Sean Connery (1930-2020), mort d’un géant

Posté par vincy, le 31 octobre 2020

Oscar du meilleur acteur dans un second rôle et un Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle pour Les Incorruptibles, ainsi qu'un British Academy Film Award du meilleur acteur pour Le Nom de la rose, en plus d'un BAFTA d'honneur pour son « exceptionnelle contribution au cinéma mondial et d'un Lifetime Achievement Award décerné par l'American Film Institute pour l'ensemble de sa carrière... Sean Connery a reçu les plus grands honneurs.

Mais cet écossais au caractère bien trempé, au physique plus qu'avantageux, a surtout traversé quatre décennies au top du box office, passant d'une génération de spectateurs à une autre, sachant choisir avec un flair certain ses films, passant sans effort d'un blockbuster à des projets plus audacieux. Sean Connery est mort à 90 ans au Bahamas des suites d'une longue maladie. Cela faisait 17 ans qu'il était absent des écrans. Mais il aura tourné durant 55 ans.

Ballon rond

Sean Connery est né à Édimbourg, dans un milieu très modeste, catholique irlandais par son père, protestante écossais par sa mère. Il commence à travailler à l'âge de 8 ans, et arrête ses études à 17 ans. Déjà beau mec, il s'engage dans la marine britannique. Sa carrière est interrompue par un ulcère à l'estomac. Mais son passage dans la marine lui encre deux tatouage, "Dad and Mum" et "Scoltand forever". Après divers petits métiers, notamment modèle pour les artistes (chanceux) de l'École des beaux-arts d'Édimbourg, ce fan de fitness d'1m89 avant l'heure (on appelait ça le culturisme à l'époque), il devient figurant puis petit rôle pour la télévision et la scène. Le cinéma l'enrôle au milieu des années 1950. Il doit cependant attendre la diffusion du téléfilm Anna Karénine sur la BBC en 1961 pour se faire remarquer. Il a déjà 31 ans. Autant dire qu'il n'est plus taillé pour être un jeune premier. Mais il a déjà tout du futur mâle moderne.

Ce footballeur accompli a d'ailleurs failli être professionnel pour le Manchester United quelques années plus tôt. Avec un instinct certain, qui sera sans doute son plus grand atout, il réalise qu'un sportif de haut niveau termine sa carrière dans la trentaine. Ce choix le conduit à devenir acteur, "ce qui s'est avéré être l'une des décisions les plus intelligentes que j'aie jamais prises".

Bond, James Bond

Au début des années 1960, il participe à l'épopée du film fresque international Le Jour le plus long. Pendant ce temps, en 1961, le London Express organise un concours afin de trouver un acteur pour le rôle de James Bond, l'agent 007 imaginé dans les livres de Ian Fleming. Sean Connery gagne devant 600 candidats, dont certains très connus. Etant donné sa faible notoriété, Connery a un avantage: il n'est pas cher. Cela va complètement transformé sa carrière. Il va incarner l'espion dans sept épisodes, dont six produits par EON Productions, entre 1962 et 1983. Il va imposer sa voix grave, son regard ténébreux, sa silhouette athlétique et cette aptitude à jouer les durs même en étant le gentil au monde entier.

Ian Fleming ne trouvait pas le grand écossais à son goût: pas assez british, trop musclé... Mais Albert Broccoli sait ce qu'il fait: il a le charisme sexuel, une dureté dans le regard, un pouvoir de séduction froid, une capacité à être tueur et embobineur, charmeur et impitoyable. Le premier film, Dr. No, est un triomphe. Les suivants vont être des phénomènes transformant la série en franchise atemporelle et machine à cash. Encore aujourd'hui, Goldfinger est considéré comme le meilleur film du genre et Opération Tonnerre, jusqu'à Skyfall, a été le film le plus vu de la saga.

Connery devient une star, mais surtout il créé tous les codes du personnage. Il a l'humour d'un Roger Moore, l'élégance chic de Pierce Brosnan et la froideur sensible d'un Daniel Craig.

Bien sûr, il se lasse, malgré des cachets en augmentation exponentielle (on lui offre 5 millions de $ pour le 007 de 1973, qu'il refuse). Il aurait aimé des scénarios moins répétitifs, un personnage qui évolue, ... il trouvera ça ailleurs, dans d'autres genres de films.

Hitchcock, Lumet, Huston, Boorman...

Fort de son aura et de son statut de vedette mondiale, il tourne avec les plus grands. D'abord Alfred Hitchcock dans Pas de printemps pour Marnie en 1964, formidable film d'espionnage du maître. Puis il rencontre Sidney Lumet, celui avec qui il tournera le plus de films, pour La Colline des hommes perdus, l'un des films de guerre les plus puissants de son époque. Il croise Gina Lollobrigida dans La Femme de paille de Basil Dearden, Brigitte Bardot dans le western Shalako d'Edward Dmytryk, Claudia Cardinale dans le film d'aventure soviéto-italien La Tente rouge de Mikhaïl Kalatozov... Car Sean Connery n'aura jamais cessé de séduire ou de diriger à travers ses personnages. Les femmes tombent mais ses victimes aussi. Il est chaud au lit mais peut-être glacial et glaçant quand il s'agit de mener une enquête, commander des hommes ou tout simplement tuer.

Les années 1970 vont définitivement l'installer comme l'un des acteurs majeurs du cinéma mondial. Et taillé pour être un héros, viril ou maudit, historique ou venu de la littérature et de la BD.

