Cannes 2018 : la révolution égyptienne avec « 18 jours, film collectif »

Posté par MpM, le 18 mai 2018

Puisqu'on célèbre cette année les 50 ans de mai 68, et l'anniversaire de ce festival qui n'eut pas lieu, c'est l'occasion d'explorer les rapports de Cannes avec la Révolution. Sur la croisette, où les spectateurs défilent en smoking et robes de soirées, où un simple selfie est jugé "irrespectueux", et où toute la société festivalière est organisée en castes strictes, les mouvements de révolte et de contestation eurent souvent les honneurs d'une sélection. C'est là tout le paradoxe d'une manifestation très attachée à ses traditions, et qui n'a pourtant cessé de montrer, défendre et encourager ces moments de l'Histoire où des hommes et des femmes ont pris leur destin en mains.

En 2011, l'actualité la plus récente s'invite sur la Croisette. 18 jours, co-réalisé par dix réalisateurs égyptiens (Sherif Arafa, Yousry Nasrallah, Mariam Abou Ouf, Marwan Hamed, Mohamed Aly, Kamla Abou-Zikri, Chérif Al-Bendari, Khaled Marei, Ahmad Abdalla et Ahmad Alaa), raconte en dix chapitres la Révolution égyptienne qui vient de se tenir du 25 janvier au 11 février, et a abouti au départ du président Housni Moubarak, après 30 années de pouvoir sans partage.

Le projet s'est monté très vite, à l'issue d'une seule réunion de préparation. Les réalisateurs étaient libres de choisir leur sujet, tout en veillant à une certaine "cohérence thématique", et en respectant les consignes de tournage : deux jours de tournage maximum, avec des caméras numériques. Aucun budget n'a été alloué au film. "Pas de budget, c'est notre budget" a été la devise des producteurs.

Les dix courts métrages ont ainsi été tourné dans l'urgence (certaines images avaient été filmées au cœur des manifestations, avant même que le projet ne soit lancé), avec l'envie de témoigner de manière un peu brute des réalités de la Révolution. Chaque film aborde ainsi à sa manière la révolution en train de se produire : un couple sur le point de rompre à cause du contexte de révolte, la vision des événements depuis un salon de coiffure ou un établissement psychiatrique, la révolution en ligne avec un jeune homme qui vit le Printemps arabe sur son ordinateur, l'arrestation d'un leader révolutionnaire, les tentatives de deux marginaux de profiter du mouvement pour s'enrichir...

Avec ses scènes immersives au milieu de la foule, ses plans larges sur la place Tahrir occupée, sa manière de montrer l'impact du collectif sur les destins personnels, 18 jours propose un instantané précieux d'un moment finalement très bref, mais fondamental, de l'Histoire égyptienne. En l'invitant dans la foulée en séance spéciale, le Festival de Cannes affirme son désir de rester en prise avec l'actualité, et la volonté qui a toujours été la sienne de témoigner de son époque.

Au moment de la projection, des polémiques viennent gâcher la fête : Marwan Hamed et Sherif Araf sont accusés d'avoir collaboré avec le régime de Moubarak (en 2006, Sherif Arafa a filmé une interview de Moubarak et Marwan Hamed a réalisé une pub pour le Parti national démocratique de Moubarak). Tous les deux ont aussi réalisé des films critiques comme L’Immeuble Yacoubian pour Marwan Hamed et Terrorisme et Kébab pour Sherif Arafa. Yousri Nasrallah prend la défense de ses confrères en écrivant notamment ce commentaire sous un article des Inrocks qui les incrimine : "Le fait est que Marwan Hamed était avec nous (les manifestants anti-Moubarak) depuis le 28 janvier, et j’ai vu Sherif Arafa sur la place dès le 1er février. Il faut pouvoir vivre avec l’idée que certains cinéastes et intellectuels de talent puissent changer de cap, même à la dernière minute (qui n’est pas le cas de ces deux cinéastes, puisque Marwan était là dès le début et c’est lui qui, le 29 janvier, sur la place Tahrir, nous a proposé de tourner ces courts-métrages)."

