Vesoul 2014 : l’Asie vue par Sam Ho

Posté par kristofy, le 17 février 2014

sam hoLe Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul fête ses 20 ans ! Tant de passion et d'énergie à transmettre l'amour des films asiatiques depuis une vingtaine d'années, et cela est partagé : quelques cinéphiles qui aiment ces films évoquent leur rapport avec le cinéma asiatique.

Sam Ho, qui a enseigné à l'université chinoise de Hong-Kong et à l'académie des arts de la scène de Hong-Kong, fut longtemps le responsable de programmation du Hong Kong Film Archive. Il a aussi contribué à l'écriture de plusieurs livres sur l'histoire des films hongkongais.

Membre du jury du FICA de Vesoul en 2013, il est de retour au festival cette année pour célébrer les 20 ans de cette manifestation pas comme les autres. A cette occasion, il nous a confié son sentiment sur le cinéma actuel à Hong-Kong :

Je pense que l’année dernière il y a eu deux films vraiment très bons qui sont The Grandmaster de Wong Kar-Wai et Drug War de Johnnie To. Ils sont emblématiques de la production cinématographique actuelle dans le sens où ils font le lien entre Hong-Kong et la Chine, ils ont eu d’ailleurs du succès sur le marché hongkongais et aussi sur le marché chinois.

Le cinéma de Hong-Kong a une très forte tradition de films de comédie, bien que ça soit plutôt les films d’action qui étaient exportés. Les Hongkongais ont le sens de l’humour, ils aiment rire et ils aiment faire rire les gens, et il y aura toujours beaucoup de comédies parce que le public en veut. Je pense en revanche que les films d’action, les films de kung-fu et les films d’arts martiaux font face à une période très difficile en ce moment.

Hong-Kong était connu pour la qualité de ses films d’action, mais mon opinion est que cela est désormais révolu. Le problème est que nous savons toujours faire des films d’arts martiaux et des films d’action mais nous ne parvenons pas à trouver un héros irrésistible qui représente notre présent. On avait ce genre de héros dans le passé avec des acteurs comme Jet Li et Jackie Chan et avant Ti Lung et David Chiang : ils ont chacun reflété et représenté le cinéma de leur époque de manière très puissante. Un film avec Jackie Chan ou Jet Li était marqué de l’identité et du style de l’acteur, un genre de personnage que le public suivait. Par exemple avec A better tomorrow de John Woo, l’acteur Chow Yun Fat s’est imposé comme le héros gangster, et ensuite il y a eu beaucoup de films de gangsters très bons.

Je pense que le problème des films d’action de Hong-Kong de ces quinze dernières années est de ne pas avoir réussi à créer une nouvelle figure héroïque. Par exemple Andy Lau dans Infernal Affairs est un agent double infiltré qui n’appartient vraiment ni à l’univers des méchants ni des gentils de l’histoire, ce film a été très important (ndr : Martin Scorsese l’a recopié avec Les Infiltrés), mais ensuite il n’y a pas eu de continuation ni de prolifération de films avec ce genre de héros.

Le cinéma de Hong-Kong n’est plus innovateur comme avant. Je pense qu’une des raisons est que les réalisateurs hongkongais cherchent trop à séduire le public chinois, et le marché chinois est différent, depuis une quinzaine d’années les films de Hong-Kong ne sont plus très originaux car il y a cette volonté d’être plus commercial pour viser plus d’argent. Il serait facile de dire que ces réalisateurs ont vendu leur âme, mais le cinéma c’est du business, et c’est une industrie avant tout. Je pense que les réalisateurs hongkongais cherchent un nouveau public plus large, dont les Chinois, mais qu’ils ne trouvent pas de connections avec ce public, et les films en pâtissent.

D'une manière générale, on peut considérer qu’il y a malheureusement un certain déclin du cinéma de Hong-Kong, et cela est dû à trois causes. D’abord on produisait autrefois beaucoup de films qui étaient exportés dans tout le sud-est asiatique, mais des pays comme la Corée ou la Thaïlande ont su développer leur propre cinéma, et ils ont donc moins besoin des films venus de Hong-Kong, qui trouvent moins de débouchés. Ensuite, en 1997, il y a eu la rétrocession de Hong-Kong qui a été alors rattaché à la Chine, et donc il y a eu plus de films faits en direction des Chinois et moins pour le public de hongkongais. Enfin, le contenu des télévisions de Hong-Kong était autrefois plutôt mauvais mais les réalisateurs y faisaient leur formation pour ensuite poursuivre leur métier dans le cinéma et y faire des choses mieux, mais la qualité des chaînes de télévision est devenue bien meilleure et désormais ces cinéastes restent travailler à la télé, sans se tourner vers le cinéma qui manque de nouveaux talents.