Jean Piat (1924-2018), une immense carrière à l’écart du cinéma

Posté par vincy, le 19 septembre 2018

Jean Piat, monstre sacré du théâtre français, est mort le 18 septembre 2018 à l'âge de 93 ans. Malgré son immense carrière, débutée en 1947, il est resté à l'écart du 7e art, ou presque.

Né le 23 septembre 1924; il commence en pratiquant le football tout en suivant une éducation catholique - qui le marquera toute sa vie. Il entre à la Comédie-Française il y a 71 ans, et y restera 25 ans. Là-bas, le Sociétaire jouera Victor Hugo, Marivaux, Molière, Beaumarchais, Labiche, Claudel, Feydeau, Giraudoux, Shakespeare, Druon, de Musset, Cocteau et surtout Rostand. Cyrano fut sa pièce emblématique, jouant d'abord un garde, puis Bellerose, un deuxième cadet, Brissaille, un quatrième cadet, Jodelet, et enfin Cyrano de Bergerac en 1964 (au total près de 400 fois). A partir des années 1970, il devient une star du théâtre privé, avec des pièces plus modernes, dont celle de sa seconde épouse, Françoise Dorin, mais aussi de son maître Sacha Guitry, de Neil Simon ou Barillet et Grédy. Plus récemment, il est sur les planches avec des transpositions de films populaires sur scène comme Amadeus, avec Lorant Deutsch et La maison du Lac, avec Maria Pacôme. Sa dernière prestation fut Love Letters, l'an dernier, avec Mylène Demongeot.

Jean Piat a aussi mis en scène une vingtaine de pièces et écrit une quinzaine de livres, principalement sur le spectacle et la langue française (dont Je vous aime bien, Monsieur Guitry).

Pour le grand public, c'est le petit écran qui en fit une vedette, avec Les Rois maudits (de Claude Barma), série légendaire des années 1970 où il incarna Robert d'Artois. Le cinéma, en revanche, ne l'intéressa pas, et vice-versa. Il fut Rouletabille en 1947 et 1948, dans deux films de Christian Chamborant, Lagardère en 1968 et 1968 dans deux films de Jean-Pierre Decourt. Sacha Guitry lui offre des rôles dans Le diable boiteux et Napoléon et Serge Cobbi l'engagea deux fois (La rivale, Ciao les mecs). Jean Piat a tourné avec des cinéastes renommés tels Henri Decoin (Clara de Montargis), Jean Girault (Les moutons de Panurge), Luis Bunuel (La voie lactée) ou René Clément (Le passager de la pluie), passant à côté de la Nouvelle Vague ou des cinéastes contemporains pourtant adeptes de vétérans du métier.

Ignoré des prix et des palmarès (sauf, étrangement, en littérature, et un Molière de l'adaptateur!), Jean Piat avait un jeu classique, basé sur la voix davantage que sur la métamorphose, avec un charisme humble plutôt qu'une présence excessive. Peut-être n'était)-l pas si à l'aise devant une caméra, malgré son esprit et son amour des mots. C'est d'ailleurs en tant que doubleur qu'il a excellé dans le cinéma: la voix de Peter O'Toole en vf dans Lawrence d'Arabie, Lors Jim et La nuit des généraux, celle de Michael Gambon dans Gosford Park, de Claude Frollo dans le film animé Le bossu de Notre-Dame. Mais on retiendra surtout la voix du méchant Scar dans Le Roi Lion, version animation, et celle de Gandalf (aka Ian McKellen) dans les deux trilogies de Peter Jackson adaptées de Tolkien, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit.

Robert Hirsch (1925-2017), un monstre sacré oublié par le cinéma

Posté par vincy, le 16 novembre 2017

Robert Hirsch était considéré à juste titre comme un des monstres sacrés du théâtre français. Il est décédé ce jeudi 16 novembre à l'âge de 92 ans à Paris, a annoncé Francis Nani, directeur du théâtre du Palais-Royal.

La scène était sa religion. 65 ans de carrière sur les planches. Une banale chute à son domicile et son cœur a lâché. Danseur de formation, élève du Conservatoire, Sociétaire de la Comédie française durant 22 ans, il cherchait encore un rôle à jouer. Lui qui avait tout incarné: Arlequin, son personnage emblématique, Scapin, Néron, Tartuffe, Richard III, ... De Shakespeare à Feydeau, de Brecht à Guitry, de Beckett à Goldoni, de Pinter à Zeller, il s'était glissé dans les textes les plus variés. Plusieurs fois "moliérisé" (un record de 5 Molière en plus d'un Molière d'honneur), sachant avec précision la limite entre le grotesque et la caricature, jouant les failles humaines avec la même délectation que leur ridicule, Hirsch se lançait sur les planches comme un nageur sautait dans le vide du haut de son plongeoir, profitant ensuite de chaque phrase, de chaque émotion avec gourmandise.