La polémique s'essouffle, reste le film qui sort en salles le 7 septembre 2011. La révolution égyptienne, elle, connaît l'épilogue que l'on sait. Mais l'énergie et la réalité des événements sont fixées pour toujours, et Cannes a contribué à ce que le monde en prenne connaissance.

Cannes 2018 : la révolution irlandaise avec Le vent se lève

Posté par MpM, le 16 mai 2018

Puisqu'on célèbre cette année les 50 ans de mai 68, et l'anniversaire de ce festival qui n'eut pas lieu, c'est l'occasion d'explorer les rapports de Cannes avec la Révolution. Sur la croisette, où les spectateurs défilent en smoking et robes de soirées, où un simple selfie est jugé "irrespectueux", et où toute la société festivalière est organisée en castes strictes, les mouvements de révolte et de contestation eurent souvent les honneurs d'une sélection. C'est là tout le paradoxe d'une manifestation très attachée à ses traditions, et qui n'a pourtant cessé de montrer, défendre et encourager ces moments de l'Histoire où des hommes et des femmes ont pris leur destin en mains.


En 2006, Ken Loach est de retour à Cannes avec Le vent se lève, une fresque sensible et engagée qui raconte la guerre d'indépendance irlandaise entre 1919 et 1921 ainsi que la guerre civile qui suivit. S'il y suit deux frères engagés dans l'Armée républicaine irlandaise, le film est surtout une plongée immersive dans la réalité de l'Irlande d'alors, entre injustices, persécutions et révoltes.

La première partie est ainsi une ode à l'action collective et à l'espoir d'un monde doublement meilleur : parce que débarrassé de l'oppresseur, mais aussi parce que plus équitable et juste. La deuxième voit s'effriter l'union des combattants révoltés, jusqu'à une guerre fratricide dont l'Irlande porte encore les stigmates. Ken Loach décortique les différents mécanismes présidant à la révolte de même qu'il observe au microscope le processus qui conduit les alliés d'hier à s'entretuer. A la fois sur le plan idéologique (les oppositions et les divergences naissantes au sein du groupe) et aussi plus concrètement.

Ainsi, le réalisateur s'attache à ne pas montrer que les exactions des Anglais. Les Irlandais se sont battus les armes à la main, et pas toujours de la manière le plus honorable, rappelle-t-il. On voit par exemple des guets-apens contre l'ennemi transformés en véritable tir aux pigeons ne ménageant aux victimes aucune possibilité de s'enfuir ou de se rendre. L'armée irlandaise tombe elle-même dans un engrenage de violence sans fin lorsqu'elle doit châtier ses propres hommes "pour l'exemple". Comme pour annoncer la noirceur des temps à venir.

Il y a quelque chose d'inhérent à la révolution elle-même dans ce coup de balancier qui après l'euphorie mène à la désillusion, une forme d'inéluctable que la caméra bienveillante de Loach filme avec acuité, ne cachant pas le camp qui a sa préférence, et ne dissimulant pas plus les sacrifices parfois insupportables que nécessitent toutes les luttes de libération.

Sur un plan plus purement cinématographique, Le vent se lève est un film si finement écrit (par Paul Laverty) que chaque scène a une fonction précise dans l'intrigue et que rien, malgré les deux heures du film, ne semble gratuit ou superflu. On est emporté par le vent de l'histoire sans jamais perdre de vue de n'y être que des fétus de paille. Ces épis d'orge que le vent secoue, comme dans le titre original inspiré d'une chanson folklorique du XIXe siècle (The wind that shakes the barley). Le jury présidé par Wong Kar-Wai ne s'y trompa pas, qui décerna à Loach sa première Palme d'or.