Sans être passé par la Royal Shakespeare Company, creuset de tous les grands talents britanniques, même s'il aiamit beaucoup les planches (il joua Macbeth et produisit Art de Yasmina Reza), apprenant à chaque film un peu mieux son métier, il va devenir un de ces comédiens dont la seule présence habite le personnage. Il alterne films spectaculaires et drames de belle facture, grands noms et genres divers. Détective engagé socialement dans Traître sur commande (The Molly Maguires) de Martin Ritt; chef de gang dans Le Dossier Anderson de Sidney Lumet : inspecteur violent dans The Offence de Sidney Lumet (un film si sombre qu'il faudra attendre 35 ans pour le voir en France) ; mutant exterminateur dans le film de SF de John Boorman, Zardoz ; colonel dans la troupe du Crime de l'Orient-Express toujours de Sidney Lumet ; aventurier mégalo dans le brillant film de John Huston L'Homme qui voulut être roi ; chef berbère dans Le Lion et le Vent de John Milius ; Robin des bois vieillissant face à Audrey Hepburn dans La Rose et la Flèche de Richard Lester ; général dans Un pont trop loin de Richard Attenborough ; braqueur génial dans La Grande Attaque du train d'or de Michael Crichton ; mercenaire dans Cuba de Richard Lester ; savant sauveur de planète dans Meteor de Ronald Neame ; marshal futuriste dans Outland : Loin de la terre de Peter Hyams ; roi Agamemnon dans Bandits, bandits (Time Bandits) de Terry Gilliam ; ou encore reporter dans un monde pourri dans Meurtres en direct de Richard Brooks...

De Palma, Annaud, Spielberg, Van Sant...

Certains films sont des flops, mais à chaque fois Connery rebondit: la qualité de la plupart des projets le protège, même sans les succès de James Bond. Certains des films deviennent des films emblématiques dans leurs genre, souvent rediffusés à la télévision. Conscient de son âge avancé, commençant à perdre ses cheveux, voyant sa barbe virer au gris blanc, il se créé alors une stature de patriarche, toujours en très grande forme physique. Il avait déjà entamé cette mue à 45 ans, sans doute une manière pour lui de se débarrasser de James Bond. Sidney Lumet rappelait à juste titre en 1993: "Je ne pense pas qu’il ait beaucoup évolué en tant qu’acteur. C’est plutôt l’opinion qui s’est enfin mise à la mesure de ce qu’il peut faire. J’ai toujours su de quoi il était capable. John Huston, quand il l’a engagé pour L’Homme qui voulut être roi, le savait également. Sean a toujours su jouer comme un géant. Mais c’est seulement dans les dix ou quinze dernières années que les gens ont commencé à dire : “Ça alors ! Il sait jouer !”"

Les années 1980, une fois 007 définitivement abandonné, vont lui donner l'occasion de se transformer et de devenir l'une des stars les plus bankable d'Hollywood durant près de vingt ans.

En 1986, après quelques années d'errance, Sean Connery prouve qu'il est un grand acteur, et porte avec brio le rôle de Guillaume de Baskerville, moine érudit et enquêteur, progressiste et courageux dans Le Nom de la rose, adaptation du best-seller d'Umberto Eco par Jean-Jacques Annaud, l'un de ses plus gros succès. La même année, il est à l'affiche du premier Highlander de Russel Mulcahy. Il touche ainsi différents publics, très larges, qui vont contribuer à le faire aimer des babyboomers nostalgiques de 007 et de leurs enfants-ados devenus adeptes du pop-corn en été.

A partir de là, Sean Connery va devenir incontournable. Grandiose dans Les Incorruptibles de Biran de Palma où il vole la vedette à tout le casting (dont De Niro et Costner) malgré son second rôle, Lieutenant colonel qui va l'affirmer en excellent militaire de cinéma dans Presidio de Peter Hyams, vieux cambrioleur dynastique dans Family Business de Sidney Lumet, et surtout père facétieux et rigide du plus grand héros des années 1980, dans Indiana Jones et la Dernière croisade, passant à l'immortalité grâce à Steven Spielberg. Son film favori avec L'homme qui voulut être roi. deux films sur le mirage du pouvoir.

L'homme qui fut roi en son siècle

Hollywood le paye à prix d'or. Il devient commandant russe passant à l'Ouest dans le grand film sous-marinier A la poursuite d'Octobre rouge de John McTiernan, retrouve Robin des bois et Kevin Costner dans un caméo de Prince des voleurs de Kevin Reynolds, espion à Moscou dans La Maison Russie de Fred Schepisi, ... Si ses rôles s'étiolent par paresse, si la surprise est moins présente, si les succès sont plus inégaux (Medicine Man, Soleil Levant, Juste Cause, Lancelot, Rock...), il reste populaire jusqu'à la fin des années 1990. Il y a bien sûr l'échec de Chapeau melon et bottes de cuir (Connery en méchant, ça ne marche pas vraiment pour les spectateurs) et l'indifférence quand il joue ailleurs que dans des grosses productions pour teenagers. Il s'en sort avec Haute voltige, film de braquage assez malin et surtout avec A la rencontre de Forrester de Gus Van Sant, succès critique et public sur l'amitié improbable entre un jeune afro-américain et un vieil écrivain désillusionné.

Le magistral flop critique (mais joli succès public) de La ligue des gentlemen extraordinaire scellera sa carrière en 2003. A l'époque, il touche 10 à 17M€ de salaire. L'homme aux 95 millions d'entrées en France arrêtera de tourner à l'âge de 73 ans. Entre Bahamas et Espagne, il a tout refusé, de Matrix au Seigneur des anneaux, de Jurassic Park à Frankenstein. Les mutations d'Hollywood ne sont pas pour lui, traitant d'idiots les nouveaux patrons des studios. Il ne prête que sa voix pour des jeux vidéos et un film d'animation.

Clairvoyant, il y a 55 ans, il expliquait: "Plus que tout, j’aimerais devenir un vieil homme avec une belle tête. Comme Hitchcock. Ou Picasso. Ils ont travaillé dur toute leur vie, mais ils ne montrent aucune lassitude. Ils n’ont pas perdu un seul jour avec toutes ces absurdités qui peuvent envahir une existence".

