota d’heures ou de titres/an fixé par le Programme Média. Si l’idée d’établir, à terme, un fond de plusieurs milliers de titres n’est pas envisagé, le choix des films (origine, genre ou durée) doit correspondre à un cahier des charges précis en lien avec l’idée de proposer un cinéma dit de Patrimoine. C’est tout l’enjeu du travail d’éditorialisation de Lobster Films, coordinateur du projet et véritable interlocuteur avec les cinémathèques participantes.

Dans ce cadre, la principale difficulté, comme aime à le souligner Serge Bromberg, n’est pas « tant de trouver des vieux films et de les restaurer, mais c’est de leur trouver un public ». A ce titre, L’European Film Treasures à tout pour devenir cette ouverture nouvelle et enrichissante à même de séduire un public curieux et surtout désireux de découvrir des films qui, sans l’existence de cette plate-forme, resteraient à moisir au fond d’un tiroir. Brynony Dixon, conservateur des archives du British Film Institute, considère, ni plus ni moins, que L’European Films Treasures est «en bonne position pour faire ce qui pourrait être les plus importantes archives de films en Europe ».

__________ 

Le site internet
photos : Le programme Nadar, de Paul Nadar, 1896 et La joie de vivre, de Anthony Gross et Hector Hoppin, 1934