Charismatique au théâtre, il fut sans doute effrayant pour le cinéma. Il laisse derrière lui de multiples seconds-rôles. Guitry (Si Versailles m'était conté), Decoin (Les intrigantes), Delannoy (Notre-Dame de Paris, Maigret et l'affaire Saint-fiacre), Allégret (En effeuillant la marguerite) lui donnèrent des miettes, des personnages secondaires et séducteurs. Car il était beau, jeune.

Dans les années 1960, il fait quelques petits tours chez Yves Robert (Monnaie de singe), Michel Deville (Martin Soldat), et Alex Joffé (Pas question le samedi, dans lequel il interprète 13 personnages, une prouesse). Et ça ne va pas plus loin après: dans les années 1980, il ne tourne qu'un seul film, La crime de Philippe Labro. Il faut finalement attendre le crépuscule de sa vie pour que les grands cinéastes de leur temps imprime son visage vieillissant sur la pellicule.

Sa vie est un théâtre

Hiver 54, l'abbé Pierre en 1990 de Denis Amar, qui lui vaut son unique César, celui du meilleur second-rôle, hochet de consolation ou de pardon d'un 7e art qui l'a oublié. Suivent Mon homme en 1995 de Bertrand Blier, Mortel transfert en 2001 de Jean-Jacques Beinex, Une affaire privée en 2002 de Guillaume Nicloux, et il y a deux ans, L'antiquaire de François Margolin.

Le petit écran aura été presque plus généreux, notamment en diffusant ses pièces les plus populaires comme Un fil à la patte ou les plus marquantes telles Kean, un roi de théâtre.

Robert Hirsch était un Roi de théâtre et un fantassin du cinéma. Il ne vivait que pour le théâtre, entretenant sa mémoire, refusant l'oreillette. De la trempe des Michel Bouquet, il sortait peu, haïssait les mondanités. "Le théâtre, c'est ce qui me fait vivre. De là sont venues mes plus grandes joies et mes plus grandes déceptions. J'ai été heureux pendant un moment dans ma vie privée, mais ce n'est jamais passé avant le théâtre" lui qui ne disait rien de sa vie privée.

Naturellement drôle, et même plaisantin, il rappelait que son premier coup de foudre fut la danse. La scène était dans son sang. "Quand je ne joue pas, je ne fais rien. Je suis complètement inutile. Je ne m'ennuie pas, mais je ne sers à rien. Je regarde beaucoup la télé, je dors très mal alors je passe la nuit devant Planète, Nat Geo Wild. Et je me lève à 14 heures ! Je sors très peu. Je donne sur scène, après faut plus me demander" rappelait-il il n'y a pas si longtemps à la sortie d'une représentation. Il ne donnera plus rien.

Claude Gensac (1927-2016) s’en va

Posté par vincy, le 27 décembre 2016

Née le 1er mars 1927, l'actrice Claude Gensac s'est éteinte le 27 décembre 2016 à l'âge de 89 ans. Le grand public la connaît pour avoir été dix fois l'épouse de Louis de Funès au cinéma (sa "biche"). Elle a une filmographie impressionnante de plus de 100 films.

Blonde, toujours bien coiffée, a priori bourgeoise, la comédienne était inimitable dans le fantasque et la fantaisie. Diplômée du conservatoire (deuxième prix de tragédie, premier accessit de comédie), elle fait ses débuts au théâtre, dans le domaine plutôt tragique, enchaînant Corneille, Sartre, Claudel, Giraudoux. Elle n'a jamais cessé d'être sur les planches, jouant aussi bien George Bernard Shaw que Jean Poiret, Goerges Feydeau que Jean Anouilh. "Ma biche... c'est vite dit!" avait-elle choisi comme titre de ses mémoires pour rappeler qu'elle n'était pas que la femme-victime des frasques de De Funès.