Profitant de sa retraite, il se fait oublier. Sauf quand il s'agit de revendiquer l'indépendance de l'Ecosse. Il sera malgré tout anoblit par la Reine, l'un des plus grands jours de sa vie. Vêtu d'un kilt, ce qui est une première (controversée) dans l'histoire du Royaume. Réputé radin, mais généreux pour les grandes causes,, pas forcément aimable avec les siens mais impeccable sur les plateaux, le vieux lion se fait de plus en plus silencieux dans ses tanières. Autrefois homme le plus sexy du monde, il a incarné des personnages en quête de justice et de vérité. Sans transformation, sans performance exhibitionniste, à la recherche d'une flamme perdue, il a finalement préféré le soleil et le golf. Sean Connery amenait les rôles à lui, prendre tout l'espace de l'écran, même face à une autre star. Il a opté pour une fin loin des yeux, loin des autres, à l'écart, pudique. Comme ces éléphants qui rejoignent seuls leur cimetière (de légende).

Guy Hamilton, réalisateur de Goldfinger, est mort (1922-2016)

Posté par redaction, le 22 avril 2016

Le cinéaste Guy Hamilton est mort à l'âge de 93 ans, jeudi 21 avril 2016, à Majorque en Espagne. C'est l'acteur britannique Roger Moore qui a annoncé la nouvelle sur twitter. Guy Hamilton avait réalisé deux James Bond avec Roger Moore, Vivre et laisser mourir et L'homme au pistolet d'or. C'est pourtant avec Sean Connery qu'il a signé l'un des meilleurs films de la franchise, Goldfinger, ainsi que Les diamants sont éternels. C'est donc lui qui a assuré la transition entre Connery avec ses Diamants éternels et Moore avec Vivre et laisser mourir.

Né en 1922, à Paris, il aspire très tôt à devenir metteur en scène. La guerre retarde ses plans mais une fois le conflit mondial terminé, il parvient à ses fins en devenant assistant-réalisateur, notamment de Carol Reed sur les tournages de quelques uns de ses films dont Le Troisième homme, Grand prix au Festival de Cannes.

A 30 ans, il assiste John Huston sur The African Queen, un des plus grands films de l'époque puis décide de devenir réalisateur. Il débute sa carrière avec des polars typiquement britanniques avant de varier les genres avec un film de guerre et un musical. Avec Manuela, en 1957, il est sélectionné en compétition à Berlin. Touche-à-tout, il prouve un certain savoir faire sans avoir un style propre. Il ne s'en offusque pas. ce qui lui plaît c'est la direction d'acteurs, la valorisation de ses stars. Aussi, il se fait plaisir avec Burt Lancaster, Kirk Douglas et Laurence Olivier dans Au fil de l'épée, James Mason, George Sanders et Vera Miles dans Un brin d'escroquerie, David Niven et Alberto Sordi dans Le meilleur ennemi, Robert Mitchum et Trevor Howard dans L'affaire Winston.

Avec une réelle maîtrise, il manie l'humour et le spectacle, l'action et la romance. En réalisant Goldfinger en 1964, il prouve justement qu'il peut intégrer les codes pré-établis d'une franchise naissante tout en sublimant une séquence ou en plaçant sa caméra à l'endroit où il faut pour donner de la perspective à une scène. De là sa carrière va décoller.

Souvent considéré comme un faiseur, Guy Hamilton va pourtant mettre sa patte à des films comme les aventures d'Harry Palmer dans Mes funérailles à Berlin, avec Michael Caine, qu'il retrouve dans La bataille d'Angleterre, et L'ouragan vient de Navarone, avec un Harrison Ford pré-Star Wars. Sa carrière s'étiole dans les années 80 avec deux Agatha Christie médiocres.

Il n'a plus rien tourné depuis 1989. Mais il reste de lui cette femme nue peinte en or, allongée, morte sur un lit.

Jim Harrison et Hollywood, une histoire qui a mal tourné

Posté par vincy, le 28 mars 2016

Immense écrivain, Jim Harrison, surnommé « Big Jim », est mort dimanche à l'âge de 78 ans. L'Amérique n'était pour lui qu'un Disneyland fasciste obsédé par le fric. Il préférait René Char, Arthur Rimbaud, Paris et surtout les grands espaces américains, ceux des Western, cette Amérique originelle. Dans ses romans, on baisait, on buvait (beaucoup, le vin pour lui apportait plus de bonheur à l'humanité que toutes les décisions politiques de l'Histoire), on s'interrogeait sur le sens de la vie et par conséquent on se rapprochait de la mère Nature.

On comprend mieux qu'avec Hollywood, ça ne se soit pas très bien passé. L'épicurien qu'il était avait quand même ramé avant d'être riche. Il avait consacré sa vie à l'écriture. Et durant les trente premières années où il a tapé ses romans, nouvelles et poèmes sur sa machine à écrire, n'a pas gagné beaucoup de dollars. Rencontré en 1975, son ami Jack Nicholson jouait les mécènes (et le poussait à travailler pour le cinéma). Car Jim Harrison, pas beaucoup lu à l'époque, ne manquait pas d'admirateurs, Sean Connery et Warren Beatty en tête. Mais lui ne se gênait pas pour détester Hollywood.

Au dessus de son bureau, il y avait un morceau de papier qui lui rappelait toujours ce que lui avait sorti un patron de studio. "Tu n'es rien qu'un écrivain". Ce mépris pour l'écriture de la part de l'industrie cinématographique a sans doute conduit Jim Harrison à ne pas trop fricoter avec elle. Il n'y a eu que six adaptations de ses oeuvres sur petit et grand écran. David Lean et John Huston ont pourtant pris des options sur des nouvelles qu'il avait écrites, sans pouvoir les tourner.