Cannes 2018 : la révolution trotskyste avec « Mourir à 30 ans » de Roman Goupil

Posté par MpM, le 13 mai 2018

Puisqu'on célèbre cette année les 50 ans de mai 68, et l'anniversaire de ce festival qui n'eut pas lieu, c'est l'occasion d'explorer les rapports de Cannes avec la Révolution. Sur la croisette, où les spectateurs défilent en smoking et robes de soirées, où un simple selfie est jugé "irrespectueux", et où toute la société festivalière est organisée en castes strictes, les mouvements de révolte et de contestation eurent souvent les honneurs d'une sélection. C'est là tout le paradoxe d'une manifestation très attachée à ses traditions, et qui n'a pourtant cessé de montrer, défendre et encourager ces moments de l'Histoire où des hommes et des femmes ont pris leur destin en mains.

En 1982, un vent de militantisme souffle sur la Croisette : la Semaine de la Critique a sélectionné un premier film choc, mêlant témoignages et images d'archives, qui évoque les années de lutte de la jeunesse communiste à travers le destin du militant d'extrême gauche Michel Recanati. C'est Romain Goupil, lui-même ancien militant, qui réalise ce documentaire habité conçu comme un hommage à son ami Recanati qui s'est suicidé en 1978, à trente ans.

Flashback : en 1965, Romain Goupil (14 ans) rencontre Michel Recanati (17 ans). Ils deviennent amis et vivent ensemble leur première prise de conscience politique avec la guerre qui fait rage au Vietnam. Recanati fonde les Comités d'Action lycéen puis s'inscrit sur les listes de la Jeunesse communiste révolutionnaire, dirigée par Alain Krivine. Goupil devient l'un des leaders du Comité d'action lycéen. Une profonde amitié les unit, qui traversera les grands événements de la période : mai 68 et ses barricades, juin 1973 et son action violente.

A travers Mourir à trente ans, Romain Goupil revisite non seulement les années passées à côté de ce camarade de lutte, mais aussi leurs espoirs, leurs idéaux, leurs réussites, leurs déceptions, leurs échecs... On revit mai 68 à travers les images d’assemblées générales et de manifestations tournées à l'époque tandis que des documents plus intimes et les témoignages d’anciens camarades dessinent en creux le portrait d’une génération.

En juin 1982, Hervé Guibert livre dans Le Monde un sentiment à chaud sur ce film "inoubliable" qui l'a bouleversé : "[Mourir à 30 ans] s’adresse à toute cette génération qui a « raté » l’événement (un peu comme on a raté à jamais, un tour de chant d’Edith Piaf), et nous met, très concrètement, au pied du mur de ce que fut mai 1968, nous fait toucher du doigt, fraternellement, en grand frère, cette plaie toujours vive, non pas pour nous mettre du sang sur les doigts, mais pour qu’on examine la dimension de la plaie, sa figuration, et la nature exacte du coutelas qui l’a ouverte. Enquête sur un espoir manipulé, enquête sur la mort d’un ami. Le sanglot reste intérieur, mais le film de Romain Goupil donne une terrible envie de pleurer. Pas seulement parce qu’il en va de la mort d’un jeune homme, mais parce qu’il en va de la mort de l’espoir de cet homme, et de toute une génération. Voyez ces têtes sur l’écran, ces visages interrogés devant le fond neutre d’un studio aménagé en appartement, comme ils sont marqués. On a un frisson de rescapé en pensant qu’on a seulement frôlé l’espoir, qu’une date de naissance a empêché qu’il nous atteigne, et on écope maintenant son contrecoup, comme un courant d’air glacial qui nous rase le dos, comme une zone sinistrée qui s’étend derrière nous dès qu’on tourne la tête."

Il résume ainsi brillamment l'effet que le film a sur ceux qui le découvrent, et sa nature de document incandescent sur Mai 68 d'abord, sur toutes les années de lutte ensuite (la séquence sur la manifestation anti-fasciste du 21 juin 1973, qui marqua la fin des activités de Michel Recanati, notamment, se regarde comme en apnée) et enfin sur le désenchantement qui suivit. Romain Goupil reçoit la Caméra d'or et le César du meilleur premier film. Il confirme alors sa place de chantre de Mai 68 et des luttes contestataires du XXe siècle.