Elle en voulait un peu à l'acteur de l'avoir réduite à ça. D'autant qu'à la mort de son ami et partenaire, elle a longtemps traversé le désert. C'est Sacha Guitry qui la repère pour son premier rôle au cinéma (La vie d'un honnête homme au côté de Michel Simon et d'un peu connu Louis de Funès). Après un passage chez Autant-Lara (Journal d'une femme en blanc), elle enchaîne les succès populaires avec De Funès: Oscar, la série des Gendarmes, Les grandes vacances, Hibernatus, Jo, L'aile ou la cuisse, L'avare, la soupe aux choux... Il n'y a bien que les films de Gérard Oury qui lui ont échappé.

Une reconnaissance très très très mais très tardive

Prisonnière de son rôle, elle ne retrouve finalement la grâce du cinéma qu'en vieille dame. Mère de Catherine Deneuve touchante et délicieuse dans Elle s'en va d'Emmanuelle Bercot en 2013, elle a enchaîné avec Lulu femme nue de Solveig Anspach (qui lui vaut à 88 ans sa première nomination aux César) et Baden Baden de Rachel Lang. Trop tard sans doute pour se réconcilier avec un 7e art qui n'a pas vu le potentiel qu'elle avait.

On la voit aussi s'amuser sur le petit écran dans Scènes de ménages, en femme de feu Michel Galabru, dans Nos chers voisins, dans Vénus et Apollon.

Elle aura joué jusqu'au bout, tant qu'elle pouvait, adorant passionnément son métier. Elle fut une comédienne dévouée et un bon soldat. Sans doute trop dépendante de Louis de Funès; Assurément assez professionnelle pour devenir la partenaire privilégiée de ce perfectionniste exigeant.

Nicole Courcel (1931-2016), une femme française disparaît

Posté par vincy, le 27 juin 2016

La comédienne française Nicole Courcel, née le 21 octobre 1931, est morte le 25 juin à l'âge de 85 ans. Incarnant la jeunesse française à la Libération, elle a commencé sa carrière après la guerre enchaînant les films d'Henri Decoin (Les amoureux sont seuls au monde), Jean Delannoy (Aux yeux du souvenir), Jacques Becker (Rendez-vous de juillet, après lui avoir fait faire des essais pour Antoine et Antoinette) et Marcel Carné (La Marie du port, une adaptation de Simenon avec Jean Gabin). Dès les années 1950, elle s'impose dans plusieurs succès, devenant une vedette de l'époque. On la voit ainsi dans Si Versailles m'était conté de Sacha Guitry, plusieurs films de Jean-Paul Le Chanois et surtout dans Le Testament d'Orphée de Jacques Cocteau.

Sans jamais avoir été une star, elle a, malgré tout, réussit à séduire des cinéastes de tous horizons. Dans les années 1960, Nicole Courcel tourne avec Paul Vecchiali (Les petits drames, Les ruses du diable), Yves Allégret (Kong Yo), Claude Autant-Lara (Vive Henri IV... vive l'amour), André Cayatte (Le passage du Rhin), Agnès Varda (Les créatures). Au cinéma, elle achèvera sa carrière dans les années 1970 avec Claude Lelouch (L'aventure c'est l'aventure), Claude Pinoteau (La gifle) et en 1979 Jean-Pierre Blanc (L'esprit de famille). Elle est de tous les festivals, de l'URSS à l'Amérique du sud, ambassadrice affranchie du cinéma national.

Sa carrière s'oriente alors cers la télévision. Après avoir incarné Emma Bovary en 1974, on la voit dans des téléfilms comme Credo, de Jacques Deray ou Milady, de Josée Dayan. Elle participe à des séries telles La vallée des peupliers ou Les Thibault.

Elle était aussi présente sur les planches durant plusieurs décennies, passant d'Arthur Miller (Les Sorcières de Salem, avec Signoret et Montand) à Racine, de la comédie de boulevard à Françoise Sagan, de Jean Poiret à Jean-Claude Carrière, travaillant avec des metteurs en scènes aussi différents que Pierre Dux, Félicien Marceau, Pierre Mondy, François Périer, Claude Régy...

Cela faisait douze ans qu'elle avait arrêté le métier. De son vrai nom Nicole Andrieu, elle était à la ville la mère de la journaliste, animatrice de télévision et chroniqueuse culinaire Julie Andrieu. Mère à 42 ans, elle mit alors sa carrière entre parenthèses pour s'occuper de sa fille, qu'elle éleva seule. En 1980, elle lui avait consacré un livre de souvenirs émouvant Julie tempête paru chez Robert Laffont. Elle souffrait d'une maladie cérébrale depuis plusieurs années.