En manque de fric, il a quand même cédé à la fin des années 1980 aux sirènes d'Hollywood. En 1989, il coécrit le scénario de Cold Feet, entre polar et comédie, signé Robert Dornhelm. L'année suivante, il adapte Une vengeance, nouvelle inclue dans le recueil Légendes d'automne. Sydney Pollack, Jonathan Demme et Walter Hill furent intéressés. John Huston devait finalement la filmer. Mais il ne voulait pas de Kevin Costner dans le rôle principal. Celui-ci, en pleine ascension, a donc choisi Tony Scott pour réaliser Revenge. Le polar, honnête, est un joli succès en salles, sans plus.

En 1994, deux hits avec Jim Harrison au générique sortent sur les écrans. Légendes d’automne, l'une de ses trois nouvelles issues du recueil éponyme, est réalisé par Edward Zwick, avec Brad Pitt (qui a pris le rôle à Tom Cruise), Anthony Hopkins (après l'abandon de Sean Connery), Aidan Quinn et Julia Ormond. Le "mélo", dont il n'a pas écrit le scénario, n'est pas forcément à la hauteur de l'oeuvre littéraire, mais le film est gros succès public et récupère un Oscar (pour la photo). Jim Harrison encaisse un million de dollars qu'il dépense en alcool et cocaïne.

La même année, son ami Jack Nicholson parvient à monter Wolf, après douze ans d'efforts. Sur proposition de Nicholson, Mike Nichols réalise ce film fantastique avec Michelle Pfeiffer, James Spader et Christopher Plummer. Jim Harrison scénarise cette histoire (qui n'a rien à voir avec son premier roman, Wolf: mémoires fictifs) d'un éditeur (des comptes à régler, Jim?) qui se transforme en loup-garou. Le tournage est un cauchemar. Le scénario est massacré par le studio quand celui-ci demande une réécriture complète du dernier tiers du film. Harrison quitte la production pour "différences créatives", estimant que leur vision du projet était incompatible: "Je voulais un loup, il en fait un chihuaha". Le film est pourtant un succès en salles.

De là date sa fâcherie avec Hollywood. Deux adaptations verront quand même le jour. Etats de force (Carried Away), d'après son roman Nord Michigan (Farmer). Réalisé par Bruno Barreto, avec Dennis Hopper et Amy Irving, le film est un fiasco total. Et Dalva, l'un de ses meilleurs romans, porté de manière pas trop honteuse sur le petit écran, avec Farrah Fawcett, Peter Coyote et Rod Steiger.

Jim Harrison ne voulait plus entendre parler de cinéma. Pour lui, assister à une projection d'un film qu'il avait écrit ou qui était une adaptation d'une de ses oeuvres c'était comme avoir "le sentiment distinct de se sentir violer par un éléphant ou - si votre imagination est plutôt maritime - par une baleine".

Il reste à savoir si dans son testament l'écrivain a laissé l'ordre de ne pas adapter ses écrits. Ou si Hollywood va désormais pouvoir s'emparer librement des histoires naturalistes et intimes, sans se soucier de l'avis de celui qui fut, jusqu'au bout, un homme libre qui avait la réputation d'être un ours.

Umberto Eco et Harper Lee, ou les adieux au nom de la rose et à l’oiseau moqueur

Posté par vincy, le 22 février 2016

A quelques heures d'écart, deux grands écrivains ont disparu. Le romancier et philosophe italien Umberto Eco à l'âge de 84 ans et la romancière américaine Harper Lee à l'âge de 89 ans.

Harper Lee, on la croisait dans les films sur Truman Capote, son ami d'enfance. Dans Capote, le film de Bennet Miller (2005), on la voit le soutenir dans l'écriture de son plus grand livre De sang froid. Capote est alors incarné par feu Philip Seymour Hoffman et Lee par Catherine Keener. Harper Lee a aussi été jouée au cinéma par Sandra Bullock dans Scandaleusement célèbre, l'autre film sur Truman Capote, réalisé en 2006 par Douglas McGrath.

du silence et des ombres

Mais on retiendra d'elle avant tout l'adaptation de son roman, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, prix Pulitzer en 1961. Ce fut jusqu'en 2015 son unique roman publié (on découvrit il y a deux ans une suite inédite du livre, en fait une histoire qu'elle avait écrite avant Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur mais qui se déroule bien après les événements du roman). En France, le film est titré Du silence et des ombres. Le film de Robert Mulligan, adapté par Horton Foote, a pour star Gregory Peck. Séléctionné à Cannes, To Kill a Mockingbird récolte 8 nominations aux Oscars et en remporte trois: meilleur acteur, meilleure adaptation, meilleure direction artistique.

L'histoire, profondément humaniste, est encore transgressive pour l'époque: Peck incarne Atticus Finch, avocat dans le sud des États-Unis dans les années 1930, et doit défendre un homme noir accusé de viol.

le nom de la rose

La transgression, Umberto Eco la maîtrise bien aussi. Son roman le plus vendu ans le monde, Le Nom de la Rose, prix Strega, le Goncourt italien, en 1981, et traduit dans 43 langues, a été porté à l'écran par Jean-Jacques Annaud en 1986. Le film a été un succès international. Mené par Sean Connery, cette enquête mélangeant obscurantisme et érudition, avec un Michael Lonsdale dans le camp des méchants et Christian Slater en candide, a attiré 5 millions de spectateurs dans les salles en France, en plus de recevoir le César du meilleur film étranger et le prix BAFTA du meilleur acteur.

Le récit se déroule en l'an 1327, dans une abbaye bénédictine du nord de l'Italie, où des moines sont retrouvés morts dans des circonstances suspectes. Cette abbaye réunit des franciscains et des représentants du pape pour une confrontation en terrain neutre. Un des franciscains les plus importants est Guillaume de Baskerville, accompagné du jeune novice Adso de Melk confié par son père au clergé. Ils vont mener l'enquête sur ces morts mystérieuses alors que l'Inquisition menace leur Savoir.

C'est l'unique fois où un livre d'Umberto Eco a été adapté au cinéma.

