Grève à Cinecittà : une pétition pour sauver les studios mythiques romains

Posté par vincy, le 11 juillet 2012

Cinecittà en crise. Les studios romains, qui appartiennent quasiment au patrimoine du cinéma mondial, sont occupés par quelques dizaines de salariés depuis une semaine, qui défendent le site, menacé de démantèlement en vue de projets immobiliers.

"Des dizaines d'ouvriers, d'artisans, doivent quitter ce site pour aller éventuellement travailler ailleurs, certaines tâches seront confiées à des sociétés externes et nous ne comprenons pas comment ces projets peuvent être synonymes de développement des studios", a déclaré Alberto Manzini, responsable régional de la branche spectacle et communication de la CGIL (gauche), la principale confédération syndicale italienne.

L'ARP, société française des Auteurs, Réalisateurs et Producteurs, a lancé une pétition pour protéger les studios. Claude Lelouch, adu Mihaileanu, Jean-Jacques Beineix, Jeanne Labrune, Olivier Nakache, Artus de Penguern, Jean-Paul Salomé, Costa-Gavras, Michel Hazanavicius, Cédric Klapisch, Coline Serreau, Abderrahmane Sissako et Raoul Peck ont déjà signé le texte. EcranNoir.fr s'est joint à eux. Pour l'instant, il y a un peu plus de 200 signataires.

La pétition est ouverte à tous : "Alertés par leur confrère Ettore Scola, les cinéastes européens sont scandalisés de constater que les studios de Cinecitta, haut-lieu du patrimoine cinématographique mondial, sont mis en péril pour des motifs spéculatifs, et honteusement considérés avec aussi peu d'égards qu'un parking ou un supermarché" explique-t-elle.

L'ARP rappelle la place patrimoniale du lieu dans la culture mondiale : "Est-il urgent de détruire ce lieu inséparable du cinéma de Fellini, Visconti, Comencini, Lattuada, entre autres, pour construire un centre de fitness? Maigrir aux dépens du patrimoine et de la culture, tout un symbole: même sous Berlusconi, ils n'avaient pas osé!". Les studios ne sont toujours pas classés monuments historiques.

Le problème vient de la privatisation des studios en 2007. Italian Entertainment Group - IEG (dont l'Etat est actionnaire à hauteur de 20%) a décidé d'optimiser le foncier. Le plan de développement inclue une externalisation des effectifs de la postproduction, des "délocalisations" du personnel de la production, des activités liées au parc automobile et de la scénographie vers des sous-traitants et surtout des projets de construction d’un hôtel de luxe, de parkings, d’un centre de fitness et de restaurants autour d’un nouveau studio (ce qui ferait un total de cinq). Le serpent de mer du parc à thèmes dédié au cinéma revient aussi à la surface.

Les cinéastes Ettore Scola et Sabrina Guzzanti ont très vite soutenu les salariés de Cinecittà Studios. IEG se justifie en affirmant qu'aucun licenciement n'est en jeu et en défendant une stratégie nécessaire pour sa compétitivité internationale. Partout en Europe, les studios se créent ou se modernisent, développement des équipements annexes pour rentabiliser leurs terrains.

Mais l'Italie, frappée durement par la crise, réduit ses interventions publiques. Difficile d'imaginer un gouvernement taillant dans les dépenses venir sauver cette institution, sauf à le classer au registre du patrimoine italien. Les responsables politiques de gauches ont décidé de soutenir les grévistes. "Les travailleurs de Cinecitta occupent les studios pour attirer l'attention de l'opinion publique sur une spéculation incompréhensible qui risque de toucher un secteur important de notre culture et de notre économie", a déploré Antonio Di Pietro, chef du parti d'opposition Italie des valeurs (IDV).

Mais il y a peu d'espoir. Après plus de 30 ans d'abandon de politique culturelle, l'Italie ne parvient pas à sauver son patrimoine historique. Le comble est que la ville de Rome investit massivement dans son Festival de cinéma, afin de battre à moyen terme celui de Venise. Une rivalité insensée qui coûte une fortune aux différentes collectivités concernées.