Avant que le temps ne le rattrape, et lui fasse emprunter des chemins plus conservateurs. En 2017, il soutient Emmanuel Macron lors de l'élection présidentielle, et cette année, il est de retour à Cannes, en séance spéciale, pour présenter le documentaire La traversée co-réalisé avec Daniel Cohn-Bendit, et dont l'ambition est d'être "une "mosaïque" de la France, sans "vouloir rien prouver", une observation du quotidien des Français, 50 ans après mai 1968". Un film dans lequel Emmanuel Macron lui-même a une place de choix. La boucle est bouclée, bien sûr. Mais on ne peut s'empêcher de se demander ce qu'en aurait pensé Michel Recanati.

Cannes 2018: La révolution algérienne avec « Chronique des années de braise » de Mohammed Lakhdar-Hamina

Posté par vincy, le 11 mai 2018

Puisqu'on célèbre cette année les 50 ans de mai 68, et l'anniversaire de ce festival qui n'eut pas lieu, c'est l'occasion d'explorer les rapports de Cannes avec la Révolution. Sur la croisette, où les spectateurs défilent en smoking et robes de soirées, où un simple selfie est jugé "irrespectueux", et où toute la société festivalière est organisée en castes strictes, les mouvements de révolte et de contestation eurent souvent les honneurs d'une sélection. C'est là tout le paradoxe d'une manifestation très attachée à ses traditions, et qui n'a pourtant cessé de montrer, défendre et encourager ces moments de l'Histoire où des hommes et des femmes ont pris leur destin en mains.

Palme d'or en 1975, Chronique des années de braise du vétéran Mohammed Lakhdar-Hamina évoque la révolution algérienne à travers les yeux d'un paysan. Découpé en six volets - des années de Cendre au 1er novembre 1954 - le film montre les mutations de l'Algérie, encore colonisée par les Français, et notamment l'exode rural, la misère, et bien entendu la montée du nationalisme.

Avec ce film, Mohammed Lakhdar-Hamina signe une tragédie où la révolution est indissociable du sacrifice, une libération par le sang, que l'on transmet à la génération suivante.

De 1939 au 11 novembre 1954, c'est en fait la construction d'une révolution jusqu'à son "explosion" qui nous est racontée. Ce long processus, où la souffrance individuelle se mêle à la colère collective, est évidemment le résultat d'une colonisation qui a échoué et qui n'est plus acceptable. On comprend mieux que le cinéaste ait été menacé de mort lors de sa venue à Cannes par des anciens membres de l'OAS.

Cette fresque historique, importante historiquement comme cinématographiquement, est portée par un style simple et lyrique.

Premier film africain et premier film en langue arabe à obtenir la Palme d'or, il reste encore aujourd'hui l'un des films du monde arabe les plus emblématiques du XXe siècle.

Pourtant, ça n'a pas été si facile. Le film, malgré sa Palme, ne sort que dans quelques salles à Paris, en version originale, alors que la version française existe. Paradoxalement, le budget pour la promotion est faible alors qu'il s'agit d'une production extrêmement coûteuse (ce qui lui vaut des critiques dans un pays qui se bat contre la pauvreté). "Avec un budget de publicité aussi faible, la promotion de mon film n'est pas assurée correctement. C'est grave ; non seulement pour des raisons économiques, mais parce qu'il est politiquement important qu'un grand nombre de Français voient la Chronique, aient une autre idée de l'Algérie, des Algériens" expliquait-il à l'époque.

C'est justement ça qui est intéressant avec cette Palme : le point de vue des Algériens sur une période que le cinéma français ne parvient pas à restituer autrement que sous l'œil culpabilisé du colonisateur ou d'un récit "national" déformé. Les grands auteurs ont tous essayé de parler de l'Algérie - Le Petit Soldat (1960) de Jean-Luc Godard, Muriel (1963) d'Alain Resnais, Avoir vingt ans dans les Aurès (1972) de René Vautier, Liberté la nuit (1983) de Philippe Garrel, La Guerre sans nom (1991) de Bertrand Tavernier et Patrick Rotman, ... mais c'est bien le film de Mohammed Lakhdar-Hamina qui raconte le mieux cette révolution.