James Bond est devenu deux fois plus violent depuis Dr.No

Posté par vincy, le 11 décembre 2012

james bond sean connery dr no daniel craig quantum of solaceSelon une étude de l'université d'Otago (la plus ancienne Nouvelle Zélande), des chercheurs ont constaté que la violence des James Bond a plus que doublé entre Dr No (1962) et Quantum of Solace (2008).

Dans le premier film, 109 actes violents légers ou sérieux (voire mortels) ont été répertoriés. Dans l'avant-dernier film de la série, les chercheurs en ont comptabilisé 250. Entre temps, le système de censure n'a jamais varié : 007 est vu par des enfants comme des adolescents. Car il s'agissait bien de l'objectif des chercheurs : rendre James Bond moins accessibles aux mineurs, ou en tout cas, alerter les parents que 007 n'est pas un héros plus familial que les Rambo et autres Batman.

L'étude démontre d'ailleurs que les violences légères sont stables tandis que les violences sérieuses (attaques armées, coups et blessures, mors) ont triplé. Selon le graphique publié, le film le moins violent de la série est Live and let die (Vivre et laisser mourir), qui date de 1973. C'était le premier film avec Roger Moore dans le rôle de James Bond. Et le plus violent est Tomorrow never dies (Demain ne meurt jamais) en 1997, avec Pierce Brosnan. L'acteur n'a pas ménagé sa peine, puisque le 2e du classement est Die Another day (Meurs un autre jour).

Globalement, si l'on suit la courbe, la tendance est à la hausse. Sean Connery avait atteint un pic en 1969, qui fut la "norme" de 1974 à 1989. Avec Brosnan, ce fut l'inflation. Les films avec Craig se situent dans la moyenne mais les actes très violents continuent d'être en hausse.

graphique statistiques violence james bond

Peut-on être une star bankable quand on a été James Bond?

Posté par vincy, le 9 octobre 2012

Y a-t-il une vie après James Bond? Pour les cinq acteurs ayant incarné l'agent au service de sa majesté - on a mis Lazenby à part puisqu'il n'a tourné qu'un seul Bond - la réponse varie.

Pas si simple de se débarrasser du Martini et de l'image misogyne que l'agent secret impose. Beaucoup d'acteurs ont rêvé de l'interpréter, alors que 007 est plutôt un cadeau empoisonné. Certes, cela augmente la notoriété, mais de là à se rendre "bankable" et s'assurer une carrière, il y a du chemin.

Souvent les James Bond sont devenus les plus grands succès de chacun des acteurs, incapables de faire mieux dans d'autres films, à une exception.

Sean Connery

Dr No avait rapporté 16M$. Puis Bons baisers de Russie installa la série avec 25M$ de recettes en Amérique du nord. Goldfinger explosa le chiffre avec 51M$. Opération Tonnerre fit encore mieux avec 64M$. Les deux suivants firent moins bien : On ne vit que deux fois (43M$) et Les diamants sont éternels (44M$). Il faudra quand même attendre L'espion qui m'aimait pour retrouver ces niveaux. L'autre James Bond, non officiel, toujours avec Connery, Jamais plus jamais rapportera 55M$, soit un chiffre dans les eaux de ceux de Roger Moore à la même époque. Notons aussi qu'Opération Tonerre reste le plus gros succès de la franchise, toutes époques confondues (il rapporterait aujourd'hui l'équivalent de 600 M$). Goldfinger et On ne vit que deux fois sont également classés dans les 200 plus importantes recettes ajustées au prix de l'inflation (voir tableau en fin d'article).

Sean Connery a pourtant survécu à Bond. Après son départ, en 1971, il a aligné des grands films et des hits au B.O. comme Un pont trop loin (51M$), Les Incorruptibles (76M$), Indiana Jones et la dernière Croisade (197M$), A la poursuite d'Octobre rouge (122M$), The Rock (134M$). 40 ans de carrière au top pour le premier James Bond avant sa retraite en 2003.

Roger Moore

Roger Moore a bien profité de la franchise 007 : Vivre et laisser mourir (35M$), L'espion qui m'aimait (47M$), Moonraker (70M$, record qui ne sera pas battu avant Pierce Bosnan), Rien que pour vos yeux (55M$), Octopussy (68M$) et Dangeureusement votre (50M$) ont tous été des hits. Seule exception, L'homme au pistolet d'or (21M$). Hors Bond, Moore, tourna peu. Mais sa notoriété fut mise au service du film L'équipée du Cannonaball, en 81, qui fit un joli succès (57M$). Sinon, ses rares choix furent assez malheureux. Après une brillante carrière télévisuelle et un James Bond régulier, il fut rarement à l'écran.

Timothy Dalton

Outre sa participation vocale à Toy Story 3, l'acteur n'aura pas sauvé l'espion de son déclin et l'espion n'aura pas propulsé l'acteur dans les étoiles. The Living daylights a rapporté 51M$ et License to Kill 35M$. Il ne sera à l'affiche que de deux succès après 1989, The Rocketeer (47M$), jugé comme un fiasco à l'époque, et The Tourist (68M$), four relatif avec Depp et Jolie où il n'avait qu'un second rôle. Autant dire que James Bond l'a "tuer".

Pierce Brosnan

GoldenEye (106M$) avait permit de relancer la franchise ; depuis, grâce à Brosnan, les scores de James Bond sont au plus haut : Demain ne meurt jamais (125 M$), Le Monde ne suffit pas (127M$) et surtout Meurs un autre jour (161M$).  Mais, débarrassé de son arsenal d'espion invincible, Brosnan a alterné des bons films au succès d'estime (Le Tailleur de Panama, The Ghost Writer), des flops (Grey Owl, Remember Me, The Matador), des succès relatifs (Le pic de Dante, L'affaire Thomas Crown) et seulement deux hits, Percy Jackson et surtout Mamma Mia!, plus gros box office pour une comédie en 2008 (144M$ en Amérique du nord).

