Deauville Asia : la leçon de cinéma de Brillante Mendoza

Posté par MpM, le 18 mars 2010

Réalisateur philippin désormais universellement reconnu, Brillante Mendoza a profité de sa présence au pour chasser quelques idées reçues sur son travail, à tort présenté comme improvisé, et parler de son nouveau film, Lola (Grand-mère), qui sortira en mai prochain.

Lola

"Le thème de la grand-mère m'était très cher car la grand-mère est très importante dans la famille philippine. Nous avons tourné en juin 2009, juste après le festival de Cannes, pour pouvoir profiter de la saison des pluies. J'avais envie d'avoir cette atmosphère, cette pluie, qui serait un personnage à part entière. Des inondations comme celle montrée dans le film ont lieu tous les ans. Le gouvernement dit toujours qu'il va faire quelque chose, mais il ne fait jamais rien."

Improvisation vs préparation 

"Lola a été tourné en 12 jours, mais avant il y a eu un énorme travail de préparation, peut-être pendant un an. J'ai une équipe réduite qui m'accompagne tout le temps. Toute l'année, nous faisons des recherches sur toutes les idées et scénarios que j'ai. On s'investit dans chacune des histoires. Quand je suis satisfait, on assemble tous les morceaux du puzzle. Par exemple, pour Serbis, j'ai amené le décorateur dans le cinéma où nous allions tourner bien avant de commencer. Je voulais que l'équipe s'imprègne de cette expérience pour faire le film le plus authentique possible.  Ce travail de préparation est crucial pour le tournage. Pendant qu'on prépare tout, on attend l'argent. Et comme j'ai été dans la production, je sais exactement ce qu'il faut prévoir avant. Aussi, lorsque nous sommes prêts, tout peut aller vite. Je tourne en peu de jours pour des raisons financières, mais aussi pour garder l'intensité et l'énergie du moment. Je tourne également de la manière la plus chronologique possible pour que les acteurs évoluent en même temps que leur personnage."

Chorégraphies

"Pour les longs plans séquences avec de nombreux figurants dans le champ, tout est minutieusement chorégraphié et répété. Pour moi, il y a deux points importants : s'assurer que les figurants ne vont pas regarder la caméra et toujours leur expliquer pourquoi ils sont là. Ces personnages secondaires sont toujours engagés sur place car ils connaissent les gestes et n'ont pas besoin de faire semblant. Par exemple pour la séquence du bateau dans Lola : les personnes qui appartiennent à cette communauté savent comment ramer et se tenir sur l'embarcation ! Pour avoir une certaine cohérence, je délègue plusieurs personnes de l'équipe qui gèrent chacune un groupe de figurants. Ainsi, on tourne souvent en une seule prise. Parfois, moi-même je suis dans un de ces groupes de figurants pour les guider et il arrive que je sois dans le champ, mais vous ne me voyez pas car je suis de dos !"

Caméra à l'épaule

"Suivre le personnage avec la caméra est une manière de comprendre tout l'environnement autour de lui, de vivre la même situation que lui à ce moment-là. On en apprend ainsi beaucoup sur ses relations avec les autres et avec le lieu sans avoir besoin d'insister ou d'expliquer. Juste par le ressenti. Ce ne sont pas des scènes faciles à réaliser car la caméra est extrêmement lourde. Pour avoir cette impression de fluidité lorsque je la porte à l'épaule, je dois subir une véritable préparation physique !"

Authenticité

"Les cinéastes ont tous des objectifs différents lorsqu'ils tournent un film. En ce qui me concerne, mon objectif principal est de montrer ce qui est vrai et réel. J'aimerais raconter des histoires qui soient le plus authentiques possibles, même si le message est négatif ou qu'il est mal perçu par le public. C'est pourquoi j'ai besoin d'aller voir, de ressentir, de m'imprégner des gens et des endroits. Je dois avoir cette expérience moi-même pour la raconter le mieux possible à l'écran."

Prochain projet

"J'ai un projet de documentaire sur un homme qui, pendant la semaine sainte, participe à la procession de la Passion du Christ. Aux Philippines, ces processions sont très importantes mais aussi très violentes, et de nombreuses personnes y participent et y assistent. Or, la particularité de cet homme qui incarne Jésus Christ depuis 21 ans (et n'a d'ailleurs pas d'autre métier) est qu'il est ouvertement gay."

Cannes 2009 : Qui est Brillante Mendoza ?

Posté par vincy, le 16 mai 2009

cnz_mendoza.jpgNé en 1960, le cinéaste philippin Brillante Mendoza n'a commencé sa carrière qu'à... 45 ans. Son premier film, Le Masseur, présenté au festival de Locarno de 2005, s'était fait remarqué pour sa sensualité et son âpreté, loin de l'esthétisme habituel du cinéma asiatique. Son cinéma est plus brut, plus réaliste.

Puis il enchaîne les films, parfois bricolés, toujours sulfureux : la sexualité, sous toutes ses formes, se confronte à un contexte social misérable et précaire. Son cinéma a du mal à franchir les frontières. Ainsi on ne découvre, en France, Kaleldo, l'un de ses films les plus reconnus dans son pays, que deux ans plus tard, lors d'un festival dont une sélection est dédiée au cinéma philippin.

Mendoza réalise un film numérique composé de cinq fantasmes érotiques gays (Pantasya), un documentaire (Manoro), le très acclamé Foster Child (qui gagne des prix en Asie centrale comme en Australie), un polar (Tirador), présenté à la Berlinale de 2008 et au festival de Marrakech (prix spécial du jury).

De festivals en festivals, il se fait un nom. Ses films ne laissent jamais indifférents. Le manque de moyens est souvent compensé par une ingéniosité technique et une vitalité narrative. Clairement, il apparaît comme la figure de proue d'un cinéma à la fois asiatique et latin, marginal, cru. Il tourne parfois en caméra caché pour augmenter la part de réalisme.

Avec Serbis, le film sans fin, il monte les marches du festival de Cannes en 2008. Les critiques sont divisées : de nombreux critiques détestent et restent choqués par ce bricolage pornographique, mais quelques uns, parmi lesquels Ecran Noir, adhèrent à son formalisme. Plus étonnant est de le revoir à Cannes, l'année suivante avec son nouveau film, Kinatay, aux allures de film noir, aux antipodes de son film précédent. Sans doute sa première sélection cannoise lui a-t-elle permis de dégager un budget plus confortable.

On espère que cela n'a pas dénaturé un cinéma en quête de la vérité la plus juste.

2008 : le Top 5 de Martin

Posté par Martin, le 23 décembre 2008

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martin drouotJohn John et Serbis de Brillante Mendoza, deux films qui marquent la naissance d'un vrai cinéaste, doux et cru à la fois, à la lumière unique

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