Cannes 2018: La révolution russe avec « Docteur Jivago » de David Lean

Posté par vincy, le 9 mai 2018

Puisqu'on célèbre cette année les 50 ans de mai 68, et l'anniversaire de ce festival qui n'eut pas lieu, c'est l'occasion d'explorer les rapports de Cannes avec la Révolution. Sur la croisette, où les spectateurs défilent en smoking et robes de soirées, où un simple selfie est jugé "irrespectueux", et où toute la société festivalière est organisée en castes strictes, les mouvements de révolte et de contestation eurent souvent les honneurs d'une sélection. C'est là tout le paradoxe d'une manifestation très attachée à ses traditions, et qui n'a pourtant cessé de montrer, défendre et encourager ces moments de l'Histoire où des hommes et des femmes ont pris leur destin en mains.

On pourra s'étonner de voir un mélodrame historique de David Lean lié à la révolution prolétaire et sanglante qui conduisit la Russie impériale à l'URSS communiste. Pourtant Docteur Jivago, sorti aux USA en 1965, est bien un film sur la révolution de 1917. C'est aussi un film cinq fois oscarisé (sur dix nominations), avant d'être en compétition à Cannes, en 1966. Ce fut surtout l'un des plus grands succès de l'histoire du cinéma : si on prend en compte l'inflation, le film épique aurait rapporté 1,14 milliard de dollars de recettes actuelles, se classant 8e, derrière Autant en emporte le vent, Star Wars, E.T., Titanic, mais devant Blanche-Neige, Star Wars: le réveil de la force, Ben Hur et Avatar. En France, avec 9,8 millions d'entrées, il se classe 32e.

Que nous raconte-t-il pour séduire autant les masses? Une histoire d'amour tragique. La quête d'un passé, nostalgique. L'histoire centrale de Docteur Jivago se déroule à l'aube de la Première guerre mondiale. Tsaristes, idéalistes, futurs révolutionnaires, militaires : toute la Russie est là à préparer pour les uns leur survie, pour les autres leur libération. La guerre éclate, et les traumatismes qui meurtrissent la jeunesse et le peuple, tandis que la révolte civile grossit, sous l'impulsion des Bolcheviks.

David Lean, qui s'y connaissait en belles images et donnait un sens visuel à ses métaphores, transforme le pays en un grand désert blanc, où le héros, un médecin-poète, erre déboussolé. Ce que l'on retient de cette épopée historique est davantage la tragédie amoureuse. Pourtant le cinéaste montre aussi comment les conflits, externes et intérieurs, détruisent les vies. Sous les Tsars et comme sous les Communistes, il n'y a pas de salut pour la liberté. On meurt ou on est déporté.

Le raffinement de David Lean ne masque jamais les tourments psychologiques de ces personnages. Et comme avec Lawrence d'Arabie, le réalisateur se confronte à l'histoire moderne. Après la naissance du monde arabe et la décolonisation, le voici qui s'attaque à "l'ennemi de l'Est" en pleine guerre froide. Cela reste une révolution vue d'Occident (l'Oural sont en fait les Pyrénées filmés d'Espagne), avec des acteurs internationaux qui n'ont rien de russe, à l'image esthétisée où la couleur traduit les émotions ou les camps politiques.

A ce titre, Docteur Jivago est quand même l'un des rares films occidentaux importants sur cette période. Mieux, il suit les différentes étapes de la révolution, ne se contentant pas d'octobre 1917 et du triomphe de Lénine & co. Les débuts de cette révolution, qui naît vers 1905 jusqu'aux prémices de la Première guerre mondiale, sont souvent ignorés par le cinéma. En suivant tout le processus, David Lean réalise un film historique plus juste qu'en apparence.

Et plus sensible que ce qu'on pourrait croire, puisqu'il a été interdit en URSS. Le film a pu être projeté en Russie près de trente ans plus tard, en 1994.