Daniel Craig

Casino Royale et Quantum of Solace restent ses deux plus gros succès en Amérique du nord, avec respectivement 167 M$ et 168M$. Reste que l'acteur a réussit l'exploit d'être à l'affiche de blockbusters depuis qu'il a enfilé le costard de 007, comme Millénium (102M$) et Cowboys & Envahisseurs (100M$). Mais il aussi encaissé quelques gros fours... Son ambition est sans doute ailleurs : être le premier agent 007 à dépasser la barre symbolique des 200 millions de $ au box office US.

Le box office US (ajusté avec l'inflation du prix des billets) de James Bond

1. Thunderball (1965, Connery) 600M$
2. Goldfinger (1964, Connery) 531M$
3. You Only Live Twice (1967, Connery) 288M$
4. Moonraker (1979, Moore) 225M$
5. Die Another Day (2002, Brosnan) 221M$

6. Tomorrow Never Dies (1997, Brosnan) 216M$
7. From Russia, with Love (1964, Connery) 214M$
8. Diamonds Are Forever (1971, Connery) 213M$
9. Casino Royale (2006, Craig) 204M$
10. The World Is Not Enough (1999, Brosnan) 199M$
11. GoldenEye (1995, Brosnan) 196M$
12. Quantum of Solace (2008, Craig) 188M$
13. Octopussy (1983, Moore) 173M$
14. The Spy Who Loved Me (1977, Moore) 168M$
15. Live and Let Die (1973, Moore) 160M$
16. For Your Eyes Only (1981, Moore) 158M$
17. Dr. No (1963, Connery) 152M$
18. Jamais plus jamais (1983, Connery) 141M$)
19. On Her Majesty's Secret Service (1969, Lazenby) 129M$
20. A View to a Kill (1985, Moore) 113M$
21. The Living Daylights (1987, Dalton) 105M$
22. The Man with the Golden Gun (1974, Moore) 90M$
23. License to Kill (1989, Dalton) 70M$

Verdict final pour Sidney Lumet (1924-2011)

Posté par vincy, le 10 avril 2011

Un grand cinéaste ce Sidney Lumet. Il avait un savoir-faire qui restait toujours au service de ses scénarios et de ses comédiens. Il refusait l'approche esthétique pour privilégier l'aspect naturel et réaliste. Peu d'esbrouffe, et pourtant... ses meilleurs films dégageaient une tension qui mettaient nos nerfs à rude épreuve et défiaient les aspects les plus noirs de ses personnages tourmentés.

Il a frappé fort dès son premier film. 12 hommes en colère, en 1957. Tous les éléments sont là : un jeu d'acteur précis, un montage qui soutient une narration a priori simple et pourtant complexe, des enjeux sociaux et humains. L'artisan fait d'un huis-clos juridique un véritable suspens où la morale humaniste l'emporte sur la démagogie. Il vient du théâtre et de la télévision, maîtrisant le rythme, le cadre, tournant vite sans abuser des prises de vue, imposant des répétitions à ses comédiens. 12 hommes en colère marque évidemment par ce retournement de situation où un condamné va être innocenté grâce à la notion de doute. Mais ce serait oublié le visage d'Henry Fonda, entre conviction et affliction, face à ses collègues jurés qui jugent sur des préjugés. Ours d'or à Berlin.

Sidney Lumet apparaîtra ainsi comme un cinéaste de gauche. Nombreux sont ses films où la victime, la minorité, l'Amérique du bas est montrée sous un autre angle. Idéaliste, il glisse derrière un apparent classicisme des notions plus subversives. En 1959, il réunit Marlon Brando et Joanne Woodward dans L'homme à la peau de serpent, film noir sublime où un musicien croise la route d'une nympho alcoolique. En 1962, il réalise Long voyage vers la nuit, avec Katharine Hepburn. Oeuvre sur le déclin et les dépendances (alcool, drogue, gloire...) pour laquelle les quatre acteurs principaux remportent le prix d'interprétation à Cannes.

Ce passionné, suractif sur les plateaux de tournages, émotif avec ses acteurs, livre un film par an, au minimum, jusqu'en 1993. Du moins bon comme du très grand. Il se frotte à la guerre froide (Point limite) et à l'holocauste (Le prêteur sur gages). En 1965, il réalise La colline des hommes perdus, l'un des meilleurs films de guerre, avec Sean Connery. Il observe l'évolution du comportement de militaires anglais emprisonnés en Libye, confrontés à des exercices vains et rituels. Kubrickien et prix du meilleur scénario à Cannes.

La seconde guerre mondiale, ses causes et ses conséquences, est son principal décor durant plusieurs films. Mais rapidement, il va donner une autre couleur à sa filmographie. Son judaïsme va s'inviter dans ses thématiques. New York va devenir son cadre naturel. Il est précurseur des oeuvres de Scorsese et la face dramatique d'un Woody Allen. Cet amoureux des classiques du théâtre (outre les pièces de Tennessee Williams, il adapte aussi La mouette de Tchekhov) aime les histoires d'espionnage, de mafia et les polars. Des films qui rencontrent leur public et possèdent toujours le charme nécessaire pour séduire à travers le temps. Il faudra d'ailleurs attendre 35 ans pour que le public français découvre The Offence, avec Sean Connery. Le studio Universal détestait le film et n'a pas assumé sa distribution. Pourtant, sans être un grand film, The Offence aborde des sujets comme la pédophilie et ose une obscurité quasi totale de certaines scènes : l'audace n'est pas forcément récompensée à sa juste valeur.

C'est en 1973 que Sidney Lumet entre dans l'histoire du cinéma. Il va enchaîner des grands films. Serpico pour commencer. Al Pacino y joue un flic idéaliste qui veut dénoncer la corruption qui gangrène la police de New York. A partir d'un essai authentique, Lumet livre une réalité brutale mais aussi fantaisiste. Il s'agit sans doute d'un des meilleurs portraits de l'Amérique des années 70.

L'année suivante, il filme le roman culte d'Agatha Christie, Le Crime de l'Orient Express. Casting chic (Finney, Bacall, Bergman, Bisset, Connery, Redgrave, Widmark...), intrigue géniale. Même l'écrivaine qui détestait les adaptations de ses livres reconnaissait que Lumet avait réussi son coup.

En 1975, il filme Un après-midi de chien. Une histoire vraie autour d'un cambriolage qui foire. Il retrouve Al Pacino (incroyable performance), à la fois suspens et film engagé, Lumet affirme à travers le final que la répression ne peut pas être la seule réponse à un délit. Il se moque aussi des moyens démesurés de la police américaine face à une bande de voyous amateurs. Terrible prémonition...

Lumet aime ces films crus, sans artifices. Il fera de même avec Network, en 1976. Malgré son aspect satirique, ce film emblématique sur la télévision, avec une superbe Faye Dunaway et un magnifique William Holden. Lumet en profite pour dire le fond de sa pensée sur la société américaine, avec un certain cynisme. Là encore, il a du flair et donne les clés de ce que deviendra le monde occidental dominé par la puissance cathodique. Le film obtiendra 4 Oscars, sur dix nominations

Lumet aura moins de chance par la suite. Il ose quand même adapté la pièce "gonflée" Equus, avec Richard Burton, mélange de beauté, de sauvagerie et de nudité sous un vernis psychanalytique. Même pour ses films mineurs, il parvient à attirer les plus grands acteurs : James Mason, Simone Signoret, Sophia Loren, James Coburn, Vanessa Redgrave, Anouk Aimée, Omar Sharif, Michael Caine, Richard Gere, Gene Jackman, Andy Garcia, Anthony Perkins, ... Beaucoup ont reçu des prix, des nominations grâce à lui. Les films de Lumet totalisent 46 nominations aux Oscars toutes catégories confondues.

A partir des années 80, Lumet a moins la main. On lui doit l'affreux The Wiz avec Micheal Jackson et Diana Ross. Mais il y a quelques pépite. Le verdict, avec Paul Newman et Charlotte Rampling, oeuvre crépusculaire où un avocat banni va tenter d'en sortir par la rédemption... Dans Garbo Talks, il offre l'un des derniers beaux rôles à Anne Bancroft. Presque sentimental, ce film, qui dénote dans la longue série de films policiers du réalisateur, montre à quel point le cinéma peut bouleverser une vie. Ce testament ne signera pas sa fin de carrière, heureusement.

A bout de course (avec River Phoenix), Family Business (avec Connery, Matthew Broderick, Dustin Hoffman) sauvent les séries B qu'il se contente de faire, avec toujours de grandes stars. Leur tonalité, plus légère, leur lumière, en font des oeuvres plus plaisantes. On comprend qu'il ait voulu faire le remake de Gloria, avec Sharon Stone : New York, le crime, la responsabilité parentale... ça restera raté.

Pourtant Lumet finira en beauté. 7h58 ce samedi-là pourrait presque être le titre de sa dernière journée sur terre. Polar où le hasard et le déterminisme transforment les protagonistes, film noir et sang, sombre et moderne, classique et intelligent, il reste l'un des meilleurs films de genre de l'année 2007. En version originale, il s'intitulait Before the Devil knows you're Dead (Avant que le diable ne sache que tu es mort).

Aucun doute, le diable n'était pas en Sidney Lumet. Il croyait trop en l'homme et pardonnait tous ses travers.

Irvin Kershner ne contre-attaquera plus (1923-2010)

Posté par geoffroy, le 30 novembre 2010

Pour des millions de fans, Irvin Kershner est et restera comme l’homme providentiel ayant accepté de signer le meilleur épisode de la saga des Star Wars (l’Empire contre-attaque, 1980, soit l'Episode V)). Artisan habile et techniquement très doué sachant raconter une histoire sans ambages, il débuta sa carrière de cinéaste vers la fin des années 50, précisément en 1958, avec le polar Stakeout on Dope Street. S’il traversa tranquillement les années 60, il fit jouer des acteurs de la trempe des Robert Shaw, Sean Connery, George Segal ou encore Barbara Streisand.

Sa notoriété connue un coup d’accélérateur au milieu des années 70 quand, peu après Les S pions avec Elliot Gould et Donald Sutherland (le joyeux duo du M.A.S.H. de Robert Altman), il réalise un triller fantastique scénarisé par John Carpenter et réunissant la belle Faye Dunaway et le prometteur Tommy Lee Jones, Les Yeux de Laura Mars (1978). Le film triple presque son budget et permet à son auteur d’être choisi par un certain George Lucas qui fut, quelques années auparavant, son élève à la Southern University. Ami et mentor de ce dernier, Lucas n’a pas tardé à réagir dans un communiqué : "Le monde a perdu un grand réalisateur et une des personnes les plus authentiques qu'il m'ait été donné de connaître. Irvin Kershner était un vrai gentleman dans tous les sens du mot".

Ce choix, brillant avec le recul, permet à Irvin Kershner de prouver son immense talent et de réaliser sans doute la meilleure suite du cinéma au côté de The Dark Knight. En un film il devient un cinéaste culte, vénéré comme un dieu, adulé, respecté. Le Space Opéra tient enfin ses lettres de noblesse. Par la suite il tourna peu mais réalisa en 1983 un James Bond dissident (Jamais plus Jamais avec un Sean Connery sur le retour, et sur le départ) et une suite au Robocop de Paul Verhoeven de bonne facture (Robocop 2, 1990).

Irvin Kershner abandonna par la suite l’univers des plateaux de cinéma pour s’adonner à ses nombreuses passions (composition, peinture, photographie…). Un hommage en forme de reconnaissance lui a été rendu quand on lui proposa d’être en 2007 le président du festival Fantastic’Arts de Gérardmer. Ce qu’il accepta pour le plus grand plaisir de ses nombreux fans.

Robin des Bois de Ridley Scott fait l’Ouverture du Festival de Cannes

Posté par vincy, le 26 mars 2010

robin hood ridley scott russell crowe cate blanchett
Ridley Scott revient sur la Croisette, 33 ans après Les Duellistes. Robin Hood (Robin des Bois) fera l'ouverture du 63e Festival de Cannes, le 12 mai prochain. Russell Crowe (Robin), Cate Blanchett (Marian), Danny Huston (Richard), Max Von Sydow, William Hurt (William), Mark Strong (Sir Godfrey), Léa Seydoux (Isabella), Eilen Atkins (Eléanore d'Aquitaine) et  Matthew Macfadyen (le Shériff de Nottingham) fouleront sans doute, sauf conflit d'agenda, le tapis rouge.

C'est la énième version cinématographique autour du héros. De Disney à Mel Brooks, les parodies n'ont pas manqué. On se souvient évidemment des films avec Errol Flynn et Olivia de Havilland (en 1938), avec Sean Connery et Audrey Hepburn (en 1976), avec Kevin Costner (en 1991).

Ridley Scott a été en rivalité avec Sam Raimi et Bryan Singer pour réaliser cette nouvelle version scénarisée par Brian Helgeland, à qui l'on doit L.A. Confidential (sélectionné à Cannes en 1997), Mystic River (sélectionné à Cannes en 2004), mais aussi A Knight's tale, Payback, et les récents The Taking of Pelham 1,2,3 et  Green Zone.

Russell Crowe retrouve son réalisateur de Gladiator et American Gangster. Il est le plus vieux Robin des Bois de l'histoire du cinéma, puisque Sean Connery n'avait pas encore 45 ans en 1975 lors du tournage. Il a gagné une compétition sévère contre Christian Bale pour obtenir le rôle. De la même manière, Cate Blanchett l'a emporté sur Kate Winslet pour le personnage de Lady Marian, initialement prévu pour Sienna Miller.

En France, le film sortira en salles le jour même de l'ouverture puis dans le monde entier, entre le 13 et le 14 mai. A l'origine, Robin des Bois était prévu pour sortir le 19 mai en France.

Jack Ryan mérite-t-il d’être ressuscité?

Posté par vincy, le 17 octobre 2009

chris pineTom Clancy a écrit douze romans, de 1984 à 2003, avec le personnage Jack Ryan. Hollywood n'en a produit que quatre, avec trois acteurs différents (deux fois Harrison Ford, une fois chacun Alec Baldwin et Ben Affleck). Ce qu'on appelle une franchise instable. Clancy a souvent joué avec la chonologie dans la série. Ainsi sans aucun remords, qui pourrait correspondre aux premières aventures de Ryan n'a été que le sixième roman publié. Le phénomène littéraire des années 90 s'est estompé, de nombreux films ont copié le genre (le "techno-thriller d'espionnage").

Logiquement le premier roman avait donné le premier film. A la poursuite d'octobre rouge était un superbe huis-clos avec Alec Baldwin face à Sean Connery. Un énorme hit avec un box office de 200 millions de $ récoltés dans le monde en 1990.

Deux ans plus tard, Harrison Ford, qui cherche une nouveau héros pour remplacer Indiana Jones, a priori à la retraite, reprend le rôle. Là encore Hollywood respecte la chronologie des romans en reprenant Jeux de guerre, deuxième de la série. Plus classique, mais néanmoins captivant, le film ramasse 180 millions de $ dans le monde. Ford revient deux ans plus tard avec Danger immédiat. Le film est l'adaptation du quatrième bouquin, ce qui signifie qu'Hollywood a zappé Le cardinal du Kremlin, troisième opus du feuilleton littéraire. Le film, pourtant moins réussi que les autres, cartonne avec 215 millions de $ dans le monde. Pourtant la franchise s'arrête.

L'échec d'Affleck

Elle reprend en 2002, avec Ben Affleck dans le rôle de Ryan. La somme de toutes les peurs, sans doute le meilleur roman de la série, est le cinquième roman, se situe entre Danger immédiat et Dette d'honneur dans la chronologie du personnage, et, avec un Jack Ryan plus jeune, se situe presqu'aux origines de l'histoire, tout en la situant après la Guerre Froide. Hollywood veut donc relancer les aventures de l'agent de la CIA. L'épisode est rentable, rapporte 193 millions de $ dans le monde, mais attire en fait beaucoup moins de spectateurs. Il arrive quand Clancy veut en finir avec son héros, qui lui-même evnd moins en librairie. Et puis Affleck est un choix problématique. Tandis que son ami Matt Damon réalise un très beau coup avec les Jason Bourne (film réussi, succès public et critique, réinvention du genre), l'acteur amorce son déclin. D'ailleurs, l'année suivante, Daredevil sera son dernier hit. Surtout sa relation avec Jennifer Lopez, à l'époque, parasite tout le planning média du film...

Jack Ryan ne renaît pas jusqu'en 2008, quand Sam Raimi propose à la Paramount, détentrice des droits, de relancer la franchise. On ne sait pas si Raimi est toujours intéressé, mais le studio a annoncé cette semaine qu'il négociait avec Chris Pine, l'un des acteurs ayant le mieux profité du carton de Star Trek version 2009, dans le rôle de James T. Kirk, produit aussi par la Paramount. Le script est en cours de réécriture.

Si la résurrection cinématographique n'est pas prévue pour être dans les salles avant 2012, il reste étonnant après autant de déboires, et des résultats acceptables mais pas triomphants, que l'on mette autant d'énergie sur un agent de la CIA qui a changé si souvent de tête, sans jamais être réellement incarné.